Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20010525

Dossier: 2000-3974-IT-I

ENTRE :

ELEANOR M. DUNGAN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Hamlyn, C.C.I.

[1]      L'appel en l'instance est interjeté à l'encontre d'une nouvelle cotisation établie relativement à un crédit non remboursable pour frais médicaux pour l'année d'imposition 1998.

[2]      Par l'intermédiaire de son représentant (son fils, Robert Dungan), l'appelante a fait valoir ce qui suit :

1.                  L'appelante avait besoin d'une aide constante pour maintenir un régime alimentaire équilibré, assurer son hygiène personnelle et prendre ses médicaments;

2.                  En raison de ses besoins constants, la famille, avec l'accord de son médecin, le Dr R. H. Friesen, a décidé de la placer dans un établissement, appelé le Peterborough Manor;

3.                  Le Peterborough Manor n'est pas une maison de santé autorisée. Cependant, il offrait l'équipement, les installations et le personnel dont l'appelante avait précisément besoin pour assurer sa survie.

[3]      Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a fait valoir ce qui suit :

1.                  Le crédit non remboursable pour frais médicaux qu'a demandé l'appelante pour l'année d'imposition 1998 se rapportait au total des frais d'occupation de 33 209,72 $ qui ont été payés par l'appelante et son époux, Bert Dungan, pour leur compte, au Peterborough Manor[1];

2.                  Le Peterborough Manor est une maison de retraité et non une maison de santé;

3.                  L'appelante et Bert Dungan résidaient au Peterborough Manor, une maison de retraités, dans l'année d'imposition 1998;

4.                  Dans l'année d'imposition 1998, le Peterborough Manor n'a pas spécifiquement offert l'équipement, les installations ou le personnel requis pour être considéré comme une maison de santé;

5.                  Aucun médecin n'a attesté que l'appelante et Bert Dungan étaient des personnes qui, en raison d'un handicap physique ou mental, avaient besoin de l'équipement, des installations ou du personnel spécifiquement offerts par le Peterborough Manor.

QUESTION EN LITIGE

[4]      Les frais d'occupation de 26 009 $ que l'appelante a payés dans l'année d'imposition 1998 au Peterborough Manor sont-ils des frais médicaux au sens du paragraphe 118.2(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » )?

ÉLÉMENTS DE PREUVE IMPORTANTS

[5]      Un seul témoin a été appelé, soit le fils de l'appelante, Robert Dungan. Il a décrit comment l'état de santé de ses parents s'était détérioré et était devenu troublant, jusqu'à ce que la situation devienne insupportable en juin 1997; plus particulièrement, sa mère, l'appelante, était devenue à peu près incapable de s'occuper d'elle-même, elle prenait une quantité excessive de médicaments, au point de causer des dommages à ses organes, et ne pouvait plus se nourrir, prendre ses médicaments et assurer son hygiène personnelle.

[6]      En 1997, le fils de l'appelante a tenté en vain de trouver une maison de santé. Il a indiqué qu'il y avait un nombre insuffisant de maisons du genre dans la région de Peterborough et que, pour accéder au réseau des maisons de santé, il fallait passer par une « agence d'accès à des soins » . Il a finalement trouvé, par l'entremise de l'agence locale de Peterborough, une maison de retraité offrant des services de soins infirmiers, d'appel infirmier, d'intervention d'urgence, de supervision de la prise des médicaments, du matériel de sécurité, des salles de bain pour personnes handicapées, de l'aide aux résidents pour prendre leur bain, pour se déplacer et pour superviser les soins personnels.

[7]      Deux documents ont été déposés, tous les deux signés par le médecin de l'appelante :

(1)               La pièce A-1, le certificat pour le crédit d'impôt pour personnes handicapées daté du 5 novembre 1998, indique en partie ceci :


[TRADUCTION]

Eleanor Dungan

[...]

[...] diagnostic médical relatif à la déficience [...]

ostéoarthrite

démence précoce

[...]

2. Marche

Votre patient peut-il marcher, à l'aide d'un appareil si nécessaire? (Par exemple, au moins 50 mètres sur un terrain plat.) [...]

(réponse) Non.

[...]

4. Facultés mentales

Votre patient est-il capable de réfléchir, de percevoir et de se souvenir, à l'aide de médicaments ou d'une thérapie si nécessaire? (Par exemple, il peut gérer ses affaires personnelles ou s'occuper de ses soins personnels sans supervision.) [...]

(réponse) Non.

[...]

7. Élimination

Votre patient peut-il contrôler et s'occuper lui-même de ses fonctions intestinales et urinaires, à l'aide d'un appareil si nécessaire? (Par exemple, il a une stomie simple ou utilise un cathéter.)

(réponse) Non.

[...]

8. La déficience a-t-elle duré ou devrait-elle durer au moins 12 mois consécutifs?

(réponse) Oui.

9. La déficience est-elle suffisamment grave pour limiter, en tout temps ou presque, l'activité essentielle de la vie quotidienne même si le patient utilise des appareils appropriés, prend des médicaments ou suit une thérapie?

[...]

J'ai lu le document d'information et les renseignements contenus dans ce formulaire et j'atteste que, à ma connaissance, ceux-ci sont vrais et complets.

« R. H. Friesen, M.D. »

(2)               La pièce R-3 est une lettre datée du 8 septembre 2000, dont le texte est reproduit ci-après :

[TRADUCTION]

Objet : Eleanor M. Dungan, Appel en matière d'impôt

Monsieur, Madame,

Je suis un médecin dûment qualifié et autorisé à pratiquer dans la province de l'Ontario. J'ai obtenu mon diplôme de l'Université de Toronto, à la suite de quoi j'ai effectué une résidence de deux ans en médecine familiale à l'Université Western de l'Ontario. J'ai obtenu mon CCMF en 1981.

J'ai examiné Mme Dungan pour la première fois au mois de juin 1997. À cette époque, elle et son époux avaient emménagé au Peterborough Manor après avoir vendu la maison qu'ils possédaient à Toronto. M. et Mme Dungan ne pouvaient plus s'occuper d'eux-mêmes de manière adéquate. Ils ont emménagé au Peterborough Manor en raison des soins offerts pas un établissement de cette nature. Mme Dungan y était sous bonne supervision du fait de son état de santé, qui se détériorait progressivement. Elle était atteinte notamment de démence précoce, un diagnostic qui a initialement été posé en 1997 à Toronto. L'état de Mme Dungan s'était ensuite aggravé au point où elle a dû être hospitalisée en février 1999. Après avoir passé près d'un an à l'hôpital, elle a été placée dans la maison de santé.

Les problèmes de santé de Mme Dungan sont à mettre sur le compte notamment d'une consommation excessive d'alcool et d'analgésiques par le passé et d'une démence progressive, qu'un accident vasculaire cérébral est venu compliquer.

Il ne fait aucun doute qu'elle aura besoin de la supervision qu'offre le Peterborough Manor au cours de l'année 1998. J'espère que ce sont là les renseignements dont vous avez besoin.

Je vous prie d'agréer, Monsieur, Madame, mes salutations distinguées.

« Dr R. H. Friesen, MD, CMF »

ANALYSE

[8]      Les frais d'occupation de 26 009 $ que l'appelante a versés dans l'année d'imposition 1998 au Peterborough Manor sont-ils des frais médicaux au sens du paragraphe 118.2(2) de la Loi?

[9]      Les frais médicaux qui sont admissibles aux fins du crédit sont précisés aux alinéas 118.2(2)a) à q). Dans la présente affaire, deux alinéas ont été invoqués, les alinéas 118.2(2)d) et e) de la Loi. À l'alinéa 118.2(2)d), il est dit que les frais engagés dans une maison de santé pour un séjour à temps plein sont des frais médicaux admissibles pour un particulier qui a une déficience mentale ou physique grave et prolongée. La disposition s'applique également au particulier qui, faute d'une capacité mentale normale, dépend d'autrui pour ses besoins et soins personnels et continuera d'en dépendre dans un avenir prévisible. Cet état doit être attesté par un médecin autorisé à exercer sa profession aux termes de la législation applicable dans la province ou le territoire où le contribuable réside.

[10]     Dans la présente affaire, l'alinéa 118.2(2)d) ne s'applique pas pour la principale raison que le Peterborough Manor n'est pas une maison de santé.

[11]     L'alinéa 118.2(2)e) s'applique si une personne habilitée à cette fin atteste que le particulier, son époux ou conjoint de fait ou une personne à charge visée à l'alinéa 118.2(2)a) est une personne qui, en raison d'un handicap physique ou mental, a besoin de l'équipement, des installations ou du personnel expressément fournis par une école ou institution ou un autre établissement offrant des soins et des services de réadaptation aux particuliers ayant un handicap semblable au sien. Il n'est pas nécessaire que les soins soient prodigués à temps plein pour qu'ils soient admissibles aux termes de cet alinéa.

[12]     Dans l'affaire La Succession de Harry Title c. La Reine,[2] le ministre a refusé à l'appelant, qui était décédé, la déduction d'un montant de 71 361,60 $, qu'il avait payé pour un séjour dans une maison de santé non autorisée. La succession de l'appelant a interjeté appel à la Cour canadienne de l'impôt. Le juge Bell a admis l'appel en s'appuyant sur les conditions énoncées à l'alinéa 118.2(2)e) de la Loi. L'une d'elles est l'obligation d'attester que l'appelant a besoin de l'aide qu'offre l'établissement en cause. Le juge Bell a conclu que la lettre du médecin de l'appelant indiquant que « [c]ette personne a besoin de supervision depuis le 31 janvier 1995 à cause de sa maladie. Elle a besoin d'accompagnement 24 heures par jour. » [3] satisfaisait à la condition. Toutefois, la Cour d'appel fédérale[4] a infirmé la décision de la Cour canadienne de l'impôt. Le juge Sharlow, se prononçant pour la Cour d'appel fédérale, a dit ceci :

À notre avis, une attestation prévue à l'alinéa 118.2(2)e) doit au moins préciser le handicap mental ou physique qu'a le patient, et l'équipement, les installations ou le personnel dont le patient a besoin afin d‘obtenir le soin ou la formation nécessaire pour faire face à ce handicap. Les attestations en l'espèce sont tout simplement trop vagues pour répondre à cette exigence.

CONCLUSION

[13]     Dans la présente affaire, le médecin de l'appelante situé à Peterborough a attesté que celle-ci était atteinte d'ostéoarthrite et de démence précoce et que les activités liées à la marche, à ses facultés mentales et à l'élimination étaient gravement restreintes en raison de ces déficiences (pièce A-1). La preuve montre que le Peterborough Manor était, en 1998, une maison de retraité qui offrait, entre autres choses, des services d'intervention d'urgence 24 heures sur 24, de supervision de la prise de médicaments, de supervision et d'assistance pour le bain et l'hygiène, des repas réguliers et équilibrés, de l'aide pour les déplacements, un système d'appel infirmier et un poste de soins infirmiers. À la pièce R-3, le médecin de l'appelante indique que le Peterborough Manor est un établissement qui assure les soins et la supervision dont sa patiente a besoin en raison de son état de santé, qui se détériore progressivement.

[14]     Je conclus par conséquent que les frais de 26 009 $ ont été payés pour que des soins soient prodigués à l'appelante pendant son séjour au Peterborough Manor. Un médecin a attesté que, du fait de son handicap physique et mental, lequel a fait l'objet d'un diagnostic, l'appelante avait besoin des installations et du personnel expressément fournis par le Peterborough Manor pour le soin des résidents qui souffraient de handicaps semblables au sien.

DÉCISION

[15]     L'appel est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que le montant de 26 009 $ que l'appelante a versé au Peterborough Manor dans l'année d'imposition 1998 représente des frais médicaux au sens de l'alinéa 118.2(2)e) de la Loi.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de mai 2001.

« D. Hamlyn »

            J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de février 2002.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-3974(IT)I

ENTRE :

ELEANOR M. DUNGAN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 16 mai 2001 à Belleville (Ontario), par

l'honorable juge D. Hamlyn

Comparutions

Représentant de l'appelante :                Kevin A. Dunn

Avocat de l'intimée :                            Me Richard Gobeil

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est admis, sans frais, et la cotisation déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que le montant de 26 009 $ que l'appelante a versé au Peterborough Manor dans l'année d'imposition 1998 représente des frais médicaux au sens de l'alinéa 118.2(2)e) de la Loi.

          L'appelante n'a droit à aucune autre mesure de redressement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de mai 2001.

« D. Hamlyn »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de février 2002.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1]               Selon la preuve produite, le total des frais de 33 209,72 $ a été payé dans l'année d'imposition 1998 par l'appelante et Robert Dungan au Peterborough Manor. Une fois l'étape de la présentation de la preuve franchie, les parties ont convenu que les frais qui se rapportaient à l'appelante s'élevaient à 26 009 $ pour l'année d'imposition 1998; l'appel a été limité à ce montant.

[2]               C.C.I., no 98-2431(IT)G, 25 février 2000 (2000 DTC 1991).

[3]                Ibid., à la page 4 (DTC : à la page 1992).

[4]               Succession Title c. La Reine, 2001, C.A.F. no 530.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.