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Dossier : 2004‑2973(IT)I

ENTRE :

CLEMENTINA C. CASTELA,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

Appel entendu à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 28 janvier 2005

 

Devant : L’honorable juge J.E. Hershfield

 

Comparutions :

 

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

 

Avocate de l’intimée :

Me Amy Francis

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2002 est accueilli avec dépens et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour réexamen et nouvelle cotisation, selon les motifs ci‑annexés.

 

Signé à Ottawa, au Canada, le 11 mai 2005.

 

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour d’avril 2006.

 

Christian Laroche, LL.B.


 

 

 

 

Référence : 2005TCC109

Date : 20050511

Dossier : 2004‑2973(IT)I

ENTRE :

CLEMENTINA C. CASTELA,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hershfield

 

[1]     L’appelante, une orthopédagogue, fait appel du refus opposé par le ministre du Revenu national au crédit d’impôt pour études réclamé par elle dans sa déclaration de revenus de l’année d’imposition 2002, conformément à l’article 118.6 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi), pour un programme de maîtrise qu’elle a suivi. Cet article accorde un crédit d’impôt à un étudiant à temps plein inscrit à un programme de formation admissible dans un établissement d’enseignement agréé. Si le ministre a refusé le crédit d’impôt réclamé, c’est parce que, selon lui, le programme d’études suivi par l’appelante était rattaché à son travail d’enseignante et n’était donc pas un « programme de formation admissible » au sens du paragraphe 118.6(1).

 

[2]     Il n’est pas nécessaire d’exposer toutes les conditions d’admissibilité au crédit d’impôt pour études, ni même toute la définition, dans la Loi, de l’expression « programme de formation admissible », puisque c’est uniquement cet aspect restreint de la définition (le fait que le programme d’études n’est pas rattaché à l’emploi) qui a été mis en doute. La partie de la définition, au paragraphe 118.6(1), qui intéresse cette question se trouve dans l’alinéa b). Selon cette disposition, un programme de formation n’est pas un « programme de formation admissible » s’il est suivi par l’étudiante pendant une période pour laquelle elle reçoit un revenu d’une charge ou d’un emploi, « mais aussi en rapport avec cette charge ou cet emploi ou dans le cadre des fonctions y afférentes ».

 

[3]     Si le programme suivi par l’appelante entre dans cette disposition d’exclusion de portée générale, alors il ne s’agira pas d’un programme de formation admissible et elle n’aura pas droit au crédit revendiqué.

 

[4]     Le programme en cause, qui s’est étendu sur une période de 11 mois au cours de l’année civile 2002 (de janvier à juillet et de septembre à décembre) a permis à l’appelante d’obtenir sa maîtrise ès arts en éducation et en enseignement. Elle a suivi le programme à temps plein au campus de Vancouver de l’Université de Phoenix tout en continuant de travailler à temps plein comme orthopédagogue dans une école élémentaire du district de Burnaby. Comme institutrice, elle a gagné un revenu d’emploi pour son travail durant l’année scolaire (de janvier à juillet et de septembre à décembre)[1]. Le point soulevé dans le présent appel est donc celui de savoir si le programme de maîtrise qu’elle a suivi était « en rapport » avec cet emploi. Pour tirer une conclusion de fait sur cette question, il faut examiner la preuve portant sur la nature et les tâches de l’emploi de l’appelante, ainsi que sur la nature, le contenu, l’objet et l’application de son programme d’études. L’appelante a témoigné à l’audience à propos de ces aspects, ainsi qu’un deuxième témoin, assigné par l’appelante, un enseignant qui s’était inscrit dans le même programme que l’appelante, et à la même époque.

 

[5]     L’appelante détient un baccalauréat général de l’Université Simon Fraser, avec majeure en psychologie et sociologie. Elle détient aussi un brevet d’enseignement obtenu il y a environ 22 ans. Elle a enseigné dans plusieurs écoles depuis qu’elle a les compétences requises pour enseigner et elle occupe son poste actuel depuis environ sept ans. En tant qu’orthopédagogue, elle se consacre aux élèves ayant des besoins spéciaux et à ceux étudiant en anglais langue seconde. Elle enseigne dans une salle distincte où les élèves d’autres classes la rejoignent en petits groupes. Je crois qu’il serait juste de dire que, dans cet environnement, elle travaille d’après les besoins de l’enfant, en fonction du programme auquel l’enfant est inscrit.

 

[6]     Il n’est pas besoin d’en dire plus sur la nature ainsi que les tâches de l’emploi de l’appelante et je vais maintenant examiner la nature, le contenu, l’objet et l’application de son programme d’études.

 

[7]     L’appelante a déclaré durant son témoignage que le programme de maîtrise était sans rapport avec son emploi et que les cours suivis ne s’appliquaient pas directement à son travail d’enseignante. Ce témoignage a été corroboré par celui du second témoin et il est confirmé par un examen des cours qu’ils ont suivis. Le programme ou du moins les cours offerts dans le programme étaient également interdisciplinaires. Une diversité de gens étaient présents durant un certain nombre des cours suivis, notamment des infirmières et des étudiants en commerce. Nombre des cours étaient axés sur la recherche[2]. Ils forment une partie essentielle des cycles supérieurs en général et ils sont d’une importance particulière pour ce qui est de formuler des projets de recherche et d’accomplir les recherches conduisant à un mémoire de recherche de deuxième cycle.

 

[8]     Plusieurs autres cours, non axés sur la recherche, présentaient eux aussi un intérêt et une valeur interdisciplinaires et n’étaient pas nécessairement reliés, en tout cas pas directement, au poste d’enseignante occupé par l’appelante. Par exemple, le cours de trois crédits intitulé [TRADUCTION] « Développement et apprentissage permanents » était suivi par des infirmiers et infirmières faisant des études universitaires supérieures ainsi que par des enseignants. On pourrait dire que ces cours, qui représentent un grand nombre des heures requises pour l’accomplissement du programme, se rattachent aux professions respectives des étudiants, mais ce serait à mon avis exagérer considérablement que de prétendre que ces cours étaient suivis par différents professionnels « en rapport » avec leurs emplois respectifs, à moins que la preuve d’un tel rapport puisse être faite. En l’espèce, l’appelante ainsi que le second témoin nient l’existence d’un tel rapport et une analyse objective ne contredit pas leur témoignage.

 

[9]     Pour m’assurer que tout est bien pris en compte, je relève que certains des cours suivis par l’appelante semblaient davantage correspondre à sa profession. Il s’agissait notamment des cours suivants : [TRADUCTION] « Apprentissage coopératif », « Diversité dans l’éducation », « Intégration de la technologie dans la salle de classe » et « Enjeux importants de l’enseignement au Canada ». Ni l’un ni l’autre des témoins n’a pu donner beaucoup de détails sur le contenu de ces cours, mais l’on peut d’emblée affirmer que ces cours sont rattachés au domaine d’activité choisi par l’appelante, ce qui ne signifie pas, et il est difficile de l’imaginer, que les études universitaires associées à ces cours pourraient en pratique être qualifiées d’études « en rapport avec » l’emploi de l’appelante comme orthopédagogue dans une école élémentaire de Burnaby. L’appelante a reconnu la possibilité d’appliquer la théorie apprise dans ces cours, mais son témoignage non contredit, corroboré par le second témoin, était que ces cours, voire le programme tout entier, ne renfermaient rien qui pût s’appliquer directement à la salle de classe.

 

[10]    Un aspect du programme toutefois qui, sans doute, était « en rapport » avec l’emploi de l’appelante était le projet et le mémoire de recherche qui devaient être exécutés. Le projet et l’exposé de recherche‑action de l’appelante portaient sur les techniques de l’apprentissage coopératif dans l’enseignement dispensé aux enfants. Cette matière se rapporte manifestement à la profession de l’appelante en tant qu’éducatrice, mais, en dépit de son démenti, elle aurait pu avoir un lien direct avec son poste d’orthopédagogue d’école élémentaire. Toutefois, il y a deux raisons qui font que cela ne réglerait pas la question de savoir si le programme tout entier était rattaché à son emploi.

 

[11]    D’abord, l’inscription au programme était régie par un contrat écrit (l’entente d’inscription), laquelle exigeait simplement 36 crédits, dont seulement deux étaient consacrés au projet et à l’exposé de recherche. C’est là une partie si faible du programme que l’on ne devrait pas lui accorder une importance significative. Deuxièmement, et aspect plus important, j’admets que, même si le mémoire de recherche était un volet plus pertinent du programme que ce que donne à penser l’entente d’inscription, il devrait, en tant que travail universitaire axé sur l’utilisation et la démonstration d’aptitudes à la recherche, se voir accorder davantage de poids ou d’importance au regard du développement professionnel de l’appelante qu’au regard de son emploi en tant que tel. En tant que travail universitaire, il rend compte de compétences correspondant à une diversité d’activités possibles qui requièrent des aptitudes à la recherche avancée. Sur ce point, je relève aussi qu’une lettre de l’employeur de l’appelante, produite comme preuve, confirmait que le programme suivi par l’appelante n’était pas rattaché à son emploi[3]. L’université écrivait aussi que le programme n’était pas un [TRADUCTION] « cours ponctuel lié à l’emploi ». Cette correspondance reconnaît qu’un programme tel que ce diplôme de maîtrise décerné par un établissement d’enseignement supérieur n’est pas généralement offert, ni considéré sur le marché, en tant que programme lié à un travail particulier. L’avocate de l’intimée ne s’est pas opposée au dépôt de ces deux lettres dans la preuve, mais il s’agit évidemment de ouï‑dire, dont les auteurs n’ont pu être contre‑interrogés. Je n’accorderais pas à cette correspondance un poids décisif, mais ce sont des éléments de preuve qui ne sauraient être totalement mis de côté, surtout dans une procédure informelle comme celle‑ci[4].

 

[12]    Un autre lien possible entre le travail de l’appelante et le programme en cause est le fait que le salaire de l’appelante repose en partie sur son niveau d’instruction, puisqu’elle a reçu une augmentation automatique lorsqu’elle a obtenu son diplôme de maîtrise. L’intimée invoque ce lien avec insistance et fait valoir que, si j’interprète convenablement la disposition en cause, je ne devrais pas limiter mon analyse à me demander s’il existe un lien entre le contenu du programme et les fonctions du poste, et c’est précisément, affirme‑t‑elle, ce que fait l’analyse susmentionnée. Elle voudrait que je dise que l’exclusion insérée dans la disposition en cause est suffisamment large pour exclure le crédit d’impôt, non seulement lorsqu’il existe un lien accessoire tel qu’une augmentation de salaire, mais aussi lorsque l’étudiant n’aspire à aucune nouvelle carrière.

 

[13]    S’agissant de l’augmentation de salaire, la preuve ne montre pas clairement que le diplôme n’allait être reconnu en l’espèce qu’à la condition que ce soit un diplôme en « éducation ». La réponse à l’avis d’appel n’évoque rien de semblable, or, d’après l’intimée, je devrais présumer que tel était le cas. Je ne crois pas être en mesure d’énoncer une telle hypothèse pour la Couronne, puisqu’elle n’a été ni plaidée ni prouvée. Si le diplôme était une maîtrise en sciences de l’espace, la structure salariale du conseil scolaire élèverait‑elle quand même l’échelle de rémunération de l’appelante? Même si c’était le cas, cette conséquence, c’est‑à‑dire le fait de détenir le diplôme, signifierait‑elle nécessairement que le programme a été suivi par l’appelante en rapport avec son emploi à l’école? Je ne le crois pas. Si son employeur lui a reconnu un titre à des fins de rémunération, c’est parce qu’elle a suivi le programme, mais cet employeur dément l’existence d’un rapport entre le programme et l’emploi, et c’est là que réside la distinction. Par ailleurs, l’appelante, et ici j’accepte son témoignage, a nié avoir suivi le programme pour l’augmentation de salaire qu’il promettait. Elle a dit qu’elle a suivi le programme comme moyen de sortir de sa vie routinière de mère et d’accroître ses connaissances et son niveau d’instruction, tout en continuant à travailler, ce qui fait ressortir le caractère purement accidentel et accessoire de l’augmentation de salaire. Le texte de la disposition en cause dit que le programme doit être un programme « que l’étudiant suit […] en rapport avec » son emploi. Une analyse purement subjective (du point de vue de l’employeur ou de l’étudiant) n’est peut‑être pas justifiée, mais la disposition ne dit pas néanmoins que les retombées du programme pour l’étudiant peuvent constituer un facteur de rattachement.

 

[14]    L’avocate de l’intimée fait valoir qu’une interprétation aussi étroite de la disposition en cause ne se justifie pas. Selon elle en effet, l’exclusion contenue dans cette disposition doit être interprétée d’une manière libérale de telle sorte que sera refusé le crédit d’impôt pour études dès lors que l’étudiant n’aspire pas à changer de carrière. Pour défendre une interprétation aussi libérale, l’avocate de l’intimée invoque deux éléments de l’interprétation des lois : l’un qui concerne la réduction de l’importance du lien entre les « fonctions » du poste et le contenu du programme, l’autre qui concerne une modification apportée à la disposition en cause, modification qui militerait en faveur d’une application étendue de l’exclusion contenue dans la disposition. L’appelante fait valoir en effet que seul un lien fonctionnel direct entre le fait d’avoir suivi le programme et le fait d’occuper le poste concerné (par exemple un lien direct avec les tâches accomplies ou avec l’obligation imposée par l’employeur de suivre le programme) suffirait à priver une personne du crédit d’impôt pour études et elle invoque la décision récente rendue dans l’affaire Reiner c. La Reine, 2004‑2727(IT)I (le 10 février 2005)[5].

 

[15]    L’avocate de l’intimée soutient qu’une simple lecture de la disposition montre clairement que l’alinéa susmentionné renferme deux exclusions. L’une (l’exclusion générale) est le cas où il existe un rapport entre le programme et l’emploi (et non un rapport entre le contenu du cours et les tâches de l’emploi) et l’autre (l’exclusion particulière) est le cas où le programme est suivi dans le cadre des tâches de l’emploi. Elle soutient qu’il ne faut pas voir comme une condition de l’exclusion générale l’existence d’un lien entre le contenu du cours et les exigences du poste (les fonctions) (d’autant plus que les « fonctions » sont mentionnées dans l’exclusion particulière mais non dans l’exclusion générale). Dans l’exclusion générale, tout rapport, au sens le plus large, devrait suffire. Elle invoque un passage souvent cité de l’arrêt Nowegijick v. The Queen[6], où la Cour suprême du Canada avait jugé que les mots « quant à » signifient, entre autres, « concernant », « relativement à » ou « par rapport à » et constituent probablement la plus large des expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes. Outre que ce passage donne à penser que l’expression « par rapport à » n’est pas elle‑même la plus étendue des expressions, il ne fait pas intervenir d’implications contextuelles de l’emploi de l’expression comme celles qui pourraient devoir être considérées lorsque le contexte concerne un sujet qui est « suivi […] en rapport avec » un autre sujet susceptible de lui être apparenté. Le seul lien réel ici entre le programme dont il s’agit et le poste occupé est la possibilité pour l’appelante de faire bénéficier sa salle de classe de son supplément de connaissances. La disposition de la Loi ne fait pas état de ces liens possibles. Elle fait plutôt état, à mon avis, d’un lien réel. Maints programmes universitaires présentent une utilité potentielle dans une diversité de milieux professionnels. Cette potentialité n’établit pas un lien entre le fait de suivre un tel programme et le fait d’occuper un poste en particulier – même un poste que l’on occupe en même temps que l’on suit le programme. Lorsque l’accomplissement du programme « se rapporte » principalement à autre chose que le poste en tant que tel, sans application directe et pertinente aux tâches de l’emploi, le lien qui est requis pour que soit refusé le crédit d’impôt n’existe pas, à mon avis.

 

[16]    Sans vouloir m’étendre davantage sur la question, je ne vois dans l’emploi de l’expression « en rapport avec », dans la disposition en cause, aucun élément qui permette d’affirmer que le plus large des facteurs de rattachement doit être jugé suffisant pour que soit refusé un crédit d’impôt pour études à un étudiant qui approfondit sa formation professionnelle alors même qu’il travaille dans cette profession. Ainsi que le disait simplement le juge Beaubier, au paragraphe 11 de la décision Reiner, dans des circonstances pour ainsi dire identiques : « […] le programme n’était pas une composante des fonctions de son emploi. Il ne concernait pas non plus les tâches de son emploi. Il concernait plutôt sa profession ». Dans cette affaire comme en l’espèce, le lien en était un entre le programme et la profession de l’étudiante, et non entre le programme et l’emploi occupé par l’étudiante dans cette profession. Le lien indirect ou accidentel entre l’emploi et le programme (y compris l’augmentation salariale qui en a résulté) n’a pas été jugé pertinent ou suffisant et je souscris à cette conclusion. Par ailleurs, j’ajouterais aux principes exposés dans la décision Reiner que, lorsque le programme ou le contenu du programme a une application directe et pertinente aux tâches exercées par l’étudiant dans son emploi, on sera alors peut‑être fondé à dire que le fait d’avoir suivi le programme est rattaché à cet emploi, même si le programme est axé sur une « profession ».

 

[17]    L’avocate de l’intimée fait valoir que je devrais établir une distinction d’avec la décision Reiner ou déclarer ce précédent inapplicable. Selon elle, contrairement à la décision Reiner, il est établi ici que le contenu du programme était rattaché au poste de l’appelante. Si j’ai, semble‑t‑il, examiné attentivement le contenu du programme plus rigoureusement que cela n’a été fait dans la décision Reiner, il n’en reste pas moins que ma conclusion, à la suite de cet examen, est que, en l’espèce, le programme a été suivi à des fins de développement personnel et professionnel et que le contenu du programme était principalement lié ou rattaché à ce développement et non lié de façon appréciable au poste de l’appelante. Par conséquent, l’application d’un précédent ne saurait être écartée sur la base du contenu du programme.

 

[18]    L’avocate de l’intimée fait aussi valoir que tout professionnel, par exemple un enseignant, pourrait prétendre qu’un programme d’études a pour objet son avancement ou son développement professionnel et par là priver la disposition générale d’exclusion de toute signification ou la rendre applicable uniquement aux non‑professionnels. Selon elle, il faut donner quelque effet à la disposition en cause et cette disposition ne peut être interprétée d’une manière qui lui enlève toute signification. Manifestement, des facteurs de rattachement ou des circonstances peuvent être trouvés, qui donnent une signification à la disposition générale d’exclusion – signification qui s’accorde avec le texte de la disposition et avec son objet apparent tel qu’il ressort de ce texte. L’une de ces circonstances est le cas où le contenu du programme a une application directe et pertinente aux tâches d’un emploi, que l’étudiant soit un professionnel ou non[7]. Ce n’était, semble‑t‑il, pas le cas dans l’affaire Reiner et ce n’est pas le cas dans le présent appel. En tout état de cause, la disposition telle qu’elle est formulée a une signification sans que l’on cherche à l’élargir en trouvant des liens généraux, vagues, accidentels, indirects ou potentiels entre un programme et un emploi, pour ainsi refuser l’avantage du crédit d’impôt pour études à des personnes comme l’appelante, qui ont cherché, tout en travaillant, à améliorer leur situation en manifestant un intérêt nouveau ou renouvelé pour des études supérieures.

 

[19]    Je relève aussi que la décision Reiner ne tient pas compte du second argument de l’avocate de l’intimée avancé au soutien de la position selon laquelle la disposition générale d’exclusion doit être interprétée d’une manière libérale de telle sorte que sera refusé le crédit d’impôt pour études dès lors qu’il existe un lien (accidentel ou non) entre le programme et l’emploi ou dès lors que l’étudiant n’envisage pas d’embrasser une nouvelle carrière. Cet argument concerne une modification apportée en mars 2004 à la disposition en cause.

 

[20]    La modification dont parle l’avocate de l’intimée figurait dans le budget fédéral 2004, qui renfermait la résolution suivante :

 

Pour les années d’imposition 2004 et suivantes, sera compris parmi les programmes de formation admissibles pour l’application du crédit d’impôt pour études le programme, admissible par ailleurs, qu’un particulier suit en rapport avec une charge ou un emploi ou dans le cadre des fonctions y afférentes.

 

[21]    Les renseignements supplémentaires distribués avec les documents du budget fédéral le 23 mars 2004 renfermaient l’observation suivante :

 

Le crédit d’impôt pour études ne peut actuellement être demandé par des étudiants qui poursuivent des études postsecondaires liées à leur emploi actuel [en raison du par. 118.6(1) « programme de formation admissible » b) — ed]. Il est proposé dans le budget que cette restriction soit abolie, pourvu qu’aucune partie du coût des études ne soit remboursée par l’employeur. On entend ainsi faciliter la poursuite d’un apprentissage permanent lié à l’emploi.

 

[22]    L’avocate de l’intimée laisse entendre que la résolution a eu pour effet de modifier la politique à partir de l’année d’imposition 2004 et que, considérée en même temps que le commentaire des renseignements supplémentaires, la résolution montre que, durant les années antérieures, l’intention du législateur était restrictive et limitait l’application du crédit d’impôt pour études en excluant les « programmes d’apprentissage permanent lié à l’emploi ». Si le commentaire des renseignements supplémentaires avait force de loi, l’avocate de l’intimée aurait raison, mais il n’a pas force de loi, et je ne partage pas l’idée selon laquelle il devrait être considéré comme décisif, ni même persuasif, quant à l’objet de la disposition d’exclusion considérée dans le présent appel. Qui plus est, le recours à de telles aides externes pour l’interprétation d’un texte ne peut avoir lieu que lorsqu’il y a ambiguïté dans le texte et l’avocate de l’intimée n’a pas prétendu que la disposition en cause était ambiguë. Elle a même affirmé que la disposition n’était pas ambiguë[8] et je partage ce point de vue. Et d’ailleurs, j’observe que la Loi d’interprétation du Canada, en son article 45, prévoit que la modification d’un texte ne constitue pas ni n’implique une déclaration sur l’état antérieur du droit. La modification est d’une grande portée et éliminera la nécessité de faire les distinctions établies dans la présente analyse. Les programmes imposés par l’employeur et les programmes dont le contenu est rattaché de façon appréciable à un poste ne se heurteront plus au refus du crédit d’impôt pour études, à condition que le coût du programme ne soit pas supporté par l’employeur. La nouvelle disposition rend compte d’une attitude du législateur qui s’accorde avec l’interprétation étroite de l’ancienne disposition d’exclusion, une interprétation dictée par le texte exprès et non équivoque de l’ancienne disposition et, s’il y a incertitude ou ambiguïté dans ce texte, alors elle doit être résolue en faveur du contribuable[9].

 

[23]    Pour tous ces motifs, l’appel est accueilli avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de mai 2005.

 

 

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour d’avril 2006.

 

Christian Laroche, LL.B.

 


 

 

RÉFÉRENCE :

2005CCI109

 

N° DU GREFFE :

2004‑2973(IT)I

 

INTITULÉ :

Clementina C. Castela c.

Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 28 janvier 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

 

DATE DU JUGEMENT :

L’honorable juge J.E. Hershfield

 

Le 11 mai 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

Avocate de l’intimée :

Me Amy Francis

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Elle n’a pas travaillé ni gagné de revenu durant juillet et août 2002. L’intimée a admis que le crédit d’impôt pour études applicable à juillet devrait être accepté, puisque l’appelante ne travaillait pas durant cette période.

[2] Sept des quinze cours énumérés dans l’entente d’inscription étaient des cours axés sur la recherche et l’appelante les a tous suivis. Ils représentaient 12 de 36 crédits, y compris un projet de recherche et un exposé de recherche, à raison de un crédit chacun. Sur les huit cours restants énumérés (qui représentaient 24 crédits), trois avaient été remplacés par des cours qui n’ont pas été précisés à l’audience.

[3] J’observe aussi que, d’après la réponse, l’employeur n’avait aucun lien avec le programme. L’employeur n’a pas financé, payé ou remboursé le programme suivi par l’appelante.

[4] Dans des cas de procédure informelle, les considérations pratiques relatives au coût supporté par les parties pour se plier à de strictes règles de preuve, par exemple le fait d’assigner tout témoin à comparaître dès lors qu’il peut attester un fait, rendant ainsi plus fiable la preuve produite, doivent être mises en équilibre avec le risque pour la Cour de ne pas disposer d’une preuve fiable, lorsque la preuve n’est pas produite d’une manière conforme aux règles strictes en question. Lorsque, dans un cas donné, le non-respect des règles strictes ne menace pas, selon la prépondérance de la preuve, la fiabilité vraisemblable de la preuve, une valeur peut être attribuée à cette preuve dans des cas de procédure informelle. Ici, les lettres non contestées sont presque génériques de par leur contenu et, dans cette mesure, elles semblent assez fiables pour ce qui concerne la présente affaire. Dans la plupart des cas, un diplôme de maîtrise n’est certainement pas vu comme propre à un « emploi unique », que ce soit par les universités ou par les employeurs.

[5] L’avocate de l’intimée a signalé ce précédent à la Cour et à l’appelante, au cours d’un argument avancé après l’audition de l’appel.

[6] 83 DTC 5041, à la page 5045 (CSC).

[7] J’observe ici la distinction faite entre la disposition générale d’exclusion et la disposition particulière d’exclusion. Un employeur pourrait offrir à un employé, ou obliger un employé à suivre, un programme de formation, ou il pourrait considérer comme temps de travail les heures consacrées au programme par l’employé. Ces facteurs de rattachement peuvent être englobés dans la disposition particulière d’exclusion, puisque dans ces cas, le fait de suivre le programme pourrait bien « faire partie » des fonctions exercées par l’étudiant dans son emploi. Mais trouver une valeur spéciale, une utilité ou une application du contenu du programme aux fonctions exercées dans un emploi ne s’accorde pas avec la disposition particulière d’exclusion. Toutefois, trouver une valeur spéciale pertinente, une utilité ou une application du contenu du programme aux fonctions exercées dans un emploi peut fort bien intéresser l’application de la disposition générale d’exclusion.

[8] Paragraphe 12 de l’argumentation écrite supplémentaire de l’intimée.

[9] Voir l’arrêt Johns-Manville Canada Inc. v. The Queen, 85 DTC 5373 (C.S.C.), et l’arrêt Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre‑Dame de Bon‑Secours, [1994] 3 R.C.S. 3.

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