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Date: 20010706

Dossier: 1999-226-GST-I

ENTRE :

KARL SCHUSTER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsde l'ordonnance

Le juge en chef Garon, C.C.I.

[1]            La requête en vue d'obtenir des précisions est présentée par l'appelant dans le cadre d'un appel interjeté à l'encontre d'une cotisation établie relativement à la responsabilité d'un administrateur en vertu de l'article 323 de la Loi sur la taxe d'accise. La cotisation en question découle du défaut de Loukar Homes Inc., dont l'appelant était un administrateur, de verser la taxe sur les produits et services. L'appel est régi par la procédure informelle.

[2]            L'avis de requête daté du 6 octobre 2000 indique d'abord que la requête vise à obtenir une décision sur les questions de droit énoncées aux alinéas a) et b) du paragraphe 1, puis ce qui suit, à l'alinéa c) :

                                [TRADUCTION]

c)                    Ou, subsidiairement, le ministre doit fournir des précisions supplémentaires conformément à la demande de précisions jointe à la présente, à l'annexe A.

[3]            La requête dans laquelle l'appelant demande notamment des précisions supplémentaires a été entendue le 16 octobre 2000. L'audition a été ajournée jusqu'à ce que les parties aient pris les mesures décrites plus loin.

[4]            À la suite de cette audition, une ordonnance provisoire a été rendue le 31 octobre 2000. L'ordonnance fait état d'une entente conclue entre les parties au cours de l'audition de la requête concernant certaines mesures à prendre avant que l'intimée ne fournisse les précisions demandées.

[5]            Conformément à cette entente, dans une lettre datée du 20 octobre 2000 adressée à la Cour et à l'avocate de l'intimée, l'appelant a établi une liste de questions se rapportant à la cotisation visée par l'appel. Les précisions demandées figurent dans les passages suivants de la lettre en question :

                                [TRADUCTION]

Pour ces raisons, mon client demande que lui soient fournies les précisions suivantes :

Biens

Dans la correspondance antérieure, l'avocate du ministre a fourni une liste de dix biens qui étaient visés par la vérification. Cependant, dans le cadre de la production, le ministre a fourni des renseignements relativement à 14 biens. En dépit des demandes faites antérieurement par écrit, le ministre n'a jamais précisé de quels biens il s'agissait. Par conséquent, vous êtes priés de fournir la liste exacte des biens en cause de façon que nous sachions quels biens sont exclus.

Défaut d'effectuer les versements

Le ministre soutient que les opérations ne se rapportaient pas toutes à la vente d'un immeuble. Il existe une distinction entre les " contrats de construction avec un lot " et les " contrats de construction sans lot ". En outre, un certain nombre de projets ont été abandonnés, et le ministre indique que les acomptes versés sur certaines biens ont été confisqués et que des poursuites engagées relativement à d'autres biens ont donné lieu à des comptes débiteurs. Par conséquent, pour chacun des biens veuillez préciser le fondement factuel et législatif sur lequel repose l'obligation de verser les montants en cause, ainsi que les dates auxquelles, à votre avis, l'obligation d'effectuer les versements a pris naissance.

Taxe nette

La question de la taxe nette a causé énormément de désarroi à l'appelant. Loukar a perdu des sommes considérables, qui ont été versées à des inscrits aux fins de la TPS (en théorie, Loukar devrait avoir droit à un remboursement). De plus, M. Schuster a déboursé environ 250 000 $ de sa poche pour rembourser les dettes de Loukar à l'égard desquelles il était personnellement responsable. M. Schuster ne comprend pas que le ministre puisse soutenir qu'une TPS est due. M. Schuster a suivi à la lettre les directives données par M. Feurth pour ce qui est de documenter les CTI et d'obtenir les remboursements de TPS et de TVF.

Par conséquent, en ce qui concerne chacun des biens en cause, veuillez fournir les précisions suivantes :

a)                    Le montant total de TPS qui, à vos dires, aurait dû être perçu pour chaque bien et le fondement législatif de cette obligation;

b)                    Les CTI qui ont été accordés et la raison pour laquelle ils l'ont été;

c)                    Les CTI qui ont été refusés et la raison pour laquelle ils l'ont été;

d)                    Les remboursements de TPS et de TVF qui ont été accordés et la raison pour laquelle ils l'ont été;

e)                    Les remboursements de TPS et de TVF qui ont été refusés et la raison pour laquelle ils l'ont été;

f)                     Tout autre montant en litige.

[6]            Un avis de requête additionnel a été joint à la lettre du 20 octobre 2000 de l'appelant. Ce dernier [TRADUCTION] " demande que la Cour considère que la mesure de redressement formulée ci-dessous s'ajoute à la mesure de redressement demandée dans la requête entendue le 16 octobre 2000 et ajournée à une date indéterminée, pour donner au ministre le temps de fournir des précisions supplémentaires plus claires ".

[7]            Ainsi qu'on peut le lire dans la lettre de l'avocat de l'appelant datée du 20 octobre 2000, le dépôt d'un avis de requête additionnel visait à [TRADUCTION] " dissiper toute confusion possible " puisque [TRADUCTION] " la mesure de redressement demandée par l'appelant dans la requête en vue d'obtenir des précisions n'indiquait pas les dispositions exactes (les articles 52 et 53) des règles et n'indiquait pas clairement s'il s'agissait d'une requête en vue d'obtenir des précisions ou d'une requête visant la détermination d'une question de droit ".

[8]            L'avis de requête additionnel est libellé en partie dans les termes suivants :

                                [TRADUCTION]

LA REQUÊTE SUPPLÉMENTAIRE VISE À OBTENIR :

1.                     Une ordonnance contraignant le ministre à fournir des précisions complètes conformément aux demandes de précisions datées du 22 août et du 20 octobre 2000.

2.                     Faute de quoi, l'appelant demande l'annulation de la cotisation.

3.                     Faute de quoi, l'appelant demande que le ministre ait la charge de prouver le défaut de verser la taxe nette;

4.                     Toute autre mesure de redressement qui peut être demandée et que la Cour peut accorder.

5.                    

[9]            À une lettre datée du 24 novembre 2000 adressée à l'avocat de l'appelant, l'avocate de l'intimée a joint des annexes qui, de l'avis de sa cliente, fournissaient les réponses demandées dans la requête de l'appelant en vue d'obtenir des précisions. Le corps de cette lettre est libellé dans les termes suivants :

                                [TRADUCTION]

Conformément à l'ordonnance du juge Garon prononcée le 31 octobre 2000, je joins des annexes qui répondent aux demandes que vous avez formulées dans votre requête en vue d'obtenir des précisions.

Ainsi, ces annexes indiquent, pour chaque bien, le fondement factuel et législatif de l'obligation de payer la taxe sur les produits et services (la " TPS "), les dates auxquelles l'obligation a pris naissance et les périodes visées, la TPS à percevoir, les crédits de taxe sur les intrants (les " CTI ") accordés et les remboursements accordés.

Nous croyons comprendre qu'en ce qui concerne l'obligation de la personne morale de payer une TPS, aucun autre montant n'est en litige.

En ce qui concerne la question de savoir si des CTI ont été accordés et, le cas échéant, les raisons de cette décision, le paragraphe 169(1) permet de demander un CTI dans la mesure où l'intrant taxable est destiné à la consommation, à l'utilisation ou à la fourniture dans le cadre d'une activité commerciale d'un inscrit. Cependant, si l'on se reporte au paragraphe 169(4), l'inscrit doit étayer suffisamment sa demande de CTI en fournissant les renseignements prévus à l'article 3 du Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants. En conséquence, dans la mesure où les renseignements nécessaires ont été fournis, les CTI ont été accordés; en fait, pour deux périodes, c'est-à-dire celles du 30/06/91 et du 30/09/91, l'appelant a obtenu un CTI supérieur à celui qu'il avait demandé.

En ce qui concerne la question du remboursement, dans la mesure où les conditions énoncées à l'article 254 sont réunies, les remboursements de TPS ont été accordés, comme en font foi les annexes. De plus, puisque la cotisation n'englobe pas la taxe de vente fédérale payable, votre demande de renseignements sur cette question n'est pas justifiée.

Si elle fournit ces renseignements, l'intimée n'admet toutefois pas la pertinence de cette preuve. En outre, elle se réserve le droit de s'opposer à l'admissibilité de cette preuve à l'audition de l'appel susmentionné.

[10]          Les annexes en question, qui font 16 pages, contiennent une profusion de détails sur la cotisation établie à l'égard de Loukar Homes Inc.

[11]          Dans une lettre datée du 22 décembre 2000, l'avocat de l'appelant a indiqué que la réponse de l'intimée aux demandes de précisions était incomplète. Des explications sont fournies à l'appui de cette affirmation dans la déclaration de l'appelant assermentée le 22 décembre 2000 et dans une copie d'une lettre, jointe à cette déclaration, que le cabinet d'experts-comptables Deloitte & Touche LLP a fait parvenir à l'appelant le 21 décembre 2000.

[12]          En réponse à la lettre de l'avocat de l'appelant datée du 22 décembre 2000, l'avocate de l'intimée a affirmé à nouveau, dans sa lettre datée du 2 février 2001, que l'intimée avait [TRADUCTION] " répondu à chacune des demandes de précisions conformément à l'ordonnance du juge Garon et à la première liste de questions de l'appelant datée du 20 octobre 2000 ". L'avocate de l'intimée a ajouté ce qui suit :

                                [TRADUCTION]

[...] Examen fait de chacun des détails particuliers, nous soutenons que notre lettre du 24 novembre 2000 et les annexes de l'Agence des douanes et du revenu du Canada qui y étaient jointes répondaient spécifiquement à chacune des demandes de précisions. Plus exactement :

·               En ce qui concerne les biens, nous avons fourni une liste exacte des biens en cause;

·               En ce qui concerne le défaut d'effectuer les versements, nous avons fourni pour chaque bien le fondement factuel et législatif donnant naissance à l'obligation d'effectuer les versements, ainsi que les dates auxquelles cette obligation a pris naissance;

·               En ce qui concerne la taxe nette, pour chaque bien en cause, nous avons répondu aux demandes de précisions suivantes :

a)                    le montant total de la TPS qui aurait dû être perçu et le fondement législatif de cette obligation;

b)                    les CTI qui ont été accordés et la raison pour laquelle ils l'ont été;

c)                    les CTI qui ont été refusés et la raison pour laquelle ils l'ont été;

d)                    les remboursements de TPS et de TVF qui ont été accordés et la raison pour laquelle ils l'ont été;

e)                    les remboursements de TPS et de TVF qui ont été refusés et la raison pour laquelle ils l'ont été;

f)                     tout autre montant en litige.

Les détails demandés dans les alinéas b) à f) ont été fournis dans les paragraphes 3, 4 et 5 de notre lettre.

[13]          Au cours d'une conférence téléphonique tenue le 8 mars 2001, les parties ont convenu, avec l'approbation de la Cour, de poursuivre l'audition de la présente requête en soumettant des observations écrites. Les parties ont ensuite fait parvenir ces observations à la Cour.

[14]          C'est dans ce contexte factuel que je me penche maintenant sur le bien-fondé de la requête en vue d'obtenir des précisions.

[15]          Il y a lieu de rappeler que, dans l'ordonnance que j'ai prononcée le 31 octobre 2000, j'avais " ordonné que l'intimée fournisse les précisions demandées au plus tard le 24 novembre 2000 ".

[16]          Premièrement, ainsi qu'il a été mentionné précédemment, cette requête est présentée dans le contexte d'une affaire régie par la procédure informelle. Les Règles de procédure de la Cour canadienne de l'impôt à l'égard de la Loi sur la taxe d'accise (procédure informelle) ne prévoient pas la communication de documents ni la tenue d'interrogatoires préalables. L'article 18.3001 et les articles 18.3003 à 18.302 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt et les Règles de procédure de la Cour canadienne de l'impôt à l'égard de la Loi sur la taxe d'accise (procédure informelle) énoncent une procédure simplifiée ayant pour but de régler rapidement les appels. Les procédures interlocutoires ne sont pas chose courante dans les affaires régies par la procédure informelle et elles ne devraient pas être encouragées. Après tout, c'est le contribuable qui a voulu que son appel soit régi par la procédure informelle. À moins d'être manifestement justifié, le recours à des procédures interlocutoires paraît aller à l'encontre de l'intention du législateur, formulée au paragraphe 18.15(4) de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt. Cette disposition s'applique aux appels interjetés en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise du fait de l'article 18.302 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt.

[17]          J'ai pris en considération la réponse à l'avis d'appel et examiné attentivement la lettre que l'intimée a adressée à l'avocat de l'appelant le 24 novembre 2000, les annexes qui y sont jointes, ainsi que la lettre que l'intimée a adressée à l'avocat de l'appelant le 2 février 2001. J'ai aussi examiné la déclaration sous serment de l'appelant, datée du 22 décembre 2000, et une lettre du cabinet d'experts-comptables Deloitte & Touche LLP adressée à l'appelant le 21 décembre 2000, qui y est jointe. Ces deux derniers documents expliquent pourquoi, d'après l'appelant, la réponse de l'intimée à la demande de précisions est incomplète.

[18]          Je ne suis pas convaincu que l'intimée était tenue, à vrai dire, de fournir des précisions relativement à la réponse à l'avis d'appel déposée dans la présente affaire. Une requête en vue d'obtenir des précisions n'a pas pour objet d'obtenir une liste circonstanciée des éléments de preuve qui seront produits par la personne qui fournit les précisions. En outre, cette requête doit être considérée dans le contexte d'une affaire qui est régie par la procédure informelle. Quoi qu'il en soit, je suis d'avis que l'intimée s'est acquittée de son obligation concernant la détermination des questions que la Cour doit trancher dans le présent appel.

[19]          Les précisions demandées, du moins à certains égards, paraissent être destinées à soutenir un appel de la cotisation établie à l'égard de la personne morale, Loukar Homes Inc. Je suis enclin à penser que l'appelant ne peut pas contester la cotisation sous-jacente qui a été établie à l'égard de cette personne morale.

[20]          À mon avis, il ressort clairement de l'article 323 de la Loi sur la taxe d'accise que la responsabilité de l'administrateur est directement liée au montant de taxe nette ainsi qu'à l'intérêt et aux pénalités y afférents, qui sont dus par la personne morale. C'est ce que confirme le paragraphe 323(2) de la Loi sur la taxe d'accise, qui précise, pour l'essentiel, que l'administrateur n'encourt de responsabilité que si la somme pour laquelle la personne morale est responsable a été déterminée de l'une ou l'autre façon mentionnée aux alinéas a), b) et c) du paragraphe 323(2). Ainsi qu'il est précisé à l'alinéa 4 j) de la réponse à l'avis d'appel, c'est l'alinéa 323(2)a) de la Loi sur la taxe d'accise qui s'applique en l'espèce. Le paragraphe 323(6) dissipe tout doute sur cette question puisqu'il y est dit que, dans les cas où un certificat précisant la somme pour laquelle la personne morale est responsable a été enregistré à la Cour fédérale conformément à l'alinéa 323(2)a) et où il y a eu défaut d'exécution à l'égard de cette somme, " la somme à recouvrer d'un administrateur est celle qui demeure impayée après l'exécution ". Donc, les paragraphes 323(2) et 323(6) de la Loi sur la taxe d'accise établissent incontestablement un lien direct entre la somme pour laquelle la personne morale est responsable et la somme qui peut être recouvrée d'un administrateur. La somme pour laquelle la personne morale est responsable ne peut être déterminée que dans la cotisation établie par le ministre du Revenu national à l'égard de la personne morale, à moins qu'elle ne soit modifiée ou annulée par les tribunaux.

[21]          En ce qui concerne le régime législatif prévu à l'article 323 de la Loi sur la taxe d'accise, il ne fait à mon avis aucun doute qu'un administrateur est tenu de payer le montant de taxe nette et l'intérêt et les pénalités y afférents qui sont dus par la personne morale et qui demeurent impayés après l'exécution. Je suis d'accord avec le juge Bowie, qui a affirmé, dans l'affaire Papa c. La Reine, C.C.I., no 1999-3956(GST)I, 17 août 2000 ([2000] G.S.T.C. 74), que la " cotisation sous-jacente, si elle n'a pas été modifiée ni annulée par suite d'une opposition ou d'un appel couronné de succès, fixe de manière absolue le montant de l'obligation de la personne morale. C'est de cette obligation, ainsi fixée, que les administrateurs peuvent devenir responsables en application de l'article 323, si les conditions prévues à cet article sont réunies ".

[22]          J'ai examiné la jurisprudence portant sur la question de savoir si l'administrateur d'une personne morale à l'égard duquel une cotisation a été établie au titre de la dette fiscale d'une personne morale peut contester la cotisation sous-jacente de la personne morale en tenant compte de la décision rendue récemment par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Gaucher c. La Reine, C.A.F., no A-275-00, 16 novembre 2000 (2000 DTC 6678), où, saisi d'une affaire mettant en cause le transfert d'un bien en vertu de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu, le juge Rothstein a conclu que le contribuable avait le droit de contester une cotisation principale sur laquelle repose la cotisation dérivée qui est établie à son égard. À mon avis, cette décision de la Cour d'appel fédérale ne s'applique pas à la présente affaire parce que, ainsi que je tenterai de le démontrer, il existe des différences importantes entre les dispositions qui régissent l'obligation fiscale de l'administrateur et celles qui établissent l'obligation fiscale du bénéficiaire d'un transfert à la suite d'un transfert de biens généralement entre personnes ayant entre elles un lien de dépendance.

[23]          Les dispositions des articles 325 de la Loi sur la taxe d'accise et 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui portent sur les transferts de biens effectués entre certaines catégories de personnes, ne se retrouvent pas dans les paragraphes 323(2) et (6) de la Loi sur la taxe d'accise, mentionnés précédemment, ni dans les paragraphes 227.1(2) et (5) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[24]          Les différences qui existent dans le régime législatif entre l'obligation fiscale de l'administrateur, d'une part, et l'obligation fiscale du bénéficiaire d'un transfert, d'autre part, tiennent tout simplement aux contextes factuels différents dans lesquels ces deux types d'obligations prennent naissance.

[25]          En fait, il faut comprendre que, dans une affaire portant sur l'obligation de l'administrateur, le législateur se trouve à contraindre un administrateur à payer la taxe due par une autre personne, c'est-à-dire la personne morale, alors qu'il n'a reçu aucun avantage direct du débiteur principal, la personne morale, ni même, dans bien des cas, d'avantage indirect. La situation est tout à fait différente lorsque les transferts de biens entre des catégories spécifiques de personnes sont analysés dans le contexte de l'article 325 de la Loi sur la taxe d'accise et de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Dans de tels cas, pour déclencher l'application de ces deux dispositions, un avantage doit avoir été conféré au bénéficiaire du transfert et, de façon générale, ce dernier n'est tenu de payer l'impôt de l'auteur du transfert que dans la mesure où la juste valeur marchande du bien qui lui a été transféré excède la juste valeur marchande de la contrepartie qu'il a versée pour le transfert du bien en question.

[26]          La différence entre la situation de l'administrateur d'une personne morale et celle du bénéficiaire d'un transfert tient également au fait que l'administrateur participe généralement à la décision de la personne morale (et aux mesures s'y rapportant) de contester ou de ne pas contester la cotisation établie à l'égard de la personne morale, sur laquelle la cotisation dérivée qui est établie à l'égard de l'administrateur est fondée. Quant au bénéficiaire du transfert, il n'a pas la possibilité de contester directement la cotisation sous-jacente établie à l'égard de l'auteur du transfert au moment où elle est établie. Le bénéficiaire du transfert ne peut contester que la cotisation dérivée qui est établie à son égard.

[27]          J'ai lu aussi avec beaucoup d'intérêt l'analyse exhaustive effectuée par le juge Mogan, de la Cour, dans l'affaire Schafer c. La Reine, C.C.I., no 95-1730(GST)G, 16 janvier 1998 ([1998] G.S.T.C. 7). Il s'agit d'une affaire mettant en cause l'obligation du bénéficiaire d'un transfert aux termes de l'article 325 de la Loi sur la taxe d'accise. Dans cette affaire, le juge a conclu que " dans le cadre d'un appel interjeté à l'encontre d'une cotisation établie en vertu de l'article 325, le cessionnaire ne peut contester la cotisation établie à l'égard du cédant ".

[28]          Je conclus par conséquent qu'il n'est pas loisible à l'appelant de contester la cotisation principale établie à l'égard de la personne morale dans le cadre d'un appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie à son égard en vertu de l'article 323 de la Loi sur la taxe d'accise. Par conséquent, la demande de précisions de l'appelant ne doit se rapporter qu'à la cotisation dérivée qui a été établie à son égard.

[29]          J'ajouterai que, même si la présente affaire était régie par la procédure générale, je conclurais que l'intimée a satisfait aux exigences relatives à l'obligation de fournir des précisions. Pour arriver à cette conclusion, je me fonde sur la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Gulf Canada Limited c. Le " Mary Mackin ", [1984] 1 C.F. 884. Cette décision résume bien les principes applicables aux demandes de précisions. Dans cette affaire, le juge Heald a, pour la majorité de la Cour, cité un passage tiré d'un jugement rendu par le juge Sheppard, de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, dans l'affaire Anglo-Canadian Timber Products Ltd. v. British Columbia Electric Company Limited, (1960), 31 W.W.R. 604 (C.A.C.-B.). En voici un extrait :

                                [TRADUCTION]

En revanche, le but d'une demande de détails est d'obliger une partie à donner des précisions sur les points qu'elle a essayé de soulever dans ses plaidoiries écrites de manière à ce que la partie adverse soit en mesure de se préparer à l'instruction en procédant à un interrogatoire préalable ou d'une autre façon. Le maître des rôles Jessel a énoncé le but des détails dans Thorp v. Holdsworth (1876) 3 Ch D 637, 45 LJ Ch 406, à la page 639 :

" L'objectif des plaidoiries écrites est d'amener les parties au point en litige, et le but des règles de l'Ordonnance XIX était d'éviter d'élargir la portée du litige et éviter ainsi que les parties ne sachent plus, lorsque la cause serait instruite, quels sont les points véritables à débattre et à trancher. En réalité, ce système est entièrement destiné à obliger les parties à se limiter à des questions déterminées et par là, à réduire les dépenses et les retards, surtout en ce qui concerne la quantité de témoignages requis par chacune des parties à l'audition. "

[30]          Je suis par conséquent d'avis que la réponse à l'avis d'appel et les précisions que l'intimée a fournies à l'appelant établissent correctement les questions en litige dans l'appel en l'instance. À mon sens, l'intimée s'est conformée à l'ordonnance que j'ai prononcée le 31 octobre 2000.

[31]          Pour ces motifs, la requête présentée par l'appelant en vue d'obtenir des précisions est rejetée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de juillet 2001.

" Alban Garon "

J.C.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 3e jour d'octobre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-226(GST)I

ENTRE :

KARL SCHUSTER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Requête tranchée sur le fondement d'observations écrites par

l'honorable juge en chef Alban Garon

Comparutions

Avocat de l'appelant :                 Me John Mill

Avocate de l'intimée :                 Me Carole Benoit

ORDONNANCE

          Sur requête de l'appelant en vue d'obtenir des précisions;

          Et vu les observations écrites produites par les parties;

          La requête en vue d'obtenir des précisions est rejetée.


Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de juillet 2001.

" Alban Garon "

J.C.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour d'octobre 2001.

Martine Brunet, réviseure


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