Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20011203

Dossier: 2001-1435-CPP

ENTRE :

INTRIA CORPORATION,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

ET

Dossier: 2001-1438(CPP)

PLANIFICATION FINANCIÈRE CIBC INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

ET

Dossier: 2001-1444(CPP)

HYPOTHÈQUES CIBC INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Weisman, C.C.I.

[1]      Ces trois appels interjetés en vertu de l'article 28 du Régime de pensions du Canada[1] (la « Loi » ) ont été entendus ensemble sur preuve commune.

[2]      Les appelantes sont toutes des filiales en propriété exclusive de la Banque canadienne Impériale de Commerce ( « CIBC » ), groupe multinational composé de multiples entités. En 1999, CIBC et des sociétés liées à celle-ci ont muté 506 employés dans Intria Corporation ( « Intria » ), 224 employés dans Planification financière CIBC Inc. ( « PFC » ) et 73 employés dans Hypothèques CIBC Inc. ( « HCI » ).

[3]      Avant les mutations, CIBC et ses entités liées avaient dûment retenu, apparié et versé au receveur général les cotisations ouvrières et patronales payables en vertu de la Loi.

[4]      Après les mutations, d'autres cotisations ont été retenues, appariées et versées, mais seulement dans la mesure où n'était pas excédé le maximum des gains ouvrant droit à pension que les employés ont reçus en 1999 de leurs employeurs initiaux et des appelantes.

[5]      Par voie d'avis d'évaluation en date du 2 août 2000 et du 3 août 2000, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi une évaluation à l'égard de chacune des appelantes pour omission de verser des cotisations du Régime de pensions du Canada pour l'année d'imposition 1999. Les montants fixés dans ces évaluations étaient les suivants (plus intérêts) : 35 918,42 $ dans le cas d'Intria, 84 002,40 $ dans le cas de PFC et 28 429,08 $ dans le cas de HCI.

[6]      Ces évaluations se fondaient sur le paragraphe 21(1) de la Loi, qui se lit en partie comme suit:

(1)         Tout employeur payant une rémunération à un employé à son service, à une date quelconque, dans un emploi ouvrant droit à pension est tenu d'en déduire, à titre de cotisation de l'employé ou au titre de la cotisation pour l'année au cours de laquelle la rémunération au titre de l'emploi ouvrant droit à pension est payée à cet employé, le montant déterminé conformément à des règles prescrites; l'employeur remet au receveur général, à la date prescrite, ce montant ainsi que le montant qui est prescrit à l'égard de la cotisation qu'il est tenu de verser selon la présente loi. [...]

[7]      Les appelantes contestent les cotisations de 1999 parce que le 27 septembre 1996, leur représentant Ernst and Young a envoyé la lettre suivante à Revenu Canada :

[TRADUCTION]

Objet : versement de cotisations du RPC par la CIBC

Au nom de la Banque canadienne Impériale de Commerce ( « CIBC » ), nous demandons une lettre confirmant que CIBC ne sera pas tenue de verser de nouvelles cotisations patronales au Régime de pensions du Canada ( « RPC » ) par suite de la mutation d'employés de CIBC dans une filiale en propriété exclusive de celle-ci.

À compter du 1er novembre 1996, CIBC mutera 4 500 employés de CIBC à une filiale en propriété exclusive, soit 3260721 Canada Inc., actuellement appelée « Symphony » . CIBC sera propriétaire à cent pour cent de la filiale, et il n'y aura pas de changement de propriété lors de la mutation des employés dans la filiale. La mutation s'effectue dans le cadre de la création d'une nouvelle entreprise qui, de l'avis de CIBC, devrait être lancée dans une filiale distincte pour des raisons d'affaires.

Nous comprenons que si un employeur mute des employés dans une filiale en propriété exclusive et s'il n'y a pas de changement de propriété de l'employeur, les cotisations patronales au RPC ne doivent pas recommencer à être versées (au sein de la filiale en propriété exclusive) à l'égard des employés pour lesquels l'employeur a déjà versé la cotisation annuelle maximale. M. Poirier, de votre section des décisions de RPC/AC à Toronto, a confirmé qu'il n'était pas nécessaire qu'une décision soit rendue à ce sujet, compte tenu de la politique actuelle, et qu'une lettre de confirmation concernant cette politique peut nous être envoyée par vos bureaux [...].

[8]      Revenu Canada a répondu comme suit le 16 octobre 1996 :

[TRADUCTION]

Objet : versement de cotisations du RPC par la CIBC

En réponse à votre lettre du 27 septembre 1996, nous confirmons que si un employeur mute des employés dans une filiale en propriété exclusive et s'il n'y a pas de changement au droit de propriété de l'employeur, les cotisations patronales au RPC ne doivent pas recommencer à être versées (au sein de la filiale en propriété exclusive) à l'égard des employés pour lesquels l'employeur a déjà versé la cotisation annuelle maximale.

[9]      Les appelantes soutiennent qu'après cet échange de correspondance, il n'y a pas eu d'évaluations de leurs cotisations patronales au Régime de pensions du Canada en 1997 ou en 1998. Elles invoquent trois arguments à l'appui de leur thèse selon laquelle les cotisations visées pour 1999 devraient être annulées.

[10]     Premièrement, le ministre est lié par les déclarations de faits qui figurent dans la lettre du 16 octobre 1996, jusqu'à ce qu'il avise les appelantes qu'il a adopté un autre point de vue. Sur la foi de la preuve, les appelantes soutiennent que le ministre ne peut ni alléguer ni prouver dans la présente action qu'un fait est différent de ce qui a été présenté.

[11]     Deuxièmement, cette situation de fait soulève trois défenses en equity à la disposition des appelantes, à savoir la préclusion en equity, la doctrine de l'attente légitime et la doctrine de l'erreur imputable à l'autorité compétente.

[12]     Enfin, les appelantes se plaignent de ce que la Loi exigeait qu'elles recommencent à verser des cotisations patronales du Régime de pensions du Canada à l'égard d'employés pour qui CIBC et ses entités liées avaient déjà versé la cotisation annuelle maximale pour 1999. La Loi prévoit des mécanismes permettant à des employés d'obtenir le remboursement des versements excédentaires de cotisations, mais les appelantes ne trouvent aucune disposition comparable concernant les employeurs. Ainsi, les cotisations patronales peuvent être payées deux fois.

[13]     Les appelantes soutiennent que ce prélèvement supplémentaire à l'égard d'employeurs représente une imposition directe dans la province non prévue par la loi et excède donc la compétence du gouvernement fédéral.

[14]     À mon avis, ces trois arguments sont insoutenables. En premier lieu, la préclusion ne peut être opposée à la Couronne qu'à l'égard de questions de fait[2]. La lettre du 16 octobre 1996 de Revenu Canada constitue toutefois un exposé du droit qui établit les faits sur lesquels sa conclusion de droit est fondée. La préclusion ne peut pas donc être invoquée comme une question de preuve. En outre, la préclusion ne peut aller à l'encontre des lois du pays[3]. La lettre ne lie pas le ministre et ne l'empêche pas non plus d'évaluer les appelantes conformément à la Loi[4].

[15]     En deuxième lieu, la Cour canadienne de l'impôt est une pure création de la loi et sa compétence se limite à ce qui lui est conféré expressément par le Parlement et à ce qui se déduit nécessairement de ce qui lui est conféré expressément[5]. Elle n'a pas la compétence d'une cour supérieure d'archives[6], et elle n'a pas de compétence inhérente[7] ou en equity[8].

[16]     Enfin, avant de soulever cette question constitutionnelle, les appelantes ont omis de signifier les avis requis par le paragraphe 57(1) de la Loi sur la Cour fédérale[9], qui se lit comme suit :

57(1)     Les lois fédérales ou provinciales ou leurs textes d'application, dont la validité, l'applicabilité ou l'effet, sur le plan constitutionnel, est en cause devant la Cour ou un office fédéral, sauf s'il s'agit d'un tribunal militaire au sens de la Loi sur la défense nationale, ne peuvent être déclarés invalides, inapplicables ou sans effet, à moins que le procureur général du Canada et ceux des provinces n'aient été avisés conformément au paragraphe (2).

[17]     L'exposé qui précède ne signifie pas que l'échange de correspondance entre les parties soit sans effet.

[18]     Les pénalités administratives et les intérêts prévus dans la Loi engagent la responsabilité stricte de la personne pour laquelle la cotisation est établie. Si cette personne peut démontrer qu'elle a fait preuve de diligence raisonnable en tentant d'observer la loi, la pénalité ne s'applique pas[10]. À mon avis, les appelantes ont fait preuve de diligence raisonnable en obtenant la lettre du 16 octobre 1996 de Revenu Canada et en se fiant à son contenu.

[19]     Les appels sont donc accueillis et les décisions du ministre sont modifiées dans la mesure où est annulée l'imposition des pénalités et des intérêts jusqu'à la date où la présente décision est communiquée aux appelantes.

Signé à Toronto (Ontario), ce 3e jour de décembre 2001.

« N. Weisman »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de juillet 2002.

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-1435(CPP)

ENTRE :

INTRIA CORPORATION,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu sur preuve commune avec les appels d'Intria Corporation (2001-1433(EI)), de Planification financière CIBC Inc. (2001-1436(EI) et 2001-1438(CPP)) et d'Hypothèques CIBC Inc. (2001-1442(EI) et 2001-1444(CPP)), le 25 octobre 2001 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge suppléant N. Weisman

Comparutions

Avocats de l'appelante :                       Me Alan R. Kester

                                                          Me Erin K. Carley

Avocat de l'intimé :                              Me Scott Simser

JUGEMENT

L'appel est accueilli et la décision du ministre est modifiée dans la mesure où est annulée l'imposition des pénalités et des intérêts jusqu'à la date où la présente décision est communiquée à l'appelante, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Toronto (Ontario), ce 3e jour de décembre 2001.

« N. Weisman »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 25 e jour de juillet 2002.

Martine Brunet, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-1438(CPP)

ENTRE :

PLANIFICATION FINANCIÈRE CIBC INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu sur preuve commune avec les appels d'Intria Corporation (2001-1433(EI) et 2001-1435(CPP)), de Planification financière CIBC Inc. (2001-1436(EI)) et d'Hypothèques CIBC Inc. (2001-1442(EI) et 2001-1444(CPP)), le 25 octobre 2001 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge suppléant N. Weisman

Comparutions

Avocats de l'appelante :                       Me Alan R. Kester

                                                          Me Erin K. Carley

Avocat de l'intimé :                              Me Scott Simser

JUGEMENT

L'appel est accueilli et la décision du ministre est modifiée dans la mesure où est annulée l'imposition des pénalités et des intérêts jusqu'à la date où la présente décision est communiquée à l'appelante, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Toronto (Ontario), ce 3e jour de décembre 2001.

« N. Weisman »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 25 e jour de juillet 2002.

Martine Brunet, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-1444(CPP)

ENTRE :

HYPOTHÈQUES CIBC INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu sur preuve commune avec les appels d'Intria Corporation (2001-1433(EI) et 2001-1435(CPP)), de Planification financière CIBC Inc. (2001-1436(EI) et 2001-1438(CPP)) et d'Hypothèques CIBC Inc. (2001-1442(EI)),

le 25 octobre 2001 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge suppléant N. Weisman

Comparutions

Avocats de l'appelante :                       Me Alan R. Kester

                                                          Me Erin K. Carley

Avocat de l'intimé :                              Me Scott Simser

JUGEMENT

L'appel est accueilli et la décision du ministre est modifiée dans la mesure où est annulée l'imposition des pénalités et des intérêts jusqu'à la date où la présente décision est communiquée à l'appelante, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Toronto (Ontario), ce 3e jour de décembre 2001.

« N. Weisman »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 25 e jour de juillet 2002.

Martine Brunet, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1] L.R.C. 1985, ch. C-8, et ses modifications.

[2] Taylor c. La Reine, C.C.I., no 93-238(IT)G, 10 mai 1995 (95 DTC 591); Stickel c. Le ministre du Revenu national, [1972] C.F. 672 (72 DTC 6178)

[3] Woon v. M.N.R., 50 D.T.C. 871 (Ex. Ct.); Maritime Electric Co. v. General Dairies (1937), A.C. 610.

[4] Cohen c. La Reine, C.A.F., no A-64-78, 3 juin 1980 (80 DTC 6250).

[5] Frank M. Smith, exécuteur testamentaire de la successionde feu Lillian Lamash c. Le ministre du Revenu national, C.C.I., no 88-902(IT), 19 octobre 1990 ([1990] T.C.J. No. 929).

[6] Tignish Auto Parts Inc. c. Canada (ministre du Revenu national - M.N.R.), [1994] A.C.F. no 1130; McMillen Holdings Limited c. M.R.N., C.C.I., no 85-259(IT), 21 septembre 1987 (87 DTC 585).

[7] Sunil Lighting Products c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1993] A.C.I. no 666.

[8] Tignish, précité, note 6.

[9] L.R.C. 1985, ch. F-7.

[10] Pillar Oilfield Projects Ltd. c. La Reine, C.C.I., no 93-614(GST)I, 19 novembre 1993 ([1993] G.S.T.C. 49).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.