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Date: 20010430

Dossier: 2000-4624-IT-G

ENTRE :

EDWARD LLOYD JONES,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsde l'ordonnance

Le juge Bonner, C.C.I.

[1]            L'intimée demande l'annulation de l'appel en l'instance, interjeté à l'encontre d'une cotisation d'impôt sur le revenu établie pour l'année d'imposition 1988, pour le motif que, l'appelant ayant omis de signifier un avis d'opposition à la cotisation comme il était tenu de le faire en vertu de l'article 165 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi "), il ne peut interjeter appel en vertu de l'article 169 de la Loi. À l'encontre de la demande, l'appelant a déposé une réponse modifiée et un avis de requête dans lesquels il demande l'annulation de la cotisation pour le motif qu'elle est fondée sur une preuve obtenue en violation de ses droits garantis par la Charte.

[2]            Le 13 février 1990, le ministre du Revenu national (le " ministre ") a établi une cotisation à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 1988. Le 12 mars 1990, l'appelant a rencontré son avocat, Me Peter Alexander Hart, qui l'a aidé à rédiger une lettre dans laquelle il s'opposait à la cotisation, demandait copie des documents invoqués à l'appui de cette cotisation et, chose curieuse, demandait le nom des employés de Revenu Canada qui avaient établi la cotisation. Cette lettre a été jointe à un avis d'opposition fait selon le formulaire prescrit, et faisait partie de celui-ci. D'après l'affidavit de l'appelant daté du 22 mars 2001[1], ce dernier a expédié le document par courrier ordinaire à l'attention du " Centre fiscal de Surrey " le 12 mars 1990 ou vers cette date.

[3]            L'article 165 de la Loi en vigueur à l'époque énonçait en des termes clairs et précis les conditions relatives à la signification d'un avis d'opposition. Il se lisait en partie dans les termes suivants :

165. (1)    Un contribuable qui s'oppose à une cotisation prévue par la présente Partie peut, dans les 90 jours de la date d'expédition par la poste de l'avis de cotisation, signifier au Ministre un avis d'opposition, en double exemplaire, selon le formulaire prescrit, exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents.

(2)            Un avis d'opposition prévu au présent article doit être signifié par la poste, sous pli recommandé, adressé au sous-ministre du Revenu national pour l'impôt, à Ottawa.

(3)            Dès réception de l'avis d'opposition, formulé en vertu du présent article, le Ministre doit,

a)              avec toute la diligence possible, examiner de nouveau la cotisation et annuler, ratifier ou modifier cette dernière ou établir une nouvelle cotisation, ou

[...]

et en aviser le contribuable par lettre recommandée.

[...]

(6)            Le Ministre peut accepter un avis d'opposition en vertu du présent article alors même que cet avis n'a pas été signifié en double exemplaire ou de la manière requise par le paragraphe (2).

[4]            Le ministre n'a pris aucune des mesures décrites à l'alinéa 165(3)a). En outre, il n'a pas " accepté " l'avis d'opposition au sens du paragraphe 165(6). Rien dans les documents n'indique qu'on lui ait jamais demandé de le faire ou qu'il l'aurait fait.

[5]            L'appelant a déposé son appel devant la Cour dans un avis d'appel daté du 8 novembre 2000. La demande d'annulation de l'appel présentée par l'intimée est fondée sur le paragraphe 169(1) de la Loi, dont la partie liminaire est libellée dans les termes suivants :

(1)            Lorsqu'un contribuable a signifié un avis d'opposition à une cotisation, prévu à l'article 165, il peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l'impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation : [...]

[6]            L'intimée invoque à l'appui de sa demande l'affidavit de M. Roger V. Smith, fonctionnaire à l'Agence des douanes et du revenu du Canada, auparavant Revenu Canada. L'affidavit a été rédigé conformément au paragraphe 244(10) de la Loi. Il est reproduit ci-après en partie :

                                [TRADUCTION]

b)             J'ai fait un examen attentif des registres et j'y ai pratiqué des recherches, et il m'a été impossible de constater qu'un avis d'opposition avait été reçu dans le délai prescrit au paragraphe 165(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu relativement à l'année d'imposition 1988 en ce qui concerne M. Jones.

[7]            M. Smith a été contre-interrogé relativement à son affidavit. Il a confirmé qu'à l'époque en question on avait pour pratique à Revenu Canada de consigner tous les avis d'opposition dans l'ordinateur du ministère sur réception du document en question. M. Smith a témoigné qu'il avait personnellement effectué des recherches et conclu qu'il n'y avait dans l'ordinateur aucune trace de l'avis d'opposition que l'appelant prétendait avoir fait parvenir. M. Smith a fait plus que se livrer à une recherche habituelle à l'endroit approprié. Le contre-interrogatoire a révélé qu'en plus de chercher dans le registre informatisé des avis d'opposition reçus, M. Smith a demandé qu'une vérification soit effectuée au centre de Surrey et à l'unité des enquêtes spéciales[2]. Cette vérification visait à déterminer si le document expédié par la poste par l'appelant avait pu se retrouver avec d'autres documents dans des dossiers qui le concernaient. M. Smith a été informé que le document en question n'avait pas été trouvé.

[8]            L'avocat de l'appelant a fait valoir que le témoignage de M. Smith sur les déclarations qui lui avaient été faites par les personnes ayant effectué des recherches dans les dossiers du centre de Surrey et les dossiers d'enquêtes spécialisées devait être rejeté parce qu'il constituait du ouï-dire. En outre, a-t-il soutenu, un affidavit fait en vertu du paragraphe 244(10) doit, comme la disposition le prévoit, être reçu comme preuve des énonciations qui y sont renfermées, sauf preuve contraire. Comme preuve contraire, l'avocat a invoqué le témoignage non contredit de l'appelant dans son affidavit et, plus particulièrement, la déclaration selon laquelle l'avis d'opposition avait été expédié par courrier ordinaire adressé au " Centre fiscal de Surrey ". Il a invoqué le paragraphe 248(7) de la Loi et fait valoir que l'avis d'opposition était réputé reçu le jour de sa mise à la poste.

[9]            Le paragraphe 248(7) de la Loi est libellé en partie dans les termes suivants :

(7) Pour l'application de la présente loi :

a)             tout envoi en première classe ou l'équivalent, sauf une somme remise ou payée qui est visée à l'alinéa b), est réputé reçu par le destinataire le jour de sa mise à la poste; [...]

[10]          Je me pencherai d'abord sur la question de savoir si l'affidavit de M. Smith est suffisant. Il satisfait aux exigences du paragraphe 244(10) de la Loi. M. Smith a personnellement examiné les " registres appropriés ", c'est-à-dire le registre informatisé des avis d'opposition reçus par Revenu Canada, et il lui a été impossible de constater qu'un avis d'opposition pour l'année d'imposition 1988 avait été reçu dans le délai imparti. La force de cet affidavit n'est pas atténuée par le fait que M. Smith a demandé à des tiers de vérifier là où un avis d'opposition aurait pu se retrouver par erreur. Même si je rejetais, pour motif qu'il s'agit de ouï-dire, la portion du témoignage de M. Smith qui se rapporte aux résultats des recherches supplémentaires effectuées par d'autres employés, l'élément essentiel de l'affidavit demeurerait intact.

[11]          Le paragraphe 248(7) n'aide pas l'appelant. Au mieux, pour l'appelant, cette disposition fait en sorte que l'avis d'opposition qu'il a mis à la poste est réputé avoir été reçu par quelqu'un au Centre fiscal de Surrey. Cette réception réputée ne constitue pas la signification d'un avis d'opposition au sens de l'article 165.

[12]          L'avocat de l'appelant a soutenu également qu'en envoyant un avis d'opposition, le contribuable s'acquitte parfaitement de ses obligations. Si l'on s'en tient à cette prétention, l'envoi de l'avis d'opposition est tout ce qui compte. La réception de l'avis d'opposition n'a aucune importance, qu'il soit satisfait ou non au paragraphe 165(2). L'avocat a invoqué la décision de la Cour d'appel fédérale rendue dans l'arrêt La Reine c. Schaffer[3]. Cette décision n'est d'aucune aide, du moins à l'appelant. Dans l'arrêt Schaffer, la Cour a souligné que la disposition législative aux termes de laquelle un avis d'opposition doit être signifié " dans les 90 jours suivant le jour où l'avis de cotisation " est envoyé au contribuable n'exige pas que celui-ci ait reçu l'avis de cotisation pour que le délai de prescription commence à courir.

[13]          Le problème que posent les arguments invoqués par l'avocat de l'appelant tient au fait qu'ils ne tiennent pas compte des dispositions de l'article 165. Selon le paragraphe 165(1), le contribuable doit signifier l'avis d'opposition au ministre. Dans un libellé remarquablement clair, le paragraphe 165(2) énonce la façon dont l'avis d'opposition doit être signifié et à qui. Je ne puis conclure que l'appelant a " signifié " l'avis d'opposition au sens de l'article 165 car, non seulement il a omis d'expédier le document en question par courrier recommandé, mais il a omis de l'adresser à la bonne personne. L'omission de signifier l'avis d'opposition de la manière prescrite au paragraphe 165(2) ressort très clairement de l'affidavit de l'appelant. L'avis d'opposition que l'appelant a fait parvenir au Centre fiscal de Surrey ne se retrouve pas entre les mains du sous-ministre du Revenu national pour l'impôt, à Ottawa, du seul fait du paragraphe 244(10), qui est une disposition déterminative. Ni le libellé choisi par le législateur pour exprimer sa volonté, ni l'intention législative qui sous-tend le paragraphe 244(1), ne peuvent appuyer un argument qui fait complètement abstraction du paragraphe 165(2). Bien que les tribunaux hésitent à annuler des appels pour des questions de procédure, dans la présente affaire, l'appelant a omis de satisfaire à une condition — prévue à l'article 169 — préalable à l'existence d'un appel valide.

[14]          Il s'ensuit que l'appel doit être annulé. L'appel étant invalide, il n'existe aucun acte de procédure sur le fondement duquel la demande d'annulation de la cotisation de l'appelant puisse être entendue. L'intimée a droit à ses frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d'avril 2001.

" Michael J. Bonner "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 17e jour de décembre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-4624(IT)G

ENTRE :

EDWARD LLOYD JONES,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Requête entendue le 27 mars 2001 à Vancouver (Colombie-Britannique), par

l'honorable juge Michael J. Bonner

Comparutions

Avocat de l'appelant :                 Me E. Michael McMahon

Avocat de l'intimée :                   Me Eric Douglas

ORDONNANCE

          Vu la demande faite par l'intimée afin d'obtenir une ordonnance annulant l'appel et vu la demande faite par l'appelant afin d'obtenir une ordonnance annulant la cotisation en cause dans l'appel;

          Vu les affidavits de l'appelant, de Roger Smith et de Peter Hart, déposés, et audition faite des témoignages de MM. Smith et Hart;

          La demande de l'intimée est accueillie avec frais. L'appel est annulé. La demande de l'appelant est rejetée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d'avril 2001.

" Michael J. Bonner "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de décembre 2001.

Mario Lagacé, réviseur




[1]               L'appelant n'a subi aucun contre-interrogatoire sur cet affidavit.

[2]               Il semble que l'unité des enquêtes spéciales de Revenu Canada ait participé à l'établissement de la cotisation sur le fondement de l'hypothèse selon laquelle l'appelant avait tiré un revenu imposable du trafic de stupéfiants.

[3]               C.A.F., no A-414-98, 20 septembre 2000 (2000 DTC 6542).

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