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Date: 20001220

Dossier: 2000-3281-IT-I

ENTRE :

MICHAEL BROMLEY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bell, C.C.I.

QUESTION :

[1]            La question est de savoir si l'appelant peut déduire certains montants qu'il a payés aux termes d'un accord écrit de séparation pendant les années d'imposition 1995, 1996 et 1998. Bien qu'un avis d'appel portant sur son année d'imposition 1992 ait été produit, l'appelant a abandonné cet appel à l'audience.

FAITS :

[2]            L'appelant vivait en union de fait avec une certaine Catherine Suzanne Custeau ( « Mme Custeau » ), union qui s'est terminée le 18 septembre 1988, date à laquelle ils ont commencé à vivre séparément. Aux termes d'un accord écrit de séparation conclu en 1992, l'appelant a accepté de verser à Mme Custeau la somme de 1 000 $ par mois pour subvenir aux besoins de leurs deux enfants.

[3]            L'appelant a effectué les paiements suivants en conformité avec l'accord :

                                1995                                         2 000 $

                                1996                                         17 000 $

                                1998                                         6 000 $

ARGUMENTS :

[4]            L'avocat de l'appelant a soutenu que ce dernier avait le droit, en vertu de l'alinéa 60b), de déduire les paiements de 1995 et de 1996[1]. Cet alinéa prévoit que, dans le calcul du revenu du contribuable pour une année d'imposition, les sommes qui suivent qui sont appropriées peuvent être déduites.

Première version de l'alinéa 60b) :

b) toute somme payée dans l'année par le contribuable, en vertu d'un arrêt, d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, des enfants issus du mariage ou à la fois du bénéficiaire et des enfants issus du mariage, si le contribuable vivait séparé, en vertu d'un divorce, d'une séparation judiciaire ou d'un accord écrit de séparation, du conjoint ou de l'ex-conjoint à qui il était tenu de faire le paiement, le jour où le paiement a été effectué et durant le reste de l'année;

Deuxième version de l'alinéa 60b) :

La deuxième version figurait au paragraphe 20(1) de l'Annexe VIII de la Loi de révision des modifications relatives à l'impôt sur le revenu ( « Loi de révision des modifications » ), qui est ainsi rédigé :

20. (1) Les alinéas 60b) et c) de la même loi sont remplacés par ce qui suit :

b)             un montant payé par le contribuable au cours de l'année, en vertu d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le contribuable, pour cause d'échec de son mariage, vivait séparé de son conjoint ou ancien conjoint à qui il était tenu d'effectuer le paiement, au moment où le paiement a été effectué et durant le reste de l'année;

                Le paragraphe 20(11) figurant à l'Annexe VIII de la Loi de révision des modifications prévoit ce qui suit :

20. (11) Le paragraphe (1) s'applique aux montants reçus[2] en vertu d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, en cas d'échec du mariage survenant après 1992.

Modification relative au conjoint de fait :

                Le paragraphe 140(3) figurant à l'Annexe VIII de la Loi de révision des modifications se lit comme suit :

(3)            L'article 252 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe (3), de ce qui suit :

(4)            Dans la présente loi :

a)             les mots se rapportant au conjoint d'un contribuable à un moment donné visent également la personne de sexe opposé qui, à ce moment, vit avec le contribuable en union conjugale et a vécu ainsi durant une période de douze mois se terminant avant ce moment ou qui, à ce moment, vit avec le contribuable en union conjugale et est le père ou la mère d'un enfant du contribuable; pour l'application du présent alinéa, les personnes qui, à un moment quelconque, vivent ensemble en union conjugale sont réputées vivre ainsi à un moment donné après ce moment, sauf si elles ne vivaient pas ensemble au moment donné, pour cause d'échec de leur union, pendant une période d'au moins 90 jours qui comprend le moment donné;

b)             la mention du mariage vaut mention d'une union conjugale entre deux particuliers dont l'un est le conjoint de l'autre par l'effet de l'alinéa a);

c)              les dispositions applicables à une personne mariée s'appliquent à la personne qui est le conjoint d'un contribuable par l'effet de l'alinéa a);

d)             les dispositions applicables à une personne non mariée ne s'appliquent pas à la personne qui est le conjoint d'un contribuable par l'effet de l'alinéa a).

                Le paragraphe 140(4) figurant à l'Annexe VIII de la Loi de révision des modifications prévoit que :

Les paragraphes (1) et (3) s'appliquent après 1992.

Troisième version de l'alinéa 60b) :

                La troisième version de l'alinéa 60b) est ainsi rédigée :

b) Pension alimentaire ― le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

A ― (B+C)

                où :

A              représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 et avant la fin de l'année à une personne donnée dont il vivait séparé au moment du paiement,

B              le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable par le contribuable à la personne donnée aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé après cette date,

C              le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée à la personne donnée après 1996 et qui est déductible dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition antérieure;

Cette nouvelle disposition devait être :

[...] applicable aux montants reçus après 1996 [...][3]

ANALYSE ET CONCLUSION :

[5]            Pour ce qui est des années d'imposition 1995 et 1996, l'avocat de l'appelant a reconnu que ce dernier n'avait pas droit à la déduction prévue par la deuxième version de l'alinéa 60b) parce que celui-ci ne s'applique qu'aux mariages dont la rupture a eu lieu après 1992. Toutefois, il a soutenu que l'appelant avait droit à une déduction pour ces années en vertu de l'ancien alinéa 60b), sans doute au motif qu'il avait été remplacé seulement en ce qui concerne l'échec définitif du mariage survenu après 1992. Il a affirmé que le nouveau paragraphe 252(4) employait les mots « à un moment donné » et « à ce moment » et que, par conséquent, ceux-ci faisaient référence à un moment où un couple non marié cohabitait, même si ce moment précédait l'année 1993, ce qui donnait ainsi à l'appelant droit à une déduction.

[6]            L'avocat a ensuite soutenu que l'appelant avait droit à une déduction pour son année d'imposition 1998 au motif que, comme ci-dessus, le nouveau paragraphe 252(4) s'appliquait pour faire de Mme Custeau une « ancien[ne] conjoint[e] » [4]. Il a fait remarquer que la formule figurant dans la troisième version de l'alinéa 60b) donnait à son client droit à une déduction de 6 000 $ en 1998, puisque le montant de A, dans cette formule, correspondait à un paiement de 6 000 $ et que les montants de B et C étaient nuls.

[7]            Je n'accepte pas ces arguments. Le paragraphe 252(4) ne s'applique qu'aux années d'imposition postérieures à 1992. On ne peut par conséquent pas considérer la modification introduisant ce paragraphe comme qualifiant une relation d'union de fait au sein de laquelle l'appelant et Mme Custeau pourraient chacun être considérés comme un conjoint ou un ancien conjoint, leur relation ayant existé avant 1988 et s'étant terminée en 1988.

[8]            Si le couple avait été marié, puis avait divorcé en 1988, Mme Custeau aurait clairement été une « ancien[ne] conjoint[e] » , et j'aurais dû trancher la question de savoir si la deuxième version de l'alinéa 60b) s'appliquait seulement aux personnes dont l'échec définitif du mariage était survenu après 1992, laissant la première version de l'alinéa 60b) en vigueur, donnant ainsi à l'appelant droit à une déduction. Cette interprétation est fondée sur le fait que la version modifiée de l'alinéa 60b) a été mise en oeuvre par le paragraphe 20(1) figurant à l'Annexe VIII de la Loi de révision des modifications et que l'application de celui-ci est prévue au paragraphe 20(11). De toute évidence, le bénéficiaire d'un tel montant préférerait l'interprétation contraire. Les dispositions de mise en oeuvre qui s'appliquent à l'alinéa 56(1)b) (y compris, dans le revenu du bénéficiaire, le montant déduit par le payeur aux termes de l'alinéa 60b)) et à l'alinéa 60b) sont identiques. Le bénéficiaire soutiendrait que, pour ce qui est des années d'imposition 1995 et 1996, la deuxième version de l'alinéa 60b) a remplacé la première version de cet alinéa, celle-ci n'étant plus valide après son remplacement. Le terme anglais « replace » (remplacer) est défini en partie dans le New Shorter Oxford English Dictionary de la manière suivante :

                                [TRADUCTION]

Prendre la place de, devenir le remplaçant de [...]

[9]            Ma conclusion concernant le paragraphe 252(4) m'évite d'avoir à interpréter la portée et l'application de la deuxième version de l'alinéa 60b).

[10]          L'avocat de l'appelant a renvoyé la Cour à l'affaire John Carey c. Le ministre du Revenu national, C.C.I., no 98-169(IT)I, 7 avril 1999 (1999 DTC 3502). Les faits de l'affaire Carey étaient très semblables à ceux qui nous occupent. La Cour a décidé que M. Carey devait obtenir gain de cause. Il semble que le savant juge ait conclu que la première version de l'alinéa 60b) devait être interprétée de la manière avancée par l'avocat de l'appelant en l'espèce. L'examen des motifs du jugement ne permet pas de connaître les arguments qui ont été présentés. Comme je l'ai mentionné, il n'est pas nécessaire que je rende une décision à cet égard. Bien que je respecte son jugement, mon opinion sur l'application du paragraphe 252(4) diffère de celle exprimée par ce savant juge. J'ai conclu que cette disposition ne s'appliquait pas de manière rétroactive à une année précédant 1993. Le manque de précision de la loi à cet égard est extrêmement malheureux, parce qu'une loi qui contient des failles, en ne présentant pas clairement l'intention du législateur, occasionne des soucis, une perte de temps et des dépenses au contribuable qui intente des procédures d'opposition et d'appel.

[11]          En conséquence, l'appelant n'a pas droit aux déductions demandées pour ses années d'imposition 1995, 1996 et 1998. L'appelant ayant abandonné son appel pour l'année d'imposition 1992, son appel relatif à ces quatre années sera rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de décembre 2000.

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 6e jour de juillet 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-3281(IT)I

ENTRE :

MICHAEL BROMLEY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 20 novembre 2000 à Calgary (Alberta) par

l'honorable juge R. D. Bell

Comparutions

Avocat de l'appelant :                 Me Marc L. Edelson

Avocate de l'intimée :                 Me Gwen Mah

JUGEMENT

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1992, 1995, 1996 et 1998 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de décembre 2000.

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de juillet 2001.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1]           L'alinéa 60b) a été modifié trois fois au cours de la période en litige. Les trois premières versions seront toutes citées et les dates de leur entrée en vigueur seront indiquées. La quatrième version, non pertinente, est mentionnée à la note en bas de page 3.

[2]           Le mot « payés » aurait dû être employé de préférence à « reçus » . Le même libellé a été utilisé dans la loi mettant en oeuvre l'alinéa de remplacement correspondant, soit 56(1)b). Au paragraphe 20(11) ci-dessus, le mot « reçus » a apparemment été employé par erreur au lieu du mot « payés » .

[3]           Voir note en bas de page 2. Le législateur a reconnu cette erreur au paragraphe 99(8) de la Loi de 1997 modifiant l'impôt sur le revenu, L.C. 1998, ch. 19. Le paragraphe 99(8) mentionne le paragraphe 99(1), qui prévoit que la description de B figurant à l'alinéa 60b) sera remplacée par un nouveau B où les mots « ou postérieurement » seront ajoutés à la fin. Le paragraphe 99(8) est ainsi rédigé :

                        (8) Le paragraphe (1) s'applique aux montants PAYÉS après 1996.

                        (Les majuscules sont de moi.)

[4]           L'expression « montants représentant chacun une pension alimentaire » , employée dans la troisième version de l'alinéa 60b), est définie de façon à faire référence à l' « ancien conjoint du débiteur » .

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