Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20010403

Dossier: 2000-441-EI,

2000-443-CPP

ENTRE :

TRIUMPH IMPLEMENTATION

CONSULTING CORPORATION,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

GAÉTANE DOLCI,

intervenante.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté à l'encontre d'une décision du ministre du Revenu national (le « ministre » ) selon laquelle Mme Gaétane Dolci occupait un emploi assurable chez l'appelante pendant la période du 28 avril 1997 au 29 janvier 1999 au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ) et du Régime de pensions du Canada.

[2]      Le fondement juridique sur lequel le ministre appuie ses décisions semble être l'alinéa 6g) du Règlement sur l'assurance-emploi et le paragraphe 34(1) du Régime de pensions du Canada. Ainsi, il semblerait que le ministre a considéré l'appelante comme une agence de placement. La réponse à l'avis d'appel toutefois précise que le fondement de la situation relative à l'emploi est l'alinéa 5(1)a) de la Loi et subsidiairement l'alinéa 6g) du Règlement sur l'assurance-emploi. La réponse, en vertu du Régime de pensions du Canada, suit le même raisonnement : le fondement repose sur l'alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada et, subsidiairement, sur le paragraphe 34(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada.

[3]      M. Thomas Nash était le témoin de l'appelante et Mme Gaétane Dolci était le témoin de l'intimé.

[4]      M. Nash est le président de l'appelante. Il détient un B.A. en génie électrique et un baccalauréat en gestion. Il a occupé son premier emploi chez Canadien Pacifique Limitée ( « CP » ) au sein de la division de l'informatique et des communications. Il a travaillé à Toronto pour CP de 1990 à 1996. Il a expliqué qu'en 1996, CP a procédé à une réorganisation importante. C'est à cette époque que Triumph Implementation Consulting Corporation ( « Triumph » ) a été constituée en personne morale, soit le 23 septembre 1996. Triumph agissait à titre d'expert-conseil pour la division des chemins de fer de CP en 1996 dans le cadre de la mise en oeuvre de systèmes informatiques destinés au secteur des transports.

[5]      L'Accord de services de consultation en matière de projet qui a été conclu par l'appelant et CP le 30 septembre 1996 a été déposé sous la cote A-1. Les services visaient la conception de systèmes, la création et la mise en place de services de consultation concernant le système intégré de services à la clientèle et le projet relatif à la feuille de travail pour les prix. Entre le mois de septembre et la mi-décembre 1996, M. Nash a agi à titre de conseiller en matière de projet.

[6]      Vers le mois de décembre 1996, on a demandé à M. Nash de jouer un rôle plus important. Le projet relatif au système intégré de services à la clientèle était presque terminé et on a demandé à M. Nash de jouer le rôle de directeur du projet relatif à la feuille de travail. Le budget du projet en 1997 était de cinq millions de dollars. Environ 40 personnes devaient rendre compte à M. Nash, dont 32 étaient des employés de CP provenant des secteurs de la comptabilité, de la commercialisation, des ventes et des services à la clientèle. D'autres étaient des entrepreneurs et des experts-conseils en matière de technologies de l'information. M. Nash travaillait à Toronto et le projet était réparti entre Toronto, Montréal et Calgary. Différentes personnes y travaillaient dans les trois villes.

[7]      Très tôt on a compris qu'il serait nécessaire d'obtenir de l'aide supplémentaire pour l'entrée de données. Un certain nombre de personnes qui avaient travaillé avec ce système informatique avaient été licenciées quelques mois auparavant. Leur période de formation ne serait donc pas trop longue.

[8]      Cela explique pourquoi l'appelant a eu besoin des services de Mme Dolci. M. Nash a expliqué avoir parlé à Mme Dolci au téléphone et lui avoir offert un contrat pour une courte période, soit six mois comme il était d'abord prévu. En réalité, le nom de Mme Dolci est demeuré sur la feuille de paye de Triumph pendant plus de un an et demi. M. Nash a offert à Mme Dolci une paye de 20 $ de l'heure que cette dernière a acceptée. Il lui a expliqué que le travail serait effectué à l'établissement de CP, qu'il faudrait utiliser le logiciel de la feuille de travail sur les prix, principalement pour le chargement et la manipulation des données, logiciel qui lui était déjà familier, et qu'elle devrait voir M. Ed Starnino, qui était le responsable et qui travaillerait au même étage qu'elle. M. Nash a dit à Mme Dolci que les heures de travail étaient très flexibles. Il n'était pas nécessaire de demander la permission pour se rendre à des rendez-vous chez le médecin, mais si la période était prolongée, comme une semaine, M. Nash devait en être informé de sorte qu'il puisse comprendre et peut-être réduire les répercussions sur le projet.

[9]      C'est Triumph qui payait Mme Dolci. Elle le faisait une fois par semaine au début, puis une fois toutes les deux semaines. Mme Dolci faisait parvenir par courrier électronique le nombre d'heures qu'elle avait travaillées durant la période de paye. Elle décrivait le nombre d'heures travaillées quotidiennement, les additionnait et les multipliait par 20 $ de l'heure. La pièce A-2 est composée de ces factures envoyées par courrier électronique. La pièce A-3 contient quelques chèques qui ont été utilisés pour payer Mme Dolci.

[10]     Deux autres personnes ont été recrutées en même temps que Mme Dolci. Il s'agit de Delphina James et de Faye Linton, qui avaient également déjà travaillé pour CP.

[11]     M. Nash a déclaré que, si Mme Dolci ne s'était pas avérée compétente, c'est à lui que serait revenue la décision de résilier son contrat et de trouver un remplaçant.

[12]     Le projet a été complété au mois de janvier 1999 et le contrat de Triumph avec CP a pris fin en même temps.

[13]     M. Nash a déclaré que son propre contrat conclu avec CP (pièce A-1) prévoyait une prime mais pas celui de Mme Dolci. Dans l'accord en cause, aucune disposition ne porte sur l'embauche d'employés par Triumph. Triumph a envoyé une facture à CP pour le travail effectué par Mme Dolci, les deux autres personnes et M. Nash lui-même.

[14]     M. Nash a déclaré que Mme Dolci, à un moment durant cette période, a exprimé l'avis qu'elle aurait préféré être une employée de CP.

[15]     Le témoignage de Mme Dolci n'a pas été différent. Elle a déclaré qu'elle a commencé à travailler pour CP en 1992. Son troisième et dernier emploi était supervisé par M. Ed Starnino et elle inscrivait les renseignements concernant le projet relatif à la feuille de travail pour les prix. Elle a commencé à occuper le dernier poste en mars 1996. D'autres personnes travaillaient dans le cadre du projet, à savoir Delphina James et Faye Linton.

[16]     À la fin du mois d'avril 1997, M. Starnino a communiqué avec elle par téléphone. Il lui a demandé si elle était intéressée à faire le même genre de travail qu'elle était habituée de faire avant son licenciement. Il lui a dit que M. Nash paierait pour ses services. Il l'a informée qu'elle serait payée 20 $ de l'heure, qu'il n'y aurait pas de vacances, pas de jour de congé de maladie ni d'heures supplémentaires, qu'elle devrait travailler au moins 40 heures par semaine, qu'elle travaillerait dans les bureaux de Canadien Pacifique Limitée et que M. Nash l'appellerait bientôt. Elle pouvait déterminer son horaire de travail. Elle avait une place, un bureau, un ordinateur, un téléphone et un classeur assignés, fournis par Canadien Pacifique Limitée. Elle n'a jamais eu à consulter M. Nash quant à la manière d'entrer les données. Elle travaillait normalement entre 7 h 30 et 15 h 30, de manière à être présente sur les lieux en même temps que les autres employés en vue d'être en mesure de leur poser des questions, de bénéficier des ressources qu'ils offrent et de répondre aux questions qu'ils pourraient avoir à lui poser. Elle n'a jamais eu de statut de travailleuse autonome auprès de Canadien Pacifique Limitée.

[17]     La pièce A-4 est une lettre, datée du 12 mars 1999, que Revenu Canada a fait parvenir à l'appelante. Elle précise ce qui suit :

                   [TRADUCTION]

Nous avons reçu du ministère du Développement des ressources humaines une demande qu'une décision soit rendue en ce qui concerne l'assurabilité de l'emploi de Gaétane Dolci pour la période du 28 avril 1997 au 29 janvier 1999.

L'emploi que Gaétane Dolci occupait chez vous était assurable en vertu de l'alinéa 6g) du Règlement sur l'assurance-emploi et ouvrait droit à pension en vertu du paragraphe 34(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada.

Cela s'explique par le fait que l'emploi remplit les deux conditions d'assurabilité et du droit à pension prévues par les règlements susmentionnés.

La première condition est que Gaétane Dolci a fourni des services à votre cliente, Canadien Pacifique Limitée, et se trouvait sous la direction et le contrôle de votre cliente.

La deuxième condition est que Gaétane Dolci est payée par vous pour avoir fourni ces services.

[18]     La pièce A-5 est une lettre que la division des appels a fait parvenir à Triumph au nom du ministre. Elle est datée du 4 novembre 1999 et précise ce qui suit :

[TRADUCTION]

Il a été décidé que cet emploi était assurable pour la raison suivante : Gaétane Dolci a été engagée en vertu d'un contrat de louage de services et, par conséquent, était considérée comme une employée de Triumph Implementation Consulting Corporation pendant les périodes en cause. Il a également été décidé que cet emploi ouvrait droit à pension conformément au Régime de pensions du Canada.

[...]

La décision visée par la présente est rendue en vertu de l'alinéa 6g) du Règlement sur l'assurance-emploi, en fonction de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi et du paragraphe 34(1) du Régime de pensions du Canada.

[19]     L'alinéa 6g) du Règlement sur l'assurance-emploi est ainsi rédigé :

6.          Sont inclus dans les emplois assurables, s'ils ne sont pas des emplois exclus conformément aux dispositions du présent règlement, les emplois suivants :

[...]

g)          l'emploi exercé par une personne appelée par une agence de placement à fournir des services à un client de l'agence, sous la direction et le contrôle de ce client, en étant rétribuée par l'agence.

[20]     Les paragraphes 34(1) et (2) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada sont ainsi rédigés :

(1)         Lorsqu'une personne est placée par une agence de placement pour la fourniture de services ou dans un emploi auprès d'un client de l'agence, et que les modalités régissant la fourniture des services et le paiement de la rémunération constituent un contrat de louage de services ou y correspondent, la fourniture des services est incluse dans l'emploi ouvrant droit à pension, et l'agence ou le client, quel que soit celui qui verse la rémunération, est réputé être l'employeur de la personne aux fins de la tenue de dossiers, de la production des déclarations, du paiement, de la déduction et du versement des contributions payables, selon la Loi et le présent règlement, par la personne et en son nom.

(2)         Une agence de placement comprend toute personne ou organisme s'occupant de placer des personnes dans des emplois, de fournir les services de personnes ou de trouver des emplois pour des personnes moyennant des honoraires, récompenses ou autres formes de rémunération.

Argument

[21]     L'avocat de l'appelante a fait mention des décisions suivantes : Edmonton Nursing Services Assn. c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1991] A.C.I. no 145 (Q.L.); Rod Turpin Consulting Ltd. (s/n Tundra Site Services) c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1997] A.C.I. no 1052 (Q.L.); Computer Action Inc. v. M.N.R., [1990] T.C.J. No. 101 (Q.L.); Bartimaeus Inc. c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1999] A.C.I. no 216 (Q.L.); Sheridan c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1985] A.C.F. no 230 (Q.L.) et Edmonds (A-1 Lumpers) c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2000] A.C.I. no 98 (Q.L.).

[22]     Dans l'affaire Edmonton Nursing (précitée), il a renvoyé au passage suivant :

L'appelante est une organisation sans but lucratif enregistrée aux termes de la Societies Act de l'Alberta qui a été créée par un groupe d'infirmières offrant des services privés et qui tient un répertoire d'infirmières et d'infirmières auxiliaires pouvant offrir des services privés. Chaque infirmière et infirmière auxiliaire dont le nom figure [dans] ce répertoire paie des frais annuels de 125 $ à l'appelante pour que son nom y soit conservé. Divers établissements, particuliers et organisations communiquent avec l'appelante lorsqu'ils ont besoin d'infirmières ou d'infirmières auxiliaires et l'appelante communique à son tour avec les travailleurs dont le nom figure dans son répertoire et qui seraient en mesure de remplir le poste.

[...]

Dans ce dictionnaire, le mot "Agency" "agent" (agent), dont la définition semble être [TRADUCTION] "celui qui agit ou ce qui agit". Et "employment" (emploi) renvoie au verbe "employ" (employer) dont une rubrique énonce [TRADUCTION] "fournir du travail ou un poste".

En l'absence d'autre référence, j'en suis arrivé à la conclusion que, d'après le sens ordinaire des mots utilisés, un agent est une personne qui agit au nom d'une autre, que le placement consiste à fournir un emploi, que la Edmonton Nursing Services Association est une association qui trouve du travail à ses membres et qu'elle constitue donc une agence de placement au sens du paragraphe 12g). [...]

[23]     Dans l'affaire Rod Turpin (précitée), on a conclu que l'appelante n'était pas un entrepreneur général. La seule responsabilité que l'appelante avait à l'égard du client était de fournir des travailleurs qualifiés. L'appelante agissait à titre d'agence de placement comme le prévoit l'alinéa 12g) du Règlement sur l'assurance-chômage. À la page 3 on trouve ce qui suit :

Le contrat entre l'appelante et la Cominco était un contrat verbal. La Cominco contactait l'appelante et disait qu'il lui fallait tel ou tel nombre de compagnons électriciens au chantier Polaris Mines à partir de telle ou telle date pour environ tel ou tel laps de temps. L'appelante trouvait les compagnons électriciens nécessaires et prenait des dispositions pour qu'ils se rendent au chantier Polaris Mines.

La seule responsabilité de l'appelante envers la Cominco était de faire en sorte que le personnel qu'elle fournissait soit qualifié pour le travail devant être accompli.

[...]

L'appelante soutient qu'elle n'est pas une agence de placement et qu'il convient plutôt de la considérer comme un entrepreneur général. Je ne saurais accepter cela. Habituellement, aux termes des contrats qu'ils concluent avec des clients, les entrepreneurs généraux ont envers le client la responsabilité de mener à bien, d'une manière professionnelle, le projet prévu au contrat. Dans l'affaire qui nous intéresse, la seule responsabilité que l'appelante avait envers la Cominco était de fournir des travailleurs qualifiés, selon les stipulations de la Cominco.

[24]     Dans l'affaire Computer Action Inc. (précitée), l'avocat de l'appelante a renvoyé à un extrait de la page 5 :

L'avocat de l'appelante a soutenu que cette dernière n'était pas une agence de placement au sens de l'alinéa 12g). Il a prétendu que l'appelante offrait un service de marketing pour des consultants. Je ne considère pas qu'il s'agit d'un argument convaincant. L'expression « agence de placement » n'est pas définie par le Règlement et doit recevoir son sens ordinaire lu en contexte, à savoir un organisme s'occupant de faire correspondre des demandes de travail à des demandes de travailleurs. Il a également soutenu que l'appelante se distinguait d'une agence de placement normale en raison de l'entente portant sur les honoraires. À mon avis, rien du libellé de l'alinéa 12g) ne lie la signification de l'expression « agence de placement » à la présence ou à l'absence de tout type particulier d'entente pour la rémunération versée par l'agence, comme l'a à un certain moment suggéré l'avocat de l'appelante.

[25]     Dans la décision Vendor Surveillance Corp. c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2000] A.C.I. no 620 (Q.L.), la Cour a conclu que, bien que l'appelante soit une agence de placement, l'expert-conseil n'était pas sous le contrôle du client de l'agence de placement. Par conséquent, le travailleur possédait le statut de travailleur autonome et non celui d'employé. Je vais citer le passage suivant tiré de la page 4 de la décision :

[...] En ce qui concerne le fait que l'employé devait présenter des feuilles de temps et des états de frais pour être rémunéré au taux horaire déterminé par le payeur, Vulcain Alarme Inc., le juge Létourneau s'est référé à la décision Canada v. Rousselle et al. (1990), 124 N.R. 339, dans laquelle le juge Hugessen, alors juge de la Cour d'appel fédérale, avait déclaré ce qui suit à la page 344 :

Ce n'est pas de contrôler un travail que de fixer la valeur de la rémunération ou de définir le but recherché. Le contrat d'entreprise comporte ces éléments aussi bien que le contrat de louage de services. A plus forte raison, le contrôle ne réside pas dans l'acte de paiement, que ce soit par chèque ou autrement.

[...]

Le juge Létourneau s'est ensuite référé à un passage de la décision Charbonneau c. M.N.R., [1996] A.C.F. no 1337, dans laquelle le juge Décary déclarait :

[...] Rares sont les donneurs d'ouvrage qui ne s'assurent pas que le travail est exécuté en conformité avec leurs exigences et aux lieux convenus. Le contrôle du résultat ne doit pas être confondu avec le contrôle du travailleur.

[...]

La preuve a révélé que M. Budgen ne recevait pas d'instructions d'un superviseur se trouvant à New York, mais il appelait quotidiennement quelqu'un chez Northrop à Dallas pour l'informer des différents problèmes auxquels les fournisseurs étaient confrontés. Northrop n'a pas indiqué à M. Budgen chaque jour le travail à accomplir. C'était plutôt M. Budgen qui informait Northrop de ses propositions et instructions concernant les changements ou les ajustements à apporter aux opérations des fournisseurs. M. Budgen ne faisait l'objet d'aucun contrôle concernant ses heures de travail. Il présentait une feuille de temps sans le moindre contrôle de ses inscriptions, car on lui faisait confiance, et il était rémunéré sur la base de cette feuille de temps. Le fait que les heures supplémentaires devaient être approuvées faisait partie des conditions du contrat. M. Budgen avait accepté d'être rémunéré sur la base de 40 heures par semaine pour le travail à effectuer. Cela n'indique pas nécessairement, à mon avis, l'existence d'une relation employeur-employé, car il pouvait travailler, et a effectivement travaillé, plus de 40 heures par semaine sans rémunération supplémentaire. Qui plus est, M. Budgen pouvait travailler à la maison quand cela l'arrangeait sans en informer Northrop. Il est évident qu'il n'était pas obligé de travailler pendant les heures d'ouverture de Northrop, qui se trouvait à Dallas et en Floride. Bien qu'on lui ait dit qu'il était préférable qu'il soit présent chez les fournisseurs pendant les heures de travail des employés de ceux-ci, personne ne vérifiait s'il y était. En un sens, il était libre d'organiser son temps selon ce qui l'arrangeait le mieux.

[26]     L'avocat de l'appelante s'est également appuyé sur l'affaire Quantum Information Resources Ltd. c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1991] A.C.I. no 420 (Q.L.). Il a d'abord renvoyé au sommaire puis aux passages suivants :

La société appelante était en affaire afin de fournir des services de programmation en informatique à des utilisateurs et à des fabricants d'ordinateurs. Elle employait environ 500 personnes, en plus de personnel supplémentaire spécialisé, en cas de besoin. L'appel a été interjeté relativement au statut d'un groupe de travailleurs supplémentaires engagés pour une durée déterminée, et donc considérés comme des sous-traitants. Le contrôle de leur rendement incombait aux clients faisant affaire avec l'appelante. Le Ministre a déterminé que ces travailleurs supplémentaires occupaient un emploi assurable. L'appelante a appelé de cette décision devant la Cour canadienne de l'impôt.

ARRÊT: Appel accueilli. L'appelante est restée maître de la relation entre le client et son sous-traitant et a rémunéré le sous-traitant d'une façon qui nous permet de conclure que celui-ci travaillait à son propre compte.

[...]

Quantum est une corporation constituée sous le régime des lois du Canada, dont les objets consistent à fournir des services de programmation informatique à des utilisateurs et à des fabricants d'ordinateur, à fournir des services d'analyse et de conception de système pour des applications commerciales et scientifiques et à jouer un rôle d'expert-conseil en traitement électronique de l'information. La corporation sollicite diverses entreprises qui se servent d'ordinateurs et leur offre ses services. Pour exercer les activités qui viennent d'être décrites, Quantum emploie environ 500 personnes et, en plus de ses programmeurs et analystes, fait appel à l'occasion à des personnes qualifiées lorsqu'elle ne peut fournir à ses clients les services demandés à l'aide de son personnel propre. MM. Rafie et Roberge étaient des programmeurs qualifiés auxquels Quantum faisait appel selon les besoins. Ils avaient tous deux signé avec Quantum des contrats analogues par lesquels ils s'engageaient à exécuter pour le compte de Quantum, en qualité de "sous-traitants", les tâches précises exigées par les clients. Les sous-traitants de Quantum représentaient environ 2 % de son effectif de programmeurs. Leur contrat était établi pour une période déterminée et stipulait qu'ils ne bénéficiaient d'aucun des avantages sociaux des employés et qu'aucune retenue à la source ne leur était appliquée au titre des impôts, des régimes de pension, des primes d'assurance-chômage et de l'assurance médicale ou dentaire; chaque sous-traitant devait assumer ses propres dépenses; la durée déterminée du contrat pouvait être prolongée par entente mutuelle; la rémunération était fixée à l'heure; les heures de travail étaient établies en fonction des exigences du client et devaient être attestées par ce dernier avant d'être présentées à Quantum pour paiement du sous-traitant; enfin, le contrat pouvait être résilié par chacune des parties, moyennant un préavis raisonnable.

[...]

Compte tenu de la preuve entendue dans les présents appels, je suis convaincue que Quantum a établi, d'après la prépondérance des probabilités, qu'elle n'était pas en fait une agence de placement et que, lorsqu'elle a conclu un contrat avec M. Rafie et M. Roberge, c'était dans le but de remplir ses propres objets et non au profit des deux sous-traitants. Quantum faisait payer à ses clients une somme supérieure à celle qu'elle versait à ses sous-traitants, mais elle le faisait moins dans le but de produire un revenu que pour donner satisfaction à ses clients lorsqu'elle ne pouvait répondre aux exigences particulières de ces derniers au moment considéré à l'aide de ses propres employés. Quantum gardait la haute main sur les rapports entre le client et son sous-traitant et rémunérait ce dernier dans des conditions telles qu'il est justifié de conclure que le sous-traitant était un travailleur indépendant.

[27]     L'avocat de l'appelante soutient que, tout comme l'appelante dans l'affaire Quantum Information Resources (précitée), la présente appelante a conclu un contrat avec le client à titre de mandant et non de mandataire. Son contrat avec Canadien Pacifique Limitée visait la prestation de services consultatifs en informatique et de services de gestion de projet. L'appelante a embauché des travailleurs pour accomplir les tâches afin d'atteindre les objectifs et de mériter les primes de rendement. Elle n'a jamais fait de publicité en tant qu'agence de placement et elle n'est pas une agence de placement. Mme Dolci avait un contact quotidien avec M. Starnino, mais il n'était pas là pour la contrôler mais pour rendre compte à M. Nash. Si un problème était survenu, il aurait appartenu à M. Nash de mettre fin à l'emploi de la travailleuse.

[28]     L'avocat de l'appelante a déclaré que, bien qu'il n'ait pas à débattre le point selon lequel la travailleuse n'était pas une employée du client de l'appelante, il allait aborder la situation dans une certaine mesure. Aucun contrôle n'était exercé par CP sur Mme Dolci. Son horaire était flexible. Sa présence chez CP était demandée par M. Nash.

[29]     L'avocat de l'intimé a soutenu que Mme Dolci, la travailleuse, effectuait le même travail avant et après son embauche par l'appelante. Il a soutenu que le prix n'était pas fixé par M. Nash. Il a prétendu que l'appelante était une agence de placement puisqu'elle avait embauché trois personnes. Une agence de placement n'a pas à s'enregistrer. Il n'existe pas de définition d'agence de placement ou de bureau de placement. Elle peut simplement établir une correspondance entre des demandes.

[30]     Il a également mentionné l'affaire Vendor Surveillance Corp. (précitée) et son paragraphe 18, déclarant que rien dans la Loi n'oblige l'agence de placement à s'enregistrer en vertu d'une loi provinciale. Il a soutenu que l'appelante agissait à titre d'agence de placement selon les besoins pour des raisons d'affaires. Donc, si l'appelante était une agence de placement, il devait maintenant se demander si la travailleuse était sous le contrôle de Canadien Pacifique Limitée. Il a soutenu que la travailleuse se sentait membre de l'équipe, qu'elle participait aux réunions, qu'elle rendait compte à M. Starnino, de qui elle recevait ses directives. Elle était consultée par Minneapolis et travaillait avec les autres employés de CP. Elle n'avait pas de chance de bénéfice ni de risque de perte, elle ne possédait pas les instruments de travail et, pour ce qui est du critère de l'intégration, elle faisait partie d'une équipe recevant ses instructions d'autres employés.

[31]     L'avocat de l'appelante a rappelé à la Cour que cette dernière s'occupait de la gestion d'un projet, réunissant toutes les parties afin de compléter le projet. M. Nash a réalisé qu'il aurait besoin de plus d'employés. Il a décidé d'ajouter d'autres services, notamment un poste d'entrée de données. On a décidé qu'il serait mieux de recruter une personne qui connaissait bien la méthode d'entrée de données. Sur la plan de la gestion, il s'agissait d'une sage décision. Sur le montant de 20 $ de l'heure versé aux travailleurs, il réalisait un profit de 5 $ de l'heure. Il prenait un risque. Les directives provenaient de M. Nash en sa qualité de directeur de projet. Il était le superviseur. Le fait de conclure que l'appelante était une agence de placement et d'accepter la position de l'intimé constituerait une proposition trop large.

Conclusion

[32]     À mon avis, la preuve a clairement démontré que l'appelante n'agissait pas à titre d'agence de placement. Elle agissait à titre d'expert-conseil lorsqu'elle a conclu une entente avec CP. Les services devant être fournis concernaient la conception, la création et la mise en oeuvre d'un système ou d'un programme informatique nommé le projet relatif à la feuille de travail pour les prix. L'appelante n'avait pas au nombre de ses tâches la recherche et le placement d'employés au nom d'un tiers.

[33]     Le contrôle ultime sur la travailleuse était exercé par l'appelante et non par CP puisque c'est l'appelante qui avait la direction du projet. Il s'agit d'une affaire semblable à celle de Quantum Information Resources Ltd (précitée). Toutefois, je n'en viens pas à la même conclusion pour ce qui est de la situation relative à l'emploi de la travailleuse. Le juge dans l'affaire Quantum Information Resources Ltd (précitée) a conclu que le travailleur se trouvait dans la situation d'un travailleur autonome. En l'espèce, je ne peux que conclure que la situation d'emploi de la travailleuse était celle d'une employée, c'est-à-dire une employée de l'appelante.

[34]     La durée du contrat, la nature du travail, les heures de travail, l'endroit où le travail devait être accompli et le mode de rémunération sont des éléments indicatifs d'un statut d'employé.

[35]     Je vais maintenant traiter des critères habituels : le contrôle, la propriété des instruments de travail, la chance de bénéfice ou le risque de perte et le critère de l'intégration.

Contrôle : Mme Dolci devait être présente 40 heures par semaine à l'établissement de CP qui correspondait au situs de travail de l'appelante pour ce projet. Elle entrait des données dans le système informatique. Elle ne semble pas avoir eu besoin de beaucoup de directives quant à la manière d'accomplir son travail. Elle a été embauchée parce qu'elle avait de l'expérience dans ce travail et qu'elle était une travailleuse consciencieuse et compétente. Au cours de son expérience précédente, elle était une employée.

Propriété des instruments de travail : Ils étaient fournis par CP et non par la travailleuse.

Chance de bénéfice ou risque de perte : Il ne semble pas y en avoir. Elle était payée selon une base horaire.

Propriété de l'entreprise (ou critère de l'intégration) : La conduite antérieure de la travailleuse et sa conduite pendant la période en cause ne sont pas celles d'une entrepreneuse indépendante. La travailleuse n'a pas offert ses services à titre d'expert-conseil ni n'a fait de publicité à cet effet. Il s'agissait de l'entreprise de l'appelante. L'appelante avait besoin de travailleurs pour accomplir sa tâche à l'intérieur du délai alloué. Elle a retenu les services de la travailleuse
[36]     Le ministre semble avoir établi des cotisations à l'égard de l'appelante à titre d'agence de placement. La réponse à l'avis d'appel est plus générale. Elle précise d'abord que la travailleuse est l'employée de l'appelante et que cette dernière agissait à titre d'agence de placement. Les faits décrits dans la réponse à l'avis d'appel sont en grande partie les mêmes que ceux révélés par la preuve, à l'exception du fait que la réponse place davantage l'accent sur le contrôle exercé par CP que ce que la preuve a révélé. Le projet relatif à la feuille de travail a été donné en sous-traitance par l'organisation principale. Il a été privatisé. L'appelante jouait le rôle principal dans la réalisation du programme informatique et c'était sa responsabilité. C'est ce pour quoi elle était payée. La travailleuse se trouvait sous sa supervision et elle devait accomplir son travail conformément à ce qu'on attendait d'elle, sinon l'appelante avait le pouvoir de résilier son contrat de louage de services.

[37]     La travailleuse a conclu un contrat de louage de services avec l'appelante pendant la période en litige. L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'avril 2001.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-441(EI)

ENTRE :

TRIUMPH IMPLEMENTATION

CONSULTING CORPORATION,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

GAÉTANE DOLCI,

intervenante.

Appel entendu avec l'appel no 2000-443(CPP)

le 8 décembre 2000 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Avocat de l'appelante :                                  Me Paul S. Carenza

Avocat de l'intimé :                                        Me Arnold Bornstein

Pour l'intervenante :                                       L'intervenante elle-même


JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la décision rendue par le ministre du Revenu national est rejeté et la décision du ministre est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'avril 2001.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-443(CPP)

ENTRE :

TRIUMPH IMPLEMENTATION

CONSULTING CORPORATION,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

GAÉTANE DOLCI,

intervenante.

Appel entendu avec l'appel no 2000-441(EI)

le 8 décembre 2000 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Avocat de l'appelante :                                  Me Paul S. Carenza

Avocat de l'intimé :                                        Me Arnold Bornstein

Pour l'intervenante :                                       L'intervenante elle-même


JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la décision rendue par le ministre du Revenu national est rejeté et la décision du ministre est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'avril 2001.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.