Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20001206

Dossier: 98-495-IT-G; 98-507-IT-G

ENTRE :

ANTONIETTA BOZZO, JOSEPH BOZZO,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

Intimée.

Motifs du jugement

Le juge Teskey, C.C.I.

[1]            Les présents appels ont été entendus sur preuve commune.

[2]            Les deux appelants interjettent appel à l'encontre de cotisations d'impôt établies en vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi "), dont les avis sont datés du 20 août 1996, pour des retenues non versées, des intérêts et des pénalités et qui sont payables par Homelife/Artel Real Estate Services Inc. (la " société ").

Questions

La Cour était saisie de quatre questions, à savoir :

Première question

[3]            Les cotisations sont-elles prescrites au motif qu'une cotisation a été établie à l'égard de chaque appelant en vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi plus de deux années après qu'ils ont cessé d'être administrateurs de la société?

Deuxième question

[4]            Si l'une des cotisations, ou les deux, n'est pas prescrite, l'un des appelants, ou les deux, a-t-il agi avec le degré de soin, de diligence et d'habileté pour prévenir l'omission par la société de verser une somme qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables?

Troisième question

[5]            Si l'un des appelants est tenu responsable, un administrateur peut-il contester le montant des cotisations?

Quatrième question

[6]            Si un administrateur peut contester le montant d'une cotisation, la Cour peut-elle établir le montant et modifier la cotisation ou la déférer au ministre du Revenu national (le " ministre ") pour nouvel examen et nouvelle cotisation sur une base différente?

Première question

[7]            Les statuts constitutifs de Artel Real Estate Services Inc. ont été certifiés le 6 septembre 1984, date de leur entrée en vigueur (onglet 1, pièce A-1). Le paragraphe 4 précise que les premiers administrateurs sont les appelants et que leur adresse domiciliaire est le 97 Andrea Lane, la même que celle du bureau enregistré. Les deux appelants ont signé les statuts constitutifs. Seul Joseph Bozzo (" Joe ") a signé le consentement pour agir à titre de premier administrateur. L'unique document qu'Antonietta Bozzo (" Antonietta ") ait signé était une lettre de démission du poste d'administratrice le 4 août 1988. Elle n'a jamais pris part à une quelconque activité liée à la société et n'a jamais signé de chèque ou rempli de fonction d'administratrice ou de dirigeante.

[8]            Antonietta n'a pas signé les documents suivants :

Règlement administratif no 1                                                                Onglet 2, pièce A-1

Règlement administratif no 2                                                                Onglet 3, pièce A-1

Résolutions d'actionnaire                                                   

datées du 6 septembre 1984                                                                Onglet 4, pièce A-1

Demande d'actions ordinaires                                                             Onglet 5, pièce A-1

Certificat d'actions no 2                                                                        Onglet 6, pièce A-1

Nomination d'un dirigeant                                                   Onglet 7, pièce A-1

Certification d'actions no 1                                                   Onglet 8, pièce A-1

Résolution pour modifier le nom pour

Homelife/Artel Real Estate Services Inc.                           Onglet 9, pièce A-1

Statuts de modification pour                                                              

modifier le nom                                                                                      Onglet 10, pièce A-1

Résolution pour modifier le nombre

d'administrateurs                                                                                   Onglet 12, pièce A-1

Résolution du Conseil d'administration                            Onglet 15, pièce A-1

Résolution pour modifier le siège social                           Onglet 16, pièce A-1

Résolution spéciale                                                                              Onglet 17, pièce A-1

Résolutions des administrateurs                                                        Onglet 18, pièce A-1

Demande d'actions ordinaires                                                             Onglet 19, pièce A-1

[9]            Ayant observé Joe et Antonietta témoigner, je reconnais la véracité de leur témoignage malgré le fait que certains documents puissent être douteux.

[10]          J'accepte que Spencer Black, un avocat, effectuait un travail lent et peu soigné et qu'il a finalement été radié. Je le soupçonne fortement d'avoir laissé ses secrétaires préparer les registres de la société et de n'avoir jamais vérifié leur exactitude.

[11]          Je considère comme avéré le certificat de la National Trust (onglet 14, pièce R-1), daté du 17 juin 1991, et j'accepte le fait que le certificat de l'onglet 13 de la pièce R-1 était vierge lorsque Joe l'a signé et qu'il a été rempli incorrectement par un employé de la National Trust.

[12]          Il est malheureux que la formule 1 de la Loi sur les renseignements exigés des personnes morales (onglet 14 de la pièce A-1) ait été signée par Me Spencer Black et produite auprès du bureau de la société le 12 septembre 1990, puisqu'elle reflète les documents dactylographiés de la société, mais ne prend pas en considération le fait que ces derniers n'ont jamais été signés par Antonietta ni sa démission écrite du poste d'administratrice. Par conséquent, ils ne reflétaient pas les faits réels, et la formule 1 est donc inexacte.

[13]          L'onglet 18 de la pièce A-1 est un exemple du manque de soin de Me Spencer Black : l'en-tête " Résolutions de l'administrateur " au singulier, n'est pas daté et comporte la signature des deux appelants. Aucun poids ne peut être accordé aux documents peu soignés de la société ou à la déclaration de la formule 1 (onglet 14 de la pièce A-1).

[14]          Je considère comme avéré le fait qu'Antonietta ait eu l'intention de démissionner et qu'elle l'ait réellement fait, par écrit, le 4 août 1988 (onglet 11 de la pièce A-1), démission qui a été acceptée le même jour.

[15]          Compte tenu de cela et du fait que la cotisation établie à l'égard d'Antonietta est datée du 20 août 1996, cette dernière est prescrite en vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi.

[16]          En ce qui concerne Joe, je suis convaincu qu'un courtier en immeubles ne peut être associé qu'à une personne morale à la fois.

[17]          Lorsque Joe a commencé à exploiter Homelife/Bestway Realty (" Bestway "), il a dû démissionner du poste d'administrateur et de dirigeant de la société et transférer son permis de courtier à Bestway.

[18]          Melissa Cole (" Mme Cole "), examinatrice de fiducie pour Revenu Canada, a commencé sa vérification en octobre 1992 et l'a terminée en mars 1993. Avant mars 1993, Joe avait démarré Homelife/Bestway, ce qui ajoute foi à la démission du 5 février 1993 (onglet 26 de la pièce A-1) de Joe, et les documents des onglets 25 et 27 concernant son renvoi comme administrateur peuvent être interprétés comme une acceptation de sa démission.

[19]          Le paragraphe 227.1(1) de la Loi prévoit que les personnes qui sont administratrices au moment où la société est tenue de déduire, de retenir ou de remettre au receveur général le montant d'impôt fédéral prévu par le paragraphe 135(3) ou les articles 153 ou 215 de la Loi sont solidairement responsables, avec la société, du paiement de cette somme, y compris les intérêts et les pénalités s'y rapportant.

[20]          Le paragraphe 227.1(4) de la Loi prévoit qu'une action ou des procédures visant le recouvrement d'une somme payable par un administrateur d'une société en vertu du paragraphe (1) se prescrivent par deux ans à compter de la date à laquelle l'administrateur cesse pour la dernière fois d'être un administrateur de cette société.

[21]          La Loi sur les sociétés par actions de l'Ontario, L.R.O., ch. B-16, telle qu'elle a été modifiée, (la " LSPA "), prévoit, au paragraphe 119(1), que le mandat des administrateurs désignés dans les statuts commence à la date d'endossement du certificat de constitution et se termine à la première assemblée des actionnaires.

[22]          La LSPA, telle qu'elle a été modifiée, en 1994, par le ch. 27, paragraphe 71(13), abroge l'ancien paragraphe 119(2) et prévoit que, jusqu'à la première assemblée des actionnaires, la démission d'un administrateur désigné dans les statuts ne prend effet que si, au moment où sa démission doit prendre effet, un successeur a été élu ou nommé.

[23]          Le paragraphe 119(9) de la LSPA a été ajouté en 1994 par le ch. 27, paragraphe 71(14), et prévoit que l'élection ou la nomination d'un administrateur en vertu de la présente loi ne prend effet que si la personne élue ou nommée y consent par écrit le jour de l'élection ou de la nomination ou dans les 10 jours qui suivent.

[24]          Le paragraphe 121(1) prévoit que le mandat d'un administrateur prend fin lorsque se produit l'un des événements suivants : a) il décède ou, sous réserve du paragraphe 119(2), il démissionne; b) il est destitué en vertu de l'article 122; c) il devient inhabile aux termes du paragraphe 118(1).

[25]          De plus, le paragraphe 121(2) prévoit que la démission d'un administrateur prend effet à la date de réception par la société d'un écrit à cet effet ou à la date postérieure qui y est indiquée.

[26]          Le paragraphe 122(1) prévoit que, sous réserve de l'alinéa 120f), les actionnaires d'une société peuvent, à une assemblée annuelle ou extraordinaire, destituer un administrateur par voie de résolution ordinaire.

[27]          Selon la conclusion de fait et les articles pertinents de la Loi et ceux de la LSPA, je conclus que les deux appelants ont cessé d'être administrateurs de la société plus de deux années avant l'établissement des cotisations à leur égard, lesquelles étaient datées du 20 août 1996. Antonietta a cessé d'être administratrice le 4 août 1988, et Joe a cessé d'être administrateur le 5 février 1993.

[28]          Sur cette question, l'intimée soutient essentiellement que je devrais examiner les documents déposés devant cette cour et ne pas accepter le témoignage oral des appelants.

[29]          Comme je l'ai déclaré ci-dessus, ayant observé les deux appelants à la barre des témoins, je reconnais la véracité de leur témoignage et je l'accepte sans réserve.

[30]          L'intimée mentionne une décision de mon collègue le juge Mogan dans l'affaire Zwierschke c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), C.C.I., no 89-1633(IT), 22 novembre 1991 (92 DTC 1003). Toutefois, le paragraphe 119(2) a été modifié en 1994 et, par conséquent, cette décision n'est pas utile, puisqu'elle porte sur le libellé du paragraphe 119(2) ainsi qu'il était formulé antérieurement.

[31]          La Cour d'appel fédérale, dans l'affaire Kalef c. Canada, C.A.F., no A-11-95, 1er mars 1996 (96 DTC 6132), laquelle portait également sur une cotisation en vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi, a examiné des avis de cotisation qui étaient datés du 21 et du 22 juillet 1987.

[32]          Le juge d'appel McDonald a déclaré que le seul empêchement à la démission d'un administrateur que prévoit la Loi sur les sociétés par actions de l'Ontario se trouve au paragraphe 119(2) ainsi qu'il était rédigé à l'époque, avant la modification de 1994.

[33]          Ne font obstacle à la démission d'un administrateur de son poste après la première assemblée des actionnaires que les exigences selon lesquelles la démission doit être par écrit et être reçue par la société.

[34]          Comme j'ai décidé que les deux cotisations étaient prescrites, il n'est pas nécessaire d'apporter des commentaires sur les autres questions.

[35]          Les appels sont admis avec dépens, et les cotisations sont annulées. Les appelants n'ont droit qu'aux honoraires d'un seul avocat pour l'audience.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de décembre 2000.

" Gordon Teskey "

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 4e jour de juin 2001.

Mario Lagacé, réviseur

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