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Date: 20010405

Dossiers: 1999-3212-GST-I,

1999-3213-GST-I

ENTRE :

482733 ONTARIO INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Sarchuk, C.C.I.

[1]            Les appels en l'espèce sont interjetés par 482733 Ontario Inc. à l'encontre de deux cotisations portant les numéros 05DP0013723 et 414149, établies par le ministre du Revenu national (le " ministre ") le 23 septembre 1997 et le 29 avril 1998 respectivement. Les deux cotisations portent sur la période du 1er décembre 1995 au 31 décembre 1996 (la période) et découlent de la même série d'opérations. Cependant, la question en litige dans chaque appel est différente et sera analysée séparément.

[2]            Première cotisation : l'appelante est inscrite aux fins de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi) depuis le 1er décembre 1995. Au cours de la période, elle a déclaré avoir perçu 65 674,15 $ au titre de la taxe sur les produits et services (TPS) et elle a demandé des crédits de taxe sur les intrants (CTI) de 75 748,26 $, de sorte qu'elle a déclaré une taxe nette remboursable de 10 674,11 $ pour la période. Dans la nouvelle cotisation qu'il a établie à l'égard de l'appelante, le ministre a refusé les CTI de 62 438,26 $, imposé une pénalité de 2 828,64 $ et réclamé 1 505,60 $ au titre des intérêts. Pour ce faire, il s'est fondé sur les hypothèses suivantes :

                [TRADUCTION]

4 i)            l'appelante a demandé 62 438,26 $ au titre de CTI qui ne se rapportaient pas à une fourniture taxable au taux de 7 %;

4 j)            les fournitures de services de transport par plus d'un transporteur pour lesquelles l'appelante a demandé des CTI de 62 438,26 $ sont des fournitures détaxées en vertu du paragraphe 1(1) et de l'article 11 de la partie VII de l'annexe VI de la Loi;

4 k)           aucune taxe n'était payable ou n'a été payée par l'appelante sur la fourniture de services de transport par plus d'un transporteur à l'égard de laquelle les CTI ont été refusés;

4 l)            conformément au paragraphe 169(1) de la Loi, pour qu'il y ait crédit de taxe sur les intrants, il doit y avoir une taxe payable ou payée relativement à une fourniture;

4 m)          l'appelante n'a obtenu ni maintenu aucun renseignement relativement aux CTI demandés et refusés, contrairement au paragraphe 169(4) de la Loi et au Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants.[1]

[3]            Howard Winick (M. Winick) a témoigné pour le compte de l'appelante sur la cotisation en cause. Il a déclaré que, le 1er décembre 1995, l'appelante avait acheté à Kay Ann Marks (Mme Marks) une entreprise appelée KM Delivery Service (KM)[2]. L'entreprise de KM consistait à offrir des services de " gestion complète de services de livraison " à quatre clients, dont aucun ne souhaitait se lancer dans la mise sur pied d'un système interne de livraison qui nécessiterait la mise à contribution de ses propres employés et chauffeurs. Les livraisons effectuées pour les deux principaux clients, Charles Abel (Abel) et Benjamin Film Labs (Benjamin), représentaient plus de 85 % du chiffre d'affaires de la compagnie. M. Winick a indiqué que Abel était une compagnie de finition de photos et qu'elle avait conclu avec KM un contrat de livraison de son produit, principalement des films finis et non finis, à ses magasins situés dans tout le sud de l'Ontario, de Kingston à Windsor. En général, KM ramassait le produit à l'usine de Abel à Toronto. Les films finis et non finis se trouvaient dans de grands bacs; ils étaient placés dans des sacs séparés sur lesquels Abel inscrivait le numéro du magasin de destination. Selon M. Winick, les sacs étaient apportés à l'entrepôt de l'appelante pour y être triés, au besoin, pour que soient établis les itinéraires de livraison et pour que soient prises les mesures nécessaires à l'expédition des articles[3]. Une fois le triage effectué et l'étape de l'organisation franchie, le " produit " était remis à des " entrepreneurs autonomes " ou à des " courtiers ", c'est-à-dire des chauffeurs ayant leur propre véhicule[4], qui livraient le produit tel qu'il avait été convenu. Dans tous les cas, l'appelante était payée par ses clients selon le nombre de livraisons effectuées. Les services de livraison fournis à Benjamin étaient en pratique identiques à ceux qui étaient fournis à Abel. Le reste du chiffre d'affaires de KM, soit 15 %, provenait de services de livraison de matériel d'imprimerie et de colis pour Sears. Comme c'était le cas pour les produits de finition de photos, KM devait uniquement, aux termes de l'entente, ramasser un grand bac rempli de matériel d'imprimerie, étiqueté et portant l'adresse du destinataire, et en assurer la livraison[5].

[4]            Thèse de l'appelante — première cotisation : L'argument de l'appelante selon lequel le ministre a eu tort de refuser sa demande de CTI est double. Premièrement, les livraisons étaient effectuées par des " courtiers " qui, par conséquent, en tant que transporteurs, devaient percevoir la TPS. Deuxièmement, il n'y avait aucun " service continu de transport de marchandises " puisque, " dans les faits, l'appelante devenait l'expéditeur " et que, par conséquent, il n'y avait pas plus d'un transporteur. L'appelante soutient également que, dans 85 % des cas approximativement, il y avait une escale qui, à l'occasion, pouvait durer jusqu'à quatre ou cinq jours. Son représentant a fait valoir que les " bacs de produits portant les codes des magasins " étaient ramassés chez les clients, puis " rapportés à notre entrepôt, où l'on effectuait le triage, établissait l'itinéraire et informait les transporteurs de leurs destinations ". L'appelante invoque la décision rendue dans l'affaire American Adventures 2000 c. La Reine[6] à l'appui de la thèse selon laquelle, lorsqu'il y a escale, il n'y a pas de service continu de transport de marchandises et, par conséquent, la taxe s'applique à chaque tronçon.

[5]            Dispositions législatives : Les articles pertinents de la Loi sont les suivants :

123(1)      Les définitions qui suivent s'appliquent à l'article 121, à la présente partie et aux annexes V à X.

"fourniture détaxée" Fourniture figurant à l'annexe VI.

"transporteur" Personne qui fournit un service de transport de marchandises au sens du paragraphe 1(1) de la partie VII de l'annexe VI.

165(3)      Le taux de la taxe relative à une fourniture détaxée est nul.

PARTIE VII, ANNEXE VI - SERVICES DE TRANSPORT

1(1)          Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.

"expéditeur" Personne qui transfère la possession du bien meuble corporel expédié au transporteur au point d'origine d'un service continu de transport de marchandises ou d'un service continu de transport de marchandises vers l'étranger, à l'exclusion d'un transporteur du bien qui fait l'objet du service.

"service continu de transport de marchandises" Transport d'un bien meuble corporel par un ou plusieurs transporteurs à une destination précisée par l'expéditeur, si tous les services de transport de marchandises fournis par les transporteurs le sont par suite des instructions de l'expéditeur.

11             La fourniture d'un service de transport de marchandises effectuée par le transporteur du bien transporté au profit d'un autre transporteur, si le service fait partie d'un service continu de transport de marchandises et si l'autre transporteur n'est ni l'expéditeur ni le consignataire du bien.

[6]            Analyse — Première cotisation : L'appelante a tort de se fonder sur la décision rendue dans l'affaire American Adventures. Dans cette affaire, le contribuable était un forfaitiste, et la question en litige était de savoir si deux circuits touristiques sans " escale " constituaient des " voyages continus " détaxés[7]. Ainsi que l'a fait remarquer la Cour dans l'affaire American Adventures, les services de transport de passagers qui sont inclus dans un forfait touristique peuvent dans certains cas faire partie d'un " voyage continu " et donc être détaxés aux fins de la TPS. Le " voyage continu " constitue une exception aux règles générales d'application de la TPS aux forfaits de voyages, comme le prévoit l'article 163 de la Loi. Cependant, ces concepts ne s'appliquent absolument pas au cas de l'appelante. La définition de " voyage continu " s'applique uniquement au " voyage continu d'un particulier ou un groupe de particuliers ", et elle ne s'applique pas à la fourniture d'un service de transport de marchandises au sens où cette expression est définie à l'article 11 de la partie VII, annexe VI de la Loi.

[7]            Il s'agit ensuite de déterminer si l'appelante est fondée à soutenir qu'elle est devenue l'expéditeur et qu'il n'y a pas eu plusieurs transporteurs. Le transport par plus d'un transporteur signifie que plusieurs transporteurs participent à la fourniture d'un service de transport de marchandises dans le cadre d'un service continu de transport de marchandises, de l'établissement de l'expéditeur à celui du client. Je suis convaincu que les faits de la présente affaire établissent l'existence d'un service continu de transport de marchandises nécessitant la participation d'un ou de plusieurs transporteurs jusqu'à une destination précisée par l'expéditeur du bien. La Loi définit clairement le terme " expéditeur ". Compte tenu des faits de la présente affaire, il est évident que Abel, Benjamin et Sears respectivement, et non l'appelante, étaient les expéditeurs. En outre, à mon avis, il n'y a pas de doute non plus que l'appelante tombe clairement sous le coup de la définition de transporteur et qu'elle fournissait un service de transport de marchandises au sens du paragraphe 1(1) de la partie VII de l'annexe VI. Par conséquent, le ministre a à juste titre établi la cotisation en se fondant sur le fait que la fourniture faite à l'appelante par d'autres transporteurs qui ont participé au service continu de transport de marchandises était une fourniture détaxée.

[8]            Deuxième cotisation :           Sur réception de la première cotisation, l'appelante a déposé un avis d'opposition et, en même temps, à titre subsidiaire, elle a demandé le remboursement de la taxe de 50 950,10 $ payée par erreur. Le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes pour refuser le remboursement demandé :

                                [TRADUCTION]

b)                    l'appelante a demandé un remboursement de la taxe de 50 950,10 $ payée par erreur, alors que cette taxe ne correspondait pas à une fourniture taxable au taux de 7 %;

c)                    la fourniture qui est l'objet de la demande de remboursement se rapporte à des services de transport de marchandises (" transport par plus d'un transporteur ");

d)                    les fournitures de services de transport par plus d'un transporteur pour lesquelles l'appelante a demandé le remboursement de la taxe de 50 950,10 $ payée par erreur sont des fournitures détaxées en vertu du paragraphe 1(1) et de l'article 11 de la partie VII de l'annexe VI de la Loi;

e)                    aucune taxe n'était payable ou n'a été payée par l'appelante sur la fourniture de services de transport par plus d'un transporteur qui est l'objet du refus du remboursement en l'espèce;

f)                     conformément au paragraphe 261(1) de la Loi, une personne n'a droit au remboursement d'une taxe payée par erreur que si elle a payé une taxe qui n'était pas payable ou exigible par elle;

g)                    l'appelante n'a pas payé 50 950,10 $ de taxe[8].

[9]            Preuve de l'appelante : M. Winick a témoigné que, à l'époque où l'appelante songeait à acheter KM, elle a, dans le cadre du contrôle préalable, examiné un certain nombre d'éléments, dont les déclarations de taxe sur les produits et services de KM, et elle s'est assurée que les vendeurs avaient produit toutes les déclarations requises. Il allègue que les courtiers qui effectuaient les livraisons pour le compte de KM figuraient sur ces déclarations et que, à l'exception d'un ou deux d'entre eux, tous avaient un numéro d'inscrit aux fins de la TPS[9]. Il a déclaré que, à la suite de l'achat, KM " a continué de fonctionner exactement de la même façon, avec le même personnel, les mêmes chauffeurs, le même programme informatique et le même logiciel que les propriétaires précédents ". Il a produit un échantillon de cinq " bordereaux de paiement " qui, a-t-il affirmé, indiquaient le montant que chaque courtier avait touché pour chaque période de deux semaines[10], TPS incluse. Il a produit également des imprimés portant sur la TPS payée par l'appelante relativement à des achats et il a dit que, dans le système utilisé, les paiements faits aux courtiers par KM étaient inscrits comme des achats. Par conséquent, a-t-il affirmé, le montant total de TPS couvre la période faisant l'objet de la cotisation et constitue le fondement de la demande de CTI que l'appelante a faite dans sa déclaration[11]. Ces documents ont été fournis à l'appelante par Heather Chamberlaine (Mme Chamberlaine). Cette dernière, qui avait travaillé pour KM, a, aux dires de M. Winick, conclu avec la compagnie, à la suite de l'achat de l'entreprise par l'appelante, " un contrat de louage de services " aux termes duquel elle devait fournir à KM des services relatifs à l'exploitation, ce qui signifiait notamment qu'elle devait s'acquitter " de tâches de tenue de livres et d'organisation [...], prendre part au triage et aider à embaucher des courtiers si l'on en avait besoin [...] ". Elle devait aussi effectuer certains des congédiements. Enfin, elle devait s'occuper de tous les aspects du paiement des " courtiers " pour leurs services.

[10]          À l'étape de l'opposition, en réponse à une demande de Revenu Canada de confirmer qu'elle avait payé la TPS à ses courtiers, l'appelante a remis au vérificateur neuf documents qui étaient censément des factures que huit courtiers avaient présentées à KM[12]. Une autre série de documents a été fournie par l'appelante à l'avocat de l'intimée avant le procès. Il s'agissait prétendument de factures pour services rendus par un certain nombre d'autres courtiers[13]. D'après M. Winick, ces documents confirment les montants de TPS qui, d'après le grand livre, ont été payés[14]. Il a cependant admis que ces factures n'avaient pas été fournies par les courtiers, mais, a-t-il dit, ceux-ci " avaient peut-être utilisé notre programme informatique " pour les produire.

[11]          Marilyn Leslie (Mme Leslie), une conseillère engagée au mois d'août 1995 par les propriétaires précédents de KM en vue de faciliter la vente de l'entreprise, a également témoigné. Elle a déclaré qu'on lui avait donné accès aux livres et registres de l'entreprise, qui avaient été dressés et tenus par Mme Chamberlaine et Brenda Turner, une aide-comptable travaillant à temps partiel. Les déclarations de TPS de KM pour la période du 1er janvier au 30 juin 1995[15] faisaient partie de ces registres. Mme Leslie a déclaré que Mme Chamberlaine l'avait amenée à croire que tous les " courtiers ", sauf deux, dont le nom figurait sur les documents en question, avaient demandé d'être inscrits aux fins de la TPS. Elle avait vu des numéros de TPS dans les dossiers de chacun des courtiers, mais elle n'a pu confirmer que ceux-ci avaient effectivement été inscrits. En ce qui concerne le paiement même de la TPS aux courtiers, Mme Leslie a affirmé qu'elle était incapable de confirmer que la TPS leur avait effectivement été payée, qu'elle n'avait en fait jamais vu les factures ou les fiches de paie, mais qu'elle avait été amenée à croire qu'une partie du tarif quotidien facturé par les courtiers incluait la TPS. C'est Mme Chamberlaine qui lui a fourni les renseignements qui l'ont amenée à " croire " toutes ces choses. Mme Leslie a aussi souligné tout particulièrement qu'elle n'était au courant que de ce qui avait été fait jusqu'au 31 décembre 1995, puisque son contrat avait pris fin peu de temps après, et que, bien que le format appliqué par la suite paraisse être le même, elle n'avait aucun moyen de le confirmer.

[12]          Preuve de l'intimée : George Choremis est agent des appels à Revenu Canada. Il a pris part à l'étude des appels en l'instance à la suite du dépôt par l'appelante des avis d'opposition. Dans le cadre de son travail, il a examiné les documents qui avaient été initialement fournis par l'appelante[16]. À l'aide de la base de données de Revenu Canada, il a tenté de déterminer si les personnes désignées nommément sur les factures étaient des inscrits, puis de confirmer la date de l'inscription et le numéro d'inscription. Son examen a révélé ce qui suit :

a)                    Masaud Ansari : Deux factures datées du 15 et du 31 décembre 1995. La base de données a permis d'établir que M. Ansari avait été inscrit le 31 octobre 1995, mais que son inscription avait pris fin le même jour, et que rien n'indiquait qu'il avait été inscrit subséquemment. Aucune déclaration de TPS pour les périodes indiquées dans les factures n'a été produite par cette personne.

b)                    Ali Golriz : La base de données a démontré que le numéro d'inscription aux fins de la TPS figurant sur une facture qu'il a prétendument présentée à KM le 31 mars 1996 ne se trouvait pas dans le système et que le numéro de TPS n'était pas valide.

c)                    Les six autres documents faisant partie de ce groupe sont prétendument des factures présentées par Doug Urie (mars 1996), Joe Gramueller (janv. 1996), Amir Pourtayyebe (oct. 1996), Robert Webster (nov. 96), Douglas Bell (mars 1996) et Marcy McGuinnes (fév. 1996). Aucune de ces factures n'est signée. Toutes portent un numéro de TPS pour la personne concernée.

M. Choremis a témoigné que la base de données avait permis d'établir que, dans chaque cas, le numéro d'inscription était valide, mais qu'aucun de ces numéros n'avait été attribué avant la fin du mois de mai ou le début du mois de juin 1997. Compte tenu du fait que les numéros d'inscription figurant sur les factures en question n'étaient entrés en vigueur que bien après les dates qui y sont indiquées, M. Choremis a, dans une lettre à M. Winick, demandé la confirmation écrite que l'appelante avait effectivement payé la TPS ou que les personnes en cause lui avaient facturé la TPS. L'appelante n'a pas donné suite à cette demande. D'après M. Choremis, il est impossible que MM. Urie, Gramueller, Pourtayyebe, Webster, Bel et McGuinnes aient présenté ces factures aux dates indiquées avec un numéro d'inscription qui, dans chaque cas, n'avait pas été attribué.

[13]          L'avocate de l'intimée a également appelé à témoigner Mike Mant (M. Mant). Ce dernier a travaillé comme chauffeur à temps plein pour KM dès la création de l'entreprise. Pendant toutes les périodes pertinentes, il était payé par chèque, et on ne lui a jamais demandé de remettre des factures à KM. M. Mant a examiné une série de documents couvrant la période du 1er au 31 décembre 1995 et du 1er janvier au 30 novembre 1996[17], lesquels documents ont été remis à Revenu Canada par l'appelante. Chaque document était prétendument une facture que M. Mant avait présentée à KM pour des services de livraison rendus au cours d'une période donnée, et incluait 7 % de TPS. Aucun n'était signé. M. Mant a déclaré qu'il n'avait jamais vu ces documents, qu'il n'avait jamais remis de facture à KM et qu'il n'avait jamais perçu de TPS. Il n'a pas contesté le fait que le numéro d'inscription de TPS figurant sur les documents en question était le sien, mais il a dit qu'il avait signé une demande d'inscription qui lui avait été présentée par " l'une des adjointes de Heather " en 1995, alors que KM éprouvait des difficultés financières, faisait des chèques sans provision et retardait parfois de plusieurs semaines le paiement des salaires. Il a déclaré qu'il avait acquiescé à la demande spécifique de KM à cet égard " car c'était la seule façon d'avoir un chèque de paie ". M. Mant a examiné également une déclaration sous serment qu'il aurait faite le 18 septembre 1997 et dans laquelle on peut lire qu'il était un entrepreneur autonome fournissant des services à KM, qu'il n'avait jamais été un employé de KM, qu'il fournissait à celle-ci des services qu'il lui facturait et qu'il savait qu'il facturait la TPS à KM[18], qui la lui payait. M. Mant a témoigné qu'il n'avait jamais vu ce document avant qu'il lui soit présenté en Cour, qu'il n'était pas celui qui l'avait rédigé, que les déclarations qui s'y trouvaient étaient fausses et que la signature n'était pas la sienne.

Thèse de l'appelante

[14]          L'appelante, dans le cadre de l'exploitation de son entreprise de livraison sous le nom de KM, a sous-traité des services à des particuliers, des " courtiers ". L'appelante soutient avoir supposé que, puisque ces particuliers étaient tenus de s'inscrire et de percevoir la TPS, les montants qu'elle leur avait versés incluaient la TPS. L'appelante soutient maintenant que, puisque cette TPS a été payée par erreur, elle a droit à un remboursement en vertu de l'article 261 de la Loi.

Analyse

[15]          Le paragraphe 261(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

261(1)      Dans le cas où une personne paie un montant au titre de la taxe, de la taxe nette, des pénalités, des intérêts ou d'une autre obligation selon la présente partie alors qu'elle n'avait pas à le payer ou à le verser, ou paie un tel montant qui est pris en compte à ce titre, le ministre lui rembourse le montant, indépendamment du fait qu'il ait été payé par erreur ou autrement.

La fourniture qui est l'objet de la demande de remboursement en l'espèce est la fourniture de services de transport de marchandises communément appelés services de transport par plus d'un transporteur, lesquels services sont détaxés en vertu du paragraphe 1(1) et de l'article 11 de la partie VII de l'annexe VI de la Loi. Par conséquent, si l'appelante veut obtenir gain de cause, elle doit prouver que les montants réclamés ont été payés par erreur aux courtiers au titre de la taxe.

[16]          Il incombe à l'appelante d'établir la nature de l'entente conclue entre KM et les courtiers et, plus particulièrement, d'établir que les montants payés à ceux-ci incluaient un montant payé au titre de la taxe. La preuve dans son ensemble indique que les courtiers ont conclu des contrats verbaux avec KM et qu'ils étaient payés principalement à la journée pour leurs services. De plus, à un moment donné en 1995, avant l'acquisition de KM par l'appelante, Mme Chamberlaine et les courtiers semblent avoir discuté de la question de l'inscription. Il n'y a cependant devant la Cour aucune preuve crédible qui établisse que les courtiers ont souscrit à la thèse de KM selon laquelle la fourniture de services par eux était taxable. L'appelante se fonde principalement sur le témoignage de M. Winick et sur les documents produits. Cependant, il est clair que, au mieux, M. Winick ne prenait part que de façon limitée aux activités quotidiennes de KM. Rien ne prouve qu'il a personnellement négocié l'un ou l'autre des contrats conclus avec les courtiers. Il ignorait de quelle façon les chauffeurs facturaient leurs services, mais il a fait remarquer que " Heather le saurait ". Il a en outre concédé qu'il savait combien ils étaient payés uniquement " parce que ces renseignements figuraient sur les fiches de paie ", dont des sommaires lui étaient remis toutes les deux semaines par Mme Chamberlaine.

[17]          À mon avis, les documents produits par l'appelante à l'appui de sa cause sont suspects. La première série de factures[19] a été produite pour démontrer que les montants versés aux courtiers incluaient la TPS; or, aucune d'entre elles ne peut avoir été dressée avant le mois de mai ou le mois de juin 1997, au moment où les numéros d'inscription ont été attribués pour la première fois. L'appelante a été priée de fournir des renseignements supplémentaires pour dissiper cette anomalie, mais elle n'en a rien fait. En ce qui concerne la deuxième série de factures (pièce R-1, onglets 10 à 19), elles ne paraissent pas avoir été fournies par les courtiers. Aucune d'entre elles n'est signée et, étant donné les témoignages de M. Winick et de Mme Leslie, on peut conclure sans crainte de se tromper qu'elles ont été dressées à l'interne, probablement par Mme Chamberlaine ou son adjointe. La question de savoir à quel moment cela a été fait est cependant restée sans réponse. En l'absence de toute explication, il est difficile d'accepter ces documents comme preuve suffisante de l'entente relative à la TPS qui, d'après l'appelante, a été conclue entre KM et chaque courtier. Dans son témoignage (qui n'a pas été vraiment contesté), M. Mant a contredit la thèse de l'appelante et soulevé un autre doute sur l'authenticité des factures et des registres que l'appelante a produits. L'appelante paraît soutenir que, parce qu'elle a consigné qu'une partie des paiements faits aux courtiers l'a été au titre de la TPS, cela constitue une preuve suffisante de son droit à un remboursement. Je ne puis souscrire à cette thèse en l'absence d'une preuve quelconque montrant qu'une entente relative à la TPS a été conclue avec les courtiers. Il faut se rappeler que les courtiers n'étaient pas la " personne " qui " fournissait le service de transport de marchandises " et qui, par conséquent, effectuaient une fourniture détaxée. Il n'y a aucune preuve qui permette à la Cour de supposer qu'ils n'étaient pas au courant de ce fait.

[18]          Il y a lieu de souligner également que deux des employés qui, aux dires de l'appelante, auraient fourni des services détaxés et perçu la TPS par erreur n'ont dans les faits fourni aucun service de livraison. Pour cette raison, si on leur avait payé de la TPS, celle-ci ne serait pas remboursable de toute façon. Ces deux employées étaient Heather Chamberlaine, qui fournissait des services d'exploitation et de gestion, et Robyn Leslie, la fille de Marilyn Leslie, qui a témoigné. M. Winick a indiqué que Robyn Leslie était un courtier, ce que les documents de l'appelante indiquaient également. Cela a été contredit par Marilyn Leslie, qui a déclaré que sa compagnie, The Marway Group, avait conclu un contrat en vue de fournir des services d'administration à l'un des clients de KM, lesquels services avaient été fournis par Robyn. Marway facturait KM expressément pour ces services. Mme Leslie a fait remarquer également que les factures de l'appelante[20] indiquant que Robyn avait fourni des services de livraison ont été dressées à l'interne par KM et paraissent avoir remplacé les factures que Marway avait présentées.

[19]          La preuve produite pour le compte de l'appelante ne permet pas d'établir que les montants payés par KM à ses courtiers incluaient la TPS. L'appelante savait que sa prétention selon laquelle les montants versés à ses courtiers incluaient la TPS et les documents qu'elle avait soumis à l'appui de cette prétention étaient contestés. Mme Chamberlaine dirigeait le bureau avant et après l'acquisition de KM par l'appelante. Elle s'occupait de la gestion quotidienne en plus des ententes contractuelles conclues avec les courtiers. Puisque M. Winick n'avait lui-même aucune connaissance de première main des ententes qui avaient été conclues avec les courtiers (particulièrement des ententes qui avaient pu être conclues avant l'acquisition de KM par l'appelante), il est étonnant, c'est le moins qu'on puisse dire, que la seule personne qui ait été au courant de ces ententes, soit Mme Chamberlaine, n'ait pas été appelée à témoigner. Je remarque que, lorsque Mme Leslie a initialement exprimé sa répugnance à témoigner, M. Winick lui a signifié un subpoena. L'appelante aurait pu faire la même chose à l'égard de Mme Chamberlaine. Compte tenu de ces circonstances, l'omission d'appeler cette dernière à témoigner ne peut que mener la Cour à conclure que son témoignage aurait été préjudiciable à l'appelante.

[20]          L'appelante n'a pas réussi à s'acquitter de la charge d'établir ses prétentions. Par conséquent, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour d'avril 2001.

" A. A. Sarchuk "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 18e jour d'octobre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-3212(GST)I

1999-3213(GST)I

ENTRE :

482733 ONTARIO INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 31 mai 2000 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge A. A. Sarchuk

Comparutions

Représentant de l'appelante :                Howard Winick

Avocat de l'intimée :                            Me Steven Leckie

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont les avis sont en date du 23 septembre 1997 et du 29 avril 1998 et portent les numéros 05DP0013723 et 414149 respectivement, et qui visent tous deux la période du 1er décembre 1995 au 31 décembre 1996, sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour d'avril 2001.

" A. A. Sarchuk "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour d'octobre 2001.

Mario Lagacé, réviseur




[1]               Réponse à l'avis d'appel no 1999-3212(GST)I, page 3, paragraphe 4.

[2]               M. Winick a témoigné que le nom de KM a été maintenu aux fins de l'exploitation de l'entreprise et, tout au long de son témoignage, il a parlé des activités de l'appelante comme étant celles de KM.

[3]               M. Winick a témoigné à une autre occasion que le triage était aussi effectué chez les clients.

[4]               M. Winick a utilisé indifféremment les termes courtiers, chauffeurs, transporteurs et entrepreneurs autonomes pour décrire ces employés.

[5]               Le quatrième contrat a été conclu au mois de mars 1996 et ne représentait qu'un très faible pourcentage du chiffre d'affaires de l'appelante.

[6]               C.C.I., no 96-760(GST)I, 16 décembre 1996 ((1996) 5 G.S.T.C. 1003).

[7]               PARTIE VII, ANNEXE VI - SERVICES DE TRANSPORT

1(1)          Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.

"voyage continu" L'ensemble des services de transport de passagers qui sont offerts à un particulier ou à un groupe de particuliers et qui sont :

a)                   soit visés par un seul billet ou une seule pièce justificative;

b)                   soit visés par plusieurs billets ou pièces justificatives pour plusieurs étapes d'un même voyage, sans escale entre les étapes visées par les billets ou pièces justificatives distincts délivrés par le même fournisseur ou par plusieurs fournisseurs par l'entremise d'un agent agissant en leur nom si, selon le cas :

(i)                    tous les billets ou pièces justificatives sont délivrés au même moment et le fournisseur ou l'agent possède des preuves, satisfaisantes au ministre, que les étapes du voyage, visées par les billets ou pièces justificatives distincts, se font sans escale,

(ii)                  les billets ou pièces justificatives sont délivrés à des moments différents et le fournisseur ou l'agent présente des preuves, satisfaisantes au ministre, que les étapes du voyage, visées par les billets ou pièces justificatives distincts, se font sans escale.

"escale" Endroit auquel un particulier ou un groupe de particuliers en voyage continu embarque sur le moyen de transport utilisé dans le cadre d'un service de transport de passagers qui fait partie du voyage continu, ou en débarque, sauf si l'embarquement ou le débarquement se fait en vue du transfert à un autre moyen de transport ou de l'entretien ou du réapprovisionnement en carburant du moyen de transport.

[8]               Réponse à l'avis d'appel no 1999-3213(GST)1, page 2, paragraphe 4.

[9]               Pièce A-1 : déclaration de TPS pour la période du 1er janvier au 31 mars 1995; et pièce A-2 : déclaration de TPS pour la période du 1er avril au 30 juin 1995.

[10]             Pièce A-3 : bordereaux de paiement des courtiers pour cinq échantillons de périodes de deux semaines, la première du 16 au 31 décembre 1995 et les quatre autres en 1996. Les inscriptions manuscrites sur le document ne sont pas celles de l'appelante, ni celles de son personnel. Il n'est pas contesté que tous les bordereaux de paiement pour l'année 1996 ont été fournis à Revenu Canada.

[11]             Pièce A-5 : grand livre, objet : TPS.

[12]             Pièce R-1, onglets 1 à 9.

[13]             Pièce R-1, onglets 10 à 19.

[14]             Pièce A-5.

[15]             Pièces A-1 et A-2.

[16]             Pièce R-1, onglets 1 à 9 inclusivement.

[17]             Pièce R-1, onglet 16.

[18]              Pièce R-2.

[19]             Pièce R-1, onglets 1 à 9.

[20]             Pièce R-1, onglet 14.

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