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Date: 19981112

Dossier: 98-588-IT-I

ENTRE :

DEBRA FORD,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1]            Le présent appel, qui est régi par la procédure informelle et qui porte sur les années d'imposition 1993, 1994 et 1995, a été entendu à Vancouver (Colombie-Britannique), le 9 octobre 1998. L'appelante a été le seul témoin.

[2]            Les hypothèses formulées dans la réponse à l'avis d'appel sont exactes. Les paragraphes 1 à 9 décrivent le problème. Ils se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

A.             EXPOSÉ DES FAITS

1.              Il admet les faits suivants : l'appelante n'a déclaré aucun revenu pour les années relatives à l'objet du présent appel; le droit à des prestations fiscales pour enfants est calculé automatiquement, sans qu'il soit nécessaire de présenter une demande, à partir de renseignements tirés des déclarations de revenu produites; la méthode est utilisée pour déterminer l'admissibilité au programme de primes familiales que le gouvernement fédéral applique au nom de la province de Colombie-Britannique; la division des appels a informé l'appelante que le système utilisé pour extraire des données des déclarations de revenu n'était pas bien programmé au début; Revenu Canada a avisé l'appelante d'un solde fiscal impayé comprenant un solde dû au titre de la prime familiale de la Colombie-Britannique.

2.              Il admet en outre que l'appelante a indiqué le revenu de son conjoint dans les déclarations de revenu pertinentes, mais il nie que cette information ait été utilisée pour déterminer l'admissibilité aux prestations fiscales pour enfants.

3.              Concernant la deuxième phrase de l'avis d'appel, il dit que l'appelante a omis d'indiquer la date et de préciser quelle partie du solde dû allégué de 5 526,66 $ s'appliquait à la prestation fiscale pour enfants ou à la prime familiale de la Colombie-Britannique.

4.              Il ne sait rien de la situation financière de l'appelante ni de son incapacité alléguée à acquitter son solde fiscal impayé.

5.              L'appelante a reçu des prestations fiscales pour enfants de 2 040 $, de 2 040 $ et de 1 870 $ pour les périodes allant de juillet 1994 à juin 1995, de juillet 1995 à juin 1996 et de juillet 1996 à mai 1997, respectivement.

6.              Le ministre du Revenu national (le " ministre ") a notifié à l'appelante, le 20 juin 1997, que le montant de la prestation fiscale pour enfants auquel elle avait droit avait été recalculé et était de 826,10 $, de 644,40 $ et de 967,08 $, respectivement, et qu'il demandait donc que les paiements en trop de 1 213,90 $, de 1 395,60 $ et de 902,92 $, respectivement, soient remboursés pour les périodes allant de juillet 1994 à juin 1995, de juillet 1995 à juin 1996 et de juillet 1996 à mai 1997.

7.              En notifiant cela à l'appelante, le ministre se fondait sur les hypothèses de fait suivantes :

a)              durant toute la période pertinente, l'appelante était l'épouse de Brian Ford et habitait avec lui;

b)             l'appelante est un " particulier admissible " aux fins de la prestation fiscale pour enfants;

c)              le " revenu gagné modifié " selon le revenu de Brian Ford aux fins de la prestation fiscale pour enfants pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 était de 59 435 $, de 61 965 $ et de 62 623 $, respectivement;

d)             aux fins de la prestation fiscale pour enfants, le " revenu modifié " pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 était de 50 199 $, de 53 833 $ et de 45 621 $, respectivement;

e)              durant toute la période pertinente, il y avait deux personnes à charge admissibles, qui avaient plus de sept ans mais pas encore dix-huit ans;

f)              l'appelante a reçu au titre de la prestation fiscale pour enfants des paiements en trop de 1 213,90 $, de 1 395,60 $ et de 902,92 $ pour les périodes allant de juillet 1994 à juin 1995, de juillet 1995 à juin 1996 et de juillet 1996 à mai 1997, respectivement.

B.             QUESTIONS À TRANCHER

8.              Il s'agit de savoir si l'appelante a reçu des paiements en trop au titre de la prestation fiscale pour enfants.

C.             DISPOSITIONS LÉGISLATIVES, MOTIFS INVOQUÉS ET MESURE DE REDRESSEMENT DEMANDÉE                                                                                                   

9.                     Il invoque les articles 122.6, 122.61 et 122.62 ainsi que les paragraphes 152(3.2) et 152(3.3) de la Loi de l'impôt sur le revenu modifiée, applicable après 1992.

[3]            La Loi de l'impôt sur le revenu impose le revenu d'une personne résidant au Canada. Les articles 2 et 3 et leurs introductions se lisent comme suit :

Partie I - IMPÔT SUR LE REVENU

Section A - ASSUJETTISSEMENT À L'IMPÔT

ARTICLE 2:          Impôt payable par les personnes résidant au Canada.

(1)            Un impôt sur le revenu doit être payé, ainsi qu'il est prévu par la présente loi, pour chaque année d'imposition, sur le revenu imposable de toute personne résidant au Canada à un moment donné au cours de l'année.

(2)            Le revenu imposable d'un contribuable pour une année d'imposition est son revenu pour l'année plus les ajouts prévus à la section C et moins les déductions qui y sont permises.

(3)            Un impôt sur le revenu doit être payé, ainsi qu'il est prévu par la présente loi, sur son revenu imposable gagné au Canada pour l'année, déterminé conformément à la section D, par la personne non imposable en vertu du paragraphe (1) pour une année d'imposition et qui, à un moment donnée de l'année ou d'une année antérieure, a :

a)              soit été employée au Canada;

b)             soit exploité une entreprise au Canada;

c)              soit disposé d'un bien canadien imposable.

SECTION B - CALCUL DU REVENU

Règles fondamentales

ARTICLE 3:          Revenu pour l'année d'imposition.

                Pour déterminer le revenu d'un contribuable pour une année d'imposition, pour l'application de la présente partie, les calculs suivants sont à effectuer :

a)              le calcul du total des sommes qui constituent chacune le revenu du contribuable pour l'année (autre qu'un gain en capital imposable résultant de la disposition d'un bien) dont la source se situe au Canada ou à l'étranger, y compris, sans que soit limitée la portée générale de ce qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien;

b)             le calcul de l'excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur le montant visé au sous-alinéa (ii) :

(i)             le total des montants suivants :

(A)           ses gains en capital imposables pour l'année tirés de la disposition de biens, autres que des biens meubles déterminés,

(B)            son gain net imposable pour l'année tiré de la disposition de biens meubles déterminés,

(ii)            l'excédent éventuel de ses pertes en capital déductibles pour l'année, résultant de la disposition de biens autres que des biens meubles déterminés sur les pertes déductibles au titre d'un placement d'entreprise pour l'année, subies par le contribuable;

c)              le calcul de l'excédent éventuel du total établi selon l'alinéa a) plus le montant établi selon l'alinéa b) sur le total des déductions permises par la sous-section e dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année (sauf dans la mesure où il a été tenu compte de ces déductions dans le calcul du total visé à l'alinéa a));

d)             le calcul de l'excédent éventuel de l'excédent calculé selon l'alinéa c) sur le total des pertes subies par le contribuable pour l'année qui résultent d'une charge, d'un emploi, d'une entreprise ou d'un bien et des pertes déductibles au titre d'un placement d'entreprise subies par le contribuable pour l'année;

Pour l'application de la présente partie, les règles suivantes s'appliquent:

e)              si un montant est calculé selon l'alinéa d) à l'égard du contribuable pour l'année, le revenu du contribuable pour l'année correspond à ce montant;

f)              sinon, le revenu du contribuable pour l'année est réputé égal à zéro.

[4]            Les articles 122.6 à 122.63 de la Loi de l'impôt sur le revenu ont été ajoutés par L.C. 1994, ch. 7, applicables aux " paiements en trop " au titre de la prestation fiscale pour enfants réputés se produire après 1992. Ces articles de la partie I figurent à la section E, sous-section a.1, dont les introductions se lisent respectivement comme suit :

Section E - Calcul de l'impôt

[...]

Sous-section a.1 - Prestation fiscale pour enfants

Le paragraphe 122.61(1) est rédigé comme suit :

ARTICLE 122.61

(1)            Présomption de paiement en trop.

                Lorsqu'une personne et, sur demande du ministre, son conjoint visé à la fin d'une année d'imposition produisent une déclaration de revenu pour l'année, un paiement en trop au titre des sommes dont la personne est redevable en vertu de la présente partie pour l'année est réputé se produire au cours d'un mois par rapport auquel l'année est l'année de base. Ce paiement correspond au résultat du calcul suivant:

1/12 (A-B)

où :

A              représente le total des montants suivants :

a)              le produit de 1 020 $ par le nombre de personnes à charge admissibles à l'égard desquelles la personne était un particulier admissible au début du mois;

b)             le produit de 75 $ par le nombre de personnes à charge admissibles — supérieur à deux — à l'égard desquelles la personne était un particulier admissible au début du mois;

c)              lorsque la personne est, au début du mois, un particulier admissible à l'égard d'une ou plusieurs personnes à charge admissibles, le résultat du calcul suivant :

C - D

où :

C              représente le moins élevé de 500 $ et de 8 % de l'excédent éventuel, sur 3 750 $, du revenu gagné modifié de la personne pour l'année,

D              10 % de l'excédent éventuel, sur 20 921 $, du revenu modifié de la personne pour l'année;

d)            le résultat du calcul suivant :

E - F

E               représente le produit de 213 $ par le nombre de personnes à charge admissibles âgées de moins de 7 ans avant le mois, à l'égard desquelles la personne est un particulier admissible au début du mois,

F               25 % du total des montants déduits en application de l'article 63, à l'égard de personnes à charge admissibles, dans le calcul du revenu pour l'année de la personne ou de son conjoint visé;

B              5 % (ou 2 ½ % si la personne est un particulier admissible à l'égard d'une seule personne à charge admissible au début du mois) de l'excédent éventuel, sur 25 921 $, du revenu modifié de la personne pour l'année.

[5]            En vertu du paragraphe 122.61(1), est réputé s'être produit un paiement en trop restreint d'impôt sur le revenu basé sur un calcul où est utilisé le revenu de M. Ford. Ainsi, le paiement en trop a été donné à Mme Ford [voir les paragraphes 164(2.3), 164(1.5), 160.1(1) et 152(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu et l'article 6301 du Règlement de l'impôt sur le revenu]. En vertu du paragraphe 122.61(1), Revenu Canada a payé à Mme Ford une somme qui a été calculée selon l'article 122.61.

[6]            La somme qui a été payée à Mme Ford était plus élevée que ce que décrivait l'article 122.61. Apparemment, l'ordinateur ayant servi au calcul de la somme était mal programmé. Maintenant, Revenu Canada veut que Mme Ford rembourse la partie de la somme qu'il lui a versée par erreur. Il ne veut pas d'intérêts ou de pénalités pour l'argent qu'il a versé en trop et ne serait pas en droit d'en faire payer.

[7]            Notre cour a examiné l'article 122.61, ainsi que les calculs relatifs à Mme Ford. Selon le paiement en trop restreint réputé en vertu du paragraphe 122.61(1), Mme Ford a reçu en trop 1 213,90 $, 1 395,60 $ et 902,92 $, respectivement.

[8]            Cependant, l'article 122.61 justifie un examen plus approfondi. En vertu des définitions figurant à l'article 122.6, le " revenu modifié " et le " revenu gagné modifié " de Debra Ford incluent les revenus combinés de M. et Mme Ford. Le paiement en trop réputé en vertu de l'article 122.61 est ensuite réduit de 5 p. 100 du " revenu modifié " en sus de 25 921 $. Il y a deux problèmes à cet égard :

                (i)             Le régime est basé en partie sur le revenu de M. Ford

En ce qui concerne Mme Ford, l'article 2, soit un article de la section A de la partie I (laquelle partie inclut également les sections B et E), autorise un impôt seulement sur le revenu de Mme Ford et non sur celui de M. Ford. Puis, l'article 3 autorise un calcul du revenu de Mme Ford et non de celui de M. Ford. Concernant Mme Ford, rien n'autorise un calcul incluant le revenu de M. Ford ou le revenu gagné de M. Ford. Ainsi, ni de l'impôt sur le revenu ni un paiement en trop concernant Mme Ford ne peuvent être réputés ou faire l'objet d'une cotisation en vertu de la partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu en utilisant le revenu de M. Ford.

                (ii)            Le " paiement en trop réputé " n'est nullement un paiement en trop

En vertu de la section E — Calcul de l'impôt, soit une section de la partie I qui inclut les articles 122.6 à 122.63, un paiement en trop calculé en utilisant le revenu de M. Ford est réputé s'être produit. Toutefois, les articles fondamentaux de la Loi de l'impôt sur le revenu visant l'imposition et le calcul du revenu n'autorisent pas ces inclusions concernant Mme Ford de manière à permettre l'étape suivante, soit le calcul de l'impôt à partir des revenus combinés de M. et Mme Ford de manière à ce qu'un paiement en trop soit réputé s'être produit. Le paiement en trop réputé n'a rien à voir avec l'impôt de Mme Ford. Il n'a rien à voir non plus avec un paiement en trop au titre de l'impôt de Mme Ford. Cette dernière n'a jamais payé d'impôt. Le " paiement en trop " constitue plutôt un paiement à Mme Ford pour lequel il n'y avait aucune autorisation dans la Loi de l'impôt sur le revenu. La Loi de l'impôt sur le revenu est une loi d'imposition. Ce n'est pas une loi visant à verser des prestations qu'un rédacteur présente sous l'aspect de " paiements en trop " réputés.

En vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, il ne pourrait ainsi être réputé y avoir un impôt sur le revenu et il ne pourrait être perçu de Mme Ford. Il ne peut ainsi être réputé y avoir un paiement en trop devant être versé à Mme Ford. Il y a une limite aux pouvoirs accordés dans la Loi de l'impôt sur le revenu.

[10]          Pour ces raisons, la Cour conclut que la Loi de l'impôt sur le revenu n'autorise pas la cotisation relative à ces sommes et n'autorise pas non plus le paiement de ces sommes. Les " paiements en trop " allégués n'étaient pas des sommes payées en trop. Il n'y avait au départ aucun fondement légal pour payer ces sommes à Mme Ford.

[11]          L'appel est admis. La question est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations compte tenu du fait que Mme Ford n'a pas à acquitter les paiements en trop allégués qui sont décrits au paragraphe 10 de la réponse à l'avis d'appel. Mme Ford avait elle-même établi son avis d'appel et est venue de Chilliwack à Vancouver pour défendre sa cause. Je lui adjuge 100 $ de dépens pour ses débours.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de novembre 1998.

" D. W. Beaubier "

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 6e jour de juin 2001.

Mario Lagacé, réviseur

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