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Date: 20010202

Dossier: 1999-638-IT-G

ENTRE :

LAWRENCE E. POWELL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Campbell

[1]            Le ministre du Revenu national a, le 14 juillet 1997, délivré à l'égard de l'appelant un avis de nouvelles cotisations d'impôt sur le revenu :

a)              incluant une prime non déclarée de 9 727 $ pour 1992;

b)             incluant un avantage non déclaré de 61 642 $ versé à l'actionnaire en 1992;

c)              incluant des honoraires non déclarés de 100 000 $, pour des services de consultation, en 1993;

d)             imposant des pénalités pour les montants susmentionnés, en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[2]            Je traite donc des années d'imposition 1992 et 1993 de l'appelant.

Faits

[3]            En 1992 et en 1993, l'appelant était un ingénieur consultant qui travaillait à son compte et qui jouait un rôle dans un certain nombre de sociétés. Les trois sociétés pertinentes aux fins des présents appels sont les suivantes :

-                L.E. Powell Properties Ltd. (" LEP ")

-                G.R.L. Properties Limited (" GRL ")

-                Powell Company Limited (" Powell ")

[4]            LEP a été constituée en 1969 par trois actionnaires : l'appelant, sa conjointe et leur avocat, chacun détenant une action. Le registre des administrateurs, qui a été consigné en preuve, indiquait que l'appelant était actionnaire et administrateur. Ce registre n'a jamais été mis à jour depuis 1969, et je ne me fonde donc nullement sur ce document pour ce qui est de l'état actuel de cette société. L'appelant a toutefois témoigné que lui et son épouse étaient administrateurs de LEP en 1992 et en 1993. LEP a été constituée pour faire de la consultation immobilière et de l'aménagement de terrains. Au cours des années pertinentes, cette société a fait de la consultation immobilière pour GRL exclusivement. D'après le témoignage de l'appelant, LEP n'a eu aucun compte bancaire pendant des années. Comme LEP ne pouvait négocier des chèques, l'argent qui lui était dû par GRL était porté au crédit d'un compte d'actionnaire figurant dans les livres de GRL. L'appelant a témoigné qu'il était l'agent enregistré dans la province pour agir au nom de LEP.

[5]            GRL a été constituée " plus récemment ", d'après le témoignage de l'appelant. Les actionnaires de GRL et le nombre d'actions qu'ils détenaient étaient les suivants :

                Lawrence Powell (l'appelant)                                                              1

                G. Royce Hefler                                                                                     1

                George MacKenzie                                                                               2 500

                L.E. Powell Properties Ltd. (LEP)                                        2 499

                Woodfibre Logging Ltd.                                                                      2 499

Les administrateurs de cette société étaient l'appelant, G. Royce Hefler et George MacKenzie. L'appelant était le secrétaire-trésorier de GRL. Cette société a été constituée pour soumissionner un contrat concernant un projet particulier, soit les butées rocheuses du pont Halifax/Dartmouth. Elle n'a pas obtenu le contrat et s'est retrouvée avec un terrain sur les bras.

[6]            Après avoir soumissionné sans succès le contrat relatif au pont Halifax/Dartmouth, GRL a cherché à lotir le terrain qu'elle avait acheté pour la fourniture de roches pour le projet. LEP a été employée pour faire le travail de consultation concernant la conception de ce lotissement, en vue de la vente de lots. Ce projet a été contrecarré lorsque des audiences publiques ont eu lieu et que les approbations relatives au lotissement n'ont pu être obtenues. Le terrain a été vendu à un moment donné.

[7]            Powell a été constituée au Nouveau-Brunswick pour réaliser un projet particulier consistant à construire une plateforme flottante pour l'usine d'engrais de Hopewell Cape. Ce projet a été mené à bien. L'appelant a témoigné que cette société faisait du travail de consultation pour de nombreux particuliers. Il a en outre témoigné qu'il contrôlait cette société. La preuve présentée indiquait que LEP devait environ 200 000 $ à Powell.

[8]            L'appelant était actionnaire de ces sociétés. Celles-ci avaient des relations d'affaires entre elles. D'après le témoignage de l'appelant, il y a eu des transferts intersociétés de LEP et Powell à GRL et de Powell à LEP. Un compte d'actionnaire établi à GRL contenait diverses écritures de journal indiquant que des sommes avaient été portées au débit et au crédit de ce compte à divers moments.

[9]            Dans la réponse à l'avis d'appel, le ministre disait qu'un dividende déclaré en 1992 par GRL, et dont une partie était payable à LEP, n'avait pas été payé directement à LEP et avait plutôt été porté au crédit d'un compte d'actionnaire.

[10]          Concernant la partie payée à LEP, le ministre a considéré dans la nouvelle cotisation qu'il s'agissait d'un avantage d'actionnaire en vertu du paragraphe 15(1), puisque la somme avait été portée au crédit de ce compte. Le ministre a conclu que ce compte appartenait seulement à l'appelant. Ainsi, le ministre a affirmé que l'appelant avait reçu en sa qualité d'actionnaire de LEP un avantage de 61 642 $ qu'il n'a pas déclaré.

[11]          La preuve de l'intimée se fondait principalement sur l'opinion du ministre selon laquelle il y avait un compte d'actionnaire dans les livres de GRL pour le seul bénéfice de l'appelant. Il est clair que le montant de 61 642 $ représentait un dividende dû à LEP. Un document intitulé " [TRADUCTION] Analyse de comptes d'administrateurs et/ou d'actionnaires " de GRL pour l'exercice se terminant le 1er mars 1992 indique que des dividendes totaux de 61 666,67 $ ont été portés au crédit de ce compte. L'en-tête de ce document faisait mention à la fois de Larry E. Powell (l'appelant) et de L.E. Powell Properties Ltd. M. Flemming, soit le comptable actuel de l'appelant, a témoigné qu'un tel compte peut être établi au nom d'un particulier par souci de simplicité lorsqu'un particulier et sa société ont des relations avec GRL. Un compte d'actionnaire dans les livres de GRL reflétait alors les relations de GRL aussi bien avec l'appelant qu'avec LEP. Je n'accepte pas la manière dont ce compte a été considéré par l'intimée. Premièrement, le document de travail de GRL faisait mention du nom des deux relativement à ce compte; deuxièmement, ce compte était manifestement utilisé pour les deux, car un formulaire T5 a été délivré à LEP et à l'appelant relativement à un dividende; troisièmement, des écritures de journal sur des feuilles du grand livre de GRL confirment que des sommes ont été portées au crédit des deux sociétés actionnaires, soit LEP et Woodfibre Logging Ltd., au moyen de comptes d'actionnaire au nom des particuliers actionnaires. Je conclus que suffisamment d'éléments de preuve indiquent que GRL n'utilisait pas le compte seulement pour des relations avec l'appelant.

[12]          Alors, qui a bénéficié des dividendes? Ont été consignés en preuve des chèques d'environ 61 000 $ au total qui avaient été faits à l'appelant personnellement et qui avaient été déposés à Powell, la troisième personne morale dans cette histoire. L'appelant a dit que LEP avait utilisé ces sommes pour rembourser une dette de plusieurs centaines de milliers de dollars qu'elle avait envers Powell. Tous ces chèques ont été déposés dans le compte de Powell au nom de LEP, en remboursement de la dette de cette dernière. Aucun élément de preuve n'indique que cet argent s'est retrouvé entre les mains de l'appelant ou dans son compte bancaire personnel.

[13]          En 1992, d'après la réponse à l'avis d'appel, GRL avait indiqué qu'une prime de 9 727 $ était payable à l'appelant. Ce montant est ressorti de l'analyse que le vérificateur a faite du compte d'actionnaire à GRL. Le document de travail du vérificateur, consigné en preuve sous la cote A-1, soit le recueil conjoint de documents, commençait par faire état du solde d'ouverture du compte d'actionnaire à GRL au 1er mars 1991 et reconstituait ce que le vérificateur pensait qu'il s'était produit concernant les crédits et les débits portés à ce compte. Ce solde a été ensuite comparé au solde comptable de GRL. Par comparaison, il y avait un écart, dont une partie était attribuable au dividende de 61 642 $ de LEP et dont le reste a été, d'après l'agent des appels, Agi Dorken, considéré par le vérificateur comme représentant une prime de 9 727 $. Le document de travail du vérificateur et la lettre du vérificateur à l'appelant, y compris l'annexe, en date du 14 mai 1996 confirment que, aux yeux du vérificateur, cet " écart semble avoir été enregistré par la société comme représentant des primes ". Le comptable de l'appelant a dit que le vérificateur semblait ne pas savoir ce qu'était cet écart et avait " présumé " qu'il s'agissait d'une prime. L'appelant et son comptable ont tous deux témoigné que cette somme n'avait jamais été versée à l'appelant.

[14]          En 1993, GRL a porté 100 000 $ d'honoraires pour des services de consultation au crédit d'un compte que l'appelant appelait un compte d'actionnaire. D'après la preuve présentée par Agi Dorken, ce crédit a réduit la dette de l'appelant envers GRL, parce que les honoraires demandés en 1993 pour des services de consultation étaient payables à l'appelant personnellement.

[15]          Le ministre a inclus ces trois montants dans le calcul du revenu de l'appelant pour 1992 et 1993 en se fondant principalement sur l'hypothèse que le compte d'actionnaire appartenait exclusivement à l'appelant et que les montants enregistrés au moyen de ce compte reflétaient les relations personnelles de l'appelant avec GRL. Aucun de ces montants n'a été déclaré comme revenu par l'appelant. Je souscris aux propos suivants tenus par le juge Bowman dans l'affaire Ed Sinclair Constructions & Supplies Ltd. et al c. M.R.N., C.C.I., no 86-1337(IT), 8 janvier 1992, à la page 16 (92 DTC 1163, à la page 1169) :

[...] Une simple inscription comptable dans un compte de prêts ne constitue pas en soi un événement imposable, à moins de l'existence de quelque chose de plus, un reçu par exemple.

[16]          Le principal problème dans le cas présent était un problème de reconstitution, car aucun registre de société n'était tenu par l'appelant concernant l'une quelconque des nombreuses sociétés dont il était l'actionnaire majoritaire. En 1997, l'appelant a retenu les services de M. Flemming pour que ce dernier établisse des états financiers non vérifiés pour LEP et Powell, à partir des documents disponibles, qui incluaient des bordereaux de dépôt, des relevés bancaires et des chèques oblitérés, et à partir de ce que l'appelant se rappelait des événements. Aucune déclaration d'impôt n'a été produite par ces sociétés. L'appelant faisait valoir qu'au bout du compte il y avait plus de dépenses que de revenus, indépendamment d'opérations intersociétés. Il avait donc estimé que les sociétés n'avaient pas à produire de déclarations d'impôt, sauf si Revenu Canada en faisait la demande.

[17]          Ce compte d'actionnaire reflétait des opérations commerciales et des relations d'affaires de l'appelant et LEP avec GRL, soutenait l'appelant. D'après la preuve présentée par M. Flemming, l'expression " compte d'actionnaire " était " utilisée pour toute opération avec un actionnaire ou sa société ". L'appelant a dit que, même si LEP avait bel et bien eu un compte bancaire, les fonds seraient probablement allés à lui personnellement au moyen de ce compte, car il poursuivait une pratique qu'avait entreprise un ancien comptable de GRL. M. Flemming a dit que " GRL avançait de l'argent au nom de M. Powell parce que c'était le nom qu'ils utilisaient, et cet argent était déposé à la société Powell [...] parce que L.E. Properties Limited n'avait pas de compte bancaire ".

[18]          Les actes de procédure de l'appelant et de l'intimée étaient totalement inadéquats, de sorte que les points en litige n'étaient pas clairement définis. Par consentement des parties, il a été finalement convenu que je me prononcerai sur les quatre questions suivantes :

1)              si l'appelant a reçu un avantage imposable de LEP par suite d'un dividende de 61 642 $ déclaré par GRL et payable à LEP en 1992;

2)              si l'appelant a reçu la somme de 9 727 $ de GRL en 1992 comme prime ou autre forme de revenu;

3)              si l'appelant a reçu de GRL des honoraires de 100 000 $ pour des services de consultation en 1993;

4)              si l'appelant devrait se voir imposer des pénalités pour faute lourde du fait qu'il a omis de déclarer les montants susmentionnés comme revenus pour 1992 et 1993.

Le montant de 9 727 $

[19]          Dans la réponse à l'avis d'appel, ce montant était parfois mentionné comme étant une prime et parfois mentionné comme représentant des honoraires pour des services de consultation. Ce peut être une indication de l'état de confusion dans lequel l'avocate de l'intimée a abordé toute la question faisant l'objet de l'audience. Ce montant est ressorti d'une anomalie ou d'un écart apparent dans les livres, mais ce n'était pas un poste particulier du compte d'actionnaire. Les faits indiquent clairement que c'est le vérificateur qui a dit qu'il s'agissait d'une " prime ". Se fondant sur l'hypothèse selon laquelle ce montant représentait une prime qui avait été versée à l'appelant, le ministre a inclus cette prime comme revenu de l'appelant en vertu de l'alinéa 6(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[20]          Les faits indiquaient que l'appelant n'avait jamais reçu ce montant à titre d'administrateur de GRL ou à un autre titre. J'accepte le témoignage de l'appelant. Aucun élément de preuve n'indiquait que l'un quelconque des autres administrateurs de GRL avait reçu un tel montant comme prime. À mon avis, s'il s'était agi d'une prime d'administrateur, les autres administrateurs en auraient également reçu une, sinon ils auraient certainement fait en sorte d'en recevoir une.

[21]          La seule anomalie que je vois, c'est dans l'analyse de ce montant faite par le vérificateur. Ce dernier a conclu à l'existence d'une prime sans fondement factuel à l'appui d'une telle conclusion. Aucun registre n'étayait cette conclusion. Après avoir examiné les livres de GRL, et notamment le compte d'actionnaire, le vérificateur a simplement considéré un écart comme représentant une prime. Cet écart peut refléter le fait que le vérificateur semble avoir effectué son analyse en se fondant sur une année civile au lieu de se fonder sur une fin d'exercice. Il n'y a aucun autre fondement à cette conclusion et, assurément, l'avocate de l'intimée n'a présenté aucune autre preuve que ce montant avait déjà été versé à l'appelant ou à l'un quelconque des autres administrateurs de la société. Bien qu'il incombe à l'appelant de réfuter l'hypothèse du ministre, je ne pense pas que le ministre puisse se baser sur des déclarations ne pouvant être corroborées. Si le ministre ne peut fournir une preuve concrète claire quant au fondement de l'hypothèse, il est clair que cela reste simplement une hypothèse. Je me fonde à cet égard sur les propos suivants tenus dans l'affaire Hickman Motors Limited c. Canada, [1997] 2 R.C.S., à la page 337 (97 DTC 5363, à la page 5377) :

Le ministre n'a pas carte blanche pour établir les présomptions qui lui conviennent. À l'interrogatoire principal, on s'attend qu'il puisse produire des preuves plus concrètes que de simples présomptions pour réfuter les arguments de l'appelant.

M. Flemming a témoigné que, s'il existait une anomalie, ce " [...] pouvait être dans les comptes du vérificateur de l'impôt ". Il a poursuivi en disant qu'il n'y avait aucune anomalie dans les livres, " car chacun veillait à avoir sa part de ce qui était partagé ". Je souscris à l'analyse de M. Flemming. Au bout du compte, l'avocate de l'intimée a indiqué dans son argumentation : " [...] nous ne sommes pas certains si c'était une prime ou quelque chose d'autre. " Si l'avocate de l'intimée ne peut caractériser correctement un montant et fournir la preuve appropriée à cet égard, la Cour ne classera pas ce montant dans la catégorie " quelque chose d'autre ". Comme on n'a présenté aucune autre preuve à l'appui de l'inclusion de ce montant dans le calcul du revenu de l'appelant pour 1992, je conclus que ce montant n'a pas été reçu par l'appelant et n'a pas à être inclus dans son revenu.

L'avantage de 61 642 $ accordé à l'actionnaire

[22]          Le 27 janvier 1992, GRL a déclaré des dividendes totalisant 185 000 $. Les feuilles du grand livre de GRL concernant des opérations pour la période du 1er mars 1991 et du 1er mars 1992 indiquent des écritures de journal portant le dividende au crédit de G. Royce Hefler, de L.E. Powell et de George McKenzie, à parts égales. Il ressort clairement de ces écritures que les deux sociétés actionnaires n'avaient pas de comptes d'actionnaire distincts à cette fin dans les livres de GRL. Il est clair que la part du dividende allant à LEP a été portée au crédit de cette dernière au moyen d'un compte au nom de l'appelant. L'appelant a indiqué sa propre partie du dividende dans sa déclaration d'impôt pour 1992. Le dividende de 61 642 $ ne pouvait être payé directement à LEP, car celle-ci n'avait pas de compte bancaire. Néanmoins, il semble que GRL ait eu pour pratique d'enregistrer de tels montants de cette manière non seulement à l'égard de LEP, mais aussi à l'égard de la société de M. Hefler, soit Woodfibre Logging Ltd. En déterminant qu'un avantage imposable de 61 642 $ avait été accordé à l'appelant, le ministre considérait que le compte d'actionnaire appartenait uniquement à l'appelant et que la dette de l'appelant envers GRL avait donc été diminuée grâce à une réduction du compte d'actionnaire. Ainsi, d'après l'intimée, l'appelant en tant qu'actionnaire a reçu un avantage de LEP. Cependant, les documents de travail de GRL n'indiquent pas cela.

[23]          En vertu du paragraphe 15(1) de la Loi, un avantage accordé par une société à un actionnaire doit être inclus dans le calcul du revenu de l'actionnaire. Comme le ministre considérait que l'appelant avait reçu l'avantage relatif à un montant qui était par ailleurs payable par GRL à LEP, il a inclus 61 642 $ dans le calcul du revenu de l'appelant pour 1992, en vertu du paragraphe 15(1). Je conclus que LEP n'a pas accordé un avantage à l'appelant, en vertu du paragraphe 15(1). Le dividende n'a pas été déclaré par LEP comme il aurait dû l'être, mais cela ne change rien à la situation de l'appelant, qui a bel et bien déclaré le dividende qu'il avait reçu de GRL.

Les honoraires de 100 000 $ pour des services de consultation

[24]          En 1993, un montant de 100 000 $ a été passé en charges par GRL et porté au crédit du compte d'actionnaire pour enregistrer des honoraires relatifs à des services de consultation fournis à GRL. Le ministre a présumé que l'appelant avait reçu ces honoraires soit directement, soit sous la forme d'un avantage tenant à la réduction de son compte d'actionnaire. Ce montant a été inclus dans le calcul du revenu de l'appelant pour 1993 comme représentant des honoraires reçus par l'appelant pour un travail accompli pour GRL.

[25]          L'avis d'appel ne traitait pas expressément de cette question. Il avait été rédigé par un avocat, mais l'appelant n'a pas comparu avec un avocat à l'audience. Il était entendu dans l'esprit de l'appelant que la Cour était saisie des quatre questions litigieuses, y compris les honoraires de 100 000 $. Tout au long de la réponse à l'avis d'appel, le montant de 100 000 $ était désigné comme représentant des honoraires pour des services de consultation, des honoraires de gestion ou des honoraires professionnels. Il est clair que l'avocate de l'intimée avait beaucoup de difficulté à caractériser ce montant. La réponse à l'avis d'appel était en outre muette quant à savoir quel article de la Loi était invoqué. Par consentement des parties, ce montant a finalement été considéré comme représentant des honoraires pour des services de consultation. Dans l'argumentation qu'elle a présentée pour l'intimée, l'avocate a d'abord soutenu que ces honoraires de consultation entraient dans le cadre de l'article 9 et pouvaient être " [...] considérés comme un revenu de M. Powell, en tant qu'honoraires pour des services de consultation ou qu'honoraires professionnels [...] ". C'est exact si, en fait, ces honoraires ont été reçus par l'appelant à titre personnel. Comme thèse de rechange, l'avocate a soutenu que les honoraires pouvaient être " [...] également considérés comme des avantages s'ils sont effectivement allés à L.E.P. Company Ltd., auquel cas nous soutiendrions comme thèse de rechange qu'encore là il s'agit d'un avantage en vertu du paragraphe 15(1) [...] en raison des actions qu'il [l'appelant] détient dans LEP ".

[26]          Comme j'ai conclu que le compte d'actionnaire figurant dans les livres de la société GRL avait été établi pour refléter des relations d'affaires à la fois avec l'appelant et avec LEP, la seule preuve que le montant de 100 000 $ a été porté au crédit de ce compte n'est pas suffisante pour établir que ces honoraires appartenaient à l'appelant à titre personnel. L'appelant a témoigné que c'était LEP qui était employée par GRL et qu'il s'agissait d'argent dû à LEP et non à lui. Il a également témoigné que toute somme reçue par lui aurait été remise à Powell pour rembourser la dette de LEP. Je considère comme avéré que ces honoraires appartenaient à LEP, soit des honoraires relatifs au travail de consultation qu'elle avait accompli pour GRL. LEP avait été constituée pour faire de la consultation immobilière et avait été ainsi employée par le passé. Me fondant sur les faits, je conclus que l'appelant n'a pas reçu les honoraires de 100 000 $ à titre personnel.

[27]          L'avocate de l'intimée a déclaré que, quelle que soit la manière dont on les caractérise, ces honoraires représentent en définitive un avantage qui a été accordé à l'appelant, car ils ont réduit son compte d'actionnaire à GRL. À part le fait qu'elle se fonde sur le compte d'actionnaire, l'avocate de l'intimée n'a guère produit d'éléments de preuve supplémentaires pour étayer son affirmation selon laquelle les 100 000 $ représentaient un avantage qui avait été accordé à l'appelant. L'argument semble que, si ce compte indiquait une inscription de 100 000 $, l'appelant doit avoir reçu un avantage de quelqu'un de quelque manière, à un moment donné, en vertu d'un certain article de la Loi. Les arguments selon lesquels je devrais examiner les états financiers de LEP pour 1997 indiquant un compte d'actionnaire au nom de l'appelant ou selon lesquels je devrais examiner des revenus qui n'ont pas été déclarés en raison du fait qu'aucune déclaration d'impôt de société n'a été produite ne sont tout simplement pas pertinents. LEP n'est pas une appelante ici.

[28]          L'avocate de l'intimée a soutenu qu'une information insuffisante avait été fournie par l'appelant et que le ministre n'avait donc pu " répartir des chiffres précis dans des catégories précises ". Elle a poursuivi en disant que, quelle que soit la manière dont on classe cela, il s'agissait d'un avantage qui avait été accordé à l'appelant. Il ne m'appartient pas de faire la classification. L'avocate de l'intimée ne peut s'attendre à ce qu'un travail qu'elle est incapable de mener à bien soit achevé par la Cour. Dans son argumentation finale, l'avocate a dit : " [...] mais, au bout du compte, il a bel et bien bénéficié de cet argent. Peu importe comment vous voulez rechercher ces montants ou essayer de suivre leur trace d'une société à l'autre, ces montants étaient là, et il en a bénéficié personnellement ". Eh bien, la façon dont ces montants sont " recherchés et retrouvés " fait bel et bien une différence. Le fait de préciser ce qu'il en est fait partie du travail de l'avocate et non du mien. Si l'avocate ne le fait pas, elle n'établit pas le bien-fondé de ce qu'elle avance. Le travail de la Cour consiste à régler des litiges, mais la Cour est entravée dans son travail si les faits appropriés ne lui sont pas soumis d'une manière claire et nette.

Pénalités

[29]          En ce qui a trait au quatrième point en litige, soit les pénalités pour faute lourde selon le paragraphe 163(2), comme j'ai conclu que l'appelant n'avait pas omis d'indiquer les montants en cause dans le calcul de son revenu pour 1992 et 1993, il ne peut y avoir de pénalités.

[30]          Mes observations finales concernent deux questions qui se sont posées au cours de l'audience. La première tient à l'état des actes de procédure dont j'ai été saisie. L'avis d'appel et la réponse à l'avis d'appel dénotaient un manque de préparation et un examen déficient. Ainsi, une partie considérable de l'audience a été consacrée à aider les parties à éclaircir ces actes de procédure inadéquats et à définir les points en litige.

[31]          Dans la réponse à l'avis d'appel, que j'ai examinée, des articles de la Loi n'étaient pas invoqués, les points litigieux n'étaient pas tous clairement énoncés, et les montants à inclure dans le calcul du revenu étaient désignés par divers noms. Une bonne préparation est essentielle pour qu'une cause soit bien présentée. Si les actes de procédure d'une partie sont confus, il est fort probable que l'argumentation de l'avocat sera à l'avenant. Si les omissions et erreurs de la réponse à l'avis d'appel avaient échappé à l'oeil attentif de quelqu'un, la réponse à l'avis d'appel aurait dû être modifiée bien avant l'audience. Je ne saurais trop exhorter l'avocate à bien préparer et examiner les actes de procédure avant qu'ils ne soient déposés au greffe et, assurément, avant qu'ils ne soient soumis à la Cour.

[32]          La seconde question tient au fait que l'appelant a fait preuve d'une indifférence flagrante relativement à la production de déclarations d'impôt de société. Notre système est un système d'autocotisation. Une société a, tout comme un particulier, la responsabilité de produire des déclarations d'impôt. Le ministre ne devrait pas avoir à courir après des sociétés pour qu'elles produisent leurs déclarations d'impôt. L'appelant jouait un rôle dans un certain nombre de sociétés. Certes, les dépenses totales du groupe de sociétés pouvaient être égales ou supérieures aux revenus dans l'esprit de l'appelant, mais le ministre ne lit les pensées de personne. À moins que des déclarations d'impôt n'aient été produites, le ministre ne connaît pas la situation d'une société du point de vue de l'impôt. Si l'appelant n'avait pas fait preuve d'indifférence à l'égard de la responsabilité qu'il avait de faire en sorte que des déclarations d'impôt de société soient produites, les questions dont je suis saisie ne se seraient jamais posées. À tout le moins, de bons registres de société auraient dû être tenus. En rendant une décision en faveur de l'appelant, je n'excuse nullement un tel comportement de la part d'un contribuable.

[33]          Les appels sont admis et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait qu'aucun des montants ne doit être inclus dans le calcul du revenu de l'appelant et qu'aucune pénalité ne doit être imposée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de février 2001.

" Diane Campbell "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 3e jour d'août 2001.

Isabelle Chénard, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-638(IT)G

ENTRE :

LAWRENCE E. POWELL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 22 novembre 2000 à Halifax (Nouvelle-Écosse), par

l'honorable juge Diane Campbell

Comparutions

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                           Me V. Lynn W. Gillis

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1992 et 1993 sont admis, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, compte tenu du fait qu'aucun des montants ne doit être inclus dans le calcul du revenu de l'appelant et qu'aucune pénalité ne doit être imposée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de février 2001.

" Diane Campbell "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour d'août 2001.

Isabelle Chénard, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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