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Date : 20010518

Dossier : 2000-1011-IT-I

ENTRE :

RODNEY R. E. TROY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Watson, C.C.I.

[1]      L'appel en l'instance a été entendu sous le régime de la procédure informelle, à Montréal (Québec), le 30 mars 2001.

[2]      Dans le calcul de son impôt pour l'année d'imposition 1997, l'appelant a déclaré 7 855,30 $ au titre du crédit d'impôt pour emploi à l'étranger ( « CIEE » ). Au moyen d'un avis de nouvelle cotisation, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a refusé la demande de CIEE de l'appelant.

[3]      En établissant ainsi cette nouvelle cotisation et en la maintenant, le ministre a formulé les hypothèses de fait suivantes :

          [TRADUCTION]

a)          L'appelant est un hydrographe diplômé et il était l'unique employé à plein temps de « Hydrographic, Marine Services Inc. » ( « HMSI » );

b)          HMSI a été constituée en personne morale en 1990, et ses actionnaires, pendant l'année en litige, étaient Rodney Troy (51 p. 100) et son épouse, Lyne E. Girard-Troy (49 p. 100);

c)          l'appelant était le président de HMSI, et son épouse était la vice-présidente des affaires administratives;

d)          l'appelant avait un lien de dépendance avec son employeur et il était un actionnaire déterminé de HMSI;

e)          au cours de l'année d'imposition 1997, HMSI a obtenu la majeure partie de son revenu d'une compagnie de recrutement international, « Dutch Onshore Offshore Recruitment Co. » ( « DOOR » );

f)           le seul autre revenu d'entreprise déclaré par HMSI pour l'année d'imposition 1997 était un montant de 1 500 $, perçu à titre de commission d'intermédiaire pour le recrutement d'une personne;

g)          au cours de l'année d'imposition 1997, HMSI a négocié avec DOOR en vue d'obtenir des contrats de consultation et de travail pour l'appelant. Les clients de DOOR sont des compagnies non résidantes spécialisées dans la surveillance de relevés hydrographiques. Ces compagnies, à leur tour, donnaient en sous-traitance des services à des compagnies de construction ou à des sociétés pétrolières étrangères;

h)          le paiement de ces contrats provenait des compagnies de construction ou des sociétés pétrolières étrangères aux compagnies de reconnaissance hydrographique, qui le versaient ensuite à la compagnie de recrutement étranger DOOR, qui enfin le remettait à la compagnie canadienne HMSI;

i)           au cours de l'année d'imposition 1997, la facturation a toujours été effectuée entre HMSI et la compagnie de recrutement néerlandaise DOOR, et aucune facturation n'a été effectuée par l'appelant lui-même;

j)           l'appelant ne recevait pas de salaire fixe de HMSI et dépendait des paiements étrangers versés à HMSI pour percevoir de l'argent;

k)          l'appelant supervisait l'équipe qui procédait aux relevés hydrographiques, et l'équipe ainsi que l'appelant étaient, par l'intermédiaire de HMSI, employés par DOOR;

l)           l'appelant n'avait pas de contrat écrit avec sa propre compagnie HMSI, et cette dernière n'avait pas de contrat écrit avec DOOR;

m)         si HMSI est réputée être l'employeur de l'appelant, elle n'est pas un employeur déterminé car la nature de ses activités était, tout au long de l'année d'imposition 1997, le recrutement national et international de personnel et HMSI n'a pas exploité d'entreprise dans le pays où l'appelant exerçait ses fonctions;

n)          HMSI exploite une entreprise de services qui compte un maximum de cinq employés à plein temps tout au long de l'année;

o)          HMSI et même DOOR n'avaient pas conclu de contrats avec les compagnies qui exerçaient des activités admissibles au cours de l'année d'imposition 1997;

p)          sans l'existence de HMSI, il serait raisonnable de considérer l'appelant comme un employé de DOOR, qui est une compagnie non-résidente, exploitant une entreprise de services à titre de compagnie de recrutement et qui n'était donc pas un employeur déterminé;

q)          en outre, l'appelant a établi une relation employeur-employé avec le client de DOOR, la compagnie de reconnaissance hydrographique, qui était également une entreprise étrangère et qui ne pouvait donc pas être considérée comme un employeur déterminé. Cette relation s'appuyait sur les faits suivants :

i)           l'appelant travaillait sous la supervision du client de DOOR et rendait quotidiennement compte à ce client des activités de la journée,

ii)          la rémunération de l'appelant était fondée sur un taux quotidien pour la durée du contrat, qu'il travaille ou non,

iii)          l'appelant utilisait l'équipement et le matériel de la compagnie de reconnaissance hydrographique,

iv)         l'appelant vivait sur le bateau, qui appartient à la société pétrolière, pour la durée du contrat sans avoir à débourser quoi que ce soit pour le logement et le repas,

v)          l'appelant s'est fait rembourser ses frais de transport jusqu'au bateau,

vi)         l'appelant ne travaillait pas selon un budget, et aucune date précise ne prévoyait la fin du contrat,

vii)         quand l'appelant a été embauché, il ne connaissait qu'approximativement la durée du contrat, la tâche qu'il devait accomplir pouvait changer en fonction des besoins du client (la compagnie de reconnaissance hydrographique), son emploi pouvait prendre fin en tout temps, sans préavis, et il pouvait être remplacé sans qu'une raison ne lui soit donnée,

viii)        l'appelant travaillait exclusivement pour la compagnie de reconnaissance hydrographique et il ne pouvait pas travailler pour personne d'autre pendant la durée du contrat, puisqu'il était de service 24 heures sur 24;

r)           comme l'appelant était employé sur demande pour différentes périodes au cours de l'année et qu'il n'était payé que pour ces périodes, sans être engagé pour une durée indéterminée ou pour un nombre minimal de jours d'emploi au cours de l'année, on considérait donc qu'il commençait et terminait l'emploi au début et à la fin de chaque période;

s)          tout au long de l'année d'imposition 1997, HMSI a conclu une entente avec DOOR afin d'embaucher l'appelant pour les périodes suivantes :

            du 1997-02-15 au 1997-06-03 : par la société pétrolière « Katar Gas and Petroleum Co. » ,

            du 1997-07-03 au 1997-08-23 : par la société « Inter Connector Alliance » ,

            du 1997-09-22 au 1997-11-20 : pour le « Norfra Pipeline Project » ;

t)           l'appelant n'était pas admissible au CIEE, puisque aucune des périodes d'emploi n'excédait six mois consécutifs.

[4]      À l'audience, l'appelant a admis les alinéas b) à d), f) à j), l), n) et o), mais a nié les alinéas a), e), k), m) et p) à t).

[5]      Il incombe à l'appelant de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la nouvelle cotisation du ministre était erronée en fait et en droit et qu'il avait droit au CIEE pour l'année d'imposition 1997. Chaque affaire doit être tranchée en fonction des faits qui lui sont propres.

[6]      L'appelant est un hydrographe diplômé et il était un employé à plein temps de HMSI pendant l'année d'imposition 1997. HMSI a été constituée en personne morale en 1990, et le seul autre employé à plein temps à cette époque était l'épouse de l'appelant, qui s'occupait de l'aspect administratif de l'entreprise. L'appelant détenait 51 p. 100 des actions de HMSI, et son épouse en possédait 49 p. 100. L'appelant n'était pas payé régulièrement, mais uniquement avec les montants reçus par HMSI pour son travail effectué à l'étranger, la majorité provenant de DOOR, la compagnie de recrutement international. DOOR a obtenu des contrats de consultation et de travail pour HMSI auprès de ses clients qui étaient des compagnies non-résidentes se spécialisant dans la supervision de relevés hydrographiques. Ces compagnies donnaient à leur tour en sous-traitance des services à des compagnies de construction étrangères, qui étaient des sous-traitants de différentes sociétés pétrolières. L'appelant a expliqué que, dans une situation typique, le travail était offert par une société pétrolière étrangère, qui concluait un contrat avec une compagnie de construction étrangère, qui en concluait un à son tour avec une compagnie de reconnaissance hydrographique étrangère. Cette dernière concluait finalement des contrats avec de plus petites compagnies, comme HMSI. En vertu de ces contrats, HMSI fournissait des services hydrographiques par l'entremise de son employé, l'appelant.

[7]      Au cours de l'année d'imposition 1997, la plupart des montants reçus par HMSI provenaient de DOOR. En réalité, l'argent provenait des sociétés pétrolières étrangères via les compagnies de construction étrangères, via les compagnies de reconnaissance hydrographique à DOOR et à HMSI et enfin à l'appelant. Ce dernier a indiqué dans son témoignage que HMSI n'était pas un sous-traitant de DOOR. En tant que compagnie de recrutement, DOOR n'était qu'un intermédiaire entre les compagnies de reconnaissance hydrographique et HMSI. L'appelant a déclaré que HMSI n'avait pas conclu d'entente avec DOOR afin de l'embaucher. HMSI avait plutôt embauché DOOR dans le but de profiter des relations de DOOR avec les compagnies de reconnaissance hydrographique et DOOR a reçu un pourcentage sur les contrats pour ses relations. L'appelant a poursuivi en expliquant que le recours aux relations de DOOR était très important dans le domaine de travail de HMSI, parce que la demande mondiale pour de tels services était extrêmement difficile à trouver. Lorsque les compagnies de reconnaissance hydrographique communiquaient directement avec HMSI, cette dernière leur demandait de communiquer avec DOOR et de passer par DOOR afin de conclure un contrat avec HMSI de manière à ce que celle-ci puisse entretenir ses bonnes relations avec DOOR. S'il n'était pas possible pour HMSI d'offrir les services de son employé, l'appelant, elle recommandait du personnel qualifié à la compagnie qui en faisait la demande.

[8]      Au cours de l'année d'imposition 1997, HMSI a conclu des contrats avec trois différentes compagnies pendant les périodes suivantes : du 15 février au 3 juin avec Katar Gas and Petroleum Co., du 3 juillet au 23 août avec Inter Connector Alliance et du 22 septembre au 20 novembre avec Norfra Pipeline Project.

[9]      Les dispositions pertinentes de la Loi de l'impôt sur le revenu sont en partie ainsi libellées :

ARTICLE 122.3 : Déduction de l'impôt payable en cas d'emploi à l'étranger.

            (1) Lorsqu'un particulier réside au Canada au cours d'une année d'imposition et que, tout au long d'une période de plus de 6 mois consécutifs ayant commencé avant la fin de l'année et comprenant une fraction de l'année (appelée la « période admissible » au présent paragraphe) :

                 a) d'une part, il a été employé par une personne qui était un employeur déterminé, dans un but autre que celui de fournir des services en vertu d'un programme, visé par règlement, d'aide au développement international du gouvernement du Canada;

b) d'autre part, il a exercé la totalité, ou presque, des fonctions de son emploi à l'étranger :

         (i) dans le cadre d'un contrat en vertu duquel l'employeur déterminé exploitait une entreprise à l'étranger se rapportant à, selon le cas :

         (A) l'exploration pour la découverte ou l'exploitation de pétrole, de gaz naturel, de minéraux ou d'autres ressources semblables,

(B) un projet de construction ou d'installation, ou un projet agricole ou d'ingénierie,

(C) toute activité visée par règlement,

         (ii) dans le but d'obtenir, pour le compte de l'employeur déterminé, un contrat pour la réalisation des activités visées à la division (i)(A), (B) ou (C),

peut être déduite du montant qui serait, sans le présent article, l'impôt à payer par le contribuable pour l'année en vertu de la présente partie une somme égale à [...].

122.3(1.1) Revenu exclu. Aucun montant ne peut être inclus en application de l'alinéa (1)d) au titre du revenu d'un particulier pour une année d'imposition tiré de son emploi auprès d'un employeur si les conditions suivantes sont réunies :

a) l'employeur exploite une entreprise de services qui compte un maximum de cinq employés à plein temps tout au long de l'année;

            b) le particulier :

(i) a un lien de dépendance avec l'employeur ou est son actionnaire déterminé,

(ii) si l'employeur est une société de personnes, a un lien de dépendance avec l'un de ses associés ou est l'actionnaire déterminé de celui-ci;

c) n'était l'existence de l'employeur, il serait raisonnable de considérer le particulier comme l'employé d'une personne ou d'une société de personnes qui n'est pas un employeur déterminé.

248(1) Définitions. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

[...]

« actionnaire déterminé » S'agissant de l'actionnaire déterminé d'une société au cours d'une année d'imposition, contribuable qui, directement ou indirectement, à un moment donné de l'année, possède au moins 10 % des actions émises d'une catégorie donnée du capital-actions de la société ou de toute autre société qui est liée à celle-ci; [...]

[10]     Il ressort clairement du témoignage de l'appelant que ce dernier a agi de bonne foi quand il a demandé le CIEE pour l'année d'imposition 1997. Toutefois, compte tenu de toutes les circonstances du présent appel, y compris du témoignage des témoins, des admissions et de la preuve documentaire, la Cour est convaincue que l'appelant n'est pas parvenu à se décharger de son fardeau d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il avait droit au CIEE pour l'année d'imposition 1997 en vertu du paragraphe 122.3(1.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il n'est pas contesté que, durant la période pertinente, HMSI a exploité une entreprise de services, qu'elle n'a pas employé plus de cinq employés à plein temps tout au long de l'année et que l'appelant avait un lien de dépendance avec HMSI. Pour ce qui est de l'alinéa 122.3(1.1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu, la Cour est convaincue que sans l'existence de HMSI, il serait raisonnable de considérer l'appelant comme un employé des compagnies de reconnaissance hydrographique qui ne sont pas des employeurs déterminés. La Cour a jugé que le revenu était exclu, elle n'a donc pas à trancher les questions soulevées par le ministre à savoir si l'appelant était un employé d'un employeur déterminé au cours de l'année d'imposition 1997, si cet employeur déterminé exploitait une entreprise à l'étranger à l'égard d'une activité admissible pendant cette année ou si l'appelant avait travaillé suffisamment longtemps pour respecter la période admissible afin d'avoir droit au CIEE pendant cette année d'imposition.

[11]     Par conséquent, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mai 2001.

« D. R. Watson »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de février 2002.

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-1011(IT)I

ENTRE :

RODNEY R. E. TROY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 30 mars 2001 à Montréal (Québec), par

l'honorable juge suppléant D. R. Watson

Comparutions

Pour l'appelant :                                   L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                           Me Stéphanie Côté

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1997 est rejeté, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mai 2001.

« D. R. Watson »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de février 2002.

Martine Brunet, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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