Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20010329

Dossiers: 2000-1930-IT-I

2000-1931-IT-I

ENTRE :

TERIANN HURD et

ROBERT BRUCE JUSTICE,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Pour les appelants : Les appelants eux-mêmes

Avocat de l'intimée : Me Bobby Sood

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Motifsdu jugement

(Rendus oralement à l'audience à

Toronto (Ontario) le 6 février 2001.)

Le juge McArthur

[1]            Les appelants interjettent appel à l'encontre des cotisations établies par le ministre du Revenu national dans lesquelles un montant de 9 375 $ a été ajouté à leur revenu respectif. La question est celle de savoir s'il y a eu un transfert de biens en vertu du paragraphe 160(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui est en partie ainsi rédigé :

160(1)      Lorsqu'une personne a, depuis le 1er mai 1951, transféré des biens, directement ou indirectement, [à]

                [...]

c)              une personne avec laquelle elle avait un lien de dépendance,

les règles suivantes s'appliquent :

d)             le bénéficiaire et l'auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement d'une partie de l'impôt de l'auteur du transfert [...]

e)              le bénéficiaire et l'auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement en vertu de la présente loi [...].

[2]            Les appels sont notamment fondés sur les faits suivants. Ron Gilman et son épouse d'alors, Elaine Gilman, ont transféré un chalet aux appelants, en janvier 1994, pour 62 500 $; à l'époque Ron Gilman devait à Revenu Canada un montant de 64 490 $. À la suite du transfert, Ron a fait faillite et je crois que depuis M. et Mme Gilman se sont séparés ou ont divorcé.

[3]            L'appelante Teriann Hurd est la fille d'Elaine Gilman, et l'appelant Robert Bruce Justice est le frère d'Elaine et, par conséquent, l'oncle de Teriann. Les hypothèses de fait tirées de la réponse à l'avis d'appel comprennent notamment ce qui suit : le 14 janvier 1994, la juste valeur marchande du bien était de 100 000 $ et la différence entre la juste valeur marchande du bien et le prix d'achat payé par les appelants était de 37 500 $, montant dont la moitié ou 18 750 $ était attribuable à Ron Gilman. La part de chacun des appelants était de 9 375 $.

[4]            Les appelants se sont représentés eux-mêmes et j'ai trouvé que leur crédibilité était incontestable. En 1994, Ron, et probablement Elaine Gilman, éprouvaient de graves difficultés financières. Ils étaient sur le point de perdre leur chalet par forclusion et Ron avait apparemment un grave problème d'alcool. Teriann et son époux, Scott Hurd, ont accepté d'acheter le chalet des Gilman pour 62 500 $, ce qui correspondait au montant de la dette. Comme Teriann et Scott Hurd n'ont pas eux-mêmes réussi à obtenir un financement, l'oncle de Teriann, Robert Bruce Justice, a gratuitement accepté de cautionner une hypothèque de 65 000 $ auprès de la Banque Canadienne Impériale de Commerce. Selon les directives de la CIBC, un titre a été transféré aux appelants, en tant que tenants conjoints, et ensemble ils ont obtenu un prêt bancaire garanti par une hypothèque.

[5]            M. Justice a signé une entente (déclaration de fiducie), datée du 13 janvier 1994, dans laquelle il a déclaré qu'il n'avait aucun intérêt, droit ou titre sur le bien et qu'il le détenait à titre de simple fiduciaire pour Teriann et son époux, Brad. Malheureusement, ce document de fiducie n'a été produit que trois semaines avant le procès. Si les appelants l'avaient présenté plus tôt, je suis certain qu'aucune cotisation n'aurait été établie à l'égard de M. Justice. J'accepte sans hésitation l'authenticité de ce document ainsi que le témoignage de M. Justice selon lequel il n'a jamais eu d'intérêt bénéficiaire dans le bien autre que celui qu'il a décrit, soit comme caution à l'égard du montant de la dette. Il ne savait pas qu'il était tenant conjoint en titre et il n'avait que l'intention d'aider sa nièce en cosignant un prêt bancaire.

[6]            En réalité, il n'y a pas eu de transfert fait à M. Justice en tant que propriétaire bénéficiaire et il n'était qu'un fiduciaire. J'accepte sans réserve la déclaration suivante de Teriann, tirée de son avis d'appel :

                                [TRADUCTION]

                J'aimerais également déclarer que Robert Justice n'a participé à ce gâchis qu'à titre de cosignataire d'un prêt bancaire. Il ne savait pas qu'il possédait un titre de propriété avant le début de cette histoire. [...] Il n'a profité de la vente du bien d'aucune manière.

En appliquant le principe de la primauté du fond sur la forme et en me servant de la réalité et du sens commun, je conclus qu'une cotisation n'a pas été correctement établie à l'égard de M. Justice en vertu de l'article 160 de la Loi. Il était un oncle généreux qui agissait de bonne foi dans l'intérêt de sa nièce.

[7]            Les faits dans l'affaire Cooke c. La Reine, C.C.I., no 91-1889(IT), 15 novembre 1993 (93 DTC 1561), citée par l'avocat de l'intimée, peuvent facilement être distingués des présents faits. Dans l'affaire Cooke, le juge Bonner a conclu que le témoignage de la contribuable n'était pas du tout fiable ni crédible. Il a en outre conclu qu'il n'était pas convaincu que l'enregistrement du titre sur la maison aux deux noms découlait d'une erreur de l'avocat et que l'une des contribuables détenait le bien en fiducie en faveur de l'autre. En l'espèce, M. Justice avait signé une déclaration de fiducie valide. Le témoignage des deux appelants était fiable, et l'appel de M. Justice est admis.

[8]            La situation est différente dans le cas de l'appel de Teriann. Elle a obtenu un titre de propriété sur le chalet de sa mère et de son beau-père pour 62 500 $ plus les frais à une époque où son beau-père était endetté envers Revenu Canada et où le chalet était évalué, à des fins hypothécaires, à 100 000 $. Ron Gilman a transféré son intérêt, qui représente une part de 50 p. 100, à une personne avec qui il avait un lien de dépendance au sens où l'entend l'article 251 de la Loi. Teriann était solidairement responsable, avec l'auteur du transfert, du montant de la dette de ce dernier. Ron Gilman a fait faillite et sa responsabilité a pris fin, mais pas celle de l'appelante. Je renvoie à cet égard à l'affaire Heavyside c. Canada, [1996] A.C.F. no 1608. La responsabilité de Teriann constitue la différence entre la juste valeur marchande du bien et le prix d'achat.

[9]            Je conclus que Teriann est tout à fait honnête et crédible. En tentant d'aider une appelante qui se défend elle-même, je crois qu'il me revient, en tant que juge du procès, d'équilibrer les règles du jeu afin d'assurer l'équité sans trop faire pencher la balance en faveur de l'appelante. En gardant cela à l'esprit, je tenterai d'analyser brièvement la juste valeur marchande et le prix d'achat.

[10]          Teriann a reconnu qu'une évaluation à des fins hypothécaires effectuée en janvier 1994 indiquait une valeur de 100 000 $. Ce document n'a pas été présenté en preuve. Parfois, les évaluations faites à des fins hypothécaires sont gonflées pour que le prêt le plus élevé possible soit obtenu, et il n'y a aucune provision pour la commission payable au moment de la vente ainsi que les autres coûts liés à la vente. L'intimée a déposé en preuve une évaluation professionnelle qui indique également une valeur de 100 000 $, au mois de janvier 1994. Cette évaluation a été préparée en juillet 1998. Encore une fois, ce document ne prévoyait pas les coûts de la vente. L'époux de Teriann a indiqué dans son témoignage qu'il avait, en tant que bricoleur, apporté plusieurs améliorations au chalet avant 1994. Je suis d'avis qu'une valeur nette plus réaliste au mois de janvier 1994 est de 90 000 $. Ce calcul est quelque peu sommaire et rapide, mais plus conforme à la réalité.

[11]          Les appelants, qui ont tenté de vendre leur chalet en 1998 ou en 1999 pour 95 000 $, n'ont pas reçu d'offre, après avoir dépensé environ 20 000 $ en améliorations. Alors qu'au vu du document le transfert aux appelants indiquait 62 500 $, compte tenu des coûts liés à l'achat, dont les droits de cession immobilière, les coûts liés à l'hypothèque, les droits d'enregistrement et les frais juridiques, un montant de 65 000 $ est plus juste. La différence entre la juste valeur marchande et le prix d'achat le 14 janvier 1994 était de 90 000 $ moins 65 000 $, soit 25 000 $. La moitié de ce montant, ou 12 500 $, est imputable à Ron Gilman à titre de propriétaire bénéficiaire conjoint, et la part de Teriann équivaut aussi à 50 p. 100 de ce montant de 12 500 $, soit 6 250 $.

[12]          En conclusion, l'appel de Robert Bruce Justice est admis. L'appel de Teriann Hurd est admis en partant du principe qu'elle a reçu de Ron Gilman un montant de 6 250 $ qui représente une contrepartie insuffisante du bien. La cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de mars 2001.

" C. H. McArthur "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 25e jour de septembre 2001.

[OFFICIAL ENGLISH TRANSLATION]

Martine Brunet, réviseure

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