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Date: 20001101

Dossier: 1999-1658-IT-I

ENTRE :

HUGUETTE LEDUC,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel par voie de la procédure informelle concernant les années d'imposition 1992 à 1996.

[2]            La question en litige concerne la déduction d'intérêts payés sur un emprunt, fait pour la construction d'une maison, à l'encontre des intérêts reçus sur le solde du prix de vente de cette maison. Cette question concerne l'application du sous-alinéa 20(1)c)(i) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ").

[3]            Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le " Ministre ") s'est fondé pour établir ses nouvelles cotisations sont décrits au paragraphe 7 de la Réponse à l'avis d'appel (la " Réponse ") comme suit :

a)              en 1988, l'appelante et son époux ont financé la construction d'une maison située au 147, rue De L'Équerre à Ste-Rose (la " propriété ") avec une marge de crédit personnelle de 75 000 $ de la Banque Nationale et un prêt de 60 000 $ de M. Réal Pelletier ;

b)             le 4 mai 1990, l'appelante devient la seule propriétaire de la Propriété ;

c)              le 16 août 1991, l'appelante a vendu la Propriété pour la somme de 140 000 $ ;

d)             l'appelante a financé l'acheteur de la Propriété pour la somme de 120 000 $ à un taux d'intérêt de 9 % pour les cinq premières années et de 10 % pour les cinq années suivantes ;

e)              l'appelante a payée à titre de dépenses d'intérêts les montants décrits à l'annexe " A " ci-jointe, pour les années d'imposition 1992, 1993, 1994 et 1995 ; et

f)              pour les années d'imposition 1992, 1993, 1994, 1995 et 1996, l'appelante n'a pas payé des sommes d'intérêts excédant ceux accordés par le Ministre, et se rapportant à son revenu tiré d'un bien.

[4]            Les motifs d'appel exprimés à l'avis d'appel sont les suivants :

Les montants indiqués sur l'avis de ratification, 4 800 $ en 1992, 4 800 $ en 1993, 4 800 $ en 1994, 4 800 $ en 1995 et 7 370,95 $ en 1996, étaient bien les intérêts versés pour un emprunt de 60 000 $ qui a été utilisé pour la construction de la propriété située au 147 de l'Équerre, Laval, Québec. Par conséquent, je n'ai pas d'autres choix que de contester pour ne pas payer de l'impôt sur des intérêts que j'ai déboursés.

Lors de l'appel, je vous fournirai les relevés de compte de la Banque Nationale pour l'année 1988, qui indiquent l'entrée de 30 000 $ le 13 mai 1988, et une autre du même montant le 17 juin 1988 pour la construction et les montants des chèques pour les paiements des factures occasionnées pour cette dite construction. De plus, je peux vous fournir les autres relevés pour les années 1989, 1990 et 1991 qui indiquent les montants d'intérêts payés sur le prêt de 60 000 $.

[5]            L'avis d'appel faisait suite à l'avis de ratification attaché à l'avis d'appel et qui exprime les raisons suivantes :

Les montants de 4 800 $ en 1992, 4 800 $ en 1993, 4 800 $ en 1994, 4 800 $ en 1995 et 7 370,95 $ en 1996 à l'égard desquels vous avez demandé une déduction de votre revenu, n'étaient pas des intérêts sur un emprunt utilisé en vue de tirer un revenu d'entreprise ou de bien tel que l'exige le sous-alinéa 20(1)c) (i). Par conséquent, vous ne pouvez pas demander une déduction en vertu de l'alinéa 20(1)c).

[6]            L'appelante et monsieur André Pelletier ont témoigné pour la partie appelante. Monsieur Réal Pelletier et monsieur Marius Patras ont témoigné pour la partie intimée.

[7]            L'appelante a admis les alinéas 7a) à 7d) de la Réponse.

[8]            L'annexe A, mentionnée à l'alinéa 7e) de la Réponse, indique le total des revenus d'intérêts et le total des montants accordés à titre de dépenses d'intérêts. Les montants accordés sont les intérêts payés à la Banque Nationale du Canada (" BNC "). Les intérêts payés à monsieur Réal Pelletier à la suite d'un emprunt de 60 000 $ n'ont pas été accordés. L'appelante conteste donc l'alinéa 7e) de la Réponse.

[9]            La pièce I-2 est constituée des déclarations de revenu de l'appelante pour les années 1992 à 1996. Elle contient aussi quelques documents de travail et des pièces de correspondance. Le 25 mars 1997, une lettre est envoyée à l'appelante par Revenu Canada pour l'informer que lors d'une vérification de son revenu, il a été établi que son revenu avait été sous-estimé des montants d'intérêts reçus sur la balance du prix de vente. Ces sommes qui paraissent à l'annexe A sont pour 1992 à 1995, respectivement aux montants de 11 250 $, 11 250 $, 10 900 $ et 10 350 $.

[10]          Le rapport d'un vérificateur (T-2020), faisant partie de la pièce I-2, mentionne que lors d'une conversation téléphonique avec l'époux de l'appelante le 10 mars 1997, monsieur André Pelletier, celui-ci lui dit que cette dernière reçoit l'intérêt chaque mois mais qu'elle débourse aussitôt l'équivalent pour rembourser une marge de crédit de 75 000 $ à la BNC et un emprunt de 60 000 $ à monsieur Réal Pelletier.

[11]          Le même rapport mentionne que le 22 avril 1997, il y a eu la visite de la contribuable avec son comptable. Ce dernier a calculé uniquement les montants versés par sa cliente à la BNC. L'appelante signe son accord sur document qui a été produit comme pièce I-4.

[12]          L'appelante explique lors de son témoignage que cette entente avait été préparée par le même comptable que celui de son beau-frère, monsieur Réal Pelletier. Comme nous verrons plus tard, monsieur Réal Pelletier ne déclarait pas le revenu provenant des intérêts sur prêts. L'appelante soutient qu'elle a bien payé ces intérêts et c'est pour cela qu'elle a changé de comptable.

[13]          La pièce A-1 est une reconnaissance de dette à l'égard de monsieur Réal Pelletier, en date du 6 juin 1988. Elle est signée par l'appelante et par monsieur A. Pelletier. Elle se lit comme suit :

Le 6 juin 1988

Par la présente, nous reconnaissons devoir à Réal Pelletier, la somme de soixante mille dollars (60 000 $).

Cette somme a été prêtée pour la construction de la résidence 147 de L'Équerre, Ste-Rose, Laval.

Ce prêt portera intérêt de 8% annuellement payable à chaque date anniversaire.

Ce dit prêt est sur demande du prêteur.

...

[14]          L'appelante a expliqué qu'elle et son mari avaient remis ce document à monsieur Réal Pelletier. Il leur a rendu le document lorsque la dette a été complètement payée. La signature de monsieur Réal Pelletier ne paraît nulle part.

[15]          L'appelante a produit comme pièce A-2 un jugement de la Cour supérieure en date du 4 mai 1990 prononçant la séparation de corps entre les parties et rendant exécutoire les termes de la Convention accessoire à la séparation de fait et à la rupture du mariage, signée par les parties le 12 février 1990. La clause de la convention concernant la propriété des biens et la responsabilité de chacun des époux à l'égard des dettes se lit comme suit :

4-              Chaque époux assumera seul la totalité des dettes nées de son chef. Si l'un des conjoints devait assumer tout ou partie d'une dette née du chef de l'autre, celui-ci devra l'indemniser dans les trente jours et lui rembourser la totalité des obligations ainsi assumées.

[16]          La maison a été vendue en août 1991. Le contrat de vente a été déposé comme pièce A-3.

[17]          La pièce A-4 est constituée de six chèques. La note que l'on trouve sur ces chèques : " int sur prêt 147 de l'Équerre " aurait été ajoutée après qu'ils aient été encaissés par monsieur Réal Pelletier selon le témoignage de ce dernier. Le premier est en date du 19 avril 1992. Il est signé par l'appelante. Le 7 mai 1993 un autre chèque, celui-ci signé par monsieur André Pelletier tiré sur le même compte. Selon l'appelante, il s'agit d'un compte conjoint. L'appelante dit qu'elle ne voit rien d'étrange à avoir conservé un compte conjoint alors que les époux sont séparés et censés avoir assumés chacun leurs dettes. Le chèque du 3 avril 1994 est signé par l'appelante. Celui du 14 mai 1995 est signé par monsieur André Pelletier. Il en est de même pour celui du 13 mai 1996. Ces chèques sont tous au montant de 4 800 $. Celui du 26 novembre 1996 est signé par l'appelante. Il est au montant de 62 570,95 $.

[18]          Lors du témoignage de monsieur Réal Pelletier il y a eu le dépôt, comme pièce I-1, d'une télécopie envoyée le 12 février 1999 par ce dernier à monsieur Marius Patras, dont voici le texte :

...

À l'attention de monsieur Marius Patras de Réal Pelletier. Ceci est pour confirmer que je n'ai jamais prêté d'argent à madame Huguette Leduc-Pelletier et que l'argent que j'ai prêté à mon frère André Pelletier n'avait aucun intérêt. Les chèques qu'il me faisait était du capital. Il y avait des prêts de 2 000 $, 3 000 $, 5 000 $ en argent plus des prêts de 20 000 $, 10 000 $, etc.

Réal Pelletier

Mon frère est un visage à deux faces, il est supposément séparé mais ils restent ensemble.

[19]          Le témoin dit qu'il ne se souvient pas d'avoir écrit ce texte et qu'il n'est pas vrai. Il dit à quelques reprises qu'il a souvent prêté à son frère et que cela était sans intérêt. Par la suite, il dit qu'il vient juste de régler avec Revenu Canada pour des intérêts qu'il aurait perçus mais non déclarés. Il a payé 263 000 $ au fédéral. Il attend le montant des pénalités. Par la suite Revenu Québec va le cotiser. Il s'attend à ce que le tout lui coûte 492 000 $. Il déclare avoir prêté la somme de 60 000 $ à l'appelante et son époux par deux tranches de 30 000 $.

[20]          Le rapport de monsieur Patras, vérificateur comptable, a été déposé comme pièce I-5. Voici ce que monsieur Réal Pelletier lui aurait dit le 19 novembre 1998, concernant le remboursement de l'emprunt fait auprès de son frère :

·          Il n'a jamais prêté d'argent à mme Huguette Leduc.

·          Son frère, André Pelletier, est âgé d'environ 50 ans et depuis l'âge de 18 ans emprunte d'argent de Réal Pelletier.

·          Réal Pelletier prêtait d'argent à son frère par tranches de 15 000/20 000 $.

·          Il se souvient d'avoir prêté d'argent à son frère pour l'achat d'une maison, construction d'un chalet et pour un restaurant au bout de Mont-Laurier. Mais il n'a jamais prêté 60 000 $ d'un coup.

·          D'ailleurs, son frère lui doit encore environ 18 000 $.

·          Son frère et la contribuable ne se sont pas séparés!!! Ils vivent ensemble au Lac Nominingue!!! Ils se disent séparés afin de sauver d'impôt et afin d'avoir d'autres bénéfices!!!

·          Réal Pelletier est prêt d'aller en Cour si on a besoin de témoins!!!

·         

[21]          Selon monsieur Patras, ni l'appelante ni son comptable n'ont prouvé l'utilisation de ce montant de 60 000 $ pour la construction de la maison. Quant au prêteur, il n'a parlé que d'un chalet ou d'un restaurant. Le premier comptable n'a pas soulevé le point que d'autres intérêts pouvaient être déduits. C'est le deuxième comptable qui l'a fait.

[22]          La pièce A-5 est constituée de deux relevés d'un compte de monsieur André Pelletier auprès de la BNC pour la période se terminant le 10 juin 1988 et le 12 juillet 1988. Dans le premier de ces relevés on voit, au 13 mai 1988, un dépôt de 30 500 $. Dans le deuxième, il y a un dépôt de 30 000 $ au 17 juin 1988. D'autres montants sont indiqués. Il dit que ces montants constituent des dépenses faites pour la construction de la maison. Il n'a pas parlé de ces documents avec monsieur Patras parce que ce dernier ne les lui a pas demandés.

Analyse

[23]          Il a été difficile de comprendre le point en litige dans cette affaire. Si l'on se fie à la lecture de la Réponse, le point en litige semble être de déterminer si les intérêts ont réellement été payés. La représentante de l'intimée dit que le point principal en litige est de savoir si les intérêts payés sur l'emprunt peuvent être déductibles en vertu du sous-alinéa 20(1)c)(i) de la Loi. Selon elle, il ne s'agit pas d'argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d'un bien ainsi que l'exige le sous-alinéa 20(1)c)(i) de la Loi. La déduction des paiements faits à la banque a été accordée mais cela est une erreur de Revenu Canada, car selon elle, ils ne seraient pas déductibles en vertu du susdit sous-alinéa. La représentante de l'intimée se pose aussi la question à savoir si l'emprunt de 60 000 $ a été fait pour la construction de la résidence principale des époux. Elle n'a pas repris le fait que les paiements d'intérêts étaient faits à partir d'un compte conjoint.

[24]          Je comprends du témoignage du vérificateur du Ministre que s'il avait été convaincu que l'emprunt de 60 000 $ avait été fait pour la construction de la maison et que les intérêts avaient été véritablement payés, il aurait accordé les intérêts tout comme ceux sur l'emprunt bancaire qui ont été accordés. Le vérificateur du Ministre dit que l'appelante n'a jamais mentionné les intérêts sur le montant de 60 000 $. En fait, ces intérêts ont été mentionnés dès octobre 1997. Par la suite l'appelante a signé le document mentionné au paragraphe [11] de ces motifs. Mais elle explique que c'est sur le conseil du premier comptable qui était aussi le comptable de son beau-frère, monsieur Réal Pelletier. Elle a pris un autre comptable qui a fait état du paiement de ces intérêts. En ce qui concerne l'usage du montant de 60 000 $ pour la construction de la maison, je ne vois pas de question spécifique à ce sujet dans les rapports des vérificateurs. Mais comme je l'ai déjà mentionné, la Réponse à l'alinéa 7a) admet que l'emprunt de 60 000 $ a été fait pour la construction de la maison. Il faut donc partir de là. De plus, je suis d'avis que les chèques présentés en liasse comme pièce A-4 confirment les prétentions de l'appelante qu'il s'agit des intérêts à 8 pour-cent payés sur un emprunt de 60 000 $.

[25]          La représentante de l'intimée s'est référée à la décision de la Cour suprême du Canada dans Bronfman Trust c. La Reine, [1987] 1 R.C.S. 32, à la page 46 :

La disposition prévoyant la déduction des intérêts exige non seulement la détermination de l'usage auquel ont été affectés les fonds empruntés, mais aussi la détermination de la " fin ". L'admissibilité à la déduction est soumise à la condition que l'argent emprunté soit utilisé pour produire un revenu. Cependant, il est bien établi par la jurisprudence que le point pertinent n'est pas la fin de l'emprunt lui-même. Ce qui est pertinent est plutôt la fin qu'a visée le contribuable en utilisant l'argent emprunté d'une manière particulière: Auld v. Minister of National Revenue, 62 DTC 27 (C.A.I.) Il s'ensuit donc que l'examen de la situation doit être centrée sur l'usage que le contribuable a fait des fonds empruntés.

Elle fait donc valoir que l'argent a été utilisé pour la construction d'une résidence principale et non pour produire un revenu.

[26]          L'avocat de l'appelante fait valoir qu'il ne s'agit pas d'un argent emprunté qui est utilisé pour des fins autres que de gagner du revenu. Il donne comme exemple le cas de la personne qui emprunte de l'argent pour acheter une résidence personnelle et qui quelques années par la suite transforme cette résidence en restaurant ou en auberge. Il ne comprend pas pourquoi les intérêts ne seraient pas déductibles dans ce cas.

[27]          Je me réfère moi aussi au jugement de la Cour suprême du Canada dans Bronfman Trust (supra) aux pages 47 et 48 qui analyse l'utilisation primitive et l'utilisation actuelle des fonds empruntés ainsi que leur utilisation directe et indirecte. Je cite quelques passages :

Utilisation primitive ou utilisation actuelle des fonds empruntés

La jurisprudence étaye la proposition selon laquelle c'est l'utilisation actuelle plutôt que l'utilisation primitive des fonds empruntés par le contribuable qu'on doit retenir pour déterminer si les intérêts sont déductibles: ... Un contribuable ne peut pas, du simple fait que l'argent emprunté a servi originairement à l'achat de biens productifs de revenu, continuer à déduire les intérêts après qu'il a vendu ces biens et qu'il a affecté le produit à une utilisation inadmissible. ...

Inversement, un contribuable qui utilise ou qui entend utiliser de l'argent emprunté pour une fin inadmissible, mais qui s'en sert ultérieurement pour tirer un revenu imposable d'une entreprise ou d'un bien, ne devrait pas se voir privé de la déduction à l'égard de l'utilisation actuelle, qui est admissible: ... Par exemple, dans le cas où un contribuable emprunte pour acheter un bien meuble qu'il vend par la suite, les intérêts payés deviendront déductibles si le produit de la vente est affecté à l'achat de biens admissibles productifs de revenu.

Ce principe souffre toutefois une importante restriction naturelle. Si le contribuable veut réclamer la déduction en raison d'une utilisation actuelle qui est admissible, il faut que les fonds empruntés soient encore en sa possession, ce qui peut être établi en retraçant le parcours du produit de la disposition des biens qui constituaient l'utilisation inadmissible antérieure. Lorsque le contribuable a dépensé les emprunts pour un usage inadmissible, sans recevoir en contrepartie aucun bénéfice durable ni aucun bien vendable, il est évident que ce contribuable ne dispose pas de l'argent emprunté et qu'il ne peut pas s'en servir par la suite à une autre fin, que celle-ci soit admissible ou inadmissible. Par conséquent, une obligation continue de payer des intérêts au créancier ne prouve pas de façon concluante que le contribuable fait encore usage de l'argent emprunté.

...

Utilisations directes et utilisations indirectes des fonds empruntés

Comme je l'ai déjà fait remarquer, la fiducie intimée allègue que les emprunts lui ont permis de conserver des biens productifs de revenu qu'elle aurait sans cela vendus afin de pouvoir verser à la bénéficiaire les prélèvements sur le capital. Cette utilisation des fonds empruntés, soutient-elle, suffit en droit pour qu'elle puisse déduire les intérêts. En bref, on demande à la Cour de qualifier l'opération en fonction d'une prétendue utilisation indirecte des emprunts pour en tirer un revenu, plutôt qu'en fonction d'une utilisation directe qui nuisait à la capacité de la fiducie de gagner des revenus.

À mon avis, ni la Loi de l'impôt sur le revenu ni la jurisprudence n'autorisent les tribunaux à ne pas tenir compte de l'usage direct qu'un contribuable fait d'argent emprunté ...

[28]          Ma compréhension de la décision Bronfman est que si une personne emprunte pour des fins qui ne sont pas des fins de revenu dans des circonstances où elle ne veut pas utiliser des argents qui rapportent du revenu, les intérêts sur cet emprunt ne sont pas déductibles. L'usage direct de l'emprunt n'est pas pour tirer du revenu. Si une personne a emprunté pour acheter divers biens dont elle ne tire aucun revenu, elle ne peut pas évidemment déduire les intérêts. Toutefois, si par la suite l'usage d'un de ces biens est transformé en bien productif de revenu, les intérêts sur la partie de l'emprunt utilisée pour acquérir ce bien pourront être déduits. Il s'agit alors de l'usage courant d'un emprunt et non de son usage primitif.

[29]          Ce n'est pas l'utilisation primitive des fonds empruntés qui compte mais leur utilisation actuelle. Dans la présente affaire, les fonds ont été empruntés pour le coût d'acquisition d'une maison qui a été vendue. Le coût d'acquisition de la maison n'est pas complètement payé par les vendeurs. Ils payent encore des intérêts sur ce coût. Le prix de vente n'est pas complètement payé par les acquéreurs subséquents. Ils payent des intérêts sur ce prix. Il serait à mon sens difficile de conclure autrement que les intérêts payés par les vendeurs sont utilisés pour les fins de la vente de la propriété et que les intérêts payés sont en fait reliés aux intérêts reçus. Donc, l'utilisation courante des fonds empruntés est pour tirer du revenu. S'agit-il d'une utilisation directe ? Dans ce cas-ci, la réponse à la première question a répondu à la deuxième.

[30]          Je ne vois rien dans les motifs des décisions citées par la représentante de l'intimée, dont notamment Holotnak c. Canada, (C.A.F.) [1989] A.C.F. No 1027 et Canada c. Attaie (C.A.F.) [1990] A.C.F. No 527, qui puissent nous amener à une conclusion autre que celle-ci : l'affectation des fonds empruntés les rattache au revenu produit.

[31]          L'appel est accordé pour permettre la déduction des intérêts payés sur l'emprunt de 60 000 $.

[32]          En ce qui concerne les frais, il s'agit d'un cas où la contribuable n'a pas dit la vérité dès le départ, ce qui a été la source d'efforts inutiles. Dans ces circonstances, je crois qu'il est approprié de n'accorder à l'appelante que la moitié des frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de novembre 2000.

" Louise Lamarre Proulx "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        1999-1658(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 Huguette Leduc et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    Le 24 juillet 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                      Le 1er novembre 2000

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :                  Me Pierre Chartrand

Pour l'intimée :                       Annick Provencher (Stagiaire en droit)

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

                                Nom :       Me Pierre Chartrand

                                Étude :     Chartrand & Chartrand, Avocats

                                                Mont-Laurier (Québec)

Pour l'intimé(e) :                    Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

1999-1658(IT)I

ENTRE :

HUGUETTE LEDUC,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 24 juillet 2000 à Montréal (Québec) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Avocat de l'appelante :                        Me Pierre Chartrand

Représentante de l'intimée :                  Annick Provencher (Stagiaire en droit)

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1992, 1993, 1994, 1995 et 1996 sont accordés, avec la moitié des frais, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de novembre 2000.

" Louise Lamarre Proulx "

J.C.C.I.


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