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Date: 20000803

Dossiers: 98-862-IT-I

ENTRE :

JEAN D. BRASSARD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Bowman

[1]            Ces appels ont été interjetés à l'encontre des cotisations établies pour les années d'imposition 1993 et 1994 de l'appelant. En établissant ces cotisations, le ministre a refusé d'admettre la déduction des pertes que l'appelant a demandée dans le calcul de ses revenus pour les deux années.

[2]            L'appelant est un comptable agréé. Il pratiquait sa profession à Sault Ste. Marie (Ontario). En outre, l'appelant était copropriétaire avec sa femme d'une entreprise, Brassard Larouche Distributing Agencies, qui distribuait des produits Amway ( « l'entreprise Amway » ). Il a réclamé une perte dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise Amway. Le ministre n'a pas admis la déduction.

[3]            Les paragraphes 3 à 7 de la réponse à l'avis d'appel exposent assez nettement le problème.

3.              Dans le calcul de son revenu total pour les années d'imposition 1993 et 1994, l'appelant a inclus les montants suivants:

                                                                                                1993                         1994

Pertes nettes d'entreprise AMWAY (11 593 $)                (12 714 $)

Revenus nets de profession libérale 30 424      37 539

Revenu total          18 831 $ 24 825 $

4.              Par avis de cotisation datés du 2 juin 1994 et du 18 mai 1995, le ministre du Revenu national (le "Ministre") a initialement cotisé l'appelant pour les années d'imposition 1993 et 1994 respectivement.

5.              Par avis de nouvelle cotisation datés du 8 avril 1997, le Ministre a refusé lesdites pertes nettes d'entreprise AMWAY pour les années en litige.

6.              Pour établir les nouvelles cotisations, le Ministre a tenu pour avérés, notamment, les faits suivants:

a)              depuis au moins 1987, l'appelant et son épouse, Marie-Claude Larouche Brassard, distribuent des produits AMWAY sous le nom de Brassard, Larouche Distributing Agencies (L'"Activité");

b)             à l'égard de cette Activité, l'appelant a déclaré, durant les années d'imposition 1987 à 1994 inclusivement, les revenus bruts et sa quote-part des pertes nettes de l'Activité tels qu'indiqués à l'annexe "A" ci-jointe;

c)              l'appelant est un comptable agréé à son propre compte qui exploite sa profession de deux endroits différents, soit de sa résidence sise au 77 Princess Cr., Sault Ste Marie, Ontario, et de son bureau situé à Dubreuilville, Ontario;

d)             l'exploitation de sa profession de comptable est une entreprise distincte de l'Activité;

e)              depuis le 1er janvier 1993, l'épouse a une déficience physique grave et prolongée qui limite de façon marquée sa capacité de marcher;

f)              durant les années en litige, l'appelant avait quatre enfants à sa charge;

g)             le temps que l'appelant peut consacrer à l'Activité est très limité;

h)             de 1990 à 1994, l'Activité a attribué les rémunérations suivantes à l'épouse de l'appelant:

                1990:        14 000 $

                1991:        14 000 $

                1992:        18 000 $

                1993:        20 000 $

                1994:        26 000 $

i)               l'Activité, telle qu'exploitée durant les années d'imposition 1993 et 1994, ne pouvait être profitable;

j)               la raison principale de l'appelant pour exploiter cette Activité n'était pas d'en tirer un profit;

k)              l'appelant n'avait pas un espoir raisonnable de tirer un profit de l'Activité durant les années d'imposition 1993 et 1994; et

l)               durant les années en litige, l'Activité ne constituait pas une source de revenu pour l'appelant.

B.             QUESTIONS EN LITIGE

7.              Les questions en litige consistent à déterminer:

a)              si la profession de comptable de l'appelant était une entreprise distincte de l'Activité; et

b)             si l'appelant avait un espoir raisonnable de tirer un profit de l'Activité durant les années d'imposition 1993 et 1994, et, par conséquent, si l'appelant avait droit de déduire les pertes nettes d'entreprise reliées à cette Activité aux montants de 11 593 $ et 12 714 $ respectivement.

[4]            Cette cause démontre, encore une fois, la tendance des employés de Revenu Canada lorsqu'un contribuable déclare une perte, d'entonner l'incantation rituelle « pas d'espoir raisonnable de tirer un profit » ( « PERTUP » ) (en anglais « NREOP » ). Dès qu'ils se trouvent en mesure de psalmodier ce mantra, ils cessent d'examiner le problème. PERTUP devient un substitut de l'analyse rationnelle.

[5]            Dans cette cause, PERTUP n'a rien à voir avec les deux entreprises. M. Brassard exploitait une entreprise de comptabilité et, avec sa femme, une autre entreprise de distribution des produits Amway. Il employait sa femme dans son entreprise de comptable agréé comme réceptionniste, sténographe, documentaliste et femme à tout faire, surtout lorsqu'il était absent, ce qui était assez fréquent parce que sa pratique couvrait une grande partie du nord de l'Ontario. Pour des raisons qui me restent un mystère, il a décidé de déduire le salaire de sa femme dans le calcul du profit de l'entreprise Amway. Comme elle était copropriétaire de cette entreprise, elle n'avait pas droit à un salaire en tout cas. Cependant, elle avait droit à un salaire en contrepartie des services qu'elle a rendus à l'entreprise de comptabilité.

[6]            Il s'agit ici d'une attribution erronée du salaire de Mme Brassard à l'entreprise Amway, alors qu'il aurait dû l'attribuer à l'entreprise de comptabilité. Si l'appelant avait attribué le salaire de sa femme à l'entreprise de comptabilité, comme il convenait et comme l'exige le paragraphe 4(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, il aurait obtenu le même résultat, sauf que l'entreprise Amway aurait fait un profit et que le profit de l'entreprise de comptabilité aurait été réduit en conséquence.

[7]            Les appels sont donc admis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations conformément à ces motifs en tenant compte du fait que le salaire de la femme de l'appelant doit être imputé au revenu de l'entreprise de comptabilité et non à celui de l'entreprise Amway.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'août 2000.

« D.G.H. Bowman »

J.C.A.

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