Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20010427

Dossier: 98-2151-GST-G

ENTRE :

LIBRA TRANSPORT (B.C.) LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Bowie, C.C.I.

[1]            L'appel en l'instance est interjeté à l'encontre d'une cotisation établie sous le régime de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, qui prévoit l'imposition d'une taxe (TPS) sur la fourniture commerciale de produits et services. La cotisation couvre la période du 1er août 1993 au 30 avril 1997. La seule question en litige est de savoir si, ainsi que l'intimée le soutient, l'appelante a effectué des fournitures taxables d'assurances et de certificats d'immatriculation de véhicules à moteur à certains sous-traitants avec qui elle faisait affaire. L'appelante soutient qu'elle n'en a rien fait et qu'elle était plutôt la mandataire des sous-traitants aux fins d'obtenir des assurances et des certificats d'immatriculation.

[2]            L'appelante et une compagnie liée, Libra Transport Ltd. (Libra), sont exploitées par M. John Kohlman et son épouse, qui en sont propriétaires. L'appelante est propriétaire d'un camion avec remorque alors que Libra est propriétaire de trois de ces véhicules. Ensemble, elles ont réussi à attirer de nombreux clients, de sorte qu'elles ont beaucoup plus de travail que ce que leurs quatre camions avec remorque leur permettent d'effectuer. Elles confient donc ce surplus à des sous-traitants (20 environ), qui sont propriétaires de leurs camions avec remorque, qu'ils exploitent sous l'égide de l'appelante. Ils effectuent le transport de marchandises sur les routes de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba. Les Kohlman, informés par les clients (expéditeurs) des transports à effectuer, exécutent chaque contrat en utilisant l'un de leurs camions avec remorque, ou en confient l'exécution à l'un des sous-traitants.

[3]            Les Kohlman appellent ces sous-traitants des chauffeurs à contrat, titre qu'on leur donne également dans le contrat type qu'ils doivent tous signer pour effectuer des transports sous l'égide de l'appelante et de Libra. Cependant, aucune entente de location n'est conclue, et les sous-traitants conservent la propriété et la possession de leurs camions avec remorque, qu'ils conduisent également. Les contrats sont quelque peu informels. C'est M. Kohlman qui les rédige, sans l'aide d'un avocat, et il n'aborde carrément pas nombre des questions que l'on pourrait s'attendre à y trouver. En gros, il y traite de questions comme la sécurité et les politiques relatives à l'utilisation des camions sur les autoroutes. Il précise le montant que les sous-traitants doivent verser à l'appelante, mais donne très peu de détails sur les procédures d'exploitation au quotidien et sur les dispositions financières. Au cours des trois premières années de leur association, les sous-traitants versaient à l'appelante 13 % de leurs recettes brutes pour les déplacements qu'ils effectuaient; ce taux a par la suite été ramené à 10%. Les contrats ne précisent pas les services que Libra fournit aux sous-traitants en ce qui concerne, par exemple, les permis d'exploitation, les permis de transport routier, l'assurance ou la production de rapports concernant la taxe sur le carburant auprès des différents gouvernements provinciaux. Le témoignage de M. Kohlman, qui a porté sur toutes ces questions, est à mon avis un récit fidèle des modalités qui régissent les relations entre l'appelante et les sous-traitants.

[4]            Pour effectuer le transport routier de marchandises, il faut détenir un permis d'exploitation délivré par le gouvernement de chaque province dans laquelle les marchandises circulent. Avant 1988, ce permis d'exploitation coûtait cher et il était difficile de l'obtenir. La déréglementation survenue en 1988 a permis d'éliminer ces difficultés, bien que le permis d'exploitation soit toujours requis. Il suffit maintenant d'en faire la demande et de payer les frais, qui varient entre 50 $ et 200 $. Il n'est plus nécessaire de démontrer que le permis répond à l'utilité publique comme c'était le cas auparavant. Il faut cependant avoir une adresse dans chaque province relativement à laquelle le permis d'exploitation est acquis. Chaque année, l'appelante obtient à son nom les permis d'exploitation nécessaires, et les sous-traitants effectuent les transports requis en vertu de ces permis. Ils conservent chacun une copie du document dans leur camion, car ils pourraient être tenus de le présenter à un inspecteur provincial. Les noms de l'appelante et du propriétaire figurent sur les camions des sous-traitants.

[5]            Tout camion effectuant un transport routier doit aussi être immatriculé dans sa province d'attache. Cette dernière partage les droits d'immatriculation avec les autres provinces où le camion effectue des transports, compte tenu du kilométrage parcouru dans chaque province. Il faut donc produire pour chaque camion un rapport exhaustif indiquant le nombre de kilomètres parcourus dans chaque province. Pour chaque camion, il faut aussi produire un rapport indiquant les achats de carburant ainsi que le kilométrage parcouru dans chaque province, ce qui permet aux gouvernements provinciaux de partager équitablement entre eux la taxe payée sur le carburant. Chaque propriétaire de camion consigne le nombre de kilomètres parcourus et le carburant acheté et remet ces données à l'appelante, qui, à l'aide d'un programme informatique, effectue les calculs nécessaires et produit les rapports pour son compte et pour celui des sous-traitants, en ce qui concerne tant la taxe sur le carburant que l'immatriculation des véhicules.

[6]            Il n'est pas surprenant que les sous-traitants puissent s'assurer à meilleur prix en se joignant à l'appelante, à Libra et aux autres sous-traitants. Son dossier enviable au chapitre des demandes de règlement au fil des ans et la loi du nombre permettent à l'appelante d'obtenir de meilleurs tarifs que ceux qu'un camionneur seul serait en mesure d'obtenir. Depuis plusieurs années, y compris pendant la période visée par la cotisation en litige en l'espèce, l'appelante prend des dispositions pour que les assurances qu'elle souscrit soient délivrées par l'intermédiaire de son entreprise de courtage d'assurance, CMB Insurance Brokers (CMB). La police d'assurance est rédigée de façon que tous les véhicules soient visés, tant les remorques que les camions, et la prime est divisée entre chaque véhicule. Le courtier ne traite qu'avec l'appelante, qui lui verse la prime annuelle pour tous les véhicules selon les modalités suivantes : un versement initial de 25 %, et le solde payable en neuf versements mensuels.

[7]            L'appelante a produit en preuve un très grand nombre de documents d'assurance, desquels il ressort ce qui suit. Dans certains cas, les polices indiquaient que les assurés étaient Libra et l'appelante. Parfois, elles indiquaient que Libra, l'appelante et les sous-traitants étaient les assurés. Les entrepreneurs étaient parfois décrits simplement comme des chauffeurs à contrat de Libra. Les polices énuméraient cependant tous les véhicules faisant partie de la flotte combinée, et les primes étaient partagées entre chaque véhicule. La vérification relative à la TPS a permis de faire ressortir que les polices délivrées n'indiquaient pas toujours que tous les sous-traitants étaient des assurés aux termes des polices, de sorte que des avenants visant à remédier à la situation ont dû être ajoutés. L'avocat de l'intimée a fait grand cas de ces avenants dans sa plaidoirie, mais je suis convaincu, compte tenu des documents et du témoignage de M. Kohlman, que les assurances souscrites par l'appelante par l'intermédiaire de CMB au titre de la responsabilité civile, des dommages matériels, des marchandises et des collisions protégeaient les sous-traitants à titre de personnes assurées, ainsi que Libra et l'appelante elle-même. L'appelante recouvrait les primes dues par chaque sous-traitant selon les modalités déjà mentionnées, soit un versement initial de 25 % et neuf versements mensuels pour le reste, comme nous le verrons.

[8]            À la fin de chaque mois, l'appelante fait parvenir un relevé à chacun de ses sous-traitants. Ces relevés font état de chaque déplacement effectué par le sous-traitant, selon la date et le numéro du contrat, le point de départ et la destination, et le montant brut facturé par l'appelante au client. L'appelante retient sur le total de ces montants une somme équivalant à 10 % au titre des dépenses qu'elle engage aux termes du contrat, la TPS de 7 % sur ce montant, et les sommes qui lui sont dues par le sous-traitant à l'égard de l'immatriculation du véhicule, de l'assurance de celui-ci ou de toute avance de fonds faite au cours du mois. Le solde est ensuite payé au sous-traitant au moyen d'un chèque joint au relevé.

[9]            La thèse que le ministre a adoptée et qui constitue le fondement de la cotisation en litige en l'espèce est décrite dans une lettre que Revenu Canada a adressée à l'appelante le 18 juillet 1997 et qui accompagnait la cotisation portant la même date. Les deux points en litige y sont abordés aux paragraphes 3 et 4 dans les termes suivants :

                                [TRADUCTION]

3.                     Libra Transport (B.C.) Ltd. a souscrit une assurance flotte qu'elle a ensuite fournie à des chauffeurs à contrat autonomes. Puisque Libra Transport (B.C.) Ltd. n'est pas considérée comme un " assureur " aux fins de la TPS et qu'elle n'agit pas à titre de mandataire de la compagnie d'assurance, la fourniture est réputée être taxable au taux de 7 %.

4.                     L'annexe V de la Loi sur la taxe d'accise exonère la fourniture de l'immatriculation d'un véhicule si elle est effectuée par un gouvernement. Par conséquent, l'immatriculation en question n'est pas assujettie à la TPS lorsqu'elle est fournie à Libra Transport (B.C.) Ltd. Cependant, puisque Libra Transport (B.C.) Ltd. n'agit pas comme mandataire du gouvernement, la fourniture de l'immatriculation au chauffeur à contrat est réputée être taxable au taux de 7 %.

[10]          Le raisonnement qui sous-tend la cotisation est expliqué plus en détail dans les hypothèses suivantes, que l'intimée a formulées au paragraphe 10 de sa réponse :

                                [TRADUCTION]

10.           En établissant la cotisationà l'égard de l'appelante, le ministre s'est fondé, entre autres, sur les hypothèses suivantes :

                a)              les faits énoncés et admis ci-dessus;

b)                    l'appelante est un inscrit aux fins de la TPS et son numéro d'inscription est le 103325031;

c)                    au cours de toutes les périodes pertinentes, l'appelante était une société exploitant une entreprise de prestation de services de transport de marchandises aux termes de contrats qu'elle concluait avec ses clients;

d)                    afin de satisfaire à ses obligations envers ses clients conformément aux contrats susmentionnés, l'appelante, en plus d'utiliser ses propres véhicules, retenait les services de sous-traitants;

e)                    aux fins de l'exécution de chaque contrat de transport de marchandises, l'appelante assumait la responsabilité d'un transporteur public, que les marchandises soient transportées dans l'un de ses propres véhicules ou dans le véhicule d'un sous-traitant;

f)                     l'appelante souscrivait au moins quatre types d'assurance au regard des services de transport de marchandises qu'elle fournissait :

i)                      assurance automobile;

ii)                    assurance tous risques;

iii)                   assurance des marchandises;

iv)                  assurance contre les dommages matériels aux camions et aux remorques;

g)                    l'appelante a payé les primes suivantes au cours des périodes pertinentes au titre des assurances mentionnées à l'alinéa précédent :

Année    Marchandises Auto et tous risques Matériel     Prime

1995                         34 500                      30 952                                      104 573    170 025

1996                         18 700                    53 246                                    106 379    178 325

                                53 200                      84 198                                      210 952    348 350

h)                    l'appelante était le titulaire de chaque police d'assurance au cours de toutes les périodes pertinentes;

i)                      les polices d'assurance automobile sont en vigueur du 12 septembre au 12 septembre;

j)                      les polices d'assurance des marchandises sont en vigueur du 17 juillet au 17 juillet;

k)                    l'appelante a acquis de la province de l'Alberta un permis d'exploitation/attestation d'aptitude en matière de sécurité, ce qui constitue une condition préalable à l'obtention d'un permis de transporteur routier extra-provincial de la Colombie-Britannique; elle a aussi obtenu une attestation de permis d'exploitation de la province de la Saskatchewan et un permis d'exploitation de camions extra-provinciaux délivré par la province du Manitoba (les " permis d'exploitation ");

l)                      les documents mentionnés à l'alinéa précédent habilitaient l'appelante à effectuer le transport de marchandises dans chacune de ces provinces, aux conditions précisées dans chaque document;

m)                   les permis sont en vigueur du 1er avril au 31 mars;

n)                    les montants payés par l'appelante au titre des droits d'immatriculation en application des permis d'exploitation sont les suivants :

o)                   

                                                                                       Droits d'immatriculation

                                                1993                                                         45 120,16

                                                1994                                                         55 905,61

                                                1995                                                         54 670,31

                                                1996                                                         74 769,83

                                                                                                                230 465,91

p)                    l'appelante fournissait à chacun des sous-traitants les quatre types d'assurance mentionnés à l'alinéa 10 f) ci-avant;

q)                    l'appelante fournissait à chacun des sous-traitants certains des droits qu'elle avait acquis des provinces pour y transporter des marchandises;

r)                     l'appelante percevait la contrepartie payable des assurances et des certificats d'immatriculation fournis aux sous-traitants en retenant sur le montant qu'elle devait à ces derniers pour les services de transport de marchandises qu'ils avaient fournis à ses clients le montant dû sur ces fournitures;

s)                    les primes d'assurance facturées aux camionneurs étaient les suivantes :

Année        marchandises     auto                        matériel prime        GST

31/10/95 28 500                      30 952                      91 020      150 472    10 533, 04

31/10/96 15 400                    40 912                    92 904    149 216    10 445,12

                                43 900                      71 864                      183 924    299 688    20 978,16

t)                     les droits d'immatriculation suivants étaient facturés aux camionneurs :

                                                                Droits d'immatriculation TPS

                                                30/04/94 42 253,03                                2 950,71

                                                30/04/95 44 317,31                                3 102,21

                                                30/04/96 59 676,78                                4 177,37

                                                30/04/97 65 691,26                              4 598,39

                                                                                211 838,38                               14 828,68

u)                    l'appelante a omis de percevoir la taxe de 35 806,84 $ sur la contrepartie qu'elle a touchée pour la fourniture des assurances et des certificats d'immatriculation;

v)                    au cours de la période pertinente, l'appelante n'a pas agi comme mandataire de l'un ou l'autre des sous-traitants susmentionnés;

w)                   au cours de la période pertinente, l'appelante n'était pas un gouvernement, une municipalité, un conseil ou une commission autorisé en droit à délivrer des certificats d'immatriculation aux fins de transports;

x)                     au cours de la période pertinente, l'appelante ne détenait pas de permis d'exploitation au Canada d'une entreprise d'assurance ni n'était par ailleurs autorisée à le faire sous le régime des lois du Canada ou d'une province ou sous le régime des lois d'une autre administration;

y)                    l'appelante est tenue, en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa forme modifiée (la " Loi "), de produire une déclaration de TPS une fois par mois;

[11]          Il y a lieu de souligner un certain nombre d'éléments en ce qui concerne ces hypothèses. Les faits, pour l'essentiel, ne sont pas contestés. Le litige se situe au niveau des conclusions que le ministre du Revenu national a tirées de ces faits. Je renvoie plus particulièrement aux alinéas 10 h), o), p), t) et u). J'ai déjà conclu que l'appelante et ses sous-traitants étaient assurés aux termes des polices d'assurance, et que les primes versées au départ par l'appelante, ainsi qu'il est précisé à l'alinéa g), étaient payées en partie pour elle-même et en partie pour le compte des sous-traitants. Les montants qui figurent à l'alinéa n) ont été payés aux gouvernements provinciaux pour l'immatriculation des véhicules, et non pour les permis d'exploitation.

[12]          Les affirmations faites aux alinéas 10 o), p), t) et u) sont au centre du litige entre les parties. Le ministre soutient que l'appelante n'a pas agi comme mandataire des sous-traitants lorsqu'elle a souscrit des assurances et acquis des certificats d'immatriculation pour leur compte, mais plutôt qu'elle a fourni des assurances et des certificats d'immatriculation à ces sous-traitants. Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas d'accord.

[13]          Pour déterminer l'incidence d'une taxe à la valeur ajoutée sur la fourniture de produits et de services, il est toujours opportun de poser la question suivante : Qu'est-ce que l'appelant a fourni?[1] En réponse à cette question, le répartiteur a déterminé que l'appelante avait fourni des assurances et des certificats d'immatriculation à ses sous-traitants, en contrepartie desquels elle avait facturé à ces derniers les montants qu'elle avait payés au représentant de l'assureur et aux gouvernements provinciaux. C'est ce qui ressort de la lettre jointe à la cotisation et des hypothèses énoncées aux alinéas 10 n), o), p), q) et r) de la réponse. La difficulté à cet égard tient au fait que cet argument ne tient pas compte du fait, bien établi, que seule une compagnie d'assurance autorisée peut vendre de l'assurance, et que seul un gouvernement provincial peut vendre des certificats d'immatriculation[2]. L'intimée ne prétend évidemment pas que la fourniture d'une assurance par un assureur ou d'un certificat d'immatriculation par un gouvernement provincial est taxable.

[14]          L'avocat de l'intimée a constamment fait valoir la thèse invoquée à l'alinéa 10 u), c'est-à-dire que l'appelante n'a pas agi à titre de mandataire des sous-traitants lorsqu'elle a acquis les assurances ou les certificats d'immatriculation. Cependant, s'il était invité à répondre à la question du lord Denning, il n'aurait d'autre choix que d'affirmer que les services fournis par l'appelante à ses sous-traitants consistaient à obtenir à leur profit une assurance à un tarif favorable ainsi qu'à se procurer les permis d'exploitation (et probablement les certificats d'immatriculation) requis par la province. Ces thèses, évidemment, sont contradictoires. L'avocat a tenté d'appuyer la prétention selon laquelle l'appelante n'a pas agi à titre de mandataire de ses sous-traitants sur le fait qu'elle n'a reçu aucune contrepartie à cet égard. Selon moi, rien n'empêcherait l'appelante de fournir ses services à titre de mandataire en vue d'obtenir des certificats d'immatriculation et des assurances conjointement à d'autres services, pour contrepartie unique. À mon avis, c'est exactement ce qui s'est passé en l'espèce.

[15]          M. Kohlman a témoigné qu'au moment où il a pour la première fois conclu avec des sous-traitants des contrats aux termes desquels ceux-ci devaient effectuer le transport de marchandises pour lui, les sous-traitants en question lui ont demandé d'obtenir les assurances et les certificats d'immatriculation requis pour leur compte. Il a accepté de s'en occuper et c'est ce qu'il fait depuis, sans autre contrepartie que les 10 % des recettes brutes que l'appelante facture à ses sous-traitants. Ce témoignage n'a pas été contredit, et je le tiens pour véridique. Dans ces circonstances, l'appelante agit certainement à titre de mandataire des sous-traitants lorsqu'elle souscrit une assurance pour eux et obtient leurs certificats d'immatriculation. La seule rémunération que l'appelante touche en contrepartie de ces services se trouve dans la fraction de 10 % des recettes brutes qu'elle réclame aux sous-traitants. Personne ne conteste que ce montant est assujetti à la TPS, perçue et versée par l'appelante. Les montants de 299 688 $ et de 211 838,38 $, à l'égard desquels le ministre cherche maintenant à réclamer à l'appelante la somme de 35 806,84 $, sont clairement des dépenses que celle-ci a engagées à titre de mandataire des sous-traitants et qui lui ont été remboursées par ceux-ci. Pour cette raison, ils ne font pas partie de la contrepartie payée pour les services de l'appelante et ne sont donc pas non plus pris en compte dans le calcul de la TPS. Avant son abrogation[3], l'article 178 de la Loi excluait expressément ces montants de la contrepartie des services. Cet article a été abrogé parce qu'il était redondant; le même résultat est atteint par l'effet d'un principe juridique[4].

[16]          Les décisions de la Cour dans les affaires Fedderly Transportation Ltd. c. La Reine[5] et Vanex Truck Services Ltd. c. La Reine[6] présentent toutes deux une ressemblance superficielle avec la présente affaire. Dans les deux cas, une compagnie exploitant une entreprise de transport par camion confiait à contrat du travail à des camionneurs indépendants contre rétribution. Dans les deux cas, l'appelante souscrivait les assurances et achetait les certificats d'immatriculation des véhicules des camionneurs, qui remboursaient ces frais à l'appelante. Dans l'affaire Fedderly, les camionneurs réservaient un camion et, dans certains cas, une remorque également, pour utilisation exclusive aux fins de l'entreprise de l'appelante. Les camionneurs devaient payer deux catégories distinctes de frais : des frais d'administration, qui ne sont pas pertinents en l'espèce, et des frais de courtage s'élevant à 18 % des recettes brutes, ou à 33 % si une remorque était réservée en plus du camion. En outre, les camionneurs remboursaient à Fedderly les droits d'immatriculation et les primes d'assurance. Le juge Mogan a conclu que le remboursement de ces coûts faisait partie des frais de courtage et qu'il était donc réputé faire partie de la contrepartie du service de courtage en application de l'article 178 de la Loi[7]. Pour arriver à cette conclusion, cependant, il a précisé que ce n'était que l'attribution exclusive d'un camion donné par le sous-traitant à l'appelante qui permettait à cette dernière d'obtenir pour ce camion le certificat d'immatriculation requis aux termes de la Motor Carrier Act[8] et une assurance aux termes de la police générale que Fedderly souscrivait pour elle-même. Aux termes de cette entente, les frais en question étaient à juste titre considérés comme des dépenses engagées par l'appelante dans le cadre des services de courtage, et leur remboursement était visé par l'article 178. Contrairement à la présente affaire, il n'y avait pas de relation de mandataire entre le principal entrepreneur et le sous-traitant relativement à l'obtention de l'assurance et des certificats d'immatriculation.

[17]          Il en est de même dans l'affaire Vanex. Les sous-traitants transféraient le titre en common law de leurs véhicules, et non la propriété de fait, à Vanex, qui obtenait ensuite les certificats d'immatriculation des véhicules à son nom. Vanex obtenait également la couverture d'assurance pour son propre bénéfice aux termes d'une police flotte qu'elle souscrivait auprès de l'Insurance Corporation de la Colombie-Britannique, et qui couvrait tous les véhicules immatriculés à son nom. Le juge Margeson a conclu que seule Vanex était assurée aux termes de la police. Il a ensuite conclu que Vanex fournissait aux camionneurs le droit de conduire leurs véhicules grâce à des certificats d'immatriculation et à des polices d'assurance dont elle avait payé les coûts. Les droits d'immatriculation et les primes d'assurance étaient recouvrés auprès des camionneurs, et ils étaient donc réputés faire partie de la contrepartie des services. Dans cette affaire également, aucune relation de mandataire n'avait été établie; de fait, l'appelante dans cette affaire ne semble pas avoir fait valoir d'argument fondé sur le mandat.

[18]          L'intimée a invoqué également l'affaire Parkland Crane Service Ltd. c. La Reine[9]. Cette affaire portait sur les frais réclamés au titre d'un permis de déplacement requis pour transporter une grue mobile sur les routes de l'Alberta. L'appelante fournissait ses grues en contrepartie d'un montant calculé en fonction d'un taux horaire. En outre, elle facturait au client le coût du permis qu'elle devait obtenir pour transporter la grue jusqu'au chantier. La juge Kempo a statué que les droits de permis étaient inclus dans la contrepartie versée pour les services de l'appelante du fait de l'article 178. Elle a dit ceci à la page 19(GSTC : à la page 11) :

Il incombe à l'appelante d'établir, selon la prépondérance des probabilités, l'existence d'une relation de mandataire, afin d'être soustraite de l'application de la disposition réputée prévue à l'article 178 de la Loi, selon laquelle le remboursement d'une dépense par l'acquéreur d'une fourniture est réputé faire partie de la fourniture de service effectuée en faveur de l'acquéreur à moins que la dépense ait été engagée par l'appelante à titre de mandataire de l'acquéreur. L'appelante n'a pas réussi à établir ce fait en l'espèce.

Dans la présente affaire, l'appelante s'est acquittée de cette charge, ainsi que je l'ai déjà conclu.

[19]          L'appel est accueilli et la cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que les montants que les sous-traitants de l'appelante ont payés à cette dernière au titre de certificats d'immatriculation et d'assurances ne font pas partie de la contrepartie de la fourniture de services par l'appelante et ne sont donc pas taxables. L'appelante a droit à ses frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d'avril 2001.

" E. A. Bowie "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 7e jour de décembre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

98-2151(GST)G

ENTRE :

LIBRA TRANSPORT (B.C.) LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu les 10 et 11 mai 2000 à Edmonton (Alberta), par

l'honorable juge E. A. Bowie

Comparutions

Avocat de l'appelante :                         Me Horst G. Wolff

Avocat de l'intimée :                            Me Louis A.T. Williams

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 18 juillet 1997, et porte le numéro 10110878, pour la période du 1er août 1993 au 30 avril 1997, est accueilli et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que les montants que les sous-traitants de l'appelante ont payés à cette dernière à l'égard de certificats d'immatriculation et d'assurances ne font pas partie de la contrepartie de la fourniture de services par l'appelante et ne sont donc pas taxables. L'appelante a droit à ses frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d'avril 2001.

" E. A. Bowie "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de décembre 2001.

Mario Lagacé, réviseur




[1]               Voir British Railways Board v. Customs and Excise Commissioners, [1977] 2 All E. R. 873, motifs du Lord Denning, p. 876g.

[2]               Voir Insurance Act, R.S.A. 1980, c. I-5, et Motor Vehicle Administration Act, R.S.A. 1980, ch. M-22. Des dispositions législatives semblables sont en vigueur dans toutes les provinces.

[3]               L.C. 1997, ch. 10, art. 27, réputé être entré en vigueur le 24 avril 1996.

[4]               Note technique - juillet 1997.

[5]                C.C.I., no 96-2209(GST)G, 7 juillet 1998 ([1998] G.S.T.C. 77); confirmé par C.A.F., no A-457-98, 14 septembre 2000 ([2000] G.S.T.C. 83).

[6]               C.C.I., no 96-4842(GST)G, 12 novembre 1999 ([1999] G.S.T.C. 101).

[7]               Pour l'application de la présente partie, la somme que l'acquéreur d'un service rembourse au fournisseur pour les frais que celui-ci a engagés lors de la fourniture, dans la mesure où il engage ces frais à titre de mandataire de l'acquéreur, est réputée faire partie de la contrepartie de la fourniture.

[8]               R.S.B.C. 1996, ch. 315, art. 3.

[9]               C.C.I., no 94-69(GST)I, 12 septembre 1994 ([1994] G.S.T.C. 58)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.