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Date: 20010703

Dossier: 2001-187-IT-I

ENTRE :

DORA OLIVA,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bonner, C.C.I.

[1]      L'appel en l'espèce est interjeté à l'encontre de cotisations d'impôt sur le revenu établies pour les années d'imposition 1994 à 1998.

[2]      Dans le calcul de son revenu pour 1997, l'appelante a déduit une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise (PDTPE) découlant d'une perte autre qu'une perte en capital pour l'année. L'appelante a demandé à reporter la perte autre qu'une perte en capital sur des années antérieures, soit 1994, 1995 et 1996, et sur une année ultérieure, soit 1998. Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a rejeté la demande. Il a établi une cotisation en se fondant sur l'hypothèse que l'appelante n'avait pas le droit de déduire la PDTPE parce que la perte était nulle en vertu du sous-alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Cette disposition est libellée dans les termes suivants :

(2) Malgré le paragraphe (1) :

g)          est nulle la perte subie par un contribuable et résultant de la disposition d'un bien, dans la mesure où elle est :

[...]

(ii)         une perte résultant de la disposition d'une créance ou d'un autre droit de recevoir une somme, sauf si la créance ou le droit a été acquis par le contribuable en vue de tirer un revenu (qui n'est pas un revenu exonéré) d'une entreprise ou d'un bien, ou en contrepartie de la disposition d'une immobilisation en faveur d'une personne avec qui le contribuable n'avait aucun lien de dépendance,

[...]

[3]      La demande de déduction de la PDTPE se rapportait à un paiement de 210 000 $ que l'appelante a effectué en faveur de la Banque Scotia conformément à la garantie offerte eu égard à un prêt consenti par la Banque à Fifeshire Developments Limited.

[4]      Fifeshire comptait deux actionnaires principaux, David Navy Enterprises Ltd. et Panda Construction Company Limited. L'appelante n'était pas actionnaire de Fifeshire, ni non plus de Navy ou de Panda. Son époux, Letterio Oliva, et son beau-père, étaient les deux actionnaires de Panda.

[5]      Fifeshire exploitait une entreprise de construction de maisons en vue d'en faire la vente. Pour accroître le volume de ses activités commerciales, elle avait besoin de fonds supplémentaires. En 1990, l'époux de l'appelante l'a informée que la banque exigeait de certains particuliers, dont elle-même, des garanties de prêt ainsi qu'une hypothèque subsidiaire sur leur résidence. L'appelante a témoigné qu'elle avait d'abord eu des hésitations et qu'elle avait demandé à son époux ce qu'elle en retirerait. Elle a déclaré qu'elle souhaitait rembourser l'hypothèque de premier rang qui grevait la maison familiale, et que son époux l'avait assurée que, une fois les quatre maisons en cours de construction achevées et vendues par Fifeshire, il aurait bien assez d'argent pour rembourser cette hypothèque. L'appelante a signé la garantie et l'acte hypothécaire. Subséquemment, le marché de l'immobilier à usage résidentiel s'est effondré, les maisons que Fifeshire était en train de construire ont perdu de la valeur et l'entreprise a fait défaut de rembourser le prêt garanti par l'appelante. La banque a intenté des poursuites pour faire exécuter la garantie. Elle a obtenu un jugement à l'encontre des défendeurs, dont l'appelante. Elle a ensuite réglé sa créance contre l'appelante en contrepartie du paiement de la somme de 210 000 $. Le paiement a été effectué en septembre 1997.

[6]      Il semblerait établi que, du fait du paragraphe 50(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, l'appelante est réputée avoir disposé à la fin de 1997 de sa créance sur Fifeshire, découlant de la subrogation, pour un produit égal à zéro.

[7]      Il s'agit de déterminer en l'espèce si la créance en question a été acquise par l'appelante « [...] en vue de tirer un revenu [...] d'une entreprise ou d'un bien » au sens du sous-alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Cette condition, qu'on appelle le critère de l'objet commercial, a été analysée par les tribunaux dans un certain nombre d'affaires. L'avocat de l'appelante a fait valoir que les décisions les plus récentes accordaient moins d'importance à ce qu'il a appelé les anciennes formalités. Il a soutenu que la garantie avait été consentie dans l'espoir que M. Oliva retire un avantage financier des activités de construction domiciliaires de Fifeshire, ce qui permettrait à la famille d'être plus prospère et permettrait aux époux de rembourser l'hypothèque grevant la maison familiale. L'avocat a cité l'affaire La Reine c. Byram, C.A.F., no A-684-94, 25 janvier 1999 (99 DTC 5117), dans laquelle le juge McDonald, de la Cour d'appel fédérale, a indiqué à la page 7 (DTC: à la page 5120) :

Bien que le sous-alinéa 40(2)g)(ii) exige qu'il existe un lien entre le contribuable (c'est-à-dire le prêteur) et le revenu, il n'est pas nécessaire que le contribuable tire directement le revenu du prêt.

L'avocat a noté également le commentaire suivant du juge McDonald (pages 8 et 9 (DTC: page 5120)) :

De plus en plus de décisions judiciaires considèrent les réalités commerciales actuelles comme suffisantes pour démontrer que la perspective de réaliser un revenu de dividendes justifie la déduction d'une perte en capital en vertu du sous-alinéa 40(2)g)(ii).

[8]      Dans l'affaire McKissock c. Sa Majesté La Reine[1], le juge Bowie a expliqué dans les termes suivants le problème qui se pose :

La jurisprudence établit une distinction claire entre les affaires dans lesquelles le contribuable conclut une opération pour venir en aide à un autre membre de sa famille et celles où l'objet de l'opération est de procurer un gain ou une récompense financière au contribuable lui-même [...].

[9]      En l'espèce, l'appelante a consenti la garantie afin de permettre à Fifeshire d'emprunter de l'argent pour réaliser des bénéfices pouvant revêtir la forme de dividendes versés en faveur de Panda et, par ricochet, en faveur de l'époux de l'appelante. L'entente ne permettait pas à l'appelante de tirer quelque revenu que ce soit. Bien entendu, les dividendes auraient été considérés comme un revenu de l'époux de l'appelante, non de l'appelante elle-même. Si l'époux s'était enrichi au terme de cette chaîne d'événements et qu'il avait remboursé l'hypothèque grevant la résidence familiale comme l'appelante le souhaitait, il n'en aurait résulté pour l'appelante aucun revenu imposable. L'entente plutôt vague intervenue entre l'appelante et son époux et décrite en preuve était de nature personnelle ou familiale. Je n'y vois pas un engagement de la part de M. Oliva de verser un montant d'argent à l'appelante parce qu'elle a consenti à garantir le remboursement du prêt. La présente affaire est, pour l'essentiel, semblable en principe à l'affaire O'Blenes c. M.R.N.[2]. À mon avis, l'avantage indirect que l'appelante a cherché à obtenir en garantissant le remboursement du prêt consenti à Fifeshire n'aurait pas pu constituer un revenu pour elle.

[10]     L'avocat de l'appelante a également fait valoir ceci :

                   [TRADUCTION]

Dans l'appel en l'espèce, il ne fait pas de doute que l'appelante espérait réaliser un profit lorsqu'elle a signé l'hypothèque et la garantie en faveur de Scotia. N'étant pas actionnaire de Panda Construction Company Limited ( « Panda » ) (la compagnie de portefeuille) ou de Fifeshire Developments Limited ( « Fifeshire » ) (la compagnie générant un revenu), elle a en fait utilisé son époux comme moyen ou fiduciaire pour investir dans Fifeshire ou pour consentir un prêt à celle-ci. Si la compagnie avait réalisé des profits sur le montant prêté ou investi et n'avait pas remboursé la part de l'appelante, celle-ci aurait certainement eu de nombreuses raisons sur le plan juridique d'intenter une action afin de recouvrer l'argent prêté ou investi. Si cet argent avait été remis à Panda ou au mari de l'appelante et qu'aucune somme ne lui avait été remboursée, l'appelante aurait eu un droit d'action, dont celui d'égalisation, à l'encontre de son époux conformément aux articles 4 et 5 de la Loi sur le droit de la famille de 1986 de l'Ontario.

[11]     La preuve n'appuie simplement pas la prétention selon laquelle l'appelante a utilisé son époux comme moyen ou fiduciaire pour investir dans Fifeshire ou lui prêter de l'argent. Aucun élément de preuve ne permet d'établir qu'il existait entre l'appelante et son mari une relation aux termes de laquelle ce dernier était fiduciaire de l'appelante relativement à des dividendes qu'il aurait reçus de Panda. Rien dans les circonstances n'a entraîné l'application de quelque disposition de la Loi sur le droit de la famille que ce soit.

[12]     Pour les raisons qui précèdent, l'appel sera rejeté avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de juillet 2001.

« Michael J. Bonner »

        J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de février 2002.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-187(IT)I

ENTRE :

DORA OLIVA,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 20 juin 2001 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge Michael J. Bonner

Comparutions

Avocat de l'appelante :               Me Neil L. Boyko

Avocate de l'intimée :                 Me Sherry Darvish

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998 est rejeté, avec frais, conformément aux motifs du jugement ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de juillet 2001.

« Michael J. Bonner »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de février 2002.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1]           C.C.I., no 96-593(IT)I, 19 septembre 1996 ([1997] 1 C.T.C. 2182).

[2]           C.C.I., no 88-248(IT), 18 septembre 1989 (90 DTC 1068).

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