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Date : 20010516

Dossier : 2000-248-IT-I

ENTRE :

DALE F. HINKELMAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Hershfield, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté sous le régime de la procédure informelle à l'encontre d'un avis de nouvelle cotisation concernant l'année d'imposition 1998 de l'appelant et rejetant la déduction de 25 000 $ demandée par ce dernier pour cette année en ce qui concerne un versement de pension alimentaire au profit d'un enfant dont M. Steve McKee avait la garde. Le montant dont la déduction a été demandée a été payé par l'appelant en vertu d'une ordonnance de la Cour suprême de la Colombie-Britannique rendue le 1er août 1996 (l' « ordonnance » ). Les faits pertinents en l'espèce ne sont pas contestés, et il s'agit de savoir si des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) se rapportant aux pensions alimentaires pour enfants permettent la déduction demandée par l'appelant.

[2]      Le paiement a été effectué après 1996 en vertu d'une ordonnance antérieure à mai 1997. Comme il n'y a pas de litige en l'espèce quant à l'application des différents aspects de transition des dispositions applicables de la Loi, je ne les rappellerai pas en détail. Les paiements sont régis par les dispositions de la loi postérieures à avril 1997. La déductibilité du paiement en cause est régie, en vertu de l'alinéa 60b) de la Loi, par une formule, qui inclut dans le montant déductible une « pension alimentaire » ainsi qu'elle est définie au paragraphe 56.1(4). La question de savoir si le paiement en cause est inclus dans cette formule à titre de « pension alimentaire » (c.-à-d. dans le montant « A » mentionné dans cette formule) est l'unique question en litige. Les réductions du montant déductible mentionnées dans la formule ne s'appliquent pas puisque l'ordonnance est antérieure à mai 1997.

Faits

[3]      L'appelant a épousé Deborah Anne McKee en 1989 ou vers cette époque.

[4]      Deborah McKee, d'un précédent mariage avec M. McKee, a eu deux enfants, à savoir Shawna et Nicole McKee. Les deux enfants ont vécu avec l'appelant et Deborah durant leur mariage. Bien que l'appelant ne soit pas le père naturel de Shawna McKee ou de Nicole McKee, il avait une relation de beau-père avec les deux enfants.

[5]      L'appelant s'est séparé de Deborah en 1995. Bien que la garde ait constitué une question en litige, Shawna est allée vivre avec son père naturel, M. McKee. Nicole a continué à vivre avec Deborah. L'ordonnance a imposé à l'appelant de verser une pension alimentaire mensuelle à son ex-épouse pour l'entretien de Nicole et une pension alimentaire mensuelle à M. McKee pour l'entretien de Shawna.

[6]      Dans les motifs du jugement accompagnant l'ordonnance, le juge Warren a conclu que l'appelant tenait lieu de père pour Shawna et Nicole, étant responsable de subvenir à leurs besoins, que la relation de conjoint avec Deborah se poursuive ou non. La responsabilité relative à l'entretien des deux enfants repose sur les dispositions de la Loi sur le divorce, et, conformément aux dispositions de la Loi, l'ordonnance a conclu que l'appelant était responsable de subvenir aux besoins permanents de Shawna et de Nicole au motif qu'elles étaient les enfants à charge de Deborah et de lui-même. À la page 27, au paragraphe 55, des motifs du jugement, le juge Warren formule la conclusion suivante :

                   [TRADUCTION]

À mon avis, une fois qu'une cour a déterminé que le parent jouait le rôle d'un parent, la responsabilité se poursuit pourvu que l'enfant demeure un enfant à charge comme le définit la Loi. Je ne peux conclure que la Loi, qui peut créer des obligations à long terme entre des époux, ne vise pas à créer des obligations à long terme à l'égard d'enfants. Un époux ne peut certainement pas renoncer unilatéralement à ses obligations alimentaires en vertu de la Loi au motif qu'il n'avait pas l'intention de créer des obligations à long terme. Comment pourrait-il alors en être autrement pour les droits d'un enfant?

[7]      En ce qui concerne la pension alimentaire de Shawna, l'ordonnance obligeait Deborah à verser à M. McKee, pour l'entretien de Shawna, le montant mensuel de 252 $ (soit 12 p. 100 des besoins de Shawna), majoré à 550 $ sur une base avant impôt[1]. Le montant mensuel que l'appelant devait payer à M. McKee pour l'entretien de Shawna s'élevait à 630 $ (soit 30 p. 100 des besoins de Shawna), majoré à 1 374,34 $ sur une base avant impôt. Cela signifie que les dépenses totales pour Shawna, estimées à 2 100 $ par mois, ont été réparties entre chaque personne versant la pension alimentaire selon sa part respective de responsabilité financière, déterminée par la Cour. M. McKee était responsable à 58 p. 100 de l'entretien de Shawna. Les parts respectives n'étaient déterminées qu'en fonction du revenu relatif des trois parents. Le juge Warren n'a pas accepté que la responsabilité d'un beau-parent soit inférieure à celle d'un parent naturel. À la page 37, au paragraphe 76, il a exprimé son opinion sur ce point :

                   [TRADUCTION]

Je suis d'avis que la Loi constitue un guide complet et que l'obligation devrait être répartie en fonction des capacités relatives des parents, et non en fonction d'un lien génétique.


[8]      L'appelant était également tenu de verser un paiement à Deborah pour l'entretien de Nicole. La déductibilité de ces paiements versés par l'appelant à Deborah à l'égard de Nicole n'est pas contestée. Ils étaient versés à une ancienne conjointe et sont compris dans la définition de « pension alimentaire » telle que définie au paragraphe 56.1(4) de la Loi. L'expression « pension alimentaire » est définie dans ce paragraphe de la manière suivante :

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a)          le bénéficiaire est le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b)          le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

[9]      La difficulté en l'espèce repose sur la déductibilité des paiements versés par l'appelant à M. McKee à l'égard de Shawna. Comme l'appelant n'a jamais été marié avec M. McKee, il doit se fonder sur la deuxième partie de la définition de « pension alimentaire » (alinéa b) de la définition) s'il veut voir sa pension alimentaire versée au profit de Shawna considérée comme une « pension alimentaire » . Cela constitue une condition pour que l'appelant puisse déduire le paiement en cause. Comme ce dernier est versé pour un enfant dont l'appelant n'est pas le père naturel, il ne remplit pas les conditions de l'alinéa b) de la définition de « pension alimentaire » . En tant que tel, l'avocate de l'intimée soutient que le paiement en cause n'est pas déductible[2].

[10]     Le montant payé par l'appelant à M. McKee pour l'entretien de Shawna, à savoir 25 000 $, représente un ensemble de paiements mensuels qui se sont accumulés à titre d'arriérés de la date de l'ordonnance à la date du paiement. La raison pour laquelle les arriérés se sont accumulés est que l'appelant a contesté l'ordonnance qui le trouvait responsable de l'entretien d'un enfant qui vivait avec son père naturel et a interjeté appel à l'encontre de cette ordonnance. Son appel a été rejeté, et l'appelant a indiqué dans son témoignage que ce n'était qu'au moment où son appel avait été rejeté qu'il avait accepté son obligation de payer à M. McKee les arriérés dus, dont le montant convenu entre eux s'élevait à 25 000 $. L'appelant a également indiqué que M. McKee lui avait promis de ne pas demander d'autres paiements découlant de l'ordonnance s'il payait le montant de 25 000 $. L'avocate de l'intimée a soutenu que l'appelant, qui dans son témoignage avait indiqué avoir fait en sorte que le paiement en cause constitue le règlement définitif de toutes les obligations découlant de l'ordonnance, avait rendu le paiement non déductible[3]. À cet égard, je remarque que le sous-paragraphe k) du paragraphe 8 de la réponse à l'avis d'appel de l'intimée formule de la manière suivante une hypothèse en ce qui concerne la nouvelle cotisation :

                   [TRADUCTION]

k)          Le montant en litige représentait des arriérés pour l'entretien de Shawna McKee.

Comme le montant en litige est de 25 000 $ et comme dans la cotisation il a été accepté qu'il représentait des arriérés, et non un paiement dans le cadre d'un règlement, je ne peux permettre à l'intimée d'adopter une thèse contraire sans devoir en assumer le fardeau de la preuve. En ce qui concerne ce fardeau, je ne considère pas que le témoignage de l'appelant soit suffisant pour soutenir une conclusion selon laquelle le montant de 25 000 $ a été payé en règlement de toutes les obligations découlant de l'ordonnance. L'obligation, à titre d'arriérés, était déjà due au moment où le paiement a été effectué. L'appel avait été rejeté. En tant que tel, rien dans la preuve n'indique qu'une nouvelle contrepartie n'ait été versée par l'appelant, laquelle obligerait M. McKee à ne pas faire valoir ses droits découlant de l'ordonnance. Le fait que l'appelant n'ait jamais payé d'autres montants en vertu de l'ordonnance et que M. McKee ne lui ait jamais demandé d'effectuer ces paiements ne peut changer la nature des arriérés du paiement en cause alors qu'ils étaient déjà dus et payables à titre d'arriérés à l'époque[4].

Argument relatif à l'alinéa b) de la définition de « pension alimentaire »

[11]     La représentante de l'appelant a soutenu qu'en vertu du paragraphe 60.1(1) de la Loi, Deborah devait être considérée comme une bénéficiaire réputée du paiement en cause versé par l'appelant à M. McKee pour l'entretien de Shawna. Si Deborah était une bénéficiaire réputée, la déduction du montant en cause pourrait être permise en vertu de l'alinéa a) de la définition de « pension alimentaire » . Subsidiairement, la représentante de l'appelant a soutenu que le paiement en cause avait été reçu par M. McKee en sa qualité de représentant de Deborah, qui devrait être considérée comme la bénéficiaire réputée du paiement. La représentante de l'appelant a soutenu que l'une ou l'autre des solutions ferait en sorte que l'esprit de la loi soit respecté et que tout aspect discriminatoire de l'alinéa b) de la définition de pension alimentaire soit écarté. Bien que je ne voie aucune preuve de l'esprit ou de l'objet de la loi qui permette des déductions, en général, pour l'entretien de l'enfant d'une autre personne, je suis favorable à une approche réaliste visant l'interprétation d'une disposition législative d'une manière qui soit conforme à la Charte et qui soit effectuée à la lumière de celle-ci. On peut également espérer que les politiques sociales d'une province relatives à une situation de fait particulière, qui se reflètent dans l'ordonnance d'une cour supérieure de cette province, peuvent coexister harmonieusement avec les politiques fiscales fédérales qui se reflètent dans l'application des dispositions de la Loi à cette situation de fait. Dans la situation en l'espèce, la question est de savoir si les modalités de l'ordonnance et les dispositions de la Loi se prêtent à une interprétation qui permettrait la reconnaissance de la pension alimentaire en cause comme une « pension alimentaire » .

[12]     J'aborderai en premier l'argument selon lequel le paragraphe 60.1(1) s'applique de façon à considérer Deborah comme la bénéficiaire du montant de 25 000 $. Si elle est réputée être la bénéficiaire en vertu de cette disposition, le paiement sera déductible en vertu de la définition de pension alimentaire de l'alinéa a) de cette définition si les autres conditions sont remplies[5]. Le paragraphe 60.1(1) prévoit ce qui suit :

(1)         Pour l'application de l'alinéa 60(1)b) et du paragraphe 118(5), dans le cas où une ordonnance ou un accord, ou une modification s'y rapportant, prévoit le paiement d'un montant à un contribuable ou à son profit, au profit d'enfants confiés à sa garde ou à la fois au profit du contribuable et de ces enfants, le montant ou une partie de celui-ci est réputé :

a)          une fois payable, être payable à la personne et à recevoir par elle;

b)          une fois payé, avoir été payé à la personne et reçu par elle.

[13]     Pour l'application de ce paragraphe, on doit conclure que les paiements visés par l'ordonnance sont destinés au profit d'une personne en particulier (Deborah), même s'ils sont en réalité versés à une autre personne (M. McKee).

[14]     La question qui se pose en vertu du paragraphe 60.1(1) est celle de savoir si l'ordonnance « prévoit le paiement (par l'appelant) d'un montant à un contribuable (Deborah) ou à son profit » (L'italique est de moi). L'appelant soutient que l'ordonnance, dans laquelle il était prévu qu'il participait à l'entretien de Shawna, profitait à Deborah, même si elle n'était pas la bénéficiaire du paiement. L'argument nécessite une analyse minutieuse de la répartition de la responsabilité entre les trois parents en l'espèce. La répartition à l'égard de Shawna était de 30 p. 100 pour l'appelant, de 12 p. 100 pour Deborah et du reste pour M. McKee. On soutient que les paiements versés par l'appelant à M. McKee profitent à Deborah, puisque, sans ces paiements, sa part de l'obligation alimentaire à l'égard de Shawna serait supérieure à 12 p. 100. Je souscris à cette thèse. C'est le revenu relatif des trois parents qui a déterminé leurs obligations alimentaires respectives. Sans l'inclusion du revenu de l'appelant dans le plan relatif à la pension alimentaire, Deborah devrait supporter une obligation alimentaire accrue payable à M. McKee. Cet avantage de Deborah est toutefois indirect. Le paiement était au profit de Shawna et payable à M. McKee en sa qualité de parent ayant la garde. En outre, une conclusion selon laquelle le paiement en cause versé à Deborah serait destiné à être un avantage pour elle pourrait faire en sorte que le paiement soit imposable. Cela n'était clairement pas l'intention du juge Warren. En ce qui concerne les paiements versés à M. McKee, le juge Warren déclare précisément ceci à la page 41, au paragraphe 83 :

                   [TRADUCTION]

Les deux chiffres seront majorés afin que soient prises en compte les conséquences en matière d'impôt sur le revenu pour M. McKee.

[15]     L'argument subsidiaire repose sur le mandat. En l'espèce, M. McKee n'est de toute évidence pas le mandataire de Deborah pour ce qui est de la réception de la pension alimentaire versée par l'appelant. Aucun des précédents cités par la représentante de l'appelant ne soutient cette thèse[6]. Même si l'on peut considérer Deborah comme une bénéficiaire de la pension alimentaire pour Shawna, M. McKee n'est pas son mandataire. Il reçoit le montant en sa propre qualité (en tant que partie principale) en vertu de l'ordonnance. Il n'y a aucun doute à ce sujet. En outre, le fait de conclure que M. McKee est le mandataire de Deborah exposerait cette dernière à une responsabilité fiscale quant au paiement à titre de bénéficiaire réputée. Encore une fois, ce résultat n'est clairement pas visé par l'ordonnance. M. McKee doit être imposé relativement au paiement.

[16]     Une interprétation de l'ordonnance permettrait toutefois que le paiement soit considéré comme versé par l'appelant au nom de Deborah. En vertu de cette interprétation, il serait reconnu dans l'ordonnance que la responsabilité de l'appelant relative à l'entretien découle de sa relation avec Deborah. En effet, ce n'est que de cette façon que l'on peut donner effet aux résultats envisagés par l'ordonnance. C'est le mariage entre l'appelant et Deborah qui a fait en sorte qu'il a joué un rôle de père à l'égard des enfants de cette dernière. Sa responsabilité en matière alimentaire provient d'elle, c'est-à-dire du foyer qu'il a créé pour elle et ses enfants. Deborah représente le lien en ce qui concerne les paiements ordonnés pour l'entretien de Shawna[7]. Si cela avait été expressément reconnu dans l'ordonnance et qu'il y avait été prévu que l'appelant paie à Deborah une pension alimentaire supplémentaire de 1 374,34 $ et que Deborah verse à son tour ce montant à M. McKee, l'appelant et Deborah auraient le droit de déduire les paiements à titre de « pensions alimentaires » , puisque chacun des paiements entrerait alors dans le cadre de l'alinéa a) de la définition de « pension alimentaire » [8].

[17]     À mon avis, il faut lire la directive relative au paiement spécifiée dans l'ordonnance comme une ordonnance précisant que les paiements doivent être faits de cette manière. Bien que la copie des motifs du jugement produite sous la cote A-1 soit incomplète (Elle commence avec l'intitulé « Questions relatives à la pension alimentaire pour enfants » , à la page 24.), il est évident que Deborah cherchait à obtenir la garde des deux enfants et une pension alimentaire de l'appelant pour les deux enfants également. Le paragraphe 51 de la page 24 prévoit ce qui suit :

                   [TRADUCTION]

Pour ce qui est des Hinkelman, la mère-intimée déclare que les deux filles sont ses enfants à charge et ceux de M. Hinkelman et souhaite obtenir de lui une pension alimentaire pour enfants. [L'italique est de moi.]

[18]     Le fait que Deborah ait perdu la garde de Shawna n'empêchait pas son ancien conjoint (l'appelant) d'obtenir une déduction pour une pension alimentaire qu'il avait dû lui verser (à Deborah) à la suite de sa demande (Voir la note en bas de page 8). Il y a des raisons de conclure en l'espèce que sa demande ne devrait pas être écartée et que le juge Warren ne souhaitait pas en réalité ne pas en tenir compte. Le droit de Deborah de recevoir une pension alimentaire était clair (si elle avait obtenu la garde de Shawna). Ce droit à une pension alimentaire ne devrait pas être considéré comme vicié parce qu'elle a perdu la garde (du moins en ce qui concerne la Loi, qui n'établit aucune distinction relative à la garde). Il s'est avéré qu'au moment de la perte de la garde, Deborah s'était vue assujettie à une obligation alimentaire. L'ordonnance reconnaît à toutes fins pratiques l'obligation de l'appelant envers Deborah de subvenir aux besoins de ses deux enfants et exige que l'appelant paie à M. McKee sa part de la pension alimentaire qui se rapporte à Shawna. Le paiement versé à M. McKee respecte son obligation envers Deborah de subvenir aux besoins de leurs enfants à charge. Deborah doit à son tour effectuer le paiement ou verser le montant à M. McKee en sa qualité de parent ayant la garde. Le consentement de Deborah pour utiliser ces versements de pension alimentaire de cette manière, le cas échéant, peut être déduit des faits particuliers de l'espèce.

[19]     Comme cela est susmentionné, les conclusions qui précèdent concernant l'interprétation correcte de l'ordonnance sont nécessaires afin de donner effet à son intention claire et non ambiguë. M. McKee ne devait pas recevoir de l'appelant de pension alimentaire libre d'impôt. La pension alimentaire obligatoire pour Shawna était calculée sur une base avant impôt. Conclure que M. McKee n'a pas reçu le paiement de l'appelant à titre de « pension alimentaire » reviendrait à accorder un avantage inattendu à M. McKee et à imposer une pénalité inattendue à l'appelant. Dans l'affaire Chute c. La Reine, C.C.I., no 97-2870(IT)I, 24 mars 1999 ([1999] 2 C.T.C. 2864), le juge Sarchuk a fait observer ce qui suit quant au fait de donner effet à l'intention d'une ordonnance :

[...] À mon avis, bien que le libellé de l'ordonnance de 1994 ne précise pas que les paiements à Erin sont faits pour le compte de l'épouse, c'était clairement l'intention et l'effet de l'entente et de l'ordonnance subséquente.

[20]     L'argument de l'intimée était presque entièrement consacré à l'interprétation législative de l'expression « pension alimentaire » qui est définie dans la Loi. Je suis d'accord avec l'intimée pour dire que cette disposition de la Loi est claire lorsqu'elle prescrit que les paiements effectués par une personne qui n'est pas le parent naturel d'un enfant à charge ne constituent pas des montants de pension alimentaire déductibles, à moins qu'ils ne soient reçus (ou être réputés reçus en vertu de la Loi) par le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur. Il n'y a pas d'ambiguïté dans une telle disposition, et je ne l'interprète pas autrement. Un libellé législatif d'une telle clarté n'empêche toutefois pas la déduction de paiements de pension alimentaire lorsqu'ils sont versés à un conjoint ou à un ancien conjoint, et il s'agit là de la question de fait qui doit à mon avis être abordée.

[21]     En l'espèce, l'intention du juge dans l'ordonnance est non équivoque. Le paiement de l'appelant est destiné, tout comme celui de Deborah, à aider à l'entretien de Shawna et à donner lieu aux déductions prévues à l'alinéa 60b). Afin qu'ils soient considérés sur un pied d'égalité, on doit les considérer ensemble, en reconnaissant en vertu de l'ordonnance que Deborah représente le lien essentiel dans la chaîne qui ouvre la voie à l'obligation de l'appelant envers M. McKee. Par conséquent, je lirais l'ordonnance en conséquence et j'admettrais l'appel pour ce motif.

[22]     Il va sans dire que le fait de donner pleine vigueur et plein effet à l'ordonnance d'une cour supérieure devrait être facilité lorsque cela est possible. Faire autrement ne peut qu'ébranler notre respect et notre confiance à l'égard du système judiciaire. Rien dans notre système fiscal, ainsi qu'il s'applique à l'année en litige, n'empêchait la déduction du paiement d'une pension alimentaire destinée à profiter aux enfants du conjoint à l'égard desquels la responsabilité découlait d'un mariage avec un parent naturel de ces enfants. Donner effet à ce modèle permissif constituait la directive expresse du juge Warren. Le fait de reconnaître que Deborah est le lien dans la chaîne qui lie l'obligation alimentaire de l'appelant à M. McKee donne effet à ce modèle et à cette directive du juge Warren.

[23]     Par conséquent, l'appel est admis.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de mai 2001.

« J. E. Hershfield »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de janvier 2002.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-248(IT)I

ENTRE :

DALE F. HINKELMAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 7 mars 2001 à Vancouver (Colombie-Britannique) par

l'honorable juge D. Hershfield

Comparutions

Représentante de l'appelant :                Becky Chan, stagiaire en droit

Avocate de l'intimée :                           Me Johanna Russell

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est admis sans frais pour les motifs du jugement ci-joints, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de mai 2001.

« J. E. Hershfield »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de janvier 2002.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1] Le facteur de majoration était basé sur l'hypothèse selon laquelle les paiements effectués en vertu de l'ordonnance seraient déductibles pour le payeur et imposables pour le bénéficiaire.

[2] La preuve concernant le présent appel a d'abord été entendue par moi le 21 novembre 2000. À cette époque, l'appelant n'était pas représenté par un avocat. La cause a été ajournée afin qu'il puisse se trouver un avocat qui le conseillerait quant au bien-fondé de la contestation d'une nouvelle cotisation en vertu de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés au motif que la condition relative à la déduction selon laquelle le payeur de la pension alimentaire pour enfant doit être le père naturel de l'enfant du bénéficiaire du paiement est discriminatoire à l'égard d'une catégorie de personnes, dont l'appelant fait partie. Une telle contestation fondée sur la Charte exige qu'un avis en vertu de l'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale soit donné. Ayant consulté un avocat, l'appelant a de nouveau comparu sans avoir donné l'avis d'une telle contestation. On a plutôt avancé l'argument portant sur l'interprétation des dispositions pertinentes de la Loi de l'impôt sur le revenu qui seraient compatibles avec une application non discriminatoire de ces dispositions. En ce qui concerne une telle approche, la représentante de l'appelant a cité un certain nombre de précédents, dont l'affaire Canada (Commissaire de La Gendarmerie Royale du Canada) (Re 1re inst.), [1993] (2 C.F. 351).

[3] M.N.R. v. Armstrong, [1956] R.C.S. 446.

[4] Il convient de noter que M. McKee n'est peut-être pas la seule personne qui peut demander l'exécution de l'ordonnance concernant Shawna. Deborah, en tant que mère et partie à l'ordonnance, et Shawna, en tant que bénéficiaire, ont sans doute certains droits visant à voir à ce que les paiements soient effectués en vertu de l'ordonnance si elles choisissent de le faire.

[5] L'avocate de l'intimée a accepté, selon les faits de l'espèce, que, si le bénéficiaire du paiement en cause était Deborah, le paiement serait déductible à titre de « pension alimentaire » . Dans ce cas, je n'ai pas abordé d'autres conditions, comme celle de savoir si Deborah pouvait utiliser à sa discrétion le paiement en cause.

[6] Ces précédents comprennent par exemple les affaires Hak c. La Reine, C.C.I., no 97-2572(IT)I, [16 octobre 1998] (99 DTC 36) et Arsenault c. La Reine, C.A.F., no A-300-95, 7 février 1996 (96 DTC 6131).

[7] Le juge Warren a notamment établi un lien entre l'appelant et Deborah en ce qui concerne leur responsabilité alimentaire lorsqu'il a examiné la position financière des deux (et non trois) groupes. Bien que la valeur de l'actif net n'aie finalement pas été utilisée pour répartir la responsabilité, il a fait remarquer, à la page 35 des motifs du jugement, au sous-paragraphe 73e), ce qui suit :

            [TRADUCTION]

e)          Mme Hinkelman (Deborah) et M. Hinkelman ont acquis différents biens, dont les économies d'un REER s'élevant à 43 000 $, un bateau, une remorque et une camionnette, qui ont fait en sorte que la valeur de leur actif net dépasse 500 000 $, alors que l'actif net de M. McKee et de sa deuxième famille est d'environ 254 600 $;

[8]Je remarque qu'il n'y a pas de condition dans la définition de « pension alimentaire » ou à l'alinéa 60b), en ce qui concerne des paiements versés à un ancien conjoint pour l'entretien d'un enfant, selon laquelle cet ancien conjoint doit avoir la garde de l'enfant. En effet, dans l'affaire Forward c. M.R.N., C.C.I., no 89-1222(IT), 30 septembre 1991 (91 DTC 1255), le juge Rip a conclu que l'alinéa 60b), ainsi qu'il était rédigé, n'exigeait pas que l'enfant, au profit duquel le paiement était versé, vive avec le parent qui recevait le paiement. Les modifications apportées à la Loi depuis cette affaire ne sont pas essentielles à cette conclusion.

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