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Date: 20010130

Dossiers : 1999-3863-IT-I

ENTRE :

CHRISTIAN FONTA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'un appel concernant les années d'imposition 1996 et 1997. La question en litige est de savoir si, pour les années d'imposition en litige, l'appelant avait droit de réclamer un crédit d'impôt pour emploi à l'étranger, en vertu de l'article 122.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[2]      Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) s'est fondé pour établir les nouvelles cotisations sont décrits au paragraphe 7 de la Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse » ) comme suit :

a)          à sa déclaration de revenu produite pour l'année d'imposition 1996, l'appelant a réclamé un montant de 15 469,92 $ à titre de CIEE;

b)          par avis de cotisation daté du 14 juillet 1997 pour l'année d'imposition 1996, le CIEE a été révisé à 10 734,53 $;

c)          à sa déclaration de revenu produite pour l'année d'imposition 1997, l'appelant n'a réclamé aucun montant à titre de CIEE;

d)          à son avis d'opposition produit pour l'année d'imposition 1997, l'appelant a demandé que lui soit alloué un CIEE de 8 030 $;

e)          l'appelant a déclaré à ses déclarations de revenu produites pour les années d'imposition 1996 et 1997 respectivement, des revenus d'emploi de 95 612 $ en 1996, et de 64 562 $ en 1997, provenant de Reliance Ressources Group Canada Inc. (ci-après la « société » );

f)           durant les années d'imposition en litige, la société était une société canadienne qui agissait à titre d'agence de placement;

g)          durant les années d'imposition en litige, la société n'exerçait pas à l'étranger des activités admissibles liées à un projet relatif à des ressources, ou à un projet de construction ou d'installation, ou à un projet d'agriculture ou d'ingénierie, ou toute activité visée par le règlement;

h)          durant les années d'imposition en litige, le client de la société n'était pas la société américaine à laquelle l'appelant rendait des services, mais plutôt une agence de placement américaine du nom de Top Tempo;

i)           conséquemment, le ministre a refusé d'allouer à l'appelant des montants de 10 743,53 $ en 1996, et de 8 030 $ en 1997, à titre de CIEE.

[3]      La pièce A-1 est une lettre en date du 18 juillet 1996 de ATS Reliance Technical Group, une division de Reliance Ressources Group Canada Inc., ci-après ATS, qui confirme que l'appelant a été engagé par cette société :

...

This is to confirm that since March 20, 1995, Mr. Christian Fonta has been engaged by our firm providing Engineering services.

...

[4]      En fait, ATS est une agence de recrutement de personnel. Les services d'ingénierie ont été exercés auprès de Siemens Transportation Systems Inc., ci-après Siemens.

[5]      La pièce A-2 est une lettre en date du 5 août 1999 provenant de Siemens adressée à l'appelant. Elle explique ainsi les relations juridiques entre les différents intervenants :

...

            This will confirm our conversation regarding your assignment with Siemens Transportation System, Mass Transit Division, from March 20, 1995 through May 9, 1997. In order to fill an urgent need within our company for experienced rail design engineering capability, you were recruited in Canada by a temporary agency, ATS Reliance. You accepted the assignment and worked in our engineering department under the direction of Mr. Norman Halden, Manager of Engineering.

            As you were recruited and employed by ATS Reliance, you submitted weekly time reports to them and received your pay from them. ATS Reliance is a subcontractor to Siemens, engaged in providing temporary workers of a technical nature. The work you performed was for the design of our mass transit rail vehicles in our Sacramento, California Mass Transit Vehicles Division engineering department. Because of a contractual arrangement between Siemens Transportation Systems and a third party, Top Tempo Future Personnel, the billing from ATS to Siemens went through them.

...

[6]      Il est à noter dans cette lettre que l'entreprise d'ingénierie Siemens qualifie ATS de « sous-traitant » .

[7]      La pièce A-3 est une lettre venant de Top Tempo, une division de Future Personnel Agency, temporary and permanent staffing. Cette lettre est en date du 10 août 1999 et également adressée à l'appelant. Je cite les deux paragraphes de cette lettre :

...

            I understand that there has been some confusion relative to your employment between March 20, 1995 and May 9, 1997. I hope this communication will help clarify the situation.

            You were recruited in Canada and placed by ATS with Siemens Transportation Services as a Design Engineer for their transit rail vehicles in Sacramento. You worked in Siemens' Engineering Department under Mr. Norman Halden. You were never employed by Top Tempo/Future Personnel Agency. Any relationship between ATS and Top Tempo was for billing purposes only.

...

[8]      Cette lettre a pour but d'infirmer les faits décrits à l'alinéa 7 h) de la Réponse (rapporté au paragraphe 2 de ces motifs). Ce fait a été mis de côté par l'avocat de l'intimée lors de sa plaidoirie. Il prend pour acquis qu'il y a une relation directe entre Siemens et ATS. Cette relation directe avait aussi été mentionnée dans la lettre de Siemens du 5 août 1999, ci-dessus.

[9]      L'appelant a expliqué que ATS, en qualité d'employeur, a rempli la formule T626(E) pour lui permettre d'obtenir le crédit d'impôt d'emploi à l'étranger (pièce A-4). Le certificat est en date du 18 juillet 1996 et est pour la période du 25 mai 1995 à la date de la signature. Il y est confirmé que pour toute la période, l'appelant à titre d'employé de ATS, a exercé ses fonctions aux États-Unis dans le cadre d'un contrat en vertu duquel l'employeur exerçait une activité d'ingénierie.

[10]     Le rapport de la vérification sur une opposition a été produit à la demande du représentant de l'appelant par l'avocat de l'intimée comme la pièce I-1. L'appelant s'est référé à un passage du rapport à la page 3 :

...

            Comme le payeur, Reliance Ressource Group Canada Inc., est une agence de placement n'exerçant pas des activités admissibles, le CIEE ne peut donc être accordé. Toutefois, en se référant au IT-497R3 #8, le CIEE pourrait être admis, même si l'employeur désigné n'effectue pas une activité admissible, si l'employeur a un contrat de sous-traitance avec une société qui elle engage des activités admissibles. Cela ne s'applique pas au cas actuel puisque le payeur avait un contrat de sous-traitance avec une autre compagnie de placement Américaine, du nom de Top Tempo, qui elle non plus n'effectue aucune activité admissible. Conséquemment, le CIEE ne peut donc être accordé. Donc pour les années en litige le statut du travailleur n'a véritablement aucune importance puisqu'il a été déterminé que le payeur ou son client n'effectuait aucune activité admissible. Toutefois, pour l'année 1998, comme le payeur transige directement avec une compagnie qui à prime abord semble effectuer des activités admissibles, que le travailleur occupe un emploi inclus dans les emplois assurables en vertu de l'article 6(g) du règlement de l'assurance-emploi, le client serait admissible au CIEE.

...

[11]     La dernière phrase de cet extrait veut que si Siemens et ATS avaient traité directement, le résultat aurait pu être différent. Le représentant de l'appelant fait valoir que le payeur transigeait aussi dans les années en litige directement avec Siemens. Comme il a déjà été mentionné, ce fait n'est plus contesté par l'intimée.

[12]     Le paragraphe 8 du Bulletin d'interprétation IT-497-R3, intitulé « Sous-traitant » se lit comme suit :

8.          Habituellement, l'employeur déterminé exercera lui-même directement les activités admissibles décrites aux points 6a) à c) ci-dessus, ce qui permet à ses employés de déduire un montant de CIEE. Toutefois, en supposant que toutes les autres exigences énoncées au paragraphe 122.3(1) sont satisfaites, il est aussi permis aux employés d'un employeur déterminé qui exerce une activité à l'étranger autre qu'une activité admissible de déduire un montant de CIEE. Souvent appelé sous-traitant, un employeur déterminé de ce genre en est un qui a un contrat ou un contrat de sous-traitance visant à fournir des services par l'entremise de ses employés à une autre personne à l'égard d'une activité admissible que cette personne exerce à l'étranger ou à l'égard d'une activité admissible que cette personne a donnée en sous-traitance à un tiers. Par exemple, supposons que l'employeur déterminé (A Ltée) s'est engagé par contrat à exercer une activité à l'étranger en fournissant des services de traitement des données à une société non-résidente (B Ltée) dont la seule activité est l'exploration pour la découverte de gisements de gaz naturel. Supposons que les autres exigences énoncées au paragraphe 122.3(1) sont satisfaites, les employés de A Ltée qui fournissent les services de traitement des données pourraient demander un montant de CIEE, puisque leur emploi est lié à un contrat en vertu duquel l'employeur déterminé exerce une activité admissible à l'étranger.

[13]     Le représentant de l'appelant s'est référé à la décision de cette Cour dans Terry Gonsalves c. La Reine, [1999] A.C.I. no. 745. Il fait valoir que l'appelant est dans la même situation que dans l'affaire Gonsalves où le juge a décidé que Wheeler Canada exploitait son entreprise d'ingénierie au Koweït en fournissant des services d'ingénieurs à l'entrepreneur principal du projet.

[14]     L'avocat de l'intimée s'est également référé à cette décision pour faire valoir que dans cette décision le juge en était venu à la conclusion qu'il y avait un véritable contrat de sous-traitance, ce qui n'était pas le cas dans la présente affaire. L'avocat s'est également référé à la décision de cette Cour dans Betteridge c. Canada, [1998] A.C.I. no 1078, et plus particulièrement au paragraphe 23 de ces motifs :

23.        ... Le paragraphe 122.3(1) exige que l'entreprise de l'employeur soit exploitée à l'étranger et non que l'emploi de l'employé y soit exercé. Les travaux de recherche du Dr. Betteridge en France ont été faits dans le cadre d'un contrat que l'Université avait conclu avec Semex relativement à une entreprise, si entreprise il y avait, qu'elle exploitait au Canada et non à l'étranger. Le simple fait qu'une entité commerciale envoie un employé à l'étranger pour faire des recherches ou pour étudier une question qui intéresse l'employeur ne mène pas nécessairement à la conclusion que l'employeur exploite une entreprise à l'étranger.

[15]     L'avocat de l'intimée termine en faisant valoir que ATS n'exerce pas une entreprise à l'étranger et que de plus, le recrutement de personnel n'est pas un sous-contrat dans le cadre d'un projet d'ingénierie.

Conclusion

[16]     La partie pertinente du paragraphe 122.3(1) de la Loi se lit comme suit :

            Lorsqu'un particulier réside au Canada au cours d'une année d'imposition et que, tout au long d'une période de plus de 6 mois consécutifs ayant commencé avant la fin de l'année et comprenant une fraction de l'année (appelée la « période admissible » au présent paragraphe) :

a)          d'une part, il a été employé par une personne qui était un employeur déterminé, dans un but autre que celui de fournir des services en vertu d'un programme, visé par règlement, d'aide au développement international du gouvernement du Canada;

b)          d'autre part, il a exercé la totalité, ou presque, des fonctions de son emploi à l'étranger :

(i)          dans le cadre d'un contrat en vertu duquel l'employeur déterminé exploitait une entreprise à l'étranger se rapportant à, selon le cas :

(A)        l'exploration pour la découverte ou l'exploitation de pétrole, de gaz naturel, de minéraux ou d'autres ressources semblables,

(B)        un projet de construction ou d'installation, ou un projet agricole ou d'ingénierie,

(C)        toute activité visée par règlement,

(ii)         dans le but d'obtenir, pour le compte de l'employeur déterminé, un contrat pour la réalisation des activités visées à la division (i)(A), (B) ou (C),

[17]     La définition d' « employeur déterminé » se trouve au paragraphe 122.3(2) de la Loi :

« employeur déterminé » :

a)          Personne résidant au Canada;

b)          société de personnes dont la valeur totale des participations appartenant à des personnes résidant au Canada ou à des sociétés contrôlées par des personnes résidant au Canada est supérieure à 10 % de la juste valeur marchande totale de toutes les participations dans la société de personnes;

c)          société qui est une société étrangère affiliée d'une personne résidant au Canada.

[18]     « Sous-traitance » est ainsi défini au Vocabulaire juridique, 2e éd., Gérard Cornu, PUF, à la page 774 :

Sous-traitance

Dér. de traitant, de traiter, lat. tractare.

·         Opération par laquelle un *entrepreneur, dit entrepreneur principal, confie par une convention appelée *sous-traité ou contrat de sous-traitance et sous sa responsabilité, à une autre personne nommée *sous-traitant, tout ou partie de l'exécution du contrat d'*entreprise ou du marché public conclu avec le *maître de l'ouvrage (a.1, l. 31 déc. 1975), le recours à la sous-traitance impliquant, pour l'entrepreneur principal, l'obligation de faire accepter les sous-traitants par le maître de l'ouvrage.

« Sous-contrat » est ainsi défini au Dictionnaire de droit québécois et canadien, Hubert Reid, Wilson et Lafleur, à la page 543 :

Sous-contrat, n.m.

q        Contrat conclu entre l'une des parties à un contrat initial et un tiers qui s'engage à exécuter en tout ou en partie le contrat initial. Ex. Un contrat de sous-entreprise, un contrat de sous-location.

Comp. avant-contrat, contrat, sous-contractant

Angl. subcontract

« Subcontract » est ainsi défini dans le Black's Law Dictionary, 7e éd., à la page 325 :

Subcontract. A contract made by a party to another contract for carrying out the other contract, or a part of it.

[19]     L'objet de la disposition est décrit à l'annexe 5 du Budget de 1996, Renseignements supplémentaires, à la page 194 :

Le principal objectif de ce crédit est de veiller à ce que les entreprises canadiennes qui emploient du personnel canadien soient en mesure de concurrencer les sociétés étrangères lorsqu'elles soumissionnent pour des contrats à l'étranger. Un certain nombre de pays étrangers offrent des allégements fiscaux à leurs résidents employés hors de leurs frontières, ce qui permet aux entreprises de ces pays de baser leurs soumissions, pour des marchés à l'étranger, sur les dépenses salariales réduites grâce à ces allégements fiscaux. De même, le CIEE permet aux employeurs canadiens de réduire leurs coûts salariaux à l'égard des travaux exécutés à l'étranger, tout en maintenant la valeur après impôt de la rémunération que leurs employés reçoivent au titre de ces travaux.

[20]     Bien que la lettre provenant de Siemens dise que « ATS Reliance is a subcontractor to Siemens engaged in providing temporary workers of a technical nature » , cette lettre ne peut évidemment pas modifier le droit concernant la notion de sous-traitance.

[21]     L'avocat de l'intimée a fait état qu'au sens de l'alinéa 6g) du Règlement sur l'assurance-emploi, l'emploi est assurable. Cette disposition ne dit pas que ATS est l'employeur mais le présumé employeur au sens de cette législation. Toutefois, si l'appelant est l'employé de Siemens, il ne peut avoir droit au crédit d'impôt pour l'emploi à l'étranger parce que Siemens n'est pas un employeur déterminé au sens de la Loi, bien qu'il soit admis qu'elle oeuvre dans des projets d'ingénierie. À titre d'employé d'ATS, l'appelant ne peut obtenir le crédit que si ATS, qui pourrait être un employeur déterminé, exerce à l'étranger les activités admissibles décrites à l'alinéa 122.3(1)b) de la Loi, ci-dessus cité.

[22]     La preuve a révélé que ATS a agi comme une agence de recrutement de personnel spécialisé pour les fins de Siemens. D'une part, il est douteux qu'une telle exploitation soit faite à l'étranger. Mais d'autre part, il paraît certain en droit, que ces services ne sont pas des services ressortissant à la sous-traitance dans un contrat d'ingénierie. ATS n'exécute pas à l'étranger une partie du contrat d'ingénierie de Siemens à titre de sous-traitant.

[23]     L'appel est en conséquence rejeté.

Signé à Ottawa, Canada ce 30e jour de janvier 2001.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :       1999-3863(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Christian Fonta et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 27 juillet 2000

REPRÉSENTATIONS ÉCRITES

SUPPLÉMENTAIRES REÇUES :       les 8 août et 23 novembre 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                    le 30 janvier 2001

COMPARUTIONS :

Représentant de l'appelant :        Émile Malka

Avocat de l'intimée :                  Me Mounes Ayadi

AVOCAT(e) INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                   Nom :           Émile Malka

                   Étude :                   Boisjoli, Sabbah, Sabbag, Ziri, Malka

                   Ville :                     Montréal (Québec)

Pour l'intimée :                          Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

1999-3863(IT)I

ENTRE :

CHRISTIAN FONTA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 27 juillet 2000, à Montréal (Québec), et représentations écrites supplémentaires reçues les 8 août et 23 novembre 2000, Ottawa (Ontario),

par l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Représentant de l'appelant :                 Émile Malka

Avocat de l'intimée :                            Me Mounes Ayadi

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996 et 1997 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de janvier 2001.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


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