Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20010124

Dossiers: 2000-3610-EI, 2000-3611-CPP

ENTRE :

FOUR CORNERS COMMUNITY DEVELOPMENT SOCIETY

DBA PRIDE TRAINING CENTRE,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1]            L'appelante, soit un organisme doté de la personnalité morale, fait appel d'une décision du ministre du Revenu national (le « ministre » ), en date du 8 mai 2000, dans laquelle le ministre a déterminé que l'emploi que Gloria Johnson (la « travailleuse » ) exerçait pour Four Corners Community Development Society ( « Four Corners » ) au cours des périodes allant du 25 janvier au 5 février 1999, du 1er au 4 mars 1999 et du 29 mars au 1er avril 1999 était un emploi assurable en vertu des dispositions de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ) pour le motif qu'il s'agissait d'un emploi exercé en vertu d'un contrat de louage de services. À la même date, le ministre a délivré à l'appelante une lettre indiquant qu'il avait été déterminé que l'emploi que Gloria Johnson exerçait pour l'appelante au cours des périodes susmentionnées était un emploi ouvrant droit à pension en vertu des dispositions pertinentes du Régime de pensions du Canada. Un appel distinct — 2000-3611(CPP) — a été interjeté, et la représentante de l'appelante et l'avocat de l'intimé ont convenu que le règlement du présent appel s'appliquera à l'appel relatif au Régime de pensions du Canada.

[2]            Andrea Newton a témoigné qu'elle habite à Vancouver (Colombie-Britannique) et qu'elle est la directrice des finances et de l'administration de l'appelante, soit une société constituée le 11 janvier 1996 en vertu de la loi de la Colombie-Britannique intitulée Society Act. Les statuts de l'appelante mettent l'accent sur la formation de personnes en chômage qui ont le droit de travailler au Canada. Agissant de concert avec le ministère de la Colombie-Britannique appelé Ministry of Social Development and Economic Security, le gouvernement fédéral — par l'intermédiaire de Développement des ressources humaines Canada (DRHC) — accordait du financement pour les divers programmes offerts par Four Corners. L'appelante était un organisme de bienfaisance enregistré et pouvait recevoir des dons du public. Mme Newton a dit que l'appelante avait, depuis sa création, réalisé 36 projets, d'une durée allant de quatre mois à un an. L'appelante a eu jusqu'à 13 employés, qui relevaient d'un directeur général et d'un conseil d'administration, mais en 1999 il y avait 10 employés à temps complet, qui étaient affectés à divers projets. En 1999, l'appelante a offert quatre programmes — d'une durée de cinq mois chacun — auxquels 15 participants proposés par les ministères des gouvernements participants respectifs ont été inscrits. Actuellement, il peut y avoir jusqu'à sept programmes qui se déroulent en même temps, bien qu'il puisse s'agir de programmes de différentes durées. Chaque projet est financé séparément, et Mme Newton a dit qu'elle est responsable de la paye. Des personnes comme Gloria Johnson assurent une formation particulière, par exemple en informatique de base, dans les locaux loués par l'appelante et exploités sous le nom de Pride Training Centre. Mme Newton a dit que l'ancien directeur général de l'appelante était décédé et qu'il n'y avait dans les dossiers aucun document concernant la relation de travail entre la travailleuse et Four Corners. Habituellement, le coordonnateur de la formation de l'appelante retenait les services de 10 à 12 personnes pour l'enseignement de certaines matières d'un programme d'études, et ce pouvait être pour une ou deux heures seulement ou pour toute une semaine. Gloria Johnson a travaillé au total 10 jours entre le 25 janvier et le 1er avril 1999. Pour se faire payer, elle présentait à l'appelante une facture basée sur un taux horaire de 35 $. Mme Newton a dit que, une fois terminée une session particulière, elle émettait un chèque en faveur de la travailleuse — et d'autres formateurs — en règlement d'une facture qui avait été présentée. Elle croyait que l'ancien directeur général avait établi des feuilles de facturation devant être utilisées par les divers formateurs, mais elle n'avait pu en trouver au bureau. Mme Newton n'a pas délivré de feuillets T4 aux formateurs. Un recueil de documents a été déposé sous la cote A-1; il contenait divers documents concernant la création et le fonctionnement de Four Corners, y compris les statuts de la société, ainsi qu'un contrat typique entre l'appelante et le ministère provincial appelé Ministry of Advanced Education, Training and Technology. Un contrat distinct était conclu entre Four Corners et DRHC pour établir la base du financement du gouvernement fédéral. Les formateurs étaient bien au courant que chaque projet comportait un plafond budgétaire et que la composante « formation » était déterminée en fonction de ce montant global. Mme Newton a dit qu'en 1999 l'appelante n'utilisait pas un document intitulé « Workshop Contract » (contrat d'atelier) ni un document appelé « Instructor Workshop Agreement » (convention d'atelier de formateur), mais qu'en l'an 2000 l'appelante utilisait ces documents, dont des exemplaires en blanc figurent dans la pièce A-1. Le contrat d'atelier ne traitait nullement du statut des formateurs, mais la convention d'atelier de formateur disait qu'il était entendu qu'il ne s'agissait que d'une convention d'entrepreneur indépendant. L'appelante utilisait en outre divers formulaires et documents relativement aux personnes inscrites dans le livre de paye ordinaire, y compris des autorisations de recherche de casiers judiciaires et des formulaires TD1 aux fins de déductions d'impôt sur le revenu, et ces employés se voyaient délivrer un manuel indiquant que leurs taux de rémunération étaient régis par l'article 5. Gloria Johnson ne faisait pas payer de taxe sur les produits et services (TPS) à l'appelante, mais certains autres formateurs en avaient fait payer en présentant une facture pour services rendus. Les chèques émis en faveur des formateurs étaient appelés des chèques hors paye et n'étaient pas établis en même temps que la paye ordinaire; ils étaient faits avec d'autres chèques établis en règlement de comptes particuliers. Mme Newton a dit qu'un chèque en faveur d'un formateur pouvait être fait en dehors de la période habituelle de paiement de comptes, mais que cela exigeait des circonstances spéciales. L'appelante détenait un permis d'exercice d'activité commerciale, qui lui avait été délivré par la ville de Vancouver, et elle avait un certificat d'accréditation de la commission de la Colombie-Britannique appelée Private Post-Secondary Education Commission, soit un certificat attestant qu'elle était un établissement enregistré. Mme Newton a dit que tous les cours se donnent dans les locaux de Four Corners et qu'un projet peut cependant comporter des excursions pédagogiques. Les locaux loués et occupés par l'appelante, d'une superficie de 9 000 pieds carrés, abritaient quatre salles de classe distinctes, pleinement équipées, ainsi qu'un laboratoire d'informatique. Les formateurs utilisaient leur propre matériel didactique. Le Pride Training Centre était considéré par l'appelante comme un « centre des opérations » pour les formateurs. À l'occasion, des contrats de formation étaient conclus entre l'appelante et d'autres sociétés.

[3]            Lors du contre-interrogatoire, Andrea Newton a dit qu'elle ne jouait aucun rôle dans l'administration et les finances de l'appelante au cours de la période se rapportant à la relation de travail de Gloria Johnson. Elle était au courant qu'aucun formateur ne donnait jamais plus de deux semaines de cours durant cette période. Des factures étaient établies par la travailleuse sur la base d'un taux horaire de 35 $, mais elles étaient calculées sur cette base principalement pour permettre une vérification au ministère provincial ou à DRHC quant au nombre d'heures d'enseignement pour cette partie du projet.

[4]            Sylvia Drysdale-Hunt a témoigné qu'elle est la directrice générale de l'appelante depuis 1999. Elle a dit que la méthode suivie par Four Corners consistait à faire en sorte que le coordonnateur de la formation contacte des formateurs éventuels et discute avec eux des services requis par l'appelante. La durée maximale des services devant être fournis par un formateur était de deux semaines seulement, sauf dans le cas d'un programme en matière de tourisme, où elle pouvait être de trois ou quatre semaines. Différents arrangements étaient conclus avec divers formateurs selon la limite déterminée par le montant précis désigné pour la composante « formation » d'un programme particulier. Le coordonnateur de la formation devait composer avec des limites imposées par le plafond de financement relatif à ce programme. Le ministère provincial compétent voulait que l'appelante lui fasse rapport des paiements effectués aux formateurs en indiquant les taux horaires et non pas simplement la somme totale. La rétribution d'un formateur ne pouvait dépasser le taux prévu dans le budget soumis à l'administration responsable du financement. Mme Drysdale-Hunt a dit que le travail de Gloria Johnson devait durer deux semaines, que les heures précises de l'enseignement n'étaient pas assignées et qu'il n'y avait aucune surveillance quant à la méthode d'enseignement. Le programme d'études était conçu par le coordonnateur de la formation. L'évaluation du rendement d'un formateur se faisait à la fin d'une période d'enseignement et c'était à ce moment que la direction de l'appelante déterminait si elle retiendrait les services de cette personne à l'avenir. Tous les ordinateurs et les logiciels étaient fournis par DRHC et/ou le ministère compétent du gouvernement provincial pour la formation d'étudiants, selon les modalités d'un contrat particulier. Malgré le fait que le mécanisme de financement exigeait des contrats distincts et des propositions de financement distinctes pour chaque projet, les ordinateurs demeuraient sur place pendant cinq ans et devaient être utilisés seulement à des fins d'enseignement ou seulement par le personnel de Four Corners. L'ancien directeur général de l'appelante est décédé subitement, puis la dame occupant le poste de coordonnateur de la formation a quitté son emploi sur bref préavis. Gloria Johnson a accepté ce poste vacant, mais, peu après, elle est revenue sur son acceptation de travailler en cette qualité, ayant conclu qu'elle subirait une perte d'avantages en matière d'invalidité.

[5]            Au cours du contre-interrogatoire, Sylvia Drysdale-Hunt a dit que l'appelante a pour mandat d'aider des personnes à accéder au marché du travail. Un programme particulier commence par la présentation, au gouvernement provincial ou fédéral, d'une proposition officielle dans laquelle une forme précise d'enseignement doit être indiquée et dans laquelle les diverses composantes — par exemple une formation en informatique — sont décrites. Outre le fait qu'elle offre de la formation, l'appelante fournit des installations de recherche d'emploi, et les membres du public peuvent aller au Pride Centre et utiliser certains ordinateurs qui ont été donnés à l'appelante. Comme elle reçoit des dons de bienfaisance, l'appelante peut fournir de l'aide en ce qui a trait aux photocopies, à la papeterie et au matériel connexe concernant l'activité de recherche d'emploi. Un groupe de candidats est proposé par un ministère provincial et/ou DRHC et, à partir de cette liste, le coordonnateur de la formation choisit les participants au programme. Mme Drysdale-Hunt a convenu avec l'avocat de l'intimé que, sans les efforts de Four Corners pour obtenir le financement approprié de deux niveaux de gouvernement, aucun cours ne serait offert. Les divers formateurs ne jouent aucun rôle dans la composition des classes, sauf avec l'autorisation du coordonnateur de la formation, et le travail pouvant être accompli à cet égard par des formateurs est un travail purement bénévole; les heures consacrées à une telle tâche ne sont pas rémunérées. Les formateurs établissent leurs propres plans de cours sans aucune supervision ou directive d'un membre de la direction ou du personnel de Four Corners et ils ont une certaine latitude dans la détermination des heures de classe, pourvu que l'horaire ainsi déterminé corresponde aux heures de bureau de l'appelante. Qu'une classe compte 6 ou 12 étudiants ou même si certains étudiants abandonnent le cours, le formateur reçoit la même paye. Les formateurs ne peuvent gagner plus d'argent ou perdre de l'argent dans le cadre de l'enseignement qu'ils dispensent, et il faudrait qu'un formateur ait commis une faute grave pour que l'appelante le renvoie au cours de la brève période d'une mission. Par contre, une telle personne pourrait ne plus être contactée par le coordonnateur de la formation pour donner des cours. Les formateurs préparent les textes à distribuer aux étudiants. En vertu des modalités des contrats entre l'appelante et le gouvernement provincial et/ou fédéral, un représentant pouvait — n'importe quand — assister à un cours pour s'assurer que le programme pertinent qui était financé comportait un enseignement approprié. Si un formateur ne pouvait donner un cours, il devait trouver un remplaçant, mais cela n'arrivait que rarement — voire jamais — en raison de la durée extrêmement brève de la mission d'enseignement. Les formateurs étaient embauchés selon leurs compétences et leurs références. Dans les diverses classes, on ne fonctionnait pas sur une base réussite/échec, mais, si les étudiants assistaient à chaque cours jusqu'à la fin, ils recevaient un certificat attestant qu'ils avaient suivi le programme, quoiqu'il y ait eu certains programmes particuliers qui exigeaient que les étudiants subissent un examen écrit. Mme Drysdale-Hunt a dit que Gloria Johnson ou les autres formateurs donnaient personnellement les cours, conformément aux discussions tenues précédemment avec le coordonnateur de la formation de l'appelante.

[6]            Mia Bonnettemaker a témoigné qu'elle est comptable générale licenciée, qu'elle exerce cette profession à Vancouver et que l'appelante est une cliente depuis 1998. Elle avait conseillé à la direction de Four Corners d'instituer la pratique consistant à conclure des conventions d'entrepreneur indépendant. Elle effectue en outre la vérification qui est nécessaire en raison du fait que l'appelante est un établissement financier enregistré. L'Ambulance Saint-Jean donnait des cours à l'appelante et faisait payer de la TPS dans les factures pertinentes. Mme Bonnettemaker avait informé l'appelante que les formateurs gagnant moins de 30 000 $ par année n'auraient pas à faire payer de TPS. Elle a déclaré que, lorsque Gloria Johnson avait demandé un feuillet T4, on lui avait dit que Four Corners ne lui en délivrerait pas un parce qu'elle n'était pas une employée et qu'elle avait fourni des services en sa qualité d'entrepreneur indépendant. Il n'y a eu aucune autre discussion à ce sujet.

[7]            L'avocat de l'intimé n'a pas contre-interrogé ce témoin.

[8]            Dans l'affaire Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 563-564 ([1986] 2 C.T.C. 200), la Cour d'appel fédérale a approuvé l'assujettissement de la preuve aux critères suivants, en précisant bien qu'il s'agit en fait d'un seul critère qui est composé de quatre parties intégrantes et qu'il faut appliquer en insistant sur l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations. Les critères sont :

                1. le degré de contrôle

                2. la propriété des instruments de travail

                3. les chances de bénéfice et les risques de perte

                4. l'intégration

Le degré de contrôle

[9]            La durée de la mission était extrêmement brève, et les formateurs — y compris Gloria Johnson — étaient informés du contenu du cours particulier qu'ils devaient donner dans le cadre d'un programme et ils étaient informés du temps qu'ils avaient pour exécuter ce travail. Il n'y avait aucune surveillance du rendement, mais le droit d'exercer une supervision existait, et l'appelante — par voie de contrat — acceptait que le ministère accordant le financement puisse n'importe quand envoyer quelqu'un assister à un cours pour vérifier si le programme était réalisé conformément à la proposition acceptée en matière de financement. Un cours particulier était attribué, et l'intention était que le formateur fournisse personnellement le service dans le cadre des paramètres du programme d'études fixé. Cet aspect du critère tend à indiquer l'existence d'un statut d'employé.

La propriété des instruments de travail

[10]          La salle de classe et toutes les installations nécessaires en matière de formation étaient fournies par l'appelante. La travailleuse et les autres formateurs ne fournissaient que leur matériel didactique. Cela ne correspond pas à une prestation de services par un entrepreneur indépendant.

Les chances de bénéfice et les risques de perte

[11]          Les formateurs recevaient une somme que l'appelante avait déterminée au départ dans le cadre de la tâche consistant à adapter le budget du programme aux dépenses nécessaires pour la composante « formation » d'un projet. Pour qu'il soit satisfait à une exigence en matière de contrôle imposée par un ministère accordant du financement, la rétribution de la travailleuse — indiquée dans la facture présentée à Four Corners — était calculée au taux horaire de 35 $. La directrice générale de l'appelante a concédé qu'il n'était pas possible pour la travailleuse d'augmenter le montant du paiement pour services d'enseignement et que la travailleuse ne courait aucun risque de perte, puisque tous les frais relatifs à l'enseignement étaient pris en charge par Four Corners. Ce critère tend à indiquer que les services de la travailleuse étaient fournis conformément à un contrat de louage de services.

L'intégration

[12]          Aux pages 563 et 564 (C.T.C. : à la page 206) de la décision qu'il a rendue dans l'affaire Wiebe, précitée, le juge d'appel MacGuigan disait :

De toute évidence, le critère d'organisation énoncé par lord Denning et d'autres juristes donne des résultats tout à fait acceptables s'il est appliqué de la bonne manière, c'est-à-dire quand la question d'organisation ou d'intégration est envisagée du point de vue de l' « employé » et non de celui de l' « employeur » . En effet, il est toujours très facile, en examinant la question du point de vue dominant de la grande entreprise, de présumer que les activités concourantes sont organisées dans le seul but de favoriser l'activité la plus importante. Nous devons nous rappeler que c'est en tenant compte de l'entreprise de l'employé que lors Wright a posé la question « À qui appartient l'entreprise » .

C'est probablement le juge Cooke, dans Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All. E.R. 732 (Q.B.D.), qui, parmi ceux qui ont examiné le problème, en a fait la meilleure synthèse (aux pages 738 et 739) :

[TRADUCTION]

Les remarques de LORD WRIGHT, du LORD JUGE DENNING et des juges de la Cour suprême des États-Unis laissent à entendre que le critère fondamental à appliquer est celui-ci : « La personne qui s'est engagée à accomplir ces tâches les accomplit-elle en tant que personne dans les affaires à son compte » . Si la réponse à cette question est affirmative, alors il s'agit d'un contrat d'entreprise. Si la réponse est négative, alors il s'agit d'un contrat de service personnel. Aucune liste exhaustive des éléments qui sont pertinents pour trancher cette question n'a été dressée, peut-être n'est-il pas possible de le faire; on ne peut non plus établir de règles rigides quant à l'importance relative qu'il faudrait attacher à ces divers éléments dans un cas particulier. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il faudra toujours tenir compte du contrôle même s'il ne peut plus être considéré comme le seul facteur déterminant; et que des facteurs qui peuvent avoir une certaine importance sont des questions comme celles de savoir si celui qui accomplit la tâche fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses aides, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion, et jusqu'à quel point il peut tirer profit d'une gestion saine dans l'accomplissement de sa tâche. L'utilisation du critère général peut être plus facile dans un cas où la personne qui s'engage à rendre le service le fait dans le cadre d'une affaire déjà établie; mais ce facteur n'est pas déterminant. Une personne qui s'engage à rendre des services à une autre personne peut bien être un entrepreneur indépendant même si elle n'a pas conclu de contrat dans le cadre d'une entreprise qu'elle dirige actuellement.

Quand il doit régler un tel problème, le juge de première instance ne peut se soustraire à l'obligation de peser avec soin tous les facteurs pertinents, comme l'a indiqué le juge Cooke.

[13]          Aucun élément de preuve important ne permet de conclure que Gloria Johnson entendait fournir des services dans un contexte autre que celui d'un employé. Rien n'indique qu'elle exploitait une entreprise ou qu'elle s'était présentée à l'appelante comme étant une personne disposée à fournir le service consistant à donner des cours de base en informatique dans le cadre de sa propre entreprise. Des éléments de preuve indiquent plutôt qu'elle avait accepté le poste de coordonnateur de la formation et qu'elle a ensuite décidé de ne pas continuer parce que cet emploi influerait négativement sur son droit à une forme d'avantages en matière d'invalidité. Après avoir fini de donner ses cours — qui ne représentent que 10 jours en tout pour les périodes pertinentes — Gloria Johnson a demandé à l'appelante de lui délivrer un feuillet T4. L'appelante a refusé, pour le motif que Gloria Johnson était considérée comme ayant fourni ses services en tant qu'entrepreneure indépendante. Toute l'infrastructure était fournie par Four Corners. Four Corners était responsable de l'obtention du financement de deux niveaux de gouvernement et choisissait les participants aux divers programmes conçus par le coordonnateur de la formation, soit un employé de l'appelante. Les salles de classe ainsi que tous les bureaux, le matériel et les installations informatiques étaient loués par l'appelante, qui pouvait en outre recueillir de l'argent en tant qu'organisme de bienfaisance enregistré. L'entreprise — au sens le plus général du terme — était une entreprise de l'appelante et non de Gloria Johnson, qui était un particulier embauché pour exécuter une tâche précise au cours d'une période particulière dans le contexte de l'établissement d'enseignement accrédité de Four Corners. Le mécanisme de financement et le mode d'obtention de financement utilisés par l'appelante en l'espèce pour réaliser des programmes particuliers conformément au mandat de la société s'apparentent à ce qu'il en était dans l'affaire Saskatchewan Intercultural Association Inc. c. M.R.N., no 1999-3778(EI), 17 novembre 2000, soit un jugement que j'ai rendu le 17 novembre 2000. Dans cette affaire, j'ai conclu que l'instructeur/coordonnateur était un employé. Cela cadre en outre avec les décisions que j'ai rendues antérieurement dans les affaires Widdows (Golden Ears Entertainment) c. Canada (M.R.N.), [1999] A.C.I. no 119, et Gastown Actors' Studio Ltd. c. M.R.N., no 1999-147(EI), 10 mars 2000, dans lesquelles on a fait référence à la jurisprudence pertinente. Dans chacune des affaires précitées, j'ai conclu que les travailleurs, soit des professeurs de musique et des professeurs d'art dramatique respectivement, exerçaient un emploi en vertu d'un contrat de louage de services, tout comme la Cour canadienne de l'impôt l'avait déterminé au sujet de moniteurs de ski alpin ou d'entraîneurs de patinage artistique dans d'autres affaires comme Whistler Mountain Ski Club c. Canada (M.R.N.), [1996] A.C.I. no 876, et Puri c. Canada (M.R.N.), [1998] A.C.I. no 175.

[14]          Ce que les parties pensaient de la nature de leur relation ne change pas les faits. De plus, une partie ne peut unilatéralement attribuer un statut à la partie chargée de fournir le ou les services. Dans l'affaire Le ministre du Revenu national c. Emily Standing, C.A.F., no A-857-90, le 29 septembre 1992, à la page 2 (147 NR 238, aux pages 239 et 240), le juge d'appel Stone disait :

[...] Rien dans la jurisprudence ne permet d'avancer l'existence d'une telle relation du simple fait que les parties ont choisi de la définir ainsi sans égards aux circonstances entourantes (sic) appréciées en fonction du critère de l'arrêt Wiebe Door.

[15]          Il est compréhensible que la direction et les conseillers de l'appelante aient de la difficulté à considérer les formateurs comme des employés — au sens ordinaire — puisque la durée des fonctions ne dépassait jamais deux semaines et que l'enseignement était parfois entièrement dispensé en une seule journée. Gloria Johnson a travaillé 40 heures entre le 25 janvier et le 5 février 1999. Puis, entre le 1er et le 4 mars 1999, elle a travaillé 14 heures et, pour ce qui est de la période allant du 22 mars au 1er avril 1999, elle a facturé à l'appelante 36 heures. Cela ne semble pas correspondre à la décision du ministre, qui indiquait que l'une des périodes pertinentes allait du 29 mars au 1er avril 1999. Il se peut toutefois que la facture délivrée à l'appelante par Gloria Johnson indique d'une manière erronée la période pertinente couverte par les services de formation de Gloria Johnson. Quoi qu'il en soit, je n'entends pas modifier la décision pour corriger cette anomalie, et la décision du ministre quant au statut de la travailleuse concernant les services fournis du 25 janvier au 1er avril 1999 couvre probablement tout le travail accompli par la travailleuse.

[16]          Il n'y a pas longtemps, il fallait certaines périodes minimales pour qu'un emploi à court terme soit considéré comme assurable, aux fins du régime d'assurance-chômage. Cela a toutefois été modifié par le législateur avec la Loi sur l'assurance-emploi, qui a été sanctionnée le 30 juin 1996. En vertu de la nouvelle loi, le régime d'assurance n'est plus basé sur les semaines de travail comportant un nombre d'heures minimum effectif; il est basé sur la rémunération totale gagnée et sur les heures totales travaillées — même dans un certain nombre d'emplois différents — de sorte que chaque dollar gagné est compté, à partir de la première heure travaillée dans le cadre d'un emploi particulier. L'objet de la nouvelle loi était de mieux refléter la réalité du monde du travail moderne, dans lequel les jeunes — spécialement — peuvent avoir jusqu'à trois ou quatre emplois à temps partiel ou seulement un ou deux emplois avec une entreprise secondaire ou une autre activité productive de revenu. Le fait que des sources de revenu d'emploi soient transitoires et non récurrentes n'entre pas en ligne de compte dans le nouveau régime. Les exploitants d'entreprise ne peuvent plus embaucher des personnes pour laver des fenêtres pendant 8 à 10 heures par semaine ou pour remplir des étagères à l'arrivée de marchandises ou pour aider à faire l'inventaire pendant 20 heures une fois par année et considérer cette main-d'oeuvre à temps partiel comme de la main-d'oeuvre occasionnelle et comme n'étant donc pas incluse dans le régime d'assurance. Bien que ce puisse être un embêtement que de traiter ces personnes de la même manière que les personnes inscrites dans le livre de paye ordinaire aux fins de la Loi sur l'assurance-emploi et/ou du Régime de pensions du Canada, c'est ce qu'exige la législation.

[17]          Me fondant sur la preuve et appliquant celle-ci de la manière que commande la jurisprudence pertinente, je conclus à l'exactitude de la décision du ministre, qui est par les présentes confirmée.

[18]          Comme en avaient précédemment convenu la représentante de l'appelante et l'avocat de l'intimé, ce résultat s'applique à l'appel 2000-3611(CPP), qui est par les présentes rejeté.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 24e jour de janvier 2001.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 3e jour d'août 2001.

Isabelle Chénard, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-3610(EI)

ENTRE :

FOUR CORNERS COMMUNITY DEVELOPMENT SOCIETY

DBA PRIDE TRAINING CENTRE,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Four Corners Community Development Society DBA Pride Training Centre (2000-3611(CPP))

le 6 décembre 2000, par

l'honorable juge suppléant D. W. Rowe

Comparutions

Représentante de l'appelante :               Mme Mia Bonettemaker

Avocat de l'intimé :                             Me Victor Caux

JUGEMENT

          L'appel est rejeté, et la décision du ministre est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 24e jour de janvier 2001.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour d'août 2001.

Isabelle Chénard, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-3611(CPP)

ENTRE :

FOUR CORNERS COMMUNITY DEVELOPMENT SOCIETY

DBA PRIDE TRAINING CENTRE,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Four Corners Community Development Society DBA Pride Training Centre (2000-3610(EI))

le 6 décembre 2000, par

l'honorable juge suppléant D. W. Rowe

Comparutions

Représentante de l'appelante :               Mme Mia Bonettemaker

Avocat de l'intimé :                             Me Victor Caux

JUGEMENT

          L'appel est rejeté, et la décision du ministre est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 24e jour de janvier 2001.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour d'août 2001.

Isabelle Chénard, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.