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Date: 20010425

Dossier: 2001-86-IT-I

ENTRE :

GILBERT HENRY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET

Dossier: 2001-87-IT-I

ENTRE :

ANGELA HENRY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Bowman

[1]            Les appels en l'instance sont interjetés à l'encontre de cotisations établies pour les années d'imposition 1997 et 1998. Les appelants sont mari et femme, et leurs appels ont été entendus ensemble.

[2]            Les appels de Gilbert Henry portaient sur trois points : des frais relatifs à un emploi, des pertes locatives et des pertes d'entreprise. Gilbert Henry a admis la thèse de la Couronne en ce qui concerne les deux premières questions, il ne reste donc que la question des pertes d'entreprise. Les appels d'Angela Henry portaient uniquement sur la question de sa demande de déduction de pertes d'entreprise.

[3]            Les deux appelants sont intelligents, ils s'expriment bien et ils sont cultivés. Ils détiennent chacun une maîtrise en éducation. Gilbert Henry est le directeur d'une école publique. Angela Henry est professeure au collège Camosun. Ils ont tous les deux une brillante carrière en enseignement.

[4]            Il convient de présenter une partie des réponses aux avis d'appel. Dans le cas de Gilbert Henry, la partie retenue est la suivante :

                [TRADUCTION]

À l'égard des pertes d'entreprise :

r)              en 1997 et en 1998, l'appelant a demandé la déduction de pertes d'entreprise de la manière suivante :

                                                                                                    1997                           1998

REVENU BRUT                                                        3 207,59 $                    1 100,00 $

MOINS :

INTÉRÊTS                                                                      96,00 $                         36,00 $

REPAS, DIVERTISSEMENTS                                   360,00 $                         50,77 $

VÉHICULE                                                                   423,30 $                       220,12 $

FRAIS DE BUREAU                                                     46,90 $                       184,24 $

TÉLÉPHONE, SERVICES                                                        

PUBLICS                                                                      480,00 $                       180,00 $

DÉPLACEMENT                                                         180,00 $

AUTRES DÉPENSES                                               1 310,25 $                       360,84 $

DPA                                                                           2 547,00 $                    2 037,60 $

DÉPENSES TOTALES                                            5 443,45 $                    3 069,57 $

PERTE NETTE                                                       2 235,86 $                  1 969,57 $

s)                    le revenu déclaré par l'appelant en 1997 se composait de 1 547 $ provenant de la Bella Bella Community School Society (1 500 $ à titre d'honoraires d'expertise et 47 $ à titre de dépenses), de 460,59 $ provenant de l'employeur pour la participation à une conférence à Vancouver et de 1 200 $ à titre de revenu tiré d'un contrat en sous-traitance provenant de son fils, Damon Henry (le " fils ");

t)              le revenu déclaré par l'appelant en 1998 se composait de 500 $ provenant de l'employeur et de 600 $ de revenu de location provenant du fils, qui était un musicien résidant à Vancouver à cette époque;

u)             les montants reçus de l'employeur étaient des remboursements de dépenses ou des revenus d'emploi reçus pour des services rendus à l'employeur et ne constituent pas un revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien;

v)             les dépenses déclarées à titre de dépenses d'entreprise par l'appelant en 1997 et en 1998 n'ont pas été engagées en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien, mais représentaient des frais personnels ou de subsistance de l'appelant;

w)             le paiement fait par la Bella Bella Community School Society comprenait un montant visant à rembourser les dépenses de l'appelant;

x)              la déduction pour amortissement a été demandée à l'égard de différents amplificateurs, d'un ensemble de batterie, d'un lecteur de disques compacts, d'un magnétophone, d'une table tournante et des disques, des CD et des cassettes, tous ces articles étant des biens personnels de l'appelant;

y)             l'appelant n'exploitait pas une entreprise en 1997 et en 1998.

[5]            En ce qui concerne Angela Henry, la partie pertinente est la suivante :

                [TRADUCTION]

b)             en 1997 et en 1998, l'appelante a demandé la déduction des pertes d'entreprise de la manière suivante :

                                                                                    1997                             1998

REVENU BRUT                                                        2 460,00 $                3 048,73 $

MOINS :

INTÉRÊTS                                                                      96,98 $

REPAS, DIVERTISSEMENTS                                                                   100,78 $

ENTRETIEN, RÉPARATION                                    145,56 $                   108,30 $

FRAIS DE BUREAU                                                   533,96 $                   597,74 $

FOURNITURES                                                           490,00 $                   946,97 $

SALAIRE, TRAITEMENT                                        390,00 $                   541,20 $

PUBLICITÉ                                                                                                  177,66 $

DÉPLACEMENT                                                         921,95 $                1 611,69 $

TÉLÉPHONE,

SERVICES PUBLICS                                                                                   280,00 $

AUTRES DÉPENSES                                               1 490,00 $                   608,80 $

DPA                                                                           2 719,55 $                1 519,55 $

DÉPENSES TOTALES                                            6 788,00 $                6 492,69 $

PERTE D'ENTREPRISE

NETTE                                                                     4 328,00 $              3 443,96 $

c)              le revenu déclaré par l'appelante en 1997 se composait de 659,70 $ reçu de l'employeur, de 900 $ à titre de financement de perfectionnement professionnel provenant également de l'employeur et de 900 $ provenant de son conjoint;

d)             le revenu déclaré par l'appelante en 1998 se composait de 2 448,72 $ provenant de l'employeur et de 600 $ provenant de son fils Damon Henry;

e)              les montants reçus de l'employeur constituaient des remboursements de dépenses;

f)              les dépenses déclarées à titre de dépenses d'entreprise par l'appelante en 1997 et en 1998 n'ont pas été engagées en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien, mais représentaient des frais personnels ou de subsistance de l'appelante;

g)             la déduction pour amortissement a été demandée à l'égard d'un kayak, du matériel et des logiciels informatiques, d'un mobilier de bureau, d'un porte-documents, d'un appareil à contre-poids et d'une bicyclette, tous ces articles étant des biens personnels de l'appelante;

h)             l'appelante n'exploitait pas une entreprise en 1997 et en 1998.

[6]            Je vais d'abord me pencher sur les appels de Gilbert Henry. Une partie importante des dépenses de M. Henry était formée d'une DPA sur du matériel de musique utilisé par son fils âgé de 23 ans, qui tentait de faire carrière comme bassiste à Vancouver. M. Henry a payé du matériel de musique d'une valeur d'environ 14 000 $ pour son fils. La preuve, qui est contradictoire, ne révèle pas clairement qui, du père ou du fils, en était le propriétaire. Je crois que les témoignages sont plus compatibles avec le fait que le matériel appartenait au fils, mais avait été payé par le père. Peu importe à qui le matériel appartenait, je ne vois pas comment M. Henry peut en demander une DPA. La nature de la relation d'affaires, le cas échéant, entre lui et son fils n'a jamais été précisée. On aurait sans doute pu soutenir qu'il s'agissait d'une société de personnes, d'un accord de sous-traitance ou d'un accord de consultation, mais je crois qu'il ne s'agissait de rien de tout cela. L'aide consentie à un fils pour qu'il se lance dans l'industrie de la musique, l'achat de matériel pour lui ou le fait de lui prodiguer des conseils ne constitue pas une entreprise, il ne s'agit pas d'actes monnayables ni d'actes qui donnent ouverture à une perte déductible.

[7]            Pour ce qui est des autres éléments déclarés, je ne crois pas que M. Henry exploitait une entreprise. La plupart des éléments de revenus étaient des remboursements de dépenses ou étaient payés par le conseil scolaire. Pour chacune des années 1997 et 1998, il a reçu de l'argent de son fils.

[8]            Il se peut très bien qu'éventuellement, M. Henry mette sur pied une entreprise de consultation en enseignement, mais cela ne s'est certainement pas produit en 1997 et en 1998. Ce qu'il décrit comme une entreprise ne possédait aucun des critères d'une entreprise. Il n'y avait ni numéro de téléphone distinct dans l'annuaire, ni compte bancaire d'entreprise, ni cartes d'affaires, ni dénomination commerciale, ni publicité. Il doit au moins y avoir quelque chose qui ressemble à une entreprise. Bien que par chance la Couronne n'ait pas fondé sa cause sur l'attente raisonnable de profit, la plupart des éléments énoncés dans l'affaire Kaye c. R., C.C.I., no 97-2772(IT)I, 9 avril 1998 ([1998] 3 C.T.C. 2248) s'appliquent en l'espèce :

4               Je ne trouve pas particulièrement utile, dans les cas de ce genre, l'utilisation de l'expression rituelle, et je préfère formuler ainsi la question : "Y a-t-il une entreprise véritable? " C'est une question plus générale qui, je crois, revêt plus de sens et qui, du moins en ce qui me concerne, mène à une série de questions et de réponses plus concluantes. Il ne fait pas de doute qu'elle englobe la question du caractère raisonnable de l'attente de profit du contribuable, mais elle va aussi plus loin. Comment peut-on dire qu'un entrepreneur faisant le forage de puits d'exploration a une attente raisonnable de profit et qu'il exploite une entreprise quand on connaît le très faible taux de succès de ce genre d'entreprise? Pourtant, personne ne conteste le fait que les compagnies du genre exploitent une entreprise. C'est le caractère commercial de l'entreprise, révélé par sa structure, qui en fait une entreprise. L'intention subjective de faire de l'argent entre certes en ligne de compte, mais ce n'est pas le facteur déterminant, bien que l'absence d'une telle intention puisse nuire à l'assertion qu'une activité est une entreprise.

5               On ne peut considérer le caractère raisonnable de l'attente de profit de façon isolée. Il faut se demander : " Est-ce qu'une personne raisonnable qui examine une activité en particulier et applique des normes courantes de gestion d'entreprise affirmerait qu'il s'agit bien d'une entreprise? " Pour répondre à la question, la personne raisonnable fictive examinerait entre autres choses la structure du capital, les connaissances du participant et le temps consacré à l'activité. Elle évaluerait également si la personne qui prétend exploiter une entreprise a procédé de façon ordonnée et méthodique, de la manière dont une personne en affaires procéderait normalement.

6               Cela mène à une autre considération — , soit la question du caractère raisonnable. L'article 67 de la Loi de l'impôt sur le revenu traite en particulier du caractère raisonnable des dépenses, mais la notion n'est pas coulée dans le béton. L'article 67 s'applique dans le contexte d'une entreprise et suppose l'existence d'une entreprise. C'est également un des volets de la question visant à déterminer si une activité particulière est une entreprise. Par exemple, on ne peut dire, en l'absence de raisons contraignantes, qu'une personne dépenserait 1 000 000 $ si tout ce dont elle pouvait raisonnablement s'attendre de tirer est un revenu de 1 000 $.

[9]            Les mêmes remarques s'appliquent à Angela Henry. Son revenu provenait de son fils, de son mari ou de son employeur. Le remboursement de dépenses et le financement de perfectionnement professionnel ne constituent pas un revenu tiré d'une entreprise. En 2000, Mme Henry a reçu une commande en vue d'écrire un livre portant sur son domaine de compétence. Elle est très qualifiée pour le faire, mais cela n'indique pas qu'elle exploitait une entreprise en 1997 et en 1998. Comme dans le cas de son mari, elle n'avait ni dénomination commerciale, ni cartes d'affaires, ni compte bancaire d'entreprise distinct, ni publicité, ni téléphone d'affaires, ni état financier d'entreprise, ni revenu d'entreprise. En somme, elle n'avait pas d'entreprise.

[10]          Je ne souhaite pas que la brièveté des présents motifs laisse entendre que je ne prends pas la cause des appelants au sérieux. Il est vrai qu'il existe certaines contradictions dans les chiffres, mais je ne fonde pas ma conclusion sur ces contradictions. Au contraire, je m'appuie sur le fait qu'en 1997 et en 1998, les activités que les appelants considéraient comme des entreprises n'avaient pas le caractère commercial qui définit une entreprise et qui amènerait une personne raisonnable à considérer leurs activités comme une entreprise commerciale.

[11]          Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour d'avril 2001.

" D. G. H. Bowman "

J.C.A.

Traduction certifiée conforme ce 21e jour de novembre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-86(IT)I

ENTRE :

GILBERT HENRY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus en même temps que les appels d'Angela Henry (2001-87(IT)I)

le 17 avril 2001 à Vancouver (Colombie-Britannique), par

l'honorable juge en chef adjoint D. G. H. Bowman

Comparutions

Représentant de l'appelant :                  Gary Nixon

Avocate de l'intimée :                           Me Johanna Russell

JUGEMENT

          Il est ordonné que les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997 et 1998 soient rejetés.


Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour d'avril 2001.

" D. G. H. Bowman "

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de novembre 2001.

Martine Brunet, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-87(IT)I

ENTRE :

ANGELA HENRY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus en même temps que les appels de Gilbert Henry (2001-86(IT)I)

le 17 avril 2001 à Vancouver (Colombie-Britannique), par

l'honorable juge en chef adjoint D. G. H. Bowman

Comparutions

Représentant de l'appelante :                Gary Nixon

Avocate de l'intimée :                           Me Johanna Russell

JUGEMENT

          Il est ordonné que les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997 et 1998 soient rejetés.


Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour d'avril 2001.

" D. G. H. Bowman "

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de novembre 2001.

Martine Brunet, réviseure


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