Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19971010

Dossiers: 95-1739-IT-G; 95-1740-IT-G

ENTRE :

MEERA LAL, ALLAN LAL,

appelantes,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

Intimée.

appelant,

Motifs du jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1]            Ces appels ont été entendus sur preuve commune à Vancouver (Colombie-Britannique) le 2 septembre 1997 sous le régime de la procédure générale de cette cour. Des témoignages ont été présentés par Allan Lal pour son propre compte ainsi que pour celui de sa femme, Meera Lal, par un certain Monsieur Devani qui, jusqu'au mois d'avril 1990, était le comptable des deux appelants et de Lal Construction Ltd. ((la "corporation"), par un certain Monsieur Surendra, agent immobilier et ami de longue date des appelants et par un certain Monsieur Dutt, qui a peint diverses habitations que la corporation avait construites.

La question en litige

[2]            Il s'agit ici de savoir si dans l'année d'imposition 1991, les appelants ont réalisé un revenu ou un gain en capital en vendant deux propriétés situées à Burnaby (Colombie-Britannique).

Les faits

[3]            1.              Pendant toute la période pertinente, Allan et Meera Lal étaient mariés; ils étaient tous les deux agents immobiliers et étaient établis à Burnaby (Colombie-Britannique).

[4]            2.              Pendant toute la période pertinente, Allan Lal détenait la totalité des actions de la corporation. La corporation n'avait pas de bureau ou d'établissement distinct ailleurs que chez Allan Lal.

[5]            3.              Pendant toute la période pertinente, Allan Lal était président et copropriétaire de Seasons Realty Limited ("Seasons"), agence immobilière pour laquelle les deux appelants travaillaient.

[6]            4.              Le 15 juillet 1986, la corporation a acheté un lot sur lequel il y avait une petite maison, au 7584, rue Imperial, Burnaby (Colombie-Britannique) (la "propriété") pour la somme de 72 000 $; cette propriété faisait partie des stocks. Le locataire a quitté les lieux à la fin de 1986.

[7]            5.              Le 5 novembre 1986, la corporation a demandé aux autorités municipales de modifier le zonage, car elle voulait diviser le terrain en deux lots, construire deux habitations et les revendre.

[8]            6.              En septembre 1988, Allan et Meera Lal ont acheté le 5388, rue Oakland, à Burnaby, pour la somme de 122 937 $. Après avoir démoli la maison qui était sur les lieux, la corporation a construit une maison d'environ 4 500 pieds carrés. Les appelants occupent cette maison depuis le mois d'avril 1990. En 1991, leur fils et leur fille, respectivement âgés de 21 et de 12 ans en 1990, occupaient également la maison. Les appelants ont témoigné que la propriété de la rue Oakland avait initialement été acquise pour être aménagée et revendue et qu'ils avaient l'intention de s'installer plus tard dans l'une des maisons de la rue Imperial, leur fils devant occuper la maison voisine. Allan Lal ainsi que M. Devani et M. Surendra ont déclaré que pareille entente, soit habiter à côté de chez l'enfant adulte, faisait partie de la culture et de la tradition fidjiennes et que c'était la raison pour laquelle les appelants avaient acquis la propriété. Allan Lal a expliqué que la chose est devenue impossible parce que son fils l'avait informé, à la fin de 1990, qu'il ne s'installerait pas à cet endroit. Le fils avait noué des relations avec une femme des îles Fidji qu'il espérait épouser. Il a décidé qu'il voulait vivre un jour avec elle loin de chez ses parents. Les appelants n'ont pas réussi à convaincre leur fils de vivre à côté de chez eux comme ils l'avaient initialement envisagé de sorte qu'ils ont décidé de vendre les deux maisons de la rue Imperial et de rester dans la maison de la rue Oakland. Le témoignage a également établi que les ressources financières du fils étaient restreintes. En répondant à un questionnaire de Revenu Canada, le 3 mars 1993, Allan a déclaré que les deux maisons avaient été vendues parce qu'on avait trouvé un meilleur endroit pour construire une résidence personnelle et que le fils posait des problèmes.

[9]            7.              Le 20 février 1989, on a conclu une entente par laquelle la corporation convenait de vendre la propriété à Allan et Meera Lal pour la somme de 118 000 $ "à condition que la municipalité de Burnaby permette que le terrain soit divisé en deux petits lots", l'entente devant être conclue le 26 avril 1990.

[10]          8.              Le 27 juillet 1989, un permis de démolir a été délivré et la petite maison qui se trouvait sur les lieux a été démolie.

[11]          9.              Le 9 janvier 1990, la municipalité a permis à Alan Lal de diviser la propriété en deux lots (le 7582 et le 7588, rue Imperial), après que ce dernier eut surmonté plusieurs ennuis qu'il avait eus avec elle.

[12]          10.            En mars 1990, la Banque de Montréal a approuvé un prêt à vue à court terme de 272 000 $ en faveur d'Allan Lal en vue de la construction des deux maisons sur les deux lots, au 7582 et au 7588, rue Imperial.

[13]          11.            Le 26 avril 1990, le lot situé au 7582, rue Imperial (le "lot 2") a été transféré à Allan Lal et le lot situé au 7588, rue Imperial (le "lot 1") a été transféré à Allan et Meera Lal à titre de copropriétaires.

[14]          12.            Le 1er mai 1990, des permis de construire ont été délivrés pour le 7582 et le 7588, rue Imperial.

[15]          13.            La corporation a construit les deux maisons, d'une superficie d'environ 2 630 pieds carrés chacune, au 7582 et au 7588, rue Imperial, pour la somme de 136 500 $ chacune.

[16]          14.            Le 4 décembre 1990, Allan Lal a mis en vente les propriétés situées au 7582 et au 7588, rue Imperial par l'entremise de l'agence Seasons, et a agi comme représentant.

[17]          15.            En janvier 1991, la Banque de Montréal a autorisé un autre prêt de 30 000 $ en faveur d'Allan Lal pour que les travaux puissent être complétés.

[18]          16.            Le 31 janvier 1991, des permis d'occuper ont été délivrés pour le 7582 et le 7588, rue Imperial.

[19]          17.            Allan et Meera Lal ont vendu le 7588, rue Imperial à Raymond et Shelly Lee pour la somme de 295 000 $, la conclusion devant avoir lieu le 18 février 1991, et ils ont vendu le 7582, rue Imperial à Benny et Miu Yee Wong, pour la somme de 295 000 $, la conclusion devant avoir lieu le 11 mars 1991. Les deux ventes étaient assorties d'une condition selon laquelle les Lal s'engageaient à acheter les maisons des acquéreurs. Ces deux dernières maisons ont également été vendues peu de temps après.

[20]          18.            Peu de temps après la vente du 7582 et du 7588, rue Imperial, Allan Lal a remboursé les prêts à la construction à la Banque de Montréal.

[21]          19.            Ni Allan et Meera Lal ni aucun membre de leur famille n'ont vécu à quelque moment que ce soit au 7582 ou au 7588, rue Imperial.

[22]          20.            Le gain tiré de la vente de la propriété située au 7588, rue Imperial, s'élevait à 98 586,72 $, soit l'excédent du produit de la vente de 295 000 $ sur le coût de 195 500 $ et sur les débours et dépenses se rapportant à la disposition, de 913,28 $.

[23]          21.            Le gain réalisé lors de la vente de la propriété située au 7582, rue Imperial, s'élevait à 98 921 $, soit l'excédent du produit de la vente, de 295 000 $, sur le coût de 195 500 $, et sur les débours et dépenses se rapportant à la disposition, de 578,90 $.

[24]          22.            Dans leurs déclarations respectives de 1991, les Lal ont déclaré ces gains à titre de gains en capital, et 75 p. 100 de ces gains ont été déclarés à titre de gains en capital imposables. Ils ont par erreur déclaré les mauvais lots dans leurs déclarations respectives, mais la différence, en ce qui concerne les gains, est minime.

[25]          23.            Jusqu'en 1990, les appelants ont occupé les maisons suivantes :

a)              rue Beresford, Burnaby, de 1975 à 1977;

b)             une seconde propriété, rue Beresford, de 1977 à 1980;

c)              le 6706, avenue Walker, Burnaby, de 1980 jusqu'au mois de février 1989 (la maison ayant été acquise en 1980 pour la somme d'environ 48 000 $ et vendue en 1989 pour la somme de 343 000 $);

d)             le 5685, rue Clinton, du mois de février 1989 au mois d'avril 1990 (la maison ayant été acquise pour la somme de 156 000 $ et vendue pour la somme de 259 000 $);

e)              le 5388, rue Oakland, depuis le mois d'avril 1990.

[26]          24.            Le produit des gains se rapportant aux maisons désignées en c) et d) ci-dessus a été avancé à la corporation au moyen de prêts consentis par des actionnaires.

[27]          25.            La corporation a aménagé et vendu une autre propriété, rue Imperial, près des maisons situées au 7582 et au 7588.

[28]          26.            M. Dutt a témoigné qu'il était peintre en bâtiments et qu'il avait fait affaire avec Allan Lal et la corporation. Il a dit qu'il avait accordé un rabais à Allan Lal lorsqu'il avait peint les deux maisons voisines parce que ce dernier avait l'intention d'habiter dans l'une des maisons alors que son fils devait occuper l'autre. Il a également témoigné qu'Allan Lal et son fils avaient eux-mêmes exécuté certains travaux de peinture. En outre, il a témoigné qu'il n'avait pas accordé de rabais à M. Lal pour peindre la propriété de la rue Oakland, parce que ce dernier lui avait dit qu'il voulait vendre cette maison lorsque la construction des maisons de la rue Imperial serait achevée.

[29]          27.            M. Devani et M. Surendra ont témoigné que dès le mois de novembre 1990, ils étaient au courant des problèmes familiaux que les appelants avaient avec leur fils et de la relation que ce dernier entretenait avec la femme des îles Fidji.

[30]          28.            Le fils des appelants avait toujours eu des problèmes personnels. Allan Lal a témoigné que son fils est maintenant séparé, qu'il a perdu son foyer conjugal et qu'il n'a pas communiqué avec eux depuis plusieurs mois.

Arguments des appelants

[31]          L'avocate des appelants a soutenu qu'en acquérant la propriété, ses clients n'avaient ni une intention primaire ni une intention secondaire de la revendre; qu'ils avaient acquis la propriété afin de pouvoir vivre dans une maison alors que leur fils occupait l'autre et que c'était leur unique intention. Cette intention, fondée sur la culture et la tradition fidjiennes, n'a pas pu se réaliser parce que le fils avait refusé d'occuper la maison après que les appelants eurent acheté la propriété.

Arguments de l'intimée

[32]          L'avocate de l'intimée signale les liens étroits qui existent entre les appelants, la corporation et Seasons et les ventes et achats ci-dessus décrits. La corporation s'occupait d'acheter des propriétés, de les réaménager et de les revendre. L'avocate mentionne en outre que les appelants continuent à vivre avec leur fils, dans la grosse maison de la rue Oakland et conclut que l'intention des appelants, qu'elle soit primaire ou secondaire, lorsqu'ils ont acquis la propriété de la corporation, était également de l'aménager et de la revendre en réalisant un bénéfice. L'avocate ajoute que si la corporation avait continué à posséder la propriété et l'avait réaménagée, le bénéfice réalisé aurait été imputable au revenu plutôt qu'au capital.

Analyse et décision

[33]          Compte tenu de ce qui suit, j'ai conclu que les gains réalisés au moment où les appelants ont vendu la propriété étaient imputables au revenu et qu'il ne s'agissait pas d'un gain en capital :

                1.              Les appelants avaient de l'expérience en tant qu'agents immobiliers et connaissait bien l'état du marché;

                2.              La corporation (qui était possédée en propriété exclusive par Allan Lal) s'occupait de réaménager des propriétés et de les revendre moyennant un bénéfice;

                3.              Enfin, il y a Seasons, qui appartenait en partie à Allan Lal, et dont la participation aux opérations immobilières était considérable.

                4.              Je conclus qu'il est difficile de croire que le fils devait habiter dans l'une des deux petites maisons identiques alors que les appelants et leur fille devaient occuper l'autre. Le témoignage que M. Dutt a présenté au sujet du fait qu'il a accordé un rabais lorsqu'il a peint les deux maisons et non la grosse maison dans laquelle les Lal habitaient est loin d'établir que les Lal avaient l'intention de s'installer dans l'une des petites maisons. M. Dutt voulait traiter avec Allan Lal et la corporation, mais à coup sûr, il aurait pu le faire en accordant des rabais en peignant n'importe quelle maison, et ce, que les Lal habite ou non à cet endroit.

                5.              Le fils n'avait pas les moyens financiers d'acquitter les frais fixes se rapportant à la maison qui lui était censément destinée.

                6.              Au moment où elle a conclu l'achat initial, la corporation (qui était possédée en propriété exclusive par Allan Lal) voulait aménager et revendre la propriété. En outre, Allan Lal a témoigné que, s'il n'avait pas pu diviser la propriété, c'est précisément ce qu'il aurait fait, c'est-à-dire construire une maison et la vendre. Cela montre du moins l'existence d'une intention secondaire.

                7.              La construction des maisons était fortement financée au moyen de prêts bancaires à court terme. Aucune entente en vue du financement hypothécaire normal n'avait été conclue.

                8.              Les deux maisons, une fois qu'elles ont été mises en vente, se sont vendues fort rapidement.

                9.              On serait porté à croire que, si l'intention primaire des appelants était que leur fils habite l'une des maisons alors qu'ils occupaient l'autre, ils auraient loué les maisons, du moins pendant un certain temps, en espérant que leur fils changerait d'idée. Il m'est difficile de croire que le fils a changé d'idée, c'est-à-dire qu'il ne voulait pas vivre à côté de chez ses parents puisque, en fait, il vivait chez eux en 1991. En outre, la réponse donnée du questionnaire de Revenu Canada dont il est ci-dessus fait mention au paragraphe 6 n'aide pas les appelants.

                10.            On reconnaît l'arbre à ses fruits. Les appelants ont continué à vivre dans la grosse maison de la rue Oakland et aucun des Lal ne s'est installé dans les maisons de la rue Imperial.

                11.            Allan Lal et la corporation formaient presque une seule entité. Allan Lal possédait la totalité des actions de la corporation. De plus, les prêts concernant la corporation étaient souvent consentis au nom d'Allan Lal. En outre, lorsque M. Lal a réalisé des bénéfices en vendant des résidences personnelles, il les a investis dans la corporation au moyen de prêts consentis par un actionnaire. Une tendance générale se dégage, selon laquelle la corporation acquiert les propriétés, améliore les lieux en démolissant ce qui s'y trouve ou en exécutant d'autres travaux, puis en construisant une habitation et en la revendant.

                12.            Bien que le témoignage qu'Allan Lal a présenté au sujet des intentions qu'il avait à l'endroit de son fils ait en général été corroboré par les dépositions des autres témoins, si je tiens compte de tous les autres facteurs dont il a été question ci-dessus, je dois conclure que ces facteurs montrent que les gains réalisés étaient des gains d'exploitation, c'est-à-dire des gains imputables au revenu plutôt qu'au capital.

[34]          Par conséquent, les appels sont rejetés avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d'octobre 1997.

T. P. O'Connor

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 20e jour de novembre 1997.

Monique Pelletier, réviseur

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