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Date: 20010406

Dossier: 1999-3835-IT-G

ENTRE :

TILOKIE (TOM) BHAGWANDIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

La juge Lamarre, C.C.I

[1]            Il s'agit d'appels interjetés à l'encontre des cotisations établies par le ministre du Revenu national (le " ministre ") en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ") pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996.

[2]            Dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996, l'appelant a déduit les montants de 35 889 $, de 35 893 $ et de 25 129 $ respectivement à titre de pertes agricoles.

[3]            Le ministre du Revenu national a délivré des avis de nouvelle cotisation, datés du 12 janvier 1998, restreignant les pertes agricoles de l'appelant conformément au paragraphe 31(1) de la Loi.

[4]            En établissant la cotisation à l'égard de l'appelante, le ministre s'est fondé, entre autres, sur les hypothèses suivantes :

                [TRADUCTION]

a)              pendant toute la période pertinente, l'appelant était employé par Consoltex Inc.; (admis)

b)             l'appelant a gagné les montants suivants d'un revenu d'emploi pendant les années d'imposition 1994, 1995 et 1996 respectivement : (admis)

                Année d'imposition            Revenu du feuillet T4

                                1994                                                         34 832,59 $

                                1995                                                         41 601,04 $

                                1996                                                         29 269,69 $

c)              l'appelant a acquis 100 acres de terres agricoles en 1983; (admis)

d)             pendant la période allant de 1983 à 1998, l'appelant a déclaré un revenu agricole brut, des dépenses agricoles, des pertes agricoles et un revenu d'emploi comme cela est indiqué à l'annexe A [modifiée] de la présente réponse; (admis)

e)              pendant la période en litige, l'exploitation agricole était subordonnée à l'emploi de l'appelant pour ce qui est du revenu; (admis)

f)              pendant les années d'imposition 1994, 1995 et 1996, l'appelant ne pouvait raisonnablement s'attendre à tirer de l'exploitation agricole la plus grande partie de son revenu ou à ce que ce soit le centre de son travail habituel; (admis)

g)             pendant la période en litige, l'orientation professionnelle de l'appelant n'a pas changé; (admis)

h)             malgré les pertes importantes subies au cours des 15 dernières années, l'appelant n'a pas démontré qu'il prévoyait modifier la manière d'exploiter son entreprise agricole ou le type de cette dernière;

i)               le revenu de l'appelant, pendant les années d'imposition 1994, 1995 et 1996, ne provenait principalement ni de l'agriculture ni d'une combinaison de l'agriculture et d'une quelconque autre source.

[5]            Pour que l'appelant puisse demander la déduction de la totalité des pertes agricoles, il doit démontrer que son revenu provenait principalement de l'agriculture ou d'une combinaison de l'agriculture et d'une quelconque autre source (article 31 de la Loi).

[6]            La Cour d'appel fédérale a élaboré, dans l'affaire La Reine c. Donnelly, [1998] 1 C.F. 513, aux pages 520 et 521 (97 DTC 5499, aux pages 5500 et 5501), les paramètres devant être utilisés afin que l'on détermine si le revenu d'un contribuable provient principalement de l'agriculture :

                Pour déterminer si l'agriculture est la principale source de revenu d'un contribuable, il faut établir une comparaison favorable entre cette source de revenu et l'autre source de revenu du contribuable sous l'angle des capitaux investis, du temps consacré à chacune et de la rentabilité présente et future. Il s'agit d'un critère à la fois relatif et objectif. Ce n'est pas une simple question de proportion. Ces trois facteurs doivent être soupesés et aucun d'eux n'est décisif. Malgré tout, il ne saurait y avoir de doute que le facteur de la rentabilité est le principal obstacle auquel se heurtent les contribuables qui cherchent à convaincre les tribunaux que l'agriculture est leur principale source de revenu. Il en est ainsi parce que les contribuables ont la charge de prouver que le revenu net qu'ils pourraient raisonnablement s'attendre [à] tirer de l'agriculture est considérable par rapport à leur autre source de revenu : il s'agit invariablement d'un revenu d'emploi ou de profession libérale. [...]

                En résumé, les capitaux investis, le temps consacré à l'activité et la rentabilité sont les facteurs cumulatifs qui détermineront si l'agriculture sera considérée comme une " entreprise secondaire " visée par les dispositions relatives à la perte agricole restreinte.

[7]            En l'espèce, il n'est pas contesté que l'appelant ait consacré tout son argent à son élevage de vaches allaitantes. Toutefois, les chiffres indiquent que le revenu brut de l'appelant provenant de l'agriculture était de beaucoup inférieur à son revenu d'emploi pendant les années en litige et les années antérieures et ultérieures. L'appelant a déclaré qu'il avait conservé un troupeau d'environ 25 vaches au cours de chacune de ces années et il a reconnu qu'avec ce nombre, il ne lui serait jamais possible de gagner sa vie grâce à l'entreprise. Il a déclaré que, simplement dans le but d'atteindre le seuil de rentabilité, il devait doubler son troupeau.

[8]            Bien qu'il ait indiqué dans son témoignage qu'il travaillait pendant les nuits pour son employeur, Consoltex, et qu'il ne dormait que cinq heures par jour, ce qui lui permettait de consacrer beaucoup de temps à la ferme pendant le jour, il a également reconnu qu'il ne pouvait survivre avec sa ferme agricole sans son revenu d'emploi. Il a de plus affirmé qu'il n'avait jamais refusé de faire des heures supplémentaires pour son employeur et qu'en réalité, il en faisait très souvent.

[9]            Comme le juge d'appel Robertson l'a déclaré dans l'affaire Donnelly, à la page 522 (DTC : à la page 5501) :

[...] Cette constatation m'amène inexorablement à mon troisième point : le contribuable a reconnu qu'il avait besoin de son revenu provenant de l'exercice de la médecine pour vivre et financer l'achat de nouveaux chevaux et d'autres aspects de ses activités d'élevage. [...] Dans ces circonstances, il est difficile de voir comment on peut considérer le contribuable comme un homme ayant modifié son orientation professionnelle. On ne saurait nier que le contribuable consacrait énormément de temps à l'élevage des chevaux, mais ce facteur quantitatif, pris isolément, ne reflète pas fidèlement la réalité, [à] savoir que le contribuable dépendait financièrement de l'exercice de la médecine, qui était son principal gagne-pain.

[10]          L'appelant a indiqué dans son témoignage que son fils, qui était étudiant à cette époque lui donnait un coup de main à la ferme. Il avait récemment prévu d'acheter plus de terres afin d'agrandir son troupeau, dans l'espoir de prendre sa retraite un jour et de vivre de la ferme. Malheureusement, son fils est décédé dans un accident et son rêve est maintenant terminé. Bien que cela soit très triste et que je sois désolée pour l'appelant, mon devoir est d'examiner la preuve soutenant une conclusion selon laquelle l'appelant pouvait raisonnablement s'attendre à réaliser des profits considérables de l'agriculture. Il semble ressortir clairement du témoignage de l'appelant que les dépenses de 20 000 $ par année, avant la déduction pour amortissement, ne peuvent être réduites de beaucoup s'il souhaite continuer d'exploiter la ferme comme il le fait actuellement. Il semble également évident que, puisqu'il ne peut s'occuper que d'un troupeau de 25 vaches à cette ferme, il y a peu de chances qu'il puisse jamais tirer un profit de cette ferme. Dans les circonstances, et comme l'a démontré l'affaire Donnelly, tout doute quant à la question de savoir si le revenu de l'appelant provient principalement de l'agriculture est réglé une fois que l'on a examiné l'élément de la rentabilité.

[11]          Je conclus, selon la preuve, que cette ferme n'était pas et ne sera probablement pas rentable, du moins si l'appelant l'exploite au niveau où il semble en mesure de le faire en ce qui a trait au temps et au capital disponible.

[12]          Pour ces motifs, il m'est difficile de conclure que le revenu de l'appelant provenait principalement de l'agriculture ou d'une combinaison de l'agriculture et d'une quelconque autre source au sens de l'article 31 de la Loi.

[13]          L'intimée ayant déjà établi une cotisation à l'égard de l'appelant au motif qu'il a droit à une perte agricole restreinte, en vertu de l'article 31, pour chacune des années en litige, les cotisations demeureront inchangées.

[14]          Pour ce qui est de la question secondaire de savoir si l'intimée avait le droit de rajuster les dépenses en fonction de documents fournis par l'appelant, aucune preuve n'a été déposée devant cette cour qui justifierait cette dernière de réviser les rajustements effectués par le ministre.

[15]          Pour ces motifs, les appels sont rejetés.

[16]          En ce qui concerne les dépens, même si l'intimée y aurait normalement droit, je n'en adjugerai aucun en l'espèce compte tenu de la situation financière précaire de l'appelant.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour d'avril 2001.

" Lucie Lamarre "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 19e jour d'octobre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Mario Lagacé, réviseurAnnexe A modifiée

Année                           Revenu                    Dépenses agricoles                  Pertes agricoles                         Revenu

d'imposition               agricole brut                                                                                                                     d'emploi

1997                                 8 203 $                            32 581 $                   (24 378 $)                                34 252 $

1996                             7 796 $                             32 925 $                                 (25 129 $)                              29 269 $

1995                             7 001 $                             42 894 $                                 (35 893 $)                              41 601 $

1994                             8 784 $                             44 674 $                                 (35 889 $)                              34 832 $

1993                               12 820 $                             45 362 $                   (32 542 $)                                39 566 $

1992                               6 337 $                              34 110 $                   (27 773 $)                                25 824 $

1991                               6 247 $                              35 518 $                   (29 271 $)                                35 901 $

1990                               5 000 $                              21 692 $                   (16 692 $)                                19 503 $

1989                               14 345 $                             24 368 $                   (10 023 $)                                10 010 $

1988                               6 274 $                              19 888 $                   (13 614 $)                                16 103 $

1987                               12 525 $                             21 761 $                   ( 9 236 $)                                 9 692 $

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-3835(IT)G

ENTRE :

TILOKIE (TOM) BHAGWANDIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 5 avril 2001 à Ottawa (Ontario) par

l'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions

Pour l'appelant :                         L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                 Me Cathy Chalifour

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996 sont rejetés, sans dépens en faveur de l'intimée, selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour d'avril 2001.

" Lucie Lamarre "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour d'octobre 2001.

Mario Lagacé, réviseur


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