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Date: 20010103

Dossier: 1999-1239-IT-I

ENTRE :

JACQUES HENDLISZ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(Rendus oralement à l'audience à Montréal (Québec), le 30 mars 2000.)

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Le présent appel a été interjeté sous le régime de la procédure informelle et porte sur l'année d'imposition 1994.

[2]            Il s'agit de déterminer si la remise, en 1994, d'une dette de 25 000 $ par l'ancien employeur de l'appelant visait le remboursement de pertes financières subies par ce dernier ou constituait un avantage au titre d'un emploi aux termes de l'article 6 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[3]            Le représentant de l'appelant a soutenu que le but de la remise était de rembourser à l'appelant la perte qui a résulté de la vente de la maison qu'il possédait à Montréal lorsqu'il a accepté un emploi dans un établissement médical de Toronto. La représentante de l'intimée était d'avis que la somme de 25 000 $ représentait la remise d'un prêt que l'ancien employeur avait consenti à l'appelant et qu'il s'agissait donc d'un avantage au titre d'un emploi aux termes de l'alinéa 6(1)a) et du paragraphe 6(15) de la Loi.

[4]            L'appelant et son épouse, Mme Sandra Hendlisz, ont témoigné pour l'appelant, et Mme Johanne Soucy, une agente des appels, a témoigné pour l'intimée.

[5]            L'appelant a expliqué que, en 1991, alors qu'il était directeur général d'un hôpital à Montréal, il a reçu une offre d'emploi du Baycrest Centre for Geriatric Care. Un ancien collègue, un certain M. Herbert, était président et chef de la direction de cet établissement. Il insistait pour embaucher l'appelant, tandis que le conseil d'administration de l'établissement voulait procéder de manière structurée en faisant appel à une agence de recrutement.

[6]            L'appelant soutient avoir négocié avec l'employeur le remboursement de tous ses frais de déménagement ainsi que de toute perte résultant de la vente de sa propriété. Toutefois, dans le contrat signé, seuls les frais de déménagement sont mentionnés. M. Herbert aurait alors garanti à l'appelant que les pertes allaient lui être remboursées d'une manière ou d'une autre, notamment au moyen de primes. (J'ouvre ici une parenthèse pour dire que, dans les cas où il y a versement d'une prime, celle-ci doit être incluse dans le calcul du revenu.)

[7]            L'appelant a produit sous la cote A-1 une lettre envoyée à Revenu Canada pour son compte. Y sont mentionnées a) l'inscription initiale de la maison, datée du 20 mai 1991, à un prix de 519 000 $, b) la nouvelle inscription, dont la date n'est pas précisée, à un prix réduit de 429 000 $, et c) une contre-offre acceptée de 385 000 $ faite le 9 octobre 1991 en vue d'une occupation en janvier 1992. L'appelant a déclaré que la juste valeur marchande correspondait au prix de vente initial. Dans l'avis d'appel, il est indiqué que la juste valeur marchande avait été établie approximativement par l'appelant. La perte subie serait égale à la différence entre le prix demandé à l'origine (lequel, fait-on valoir, correspond à la juste valeur marchande) et le prix de vente. Par ailleurs, pour ce qui est des coûts réels, la maison avait été achetée 150 000 $ en 1981 et vendue 385 000 $ en 1992.

[8]            L'appelant est entré en fonction en août 1991. Les contrats de travail n'ont pas été produits. L'emploi a pris fin le 28 mai 1992. L'accord de cessation d'emploi daté du 28 octobre 1992 a été produit sous la cote A-2. Au paragraphe 4, il est dit que l'échéance du prêt hypothécaire sur la maison de Toronto est reportée au 27 novembre 1993, date à laquelle le montant intégral devient échu et exigible. Il n'y a dans cet accord, pas plus que dans la reconnaissance qui y est annexée, aucune mention du remboursement de la perte résultant de la vente de la maison de Montréal. Les documents sont signés par l'appelant et par l'ancien employeur.

[9]            L'appelant et son épouse ont raconté que, après la signature de cet accord, Mme Hendlisz avait téléphoné au président du conseil d'administration et lui avait expliqué que la famille avait subi de lourdes pertes à la suite de la cessation d'emploi et que la chose raisonnable et convenable à faire pour l'ancien employeur serait de ne pas exiger le remboursement du prêt. C'est par suite de cette conversation téléphonique que l'accord sur le report de l'échéance hypothécaire a été conclu. L'appelant a produit ce document, daté du 9 mars 1994, sous la cote A-3. Il témoigne de l'existence de la remise de dette. On peut notamment y lire ceci :

[TRADUCTION]

                1.              L'échéance du prêt hypothécaire est reportée au 27 novembre 1994.

                2.              Si le prêt est remboursé le 27 novembre 1994 ou avant cette date, Baycrest acceptera le montant de 75 000 $, ainsi que les intérêts accumulés depuis le 27 novembre 1993 au taux applicable avant cette date, à titre de paiement intégral du solde du prêt hypothécaire.

                3.              Si le prêt n'est pas remboursé le 27 novembre 1994 ou avant cette date, le montant intégral du principal, soit 100 000 $, ainsi que les intérêts accumulés depuis le 27 novembre 1993 au taux applicable avant cette date, devient immédiatement échu et exigible.

                4.              Si la propriété grevée de l'hypothèque est vendue ou transférée, le prêt hypothécaire devient immédiatement échu et exigible.

Ces modalités modifiées vous sont offertes à titre gracieux par Baycrest afin de vous venir en aide. Elles ne constituent aucunement une admission de l'existence d'une obligation, et aucun autre report de l'échéance du prêt hypothécaire ne sera accordé.

[10]          La pièce A-5 est une lettre datée du 2 décembre 1994 accusant réception du paiement d'un montant de 75 000 $ au titre du prêt hypothécaire de 100 000 $.

[11]          Le représentant de l'appelant m'a renvoyé à un passage d'un bulletin d'interprétation publié le 23 juillet 1992 par les Services des interprétations techniques, Division des entreprises et des publications, portant sur le financement provisoire accordé aux employés qui déménagent aux fins de leur emploi et qui subissent une perte lors de la vente de leur maison. Voici ce passage :

[TRADUCTION]

                Revenu Canada précise également que, lorsqu'un employé obtient de l'employeur le remboursement de la perte réelle résultant de la vente de l'ancienne maison, ou lorsque l'employeur convient de verser à l'employé un montant égal à la différence entre la juste valeur marchande de l'ancienne maison (établie par un évaluateur indépendant) et le prix de vente réel, le montant en question ne sera pas inclus dans le revenu de l'employé.

[12]          La première partie de cet énoncé de politique concorderait avec la décision rendue par la Section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire Ransom v. M.N.R., 67 DTC 5235. En l'espèce, aucune preuve du montant réel de la perte résultant de la vente de la maison de Montréal n'a été produite. En ce qui concerne la deuxième partie de l'énoncé de politique, aucun précédent ne m'a été cité pour en étayer l'application. Quoi qu'il en soit, il n'existe aucune preuve établissant que l'employeur a convenu de verser à l'employé un montant égal à la différence entre la juste valeur marchande de l'ancienne maison (établie par un évaluateur indépendant) et le prix de vente réel. En outre, comme il a déjà été mentionné, la valeur de l'ancienne maison ne semble pas avoir été établie par un évaluateur indépendant. On doit donc conclure que la preuve relative à la perte résultant de la vente de la maison de Montréal est très vague. Je ne m'appuie toutefois pas sur ce manque de précision pour me prononcer en l'espèce.

[13]          La représentante de l'intimée a soutenu qu'il n'existait aucune preuve permettant d'établir que le but de la remise était de rembourser la perte subie. La preuve indique plutôt que l'employeur a accordé la remise pour obtenir le remboursement du prêt hypothécaire et régler un différend relié à l'emploi. La représentante a fait référence à quelques décisions de la Cour de l'impôt, dont la décision rendue dans l'affaire McArdle c. M.R.N., C.C.I., no 82-688, 16 mars 1984, aux pages 3 et 4 (84 DTC 1251, aux pages 1252 et 1253) :

Je suis convaincu que la remise du solde du prêt faisait partie intégrante des conditions de l'entente mettant fin au contrat de travail entre l'appelant et Integrated. Il existait donc un lien direct entre la décision de Integrated au sujet du prêt et l'emploi de l'appelant. C'est en raison de l'existence du contrat de travail qu'il y a eu remise de dette. La somme de 14 774,72 $ est dont (sic) visée par l'alinéa 6(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « la Loi » ). Aux termes de cette disposition, doit être incluse dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition d'un emploi, la valeur d'un avantage de quelque nature que ce soit qu'il a reçu dans l'année au titre ( « in respect of » ), dans l'occupation ou en vertu de l'emploi. Le juge Dickson, qui a rendu l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans Nowegijick c. La Reine, 83 DTC 5041, dit à la p. 5045 :

Parmi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c'est probablement l'expression « quant à » ( « in respect of » ) qui a la portée la plus vaste.

Je suis également d'avis que, dans le présent contexte, le paragraphe 5(1) de la Loi fait très probablement double emploi avec l'alinéa 6(1)a) car la somme de 14 774,72 $ constitue un revenu de l'appelant pour 1978; elle forme en effet une « autre rémunération » au sens du paragraphe 5(1) :

5.(1) Sous réserve de la présente Partie, le revenu d'un contribuable, pour une année d'imposition, tiré d'une charge ou d'un emploi est le traitement, salaire et autre rémunération, y compris les gratifications, que ce contribuable a reçus dans l'année.

Toutefois, comme j'ai conclu à l'applicabilité de l'alinéa 6(1)a), aucune conclusion définitive ne s'impose pour ce qui est du paragraphe 5(1).

Conclusion

[14]          Les tribunaux doivent examiner les choses telles qu'elles sont, non pas telles que le contribuable voudrait qu'elles soient. Lorsque des accords ont été conclus, les tribunaux doivent déterminer le but commun que poursuivaient les signataires. Il n'existe aucune preuve documentaire permettant d'établir que la remise du montant de 25 000 $ se rapportait à la perte résultant de la vente de la maison de Montréal. L'ancien employeur de l'appelant n'avait pris aucun engagement en ce sens. Aucun des documents signés par l'appelant et son ancien employeur ne renferme quelque mention de cette perte. La preuve a plutôt permis d'établir que la remise d'une partie du prêt faisait partie d'un forfait accordé à l'appelant au titre de la cessation d'emploi. Je me reporte à l'arrêt de la Cour fédérale du Canada dans l'affaire Klein c. La Reine, C.A.F., no A-261-95, 9 mars 1998 (98 DTC 6214). Dans cette affaire, après que le contribuable eut remis sa démission, l'entreprise qui l'employait a consenti à la remise de trois prêts totalisant 145 212 $. Le tribunal déclarait ceci aux pages 1 et 2 (DTC : à la page 6215) :

[...] il lui était amplement loisible de conclure que l'entente relative au prêt faisait partie du forfait prévu quant à la cession d'emploi de l'appelant [...] que l'entente relative au prêt faisait partie d'un règlement comportant un bénéfice conféré en raison de l'emploi de l'appelant.

[15]          De même, en l'espèce, le but de la remise n'était pas de rembourser à l'appelant quelque partie que ce soit des pertes financières qu'il avait subies; elle faisait plutôt partie d'un forfait relié à la résiliation d'un contrat de travail. Le montant ainsi remis doit être inclus dans le calcul du revenu de l'appelant parce qu'il s'agit d'un avantage conféré au titre d'un emploi aux termes de l'alinéa 6(1)a) et du paragraphe 6(15) de la Loi.

[16]          Conséquemment, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de janvier 2001.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-1239(IT)I

ENTRE :

JACQUES HENDLISZ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 28 mars 2000 et jugement rendu oralement

le 30 mars 2000 à Montréal (Québec) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Représentant de l'appelant :                           Alexandre Bergevin

Représentante de l'intimée :                            Ninette Singoye, stagiaire

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1994 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour d'avril 2000.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


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