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Date: 20010123

Dossier: 1999-5065-GST-I

ENTRE :

WARREN ERICKSON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Hershfield

Faits

[1]            L'appelant a construit une annexe à sa maison pendant le printemps et l'été 1997. Après l'achèvement des travaux, il a produit une demande de remboursement de la taxe sur les produits et services pour habitations neuves. Le ministre du Revenu national (le " ministre ") a reçu la demande de remboursement le 30 novembre 1998 et l'a rejetée par avis de cotisation daté du 12 avril 1999. L'appelant s'est opposé à l'avis de cotisation le 25 juin 1999, et le ministre a confirmé la cotisation au moyen d'un avis de décision daté du 27 septembre 1999. L'appelant a ensuite produit un avis d'appel à l'encontre de cet avis de décision.

[2]            L'intimée admet que l'appelant a construit une annexe à sa maison. J'accepte le témoignage de l'appelant selon lequel le coût de l'annexe s'élevait à 45 523 $, lequel montant incluait non seulement le coût de l'annexe en soi, mais également le coût des modifications apportées à la résidence originale à laquelle l'annexe a été ajoutée. Si l'appelant avait droit au remboursement, celui-ci serait calculé en fonction de ce coût, qui représente selon moi les dépenses sur des fournitures taxables à l'égard desquelles la TPS a été payée. Au procès, l'intimée n'a pas contesté cela. Ce qui est en litige est plutôt la question de savoir si les conditions du paragraphe 256(2) de la Loi sur la taxe d'accise, selon son libellé, donnent à l'appelant le droit d'obtenir un remboursement. Ce paragraphe énonce les conditions qui, si elles sont respectées, donnent droit au remboursement. En l'espèce, les conditions ont été respectées, à l'exception, peut-être, de celle figurant à l'alinéa 256(2)a), laquelle est en litige. Il sera satisfait à la condition prévue à cet alinéa :

256(2)      [...] dans le cas où [...] :

                a) le particulier, lui-même ou par un intermédiaire, construit un immeuble d'habitationimmeuble d'habitation à logement unique ou logement en copropriété — ou y fait des rénovations majeures, pour qu'il lui serve de résidence habituelle ou serve ainsi à son proche;                          (Les italiques sont de moi.)

[3]            L'expression " rénovations majeures " est ainsi définie au paragraphe 123(1) :

" rénovations majeures " Fait l'objet de rénovations majeures le bâtiment qui est rénové ou transformé au point où la totalité, ou presque, du bâtiment qui existait immédiatement avant les travaux, exception faite des fondations, des murs extérieurs, des murs intérieurs de soutien, des planchers, du toit et des escaliers, a été enlevée ou remplacée, dans le cas où, après l'achèvement des travaux, le bâtiment constitue un immeuble d'habitation ou fait partie d'un tel immeuble.

L'appelant a reconnu qu'il n'avait pas " fait des rénovations majeures " à un immeuble d'habitation à logement unique qui était sa maison originale, ajoutant qu'il n'avait pas formé un appel pour ce motif[1].

[4]            L'expression " immeuble d'habitation ", définie au paragraphe 123(3), vise la partie constitutive d'un bâtiment qui comporte au moins une " habitation ". Le terme " habitation " est défini à ce paragraphe de la manière suivante :

Maison individuelle, jumelée ou en rangée, unité en copropriété, maison mobile, maison flottante, appartement, chambre d'hôtel, de motel, d'auberge ou de pension, chambre dans une résidence d'étudiants, d'aînés, de personnes handicapées ou d'autres particuliers ou tout gîte semblable, ou toute partie de ceux-ci, qui est, selon le cas :

a) occupée à titre résidentiel ou d'hébergement;

b) fournie par bail, licence ou accord semblable, pour être utilisée à titre résidentiel ou d'hébergement;

c) vacante et dont la dernière occupation ou fourniture était à titre résidentiel ou d'hébergement;

d) destinée à servir à titre résidentiel ou d'hébergement sans avoir servi à une fin quelconque.

L'appelant a reconnu que l'annexe en soi n'était pas une habitation, ce qui signifie qu'il ne s'agit pas d'un immeuble d'habitation ouvrant droit à un remboursement. L'appelant a reconnu qu'il n'interjetait pas appel de la décision du ministre pour ce motif[2].

[5]            L'appelant fonde son appel sur le fait qu'il a " construit un (nouvel) immeuble d'habitation ". Il soutient que la résidence originale rénovée et l'annexe constituent ensemble un immeuble d'habitation (c'est-à-dire un immeuble d'habitation à logement unique) qui n'existait pas auparavant. Il soutient au fond que la nouvelle résidence n'était ni la résidence originale rénovée ni la résidence originale rénovée avec une annexe[3]. Il soutient que le produit de son travail postérieur à la rénovation et à l'ajout de l'annexe représentait un immeuble d'habitation qui n'existait pas avant qu'il n'entreprenne les nouveaux travaux de construction et à l'égard duquel il respectait les conditions de l'alinéa 256(2)a) relativement au remboursement. À l'appui de sa position selon laquelle les rénovations faites à une résidence existante (qui ne sont pas en soi des " rénovations majeures " de la résidence originale), ainsi que l'annexe à cette résidence, peuvent être considérées comme la construction d'un nouvel immeuble d'habitation, l'appelant invoque l'énoncé de politique P-153, qui fait état des pratiques administratives de Revenu Canada en ce qui concerne les remboursements dans des cas comme celui en l'espèce. Avant de me reporter à cet énoncé de politique, je traiterai du travail réel effectué en l'espèce en ce qui concerne l'annexe et les rénovations.

[6]            Pour aider la Cour à comprendre l'étendue de la rénovation, l'appelant a apporté de nombreuses photographies et différents dessins de bâtiments et plans d'ingénierie. Ils ont été déposés en preuve, mais je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'y faire davantage référence, sauf pour reconnaître qu'ils confirment que le travail effectué en l'espèce était de grande envergure et a modifié considérablement aussi bien l'extérieur que l'intérieur de la résidence originale, en ce qui concerne à la fois son apparence et sa fonction. On pourrait très bien affirmer que le caractère de la maison dans son ensemble a changé après l'achèvement des travaux.

[7]            Le projet peut essentiellement être décrit de la manière suivante : la maison avait avant la construction de l'annexe une surface utile de 1 040 pieds carrés. L'annexe a ajouté 960 pieds carrés, ainsi qu'un garage attenant pour deux automobiles. La superficie habitable de la maison a augmenté de 92,3 p. 100, sans compter le garage. L'annexe a été ajoutée latéralement à un bungalow, dans lequel la superficie habitable supplémentaire se trouvait au-dessus du nouveau garage pour deux automobiles. L'annexe est plus haute et plus longue que la maison originale. Elle compte un total de quatre chambres, un couloir et quatre garde-robes. Il y a deux chambres de 12 pi sur 12 pi, comprenant des garde-robes de 3 pi sur 5 pi, et une salle de jeu de 24 pi sur 18 pi. Ces pièces se situent au deuxième étage, au-dessus du garage pour deux automobiles nouvellement ajouté. De plus, l'annexe latérale comprend un étage principal, qui a facilité l'adjonction de l'annexe à la résidence originale. Cet étage principal comprend un couloir de 6 pi sur 33 pi, une salle de lavage de 6 pi sur 6 pi et un escalier menant au deuxième étage. Il y a une garde-robe sous les marches et une autre de 6 pi sur 2 pi dans le nouveau couloir de l'entrée de la maison. Le couloir comprend la nouvelle entrée principale et possède un plafond voûté. Le côté de la maison originale où l'annexe a été ajoutée a de toute évidence dû être ouvert afin d'accueillir l'annexe.

[8]            L'appelant a indiqué dans son témoignage que la porte d'entrée originale, située à l'avant et au centre de la maison originale, avait été retirée et remplacée par un mur. Des demi-murs, qui se trouvaient près de l'entrée, ont été enlevés. De la moquette a été ajoutée dans l'ancien couloir de l'entrée. Ce couloir, allant de la salle à manger à la salle de séjour, a été modifié afin d'être adapté aux changements de débit d'itinéraire causés par le déplacement de la porte d'entrée. Le mur et l'entrée de la chambre arrière ont été enlevés. Des modifications ont dû être apportées au canal de la soufflante de la cuisine afin de dévier la bouche d'évacuation. Sur le côté de la maison où l'annexe a été ajoutée, une double entrée a été adjointe afin de relier la maison à l'annexe. Tout le stuc se trouvant sur le côté de la maison existante où l'annexe a été ajoutée a dû être enlevé, de même que les planches de revêtement extérieur et le matériau isolant. Des trous d'accès ont été perforés dans la fondation en béton de la maison originale pour que les systèmes électrique et téléphonique et les systèmes de plomberie, de chauffage, d'aspirateur central et de câble de télévision puissent rejoindre l'annexe. Les marches devant l'ancienne entrée principale de la maison originale ont été enlevées. Des modifications paysagères ont également dû être effectuées en raison des changements apportés dans le couloir de l'entrée, et de l'ajout de la nouvelle annexe. Le plan de l'annexe prévoyait l'intégration de la ligne de toiture de façon à ce que les angles de la toiture puissent être conservés. À cette fin, on a dû modifier l'extérieur de la toiture, notamment prolonger la ligne de toiture et les gouttières et déplacer des prises de courant extérieures. Un nouveau bardage correspondant au nouveau bardage de l'annexe ou coordonné avec celui-ci a été installé sur le devant de la maison originale.

[9]            Afin d'aménager la nouvelle annexe, on a installé plusieurs nouveaux systèmes, et les systèmes existants ont été prolongés. Un nouveau système de chauffage au gaz a été installé, tout comme l'amenée de gaz et la cheminée. Il s'agit d'un système de chauffage supplémentaire, l'annexe disposant ainsi d'une source de chauffage indépendante. L'électricité a été ajoutée à l'annexe. Un nouveau panneau électrique auxiliaire fournissait un circuit de 8 à 15 ampères à l'annexe. Le système de plomberie a été prolongé jusqu'à l'annexe afin de fournir de l'eau chaude et de l'eau froide à la salle de lavage et d'installer un drain pour la machine à laver. Des prises de téléphone, de câble et d'aspirateur central ont été ajoutées à l'annexe ou prolongées jusqu'à celle-ci.

[10]          Comme nous l'avons déjà indiqué, le coût de l'annexe, y compris tous les travaux susmentionnés, s'élevait à 45 523 $. Le coût de la résidence originale, au moment où l'appelant l'a acquise, en 1992, était de 86 000 $. Les travaux de construction ont été exécutés par l'appelant ainsi qu'un entrepreneur et des corps d'état du second-oeuvre, que lui-même ou l'entrepreneur engageait.

[11]          Comme nous l'avons déjà indiqué, l'appelant soutient en appel qu'il a construit un nouvel immeuble d'habitation. À l'appui de sa thèse, il cite l'énoncé de politique de Revenu Canada et affirme que sa situation est conforme à l'esprit de cet énoncé de politique si ce n'est aux principes effectifs qui y figurent. L'introduction de cet énoncé de politique est ainsi rédigée :

Le présent énoncé de politique porte sur la question de savoir si la construction d'un ajout majeur à un immeuble d'habitation à logement unique existant (lorsque l'ajout ne comprend pas un immeuble distinct et ne fait pas partie de rénovations majeures de l'immeuble d'habitation existant) est assimilable à la construction d'un tel immeuble aux diverses fins de la Loi sur la taxe d'accise.

[12]          Pour ce qui est de déterminer si la construction d'un ajout à un immeuble d'habitation à logement unique modifie fondamentalement le caractère de l'immeuble existant au point qu'elle peut être considérée comme la construction d'un nouvel immeuble d'habitation à logement unique, l'énoncé de politique se poursuit comme suit :

Pour que la construction d'un ajout majeur soit jugée être la construction ou la reconstruction d'un immeuble d'habitation à logement unique, l'ajout majeur doit modifier fondamentalement le caractère de l'immeuble existant au point que l'on estime que cet immeuble a été reconstruit de manière à ce que l'immeuble d'habitation à logement unique original et l'ajout forment essentiellement ensemble un nouvel immeuble d'habitation nouvellement construit, ou bien à ce que l'immeuble d'habitation à logement unique existant a été intégré dans un ajout majeur et constitue essentiellement un immeuble d'habitation nouvellement construit. Ce ne serait normalement pas le cas si l'immeuble d'habitation à logement unique existant demeure virtuellement intact et si l'ajout n'est pas, avant sa construction, au moins aussi grand que la maison existante (par exemple, la construction de pièces fermées au-dessus d'un garage rattaché à la maison). Cependant ce pourrait peut-être être le cas si une personne ajoute un deuxième étage complet à une maison à un seul étage existante. Lorsque l'ajout majeur est un agrandissement latéral d'une maison existante, on peut admettre qu'il s'agit de la construction d'un immeuble d'habitation si la maison existante et l'ajout peuvent essentiellement être considérés comme formant un immeuble d'habitation nouvellement construit ou si la maison existante a été intégrée dans l'ajout de manière à former essentiellement un immeuble d'habitation nouvellement construit.

La construction d'une galerie, d'un solarium, d'une salle de séjour, d'une chambre à coucher ou la construction de plus d'une pièce n'est pas considérée, en temps normal, comme la construction d'un immeuble d'habitation à logement unique. Les dimensions de l'ajout à un immeuble d'habitation à logement unique doivent être importantes, au point où la grandeur et la fonction de cet ajout font qu'il faille plutôt parler d'un immeuble d'habitation nouvellement construit plutôt qu'uniquement de la construction d'un ajout à la maison existante.

Parmi les facteurs qui peuvent être retenus pour déterminer si la construction d'un ajout majeur correspond à la construction d'un immeuble d'habitation, mentionnons le rapport entre la superficie de l'ajout nouvellement construit et celle du bâtiment existant, la taille relative de la nouvelle construction, le nombre et le genre de pièces de la nouvelle construction, la mesure dans laquelle l'immeuble existant est annexé à la nouvelle construction, le type de changements qui ont dû être apportés à l'extérieur et à l'intérieur du bâtiment pour intégrer l'ajout, le coût total de l'ajout, la présence de nouveaux systèmes mécaniques (par exemple plomberie et électricité), etc. Tous ces facteurs peuvent être examinés pour aider le Ministère à déterminer si une personne a construit un ajout qui équivaut à la construction ou à la reconstruction d'un immeuble d'habitation à logement unique.

[13]          L'intimée soutient que l'appelant n'a pas construit un " immeuble d'habitation " au sens du paragraphe 123(1) de la Loi sur la taxe d'accise, mais qu'il a plutôt rénové un immeuble d'habitation préexistant. L'intimée maintenait donc que la rénovation de l'immeuble préexistant ne respectait pas le critère des " rénovations majeures " de l'alinéa 256(2)a) (ce que l'appelant a admis) et que, pour ce motif, l'appel doit être rejeté. L'avocate de l'intimée a soutenu que l'intimée ne cherchait pas à adopter une position incompatible avec la pratique administrative susmentionnée. Selon l'intimée, l'annexe de la résidence originale ainsi que les rénovations qui y ont été faites n'étaient pas assez importantes pour respecter les conditions de l'énoncé de politique. L'annexe n'a même pas doublé la superficie de la résidence originale et / ou le caractère de la résidence originale n'a pas changé (ou s'il a changé, il n'a pas suffisamment changé pour donner lieu à la création d'une nouvelle maison, par opposition à la création d'une maison préexistante modifiée). L'ajout consistait en une annexe à la maison originale. L'avocate de l'intimée a affirmé que, même si je concluais que le caractère de la résidence de l'appelant avait changé au moins autant qu'il semblait être nécessaire selon l'exemple de l'ajout du deuxième étage figurant dans l'énoncé de politique et que si, pour ce motif, je concluais que sa cliente n'appliquait pas sa propre pratique administrative d'une manière logique et équitable, ma responsabilité était d'examiner le fond de l'appel ainsi qu'il est régi par la Loi, même si un tel examen tendait à saper les pratiques administratives établies par l'énoncé de politique. Cela signifie que, malheureusement peut-être, le ministre cherche à voir sa cotisation confirmée, même au risque de voir ses propres pratiques administratives, établies de bonne foi comme une juste interprétation des dispositions relatives au remboursement prévu par la Loi, condamnées.

[14]          À l'appui de son allégation selon laquelle l'appelant n'a pas construit un immeuble d'habitation (un nouvel immeuble d'habitation), l'intimée soutient qu'une annexe peut être un immeuble d'habitation nouvellement construit uniquement si le logement préexistant est intégré à une annexe qui est d'une taille et d'une proportion telles qu'il est impossible de la considérer comme une simple annexe à la maison existante. L'annexe doit atteindre une proportion telle qu'en réalité le logement préexistant devient lui-même un ajout. J'adhère à cette position. Le critère, ainsi que je le formulerais, correspondrait alors à la question de savoir si la résidence préexistante a été intégrée à une nouvelle résidence ou si une annexe a été intégrée à une résidence préexistante. La première (mais non la seconde) pourrait être qualifiée de construction d'un (nouvel) immeuble d'habitation. Je crois que le critère ainsi exprimé, à savoir si un projet de construction d'habitations peut à juste titre être considéré comme la construction d'un nouvel immeuble, par opposition à la rénovation d'un immeuble existant auquel on a ajouté quelque chose, correspond aux conditions de la Loi en ce qui concerne la détermination d'une construction ouvrant droit au remboursement pour habitations neuves. À ce stade-ci, il n'y a pas de différence entre l'argument de l'intimée et la pratique administrative de sa cliente. Entre d'autres termes, lorsque la résidence originale est intégrée à l'ajout en tant qu'" annexe ", aile ou partie relativement mineure de la résidence nouvellement construite, l'intimée considère ensemble l'annexe et les rénovations faites à la résidence originale comme la construction d'un nouvel immeuble d'habitation. Toutefois, l'énoncé de politique suggère également par un exemple précis, soit l'ajout à un bungalow d'un deuxième étage ayant pour effet de doubler au moins la superficie de la résidence originale, que le caractère de la résidence peut avoir suffisamment changé pour que l'on considère la construction comme celle d'un nouvel immeuble d'habitation. L'appelant soutient que son annexe latérale a de la même façon changé le caractère de sa résidence originale, et je suis d'accord avec lui. Je ne souscris toutefois pas à l'idée qu'une annexe, qu'il s'agisse d'une construction en hauteur ou en largeur, qui ne fait que doubler la superficie d'une maison constitue une construction qui suffit à créer un nouvel immeuble d'habitation, même si le caractère de la maison est ainsi transformé. Le changement de caractère d'une maison est non seulement un critère vague et subjectif, mais il s'agit également d'un critère que la Loi ne considère pas comme un facteur ouvrant droit à un remboursement. Le fait d'affirmer que la transformation d'un bungalow en une maison à deux étages peut modifier le caractère de l'ancienne résidence ne suffit pas. Le caractère d'une maison peut facilement être changé par une variété de rénovations. Le changement des lignes de toiture, l'élargissement et l'ajout de fenêtres ou la réfection de la finition extérieure d'une maison, passant, par exemple, du stuc à la brique et à la pierre, pourrait très bien modifier le caractère d'une maison. Toutefois, de telles modifications ne justifieraient pas la formulation d'une conclusion selon laquelle un nouvel immeuble d'habitation aurait vu le jour. De même, les modifications apportées à la superficie habitable peuvent modifier le caractère d'une maison en ce qui a trait à la manière dont elle fonctionne, mais, encore là, le changement de caractère peut ne pas suffire pour étayer la conclusion selon laquelle de telles modifications ont transformé une structure préexistante en un nouvel immeuble d'habitation.

[15]          Soulignons que l'alinéa 256(2)a) ne fait aucune référence aux annexes. Il en a été conclu que les " annexes " en soi n'ouvraient pas droit à des remboursements[4]. Soulignons également que la Cour d'appel fédérale a, dans l'affaire Syned, déclaré que les dispositions relatives au remboursement de la TPS pour habitations neuves constituaient une exception limitée et taillée sur mesure à l'application de la TPS à des services imposables pour ce qui est de la construction d'une maison et des rénovations faites à une maison. Comme les annexes ne sont pas mentionnées dans les dispositions relatives au remboursement et comme nous devons considérer ces dispositions comme des exceptions particulières à l'application de la TPS, je dois conclure qu'une annexe ne donnera pas droit à un remboursement, à moins qu'elle n'intègre (absorbe) un bâtiment préexistant à un tel point que l'annexe constitue essentiellement les nouveaux locaux d'habitation, et que le bâtiment préexistant, ayant cessé d'exister en tant que logement, soit essentiellement réduit à une dimension relativement mineure de ce nouveau bâtiment. Si les rénovations qui sont expressément visées par la Loi doivent être importantes au point que tout le bâtiment préexistant doit être presque refait afin d'ouvrir droit à un remboursement, les annexes, qui ne font l'objet d'aucune disposition expresse de la Loi, devraient sans doute (à supposer même qu'on en tienne compte) être encore plus importantes. Une annexe qui double la superficie par l'ajout de quelques chambres d'un côté ou de l'autre n'ouvrira pas droit à un remboursement par l'application de ces critères, même si le caractère de la résidence a été modifié au cours du processus[5].

[16]          Je crois que l'appelant pense à juste titre que son ajout ne peut être distingué du bungalow qui a été converti en une maison à deux étages dans l'exemple de l'énoncé de politique, et il me demande d'appliquer cet énoncé ou son esprit pour accueillir son appel. Je ne peux pas faire cela. Ajouter un double garage et doubler la surface habitable d'une maison, ce n'est rien de plus que faire une rénovation importante. La Loi n'autorise pas de remboursement à l'égard d'une rénovation, importante ou non, à moins que presque tout l'édifice ne soit refait. À mon avis, la loi ne prévoit tout simplement pas de remboursement dans le cas de l'agrandissement, même important, d'une maison. Comme nous l'avons déjà mentionné, il peut y avoir des cas où une annexe est d'une dimension si importante par rapport au bâtiment original que l'on peut à juste titre affirmer que celui-ci a été intégré dans l'annexe d'une manière qui justifie la conclusion selon laquelle le bâtiment original a effectivement cessé d'exister en tant que logement. Dans un tel cas, un nouvel édifice a été construit, et la disposition relative au remboursement s'appliquera. Ce n'est pas le cas en l'espèce. Le bâtiment original est en grande partie intact et constitue une partie importante du bâtiment après la construction. Il continue d'avoir toutes les caractéristiques d'un logement. L'annexe ne fait qu'améliorer ce logement.

[17]          Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l'appelant ne peut avoir gain de cause en l'espèce. En conséquence, l'appel est rejeté, sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de janvier 2001.

" J. E. Hershfield "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 13e jour d'août 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-5065(GST)I

ENTRE :

WARREN ERICKSON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 7 décembre 2000 à Winnipeg (Manitoba) par

l'honorable juge J. E. Hershfield

Comparutions

Pour l'appelant :                         l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                 Me Angela Evans

JUGEMENT

L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 14 décembre 1999 et porte le numéro 983443108129P0001, est rejeté, sans frais, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de janvier 2001.

" J. E. Hershfield "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour d'août 2001.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1] La Loi ne définit pas l'expression " substantially renovate " (" faire des rénovations majeures "), qui est l'expression en fait utilisée pour établir la condition du remboursement prévue à l'alinéa 256(2)a). Lorsqu'une expression particulière est définie, la définition doit être substituée à cette expression si elle - et elle seule - est utilisée dans la Loi (ou dans les parties de la Loi où cette définition doit s'appliquer). On pourrait ainsi penser que, lorsqu'une expression autre que celle définie est utilisée, le sens de l'expression définie ne peut être appliqué à l'autre expression utilisée, même si cette dernière est semblable à l'expression définie. L'inférence que l'on doit tirer du libellé retenu par le législateur est que, si l'expression définie n'est pas utilisée, le législateur ne voulait pas que la définition visant cette expression particulière s'applique. Toutefois, cela étant dit, un examen plus minutieux de la Loi m'amène à conclure que l'expression " substantially renovate ", utilisée à l'alinéa 256(2)a), vise la signification attribuée par le paragraphe 123(1) à l'expression " substantial renovation " (" rénovations majeures "). D'abord, la version française de la Loi définit l'expression " rénovations majeures " au paragraphe 123(1) et emploie la même expression, " rénovations majeures ", à l'alinéa 256(2)a), portant sur le remboursement. Ensuite, même dans la version anglaise, le législateur emploie au paragraphe 256(2) les deux expressions de façon interchangeable de manière à indiquer qu'elles doivent avoir la même signification. Voir les alinéas 256(2)b) et d), qui emploient l'expression " substantial renovation " dans un contexte qui exigerait que l'expression " substantially renovates " utilisée à l'alinéa a) ait la signification attribuée à l'expression " substantial renovation " au paragraphe 123(1). Dans les affaires Warnock c. La Reine, C.C.I., no 95-913(GST)I, 12 novembre 1996 ([1996] G.S.T.C. 86), Hole c. La Reine, C.C.I., no 97-2286 (GST)I, 1998 ([1998] G.S.T.C. 44) et McLean c. La Reine, C.C.I., no 97-2286(GST)I, 29 mai 1998 ([1998] G.S.T.C. 57), cette cour a appliqué la définition de " substantial renovation " à l'expression " substantial renovates ".

[2] Bien que l'avocate de l'intimée ait soutenu et l'appelant, reconnu, que l'annexe en soi, ne comportant ni salle de bains ni cuisine, ne pouvait être une habitation autonome, la définition d'" habitation " au paragraphe 123(1) vise les chambres d'une pension et les lieux semblables, qui peuvent très bien comporter une cuisine et une salle de bains communes. Le fait que l'annexe n'ait donc pas de telles installations ne l'empêche pas en soi d'être une habitation. Le fait que l'appelant n'ait pas occupé l'annexe en soi en tant que lieu de résidence distinct et qu'il n'ait pas eu l'intention de l'utiliser comme superficie habitable distincte de la maison originale empêcherait plus clairement l'annexe elle-même d'être considérée comme une habitation. En outre, et ceci est peut-être plus important, dans l'affaire Sneyd c. La Reine, C.A.F., no A-306-99, 9 juin 2000 ([2000] G.S.T.C. 46), il a été décidé qu'un deuxième (troisième, quatrième, etc.) logement d'un immeuble d'habitation ne pouvait en soi être un " immeuble d'habitation ". Cela signifie que, même si l'annexe était en soi une habitation, c'était l'un des deux logements de l'immeuble qui constituait la maison originale comme logement, et que l'annexe constituait le deuxième logement. En tant que telle, l'annexe n'ouvrait pas droit à un remboursement, puisqu'il ne s'agissait pas d'un " immeuble d'habitation ". Cette interprétation de la disposition relative au remboursement souligne à quel point il est difficile d'obtenir un remboursement même en ce qui concerne une annexe très importante.

[3] Ces distinctions semblent ne pas faire voir de différence, mais les deux concepts (une " résidence originale rénovée " et une " résidence originale rénovée avec une annexe ") visent une résidence qui est la résidence originale à laquelle on aurait apporté des changements. Selon ces deux concepts, il faudrait reconnaître d'une certaine façon que la maison originale existe encore, quoique sous une forme modifiée. D'un autre côté, la rénovation ou l'annexe qui entraîne la création d'un nouvel immeuble d'habitation est une chose différente, qui commande une conclusion portant que la résidence originale a effectivement cessé d'exister en tant qu'habitation.

[4] Voir les affaires Warnock et McLean. Dans ces deux affaires, on a rejeté les appels et, en ce faisant, on n'a pas examiné les annexes pour déterminer si l'appelant avait apporté des rénovations majeures à ses locaux. La Loi ne laisse pas davantage entendre que les annexes peuvent être suffisamment importantes pour justifier à elles seules le droit au remboursement qu'elle ne laisse entendre qu'elles peuvent être considérées comme des rénovations. Bien que les coûts d'une annexe peuvent être inclus dans le calcul d'un remboursement lorsque, abstraction faite de cette dernière, la résidence originale est considérée avoir fait l'objet de rénovations majeures, les annexes ne sont par ailleurs pas prises en considération dans la formule relative au remboursement. En l'espèce, il est admis que la résidence originale n'a pas fait l'objet de rénovations majeures, de sorte qu'on ne doit pas tenir compte de l'annexe.

[5] Bien que la Loi ne soutienne pas la pratique de Revenu Canada en ce qui concerne l'exemple de l'ajout du deuxième étage, la pratique peut très bien être justifiée. Toutefois, il revient au législateur, et non à Revenu Canada, de remanier les nouvelles dispositions de la Loi relatives au remboursement pour habitations neuves pour qu'elles prévoient un remboursement dans le cas des ajouts majeurs.

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