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Date : 19980609

Dossiers : 96-2484-IT-I; 96-4372-IT-I

ENTRE :

116736 CANADA INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Archambault, C.C.I.

L'appelante conteste les avis de cotisation concernant ses années d'imposition 1989 à 1992 et l'avis de détermination concernant son année d'imposition 1993 établis par le ministre du Revenu national (Ministre). L'appelante a déclaré, à l'égard de chacune de ces années d'imposition, des dépenses au titre de la recherche scientifique et du développement expérimental (R-D).

Le Ministre a refusé toutes ces demandes de déduction au motif que l'appelante n'avait pas fourni de preuve de l'exécution d'un travail d'ordre scientifique ou technologique. Les montants déclarés par l'appelante sont les suivants :

Années

Dépenses brutes au titre de la R-D

CTI réclamé

1989

7 418 $

1 558 $

1990

25 439 $

5 342 $

1991

35 280 $

7 409 $

1992

53 105 $

11 648 $

1993

49 215 $

10 946 $

Faits

L'appelante a été constituée en société au milieu des années 80. Son entreprise consiste à détenir des brevets et à développer des technologies dans le domaine du transport. Un de ses actionnaires et employé clé, M. Richard Nelson, a témoigné à l'audience. Il s'est décrit lui-même comme un homme d'affaires et un inventeur. M. Nelson a obtenu un diplôme du Kemptville College of Agriculture en 1972. Parmi ses premiers projets, M. Nelson a tenté de mettre au point de nouvelles technologies dans le domaine de l'agriculture. Il cherchait de nouvelles façons d'améliorer les matériaux utilisés dans la construction de serres pour pépinières, de structures destinées à donner de l'ombre et d'installations de biotechnologie. Il a collaboré avec de nombreux établissements de recherche gouvernementaux et universitaires sur les serres partout au monde, y compris dans les laboratoires de la NASA. Grâce à son expertise en matière de technologie agricole, des clients privés l'ont embauché à titre d'expert-conseil pour examiner les possibilités d'investissement dans des projets en France, en Inde, au Maroc et en Égypte.

Que ce soit personnellement ou par l'intermédiaire de sociétés, M. Nelson a obtenu dans 17 pays des brevets larges pour quatre inventions fondamentales. En 1985, il a reçu une subvention à la technologie de 160 000 $ pour mettre à l'épreuve les premiers prototypes d'un système de toiture à membrane Thermactive comprenant un isolant liquide amovible, technologie qu'il a mise au point en 1982. Une société en commandite a été établie pour recueillir plus de 3 millions de dollars afin de financer un programme de R-D. Selon M. Nelson, cette société a obtenu l'approbation des vérificateurs de R-D du ministère. La commercialisation des résultats de ces projets de R-D est actuellement en cours. Une société, en Alberta, construit une serre de 12 000 pieds carrés d'une valeur approximative d'un million de dollars. M. Frederick Klein, architecte, a déclaré dans son témoignage qu'il a participé à la commercialisation de cette technologie.

En plus de ses projets reliés à l'agriculture, M. Nelson a effectué du travail de recherche et développement associé à la création de nouvelles technologies du transport dans l'optique de la réduction de la consommation d'essence. Il a exploré l'utilisation des méthodes non conventionnelles en ce qui a trait aux systèmes d'énergie de remplacement pour le transport par l'application de nouveaux mécanismes brevetés. Ces projets comprenaient des dispositifs de transport personnel à propulsion humaine ainsi que des systèmes de transport aérien ou maritime à passagers multiples ou de fret.

Du mois d'août 1988 au mois de février 1993, M. Nelson, par l'intermédiaire de l'appelante, était engagé dans cinq projets qui peuvent être désignés comme suit :

Projet AVolant d'inertie de roue (Volant d'inertie)

Projet BVolant d'inertie et écoulement en vortex

Projet CCadre pour véhicule terrestre

Projet DCadre pour aéronef

Projet EBotte mécanique

Ces projets comportaient à la fois des études de conception et la construction de prototypes. Certains d'entre eux se sont prolongés sur l'ensemble de la période pertinente, tandis que d'autres ont débuté plus tard.

Au cours de 1989, M. Nelson a consacré environ 20 jours à faire lui-même deux études de conception pour lesquelles il a reçu 7 418 $. Dans le cas du premier projet, le projet Volant d'inertie, M. Nelson tentait de concevoir une technologie qui pourrait être intégrée dans des dispositifs de transport léger. Ce projet visait la conception d'un volant d'inertie de petites dimensions mais à haute densité qui serait installé dans des roues légères utilisées dans des bicyclettes et même dans des roues plus petites, comme celles qu'il y a sur les patins à roues alignées. Ce système permettrait le freinage par récupération de façon telle que le ralentissement ou l'arrêt entraînerait le stockage de l'énergie disponible dans le volant pour permettre par la suite l'accélération ou la reprise du mouvement vers l'avant sans grand apport d'énergie humaine. Un mécanisme à engrenage spécial, dans le moyeu de la roue, fournirait le lien mécanique approprié entre la roue et le volant. Les plus grandes difficultés résidaient dans la transmission de l'énergie du volant d'inertie à un mécanisme d'entraînement pour l'apport d'énergie, ainsi que dans la commande de fonctionnement du lien mécanique entre le volant d'inertie et la roue. Le premier concept s'est révélé excessivement complexe.

Une étude de conception a aussi été effectuée pour le troisième projet, le projet Cadre pour véhicule terrestre. M. Nelson a tenté de développer un modèle de structure légère comme moyen pour réduire la " traînée " au-dessus de la carrosserie d'un véhicule moteur; dans ce modèle seraient intégrés le concept de dispositif de stockage d'énergie ainsi qu'un processus novateur de dynamique des fluides. Ce processus d'écoulement en vortex ou de dynamique des fluides peut être décrit comme une technologie utilisant un rotor horizontal placé sur l'avant d'un véhicule, ce qui créerait un nouveau corps aérodynamique qui transférerait la propulsion vers l'avant à la carrosserie du véhicule par l'intermédiaire de forces de dynamique des fluides. Ce rotor occupe toute la partie avant du véhicule et est couplé aux deux roues de traction avant. M. Nelson espérait obtenir une traînée négative par la mise en oeuvre de cette technologie. L'étude de conception de ce projet s'est poursuivie jusque dans la deuxième moitié de l'exercice de 1990.

Pendant l'exercice 1990, pendant qu'il s'occupait du projet Cadre pour véhicule terrestre, M. Nelson a commencé à travailler sur le projet Vortex. M. Nelson désirait tester certains concepts d'écoulement aérodynamique. Il croyait que l'application du concept d'écoulement aérodynamique en Vortex à un modèle de carrosserie de véhicules pourrait constituer une méthode pour combiner le stockage de l'énergie, l'amélioration du comportement aérodynamique et la réduction de la traînée. M. Nelson a construit un modèle de véhicule automobile qui a été testé dans une soufflerie appartenant à l'entreprise. Ceci a été fait sur une très petite échelle.

Pendant cette période, les concepts du modèle initial ont aussi été développés pour le projet Cadre pour aéronef et le projet Botte mécanique. Ces projets comportaient des recherches en vue de l'application du système de propulsion par dynamique des fluides à un modèle d'aéronef et de l'application du concept du volant d'inertie à des patins à roues alignées à entraînement mécanique.

M. Nelson a poursuivi son projet Volant d'inertie en expérimentant avec une tringlerie orbitale plutôt qu'une tringlerie de moyeu. Dans ce nouveau système, le volant d'inertie est placé à l'intérieur de la roue motrice d'une bicyclette avec une tringlerie à engrenage planétaire située entre la jante de la roue et la circonférence extérieure du volant d'inertie. Ce projet s'est poursuivi pendant un bon moment au cours de l'exercice de 1991.

Tout le travail que nécessitaient ces projets a été fait en 1990 par M. Nelson seul. Il a reçu 25 439 $, ce qui représente environ 70 jours de travail.

Le travail effectué au cours de l'exercice de 1991 portait sur le projet Volant d'inertie, le projet Vortex, le projet Cadre pour aéronef et le projet Botte mécanique. M. Nelson a poursuivi ce travail pendant environ 90 jours et a reçu 35 280 $. Pour ce qui est du projet Volant d'inertie, après avoir fait plus d'études de conception sur l'autre système de tringlerie orbitale, M. Nelson a fait des expériences avec une maquette de travail. Un prototype a été construit avec un ensemble de rouleaux planétaires qui se trouvaient entre la circonférence extérieure du volant d'inertie et la circonférence intérieure de la jante de la roue. De petits modèles de travail ont été construits afin de permettre que l'on vérifie la relation fondamentale entre les éléments et cela visait aussi à stimuler à la fois d'autres études et l'utilisation du volant d'inertie dans les systèmes destinés aux véhicules. À la demande de M. Nelson, des agents de brevet ont étudié la possibilité de breveter ces projets. Il semble, selon eux, que cette technologie était brevetable.

M. Nelson a aussi travaillé à son projet Vortex. En 1990, le concept de vortex a été configuré de façon à obtenir la portance aérodynamique au moyen du couplage en tandem de deux unités à vortex placées en parallèle et proches l'une de l'autre et tournant l'une vers l'autre. Les études de conception effectuées au cours de l'exercice de 1991 ont porté sur l'application du concept d'écoulement en Vortex à la conception de véhicules automobile et au transport de marchandises. Pendant cette même période, on menait une autre étude de conception où les unités à Vortex en tandem pouvaient avoir une rotation propre autour de leur centre de gravité, de façon à prendre la forme d'un tore. Ce système, selon M. Nelson, pourrait être utilisé pour des machines de type hélicoptère. Ce projet s'est poursuivi pendant un bon moment au cours de l'exercice de 1992.

Des études de conception ont été faites relativement au projet Cadre pour aéronef. Le projet visait à élaborer un modèle d'aéronef utilisant la technologie du vortex. Deux configurations différentes ont été étudiées par M. Nelson. Dans la première, les enveloppes du rotor de cylindre étaient mises sous pression d'hydrogène, d'hélium, d'air chaud ou de vapeurs chaudes. Dans la seconde configuration, la flottabilité de cadre pour aéronef était obtenue de systèmes dans lesquels une faible pression était maintenue à l'intérieur d'une enveloppe rotative poreuse.

Enfin, M. Nelson a travaillé à un prototype initial d'un modèle de " bottes mécaniques ". La botte était configurée comme un genre de patin à roues alignées conçu de façon à optimiser l'utilisation potentielle des apports d'énergie humaine. Le modèle de botte mécanique comprenait un cadre articulé qui créait un mouvement par le déplacement de l'équilibre d'une personne d'un pied à l'autre pendant les mouvements de la marche normale. Plusieurs prototypes à grande échelle d'un cadre articulé de ce genre ont été partiellement ou entièrement construits et testés.

Au cours de l'exercice de 1992, M. Nelson, avec l'aide d'un technicien de l'une de ses autres entreprises, a travaillé à la construction des prototypes de la botte mécanique. M. Nelson a reçu 40 000 $ pour ce travail, ce qui représentait environ 100 jours de travail. Le technicien a reçu 9 559 $, ce qui représentait 126 jours de travail.

Pendant cette période, on a déployé de grands efforts afin d'accélérer le travail sur le projet de botte mécanique. Plusieurs prototypes ont été construits et on en a testé la performance et le comportement afin d'obtenir des réactions pour le processus de conception. Il a tenté de simplifier les mécanismes de direction en utilisant un système simple de conduite par inclinaison. Trois prototypes ont été construits avec un cadre sur chaque pied tandis que le quatrième comprenait un mécanisme d'escaladeur à cadre unique sur lequel la personne pouvait se tenir. Le travail au quatrième prototype s'est poursuivi pendant un certain temps au cours de l'exercice de 1993. M. Nelson est assuré que ses efforts peuvent mener à un produit brevetable ayant une viabilité commerciale.

D'autres études de conception ont été effectuées sur les projets Volant d'inertie, Vortex, Cadre pour véhicule terrestre et Cadre pour aéronef. Sur le projet Volant d'inertie, d'autres études de conception ont été entreprises et visaient à améliorer et à simplifier le système d'entraînement mécanique. Pour ce qui est du projet Vortex, l'étude de conception a commencé en 1991 et s'est poursuivie en 1992.

L'objectif de l'étude sur le projet Cadre pour véhicule terrestre consistait à appliquer le système de volant d'inertie à un véhicule de navette léger monoplace. On a dressé des plans pour amorcer la construction d'un prototype qui exigeait des recherches auprès de fournisseurs pour obtenir des pièces mécaniques, la fabrication de pièces spéciales, certains assemblages de châssis et de carrosserie ainsi que le développement d'un système de direction et de freinage.

Une nouvelle étude de conception a aussi été amorcée pour le projet Cadre pour aéronef. Cette étude visait l'analyse de diverses méthodes d'obtention de l'effet d'écoulement en Vortex et l'utilisation de cet effet pour créer la portance aérodynamique. Dans cette nouvelle étude de conception, l'enveloppe du rotor a été remplacée par un système de pales rotatives ayant un profil de voilure occasionnant la flottabilité par dépression.

Pendant le cinquième exercice, c.-à-d. 1993, presque tout le travail a consisté à construire les prototypes et à les soumettre à des expériences. Les projets combinaient les activités de développement des projets Vortex, Cadre pour véhicule terrestre et Cadre pour aéronef. La recherche visait le développement d'un prototype à l'échelle d'un nouveau type de véhicule marin personnel à une ou deux places. Sur le formulaire T661 transmis au Ministre, l'appelante décrivait le travail technique effectué et les progrès réalisés pendant cet exercice. M. Nelson a construit des châssis afin de déterminer la structure légère optimale qui pourrait être utilisée dans une application d'hydravion. Des rotors de diverses formes ont été testés et utilisés en combinaison avec différents agencements d'entraînement à moteur électrique. Des rotors à surfaces lisses et des rotors à arêtes rayurées ont été testés. Des modèles avec divers agencements d'alimentation par batteries ont été testés de façon à ce que l'on puisse déterminer le rapport énergie-poids nécessaire. Un modèle à l'échelle doté d'un système de télécommande a été construit pour des tests au-dessus de l'eau, mais on a trouvé que son rapport poids-déplacement était trop grand à cette échelle.

On a soigneusement étudié le châssis afin d'optimiser la rigidité tout en conservant le poids au minimum. Trois variantes ont été construites en vue de l'amélioration des caractéristiques d'équilibre et de flottaison. Le travail sur le projet Volant d'inertie a été combiné au projet d'hydravion pendant l'étude incorporant la même tringlerie mécanique que celle qui était développée pour les véhicules à roues.

Pour faire son travail, l'appelante a utilisé les services de M. Nelson mais, en outre, elle a utilisé les services d'un technicien et de deux dessinateurs. M. Nelson indiquait qu'il ignorait où se trouvait le technicien. Cependant, il n'a pas pu expliquer pourquoi il a été incapable d'amener l'un ou l'autre des dessinateurs à témoigner.

Comme on peut le voir à la description ci-dessus des divers projets que l'appelante a menés pendant la période en question, ces projets exigeaient des expériences techniques très compliquées. Selon ce qu'indique les formulaires T661 déposés par l'appelante, les projets avaient un haut niveau d'incertitude technologique. Le but de l'appelante consistait essentiellement à trouver un système de propulsion de rechange pour le secteur du transport. L'objet du travail entrepris par l'appelante est demeuré, après cinq ans, illusoire. M. Nelson croit cependant que tout le travail fait par l'appelante au cours de la période en question peut mener dans un proche avenir à un système de botte mécanique brevetable. La création d'un mécanisme entièrement nouveau qui réduirait de façon marquée la demande en énergie semble être un objectif difficile à atteindre. Je n'ai par conséquent aucun doute que tout le travail de développement expérimental entrepris par l'appelante était dans des domaines d'incertitude technologique.

Pour soutenir son assertion selon laquelle il a fait le travail, M. Nelson a produit des plans, des notes et des références. Les documents fournis à l'appui sont les pages 76 à 144 de la pièce A-1. Parmi ces notes, il y a un document de 25 pages décrivant une botte mécanique pour le transport et les loisirs personnels. Ce dispositif incorpore fondamentalement plusieurs produits du développement expérimental effectué par l'appelante, y compris le système de volant d'inertie.

M. Nelson a déclaré que, à cause d'un incendie survenu le 4 août 1994, il ne lui était pas possible de produire plus de notes non plus que certains des modèles qui ont été construits pendant la période en question. Une preuve de sinistre transmise par M. Nelson à son assureur a été déposée en preuve.

M. Ivanov, un conseiller scientifique du Ministre, a témoigné pour le compte du Ministre. M. Ivanov participait à la vérification des demandes de déductions faites par l'appelante pour ses projets de R-D. Après avoir étudié l'information envoyée au Ministre, il a conclu que la description des divers projets de R-D n'était pas appropriée. Il a par conséquent envoyé à l'appelante une lettre en date du 26 mars 1992 pour lui demander des renseignements supplémentaires, à savoir : une description des qualifications et de l'expérience du personnel responsable ainsi qu'une description du travail effectué, des progrès réalisés et des résultats obtenus au cours des exercices visés par l'examen, l'information quant aux dates de début et de fin de tous les projets ainsi qu'une liste des rapports et des documents qui décrivent les progrès ou les résultats et qui pourraient être utilisés pour la vérification des aspects techniques des demandes de déductions.

M. Ivanov a reçu le rapport en date du 22 avril 1992 (le Rapport d'avril)[1] et un schéma décrivant les études de concept projet par projet ainsi que la construction des prototypes faite par l'appelante de juin 1988 à février 1993. Le Rapport d'avril fournit les renseignements suivants :

1)              Brève description du projet en termes techniques

2)              Le perfectionnement technologique recherché

3)              Une description des incertitudes technologiques

4)              Une description du travail technique réel effectué pendant la période visée par la demande de déduction

5)              Une description des activités interreliées entreprises directement en soutien à un projet.

Après avoir étudié le Rapport d'avril et le graphique, M. Ivanov a conclu que les renseignements ne constituaient pas une preuve suffisante du travail réellement fait. Il a rencontré M. Nelson en mai 1992 et a demandé la preuve de son travail. Il a alors vu trois maquettes et le cadre qui pourrait avoir été utilisé dans le projet Cadre pour véhicule terrestre, mais sans aucun de ses rotors. M. Ivanov a déclaré qu'on ne lui avait présenté aucun des calculs qui auraient été produits au cours des essais. Selon lui, ces calculs auraient permis d'établir que l'expérimentation avait vraiment eu lieu. Des dossiers sont requis si l'on veut établir qu'une étude systématique a été faite. Une réunion subséquente, en juillet 1992, n'a produit aucune preuve nouvelle.

Le 17 août 1992, M. Ivanov a encore une fois écrit pour demander de la documentation et des calculs touchant chacun des projets entrepris par l'appelante. En outre, il désirait des renseignements plus détaillés sur le temps consacré aux projets, sur les dépenses encourues et sur le genre de travail effectué.

Le 18 décembre 1992, M. Ivanov écrivait encore une fois à l'appelante pour lui demander plus d'information et, en particulier, une description précise et concise du travail technique effectué sur chaque projet, une preuve matérielle du travail fait et une description du prototype construit, des essais effectués et des résultats obtenus aux essais. Les renseignements étaient aussi demandés relativement aux périodes pendant lesquelles chaque projet a été poursuivi, le temps qui a été consacré à ces projets et le genre de travail effectué relativement à chaque projet de R-D. M. Ivanov a aussi demandé une liste des rapports d'étape existants et des documents touchant les activités de R-D.

Le 10 février 1993, l'appelante a expédié au Ministre un rapport (Rapport de février)[2] décrivant le travail technique effectué et des documents produits pendant la période en question ainsi qu'une indication des dates de début et de fin de chacun des projets et les noms des personnes participant au projet, et enfin les montants payés et le nombre estimé de jours consacrés aux projets par ces personnes.

M. Ivanov n'était pas satisfait des renseignements fournis dans le Rapport de février. Le rapport ne contenait aucune photographie des maquettes construites par l'appelante. Il ne donnait pas suffisamment d'information sur les dates auxquelles les travaux avaient censément été effectués.

Le 17 mai 1993, M. Ivanov rédigeait son rapport dans lequel il concluait qu'il avait reçu seulement des descriptions théoriques générales. Le contenu des lettres et des documents reçus ne suffisait pas pour constituer une preuve du caractère de R-D des activités de l'appelante. " La preuve du travail de RS et DE effectué était insuffisante pour satisfaire aux exigences de la preuve de la teneur technique (CI 86-4R2, 2,10,3) ou du développement expérimental ou de l'investigation systématique comme l'exige le Règlement 2900 ". Par conséquent, les projets n'étaient pas des projets de R-D admissibles. Voici son évaluation de chacun des projets :

ÉVALUATION DU PROJET :

1. VOLANT D'INERTIE DE ROUE -

Spécifications préliminaires. Développement conceptuel de nouvelles configurations. Aucune expérimentation.

2. VOLANT D'INERTIE ET ÉCOULEMENT EN VORTEX -

Spécifications initiales écrites. Aucun prototype. Aucune expérimentation.

3. DÉVELOPPEMENT DE CADRE POUR VÉHICULE TERRESTRE -

Études théoriques. Aucun prototype. Aucune expérimentation.

4. CADRE POUR AÉRONEF -

Études théoriques. Aucun prototype. Aucune expérimentation.

5. PROJET BOTTE MÉCANIQUE -

Maquettes construites. Aucune preuve d'essais et de résultats.

M. Ivanov a également examiné des projets de R-D exécutés par une société soeur, Thermactive Systems Corporation Ltd. (Thermactive), au cours des années d'imposition 1989, 1990 et 1991. Au départ, il était d'avis que les projets exécutés par Thermactive n'étaient pas admissibles à titre de R-D. Après avoir reçu plus de renseignements, le Ministre aurait, semble-t-il, approuvé la plupart de ces projets. Lorsque j'ai demandé à M. Ivanov d'expliquer la différence, ce dernier a répondu que, dans le cas de Thermactive, il a constaté les résultats, c'est-à-dire, il a vu la serre construite qui était fonctionnelle et qui produisait l'effet pour lequel elle avait été conçue. Il a également vu quelques-unes des esquisses.

Analyse

L'article pertinent du Règlement de l'impôt sur le revenu (Règlement) qui définit la R-D aux fins de l'article 37 de la Loi est l'article 2900 qui est ainsi libellé :

PARTIE XXIX

Recherches scientifiques et développement expérimental

INTERPRÉTATION

2900. (1) Aux fins de la présente partie et des alinéas 37(7)b) et 37.1(5)e) de la Loi " recherches scientifiques et développement expérimental " désigne une investigation ou recherche systématique d'ordre scientifique ou technologique, effectuée par voie d'expérimentation ou d'analyse, c'est-à-dire,

a) la recherche pure, à savoir le travail entrepris pour l'avancement de la science sans aucune application pratique en vue,

b) la recherche appliquée, à savoir le travail entrepris pour l'avancement de la science avec une application pratique en vue, ou

c) la mise au point, à savoir l'utilisation des résultats de la recherche pure ou appliquée dans le but de créer de nouveaux matériaux, dispositifs, produits ou procédés ou encore d'améliorer ceux qui existent [...]

[C'est moi qui souligne]

Essentiellement, l'objet de cet appel consiste à déterminer si une investigation systématique a eu lieu. Le conseiller scientifique du Ministre a conclu que ce n'était pas le cas parce qu'une preuve suffisante ne lui avait pas été donnée pour établir qu'une telle investigation avait été effectuée. Essentiellement, il n'a pas reçu de rapports valables décrivant les progrès des projets de R-D et plus spécifiquement, décrivant les types d'essais effectués, les résultats obtenus, etc.

L'avocat de l'intimée a fait valoir qu'une investigation systématique n'a pu avoir lieu en l'absence de rapports détaillés établissant chacune des étapes de l'investigation effectuée par l'appelante. En l'occurrence, il n'existe aucune preuve de calculs qui auraient été effectués dans le cadre de l'investigation. Par conséquent, de l'avis de l'avocat, il n'y avait pas suffisamment de preuve pour soutenir la conclusion selon laquelle une investigation systématique avait été menée.

À mon avis, des rapports contemporains fournissant des détails précis de chaque expérience tentée par un chercheur devraient constituer une preuve d'une investigation systématique. Tout contribuable qui tenterait de convaincre le Ministre qu'il a droit de déduire des dépenses de R-D sans fournir une telle preuve se placerait dans une position très précaire. Un contribuable serait dans une position semblable s'il se présentait devant la présente cour pour contester le refus du Ministre de permettre la déduction de ses dépenses de R-D.

Toutefois, la Loi et le Règlement n'exigent pas la production de tels rapports écrits pour permettre à un contribuable de déduire de telles dépenses. Il est possible de présenter une preuve par témoignage verbal. Que le Ministre ou le juge puisse conclure que les activités censément exécutées par un contribuable l'ont réellement été devient alors une question de crédibilité.

Dans le cas qui nous occupe, je suis convaincu selon la prépondérance des probabilités qu'une investigation systématique a été menée et que l'appelante a tenté de développer de nouvelles technologies qui supposaient la recherche appliquée ou le développement expérimental.

Cependant, je dois ajouter que ce n'est pas sans hésitation que j'en viens à cette conclusion. Il est étonnant que l'appelante, pendant la vérification, n'ait pas été en mesure de montrer au représentant du Ministre les prototypes construits. Toutefois, selon la prépondérance des probabilités, je suis enclin à croire M. Nelson lorsqu'il dit que les activités de R-D se sont déroulées pendant la période pertinente. Le fait que ce dernier soit un inventeur engagé dans des projets qui, de par leur nature, sont des projets de R-D ayant donné lieu à la création de nouvelles technologies qui ont été commercialisées donne à l'appelante une plus grande crédibilité. Toutefois, le simple fait qu'il se soit livré à des activités de R-D pour le compte d'une société ne signifie pas nécessairement qu'il l'ait fait pour le compte de l'appelante. Tel que mentionné précédemment, c'est une question de crédibilité. Après avoir examiné les rapports d'avril et de février fournissant les descriptions détaillées du travail effectué pendant la période pertinente et après avoir entendu le témoignage de M. Nelson, je conclus que ces activités ont constitué de la R-D. J'ai observé M. Nelson pendant son témoignage et il m'a donné l'impression d'être un témoin honnête et crédible.

Pour ces motifs, je conclus que les activités exécutées par l'appelante ont constitué de la R-D au sens de la définition de l'article 2900 du Règlement. Par conséquent, les appels pour les années d'imposition 1989 à 1993 sont admis.

Les avis de cotisation et l'avis de détermination sont renvoyés au ministre du Revenu national pour nouvel examen, nouvelles cotisations et détermination en tenant compte du fait que les dépenses déduites par l'appelante constituent des dépenses de R-D.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juin 1998.

" Pierre Archambault "

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 5e jour d'octobre 1998.

Mario Lagacé, réviseur



[1] Le Rapport d'avril couvre les pages 62 à 75 de la pièce A-1.

[2] Pages 47 à 61 de la pièce A-1.

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