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Date: 20010314

Dossier: 98-2403-IT-G

ENTRE :

JULES LALANCETTE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'appels concernant les années d'imposition 1994 à 1996.

[2]            La question en litige est de savoir si la rémunération reçue par l'appelant dans les années en litige est un revenu tiré d'un emploi auprès d'une organisation internationale visée par règlement au sens du sous-alinéa 110(1)f)(iii) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) et de l'article 8900 du Règlement de l'impôt sur le revenu (le « Règlement » ).

[3]            Les témoins ont été, pour la partie appelante, monsieur O'Neil Pouliot, l'appelant lui-même et monsieur Sylvain Murray, et pour la partie intimée, monsieur Peter Miller et monsieur Richard Veillette.

Témoignage de monsieur O'Neil Pouliot

[4]            Monsieur O'Neil Pouliot est retraité. En 1994, il était surintendant principal à la Gendarmerie Royale du Canada (la « GRC » ). Le 14 septembre de cette année, lui, l'appelant et deux autres membres ont rencontré à New York les responsables des missions de la paix à travers le monde de l'Organisation des Nations Unies (l' « ONU » ). Cette rencontre avait pour but de préparer le rôle de la police civile au sein de la mission de paix de l'ONU en Haïti. Il fallait connaître et s'entendre sur les règles administratives et le code de conduite afférents aux membres de la mission de paix.

[5]            Vers le 25 septembre 1994, monsieur Pouliot ainsi que 12 autres membres de la GRC sont partis vers Haïti. Monsieur Pouliot y a agi à titre de Commissaire de la police civile pour les Nations Unies. Il relevait, pour les opérations en Haïti, du représentant spécial du Conseil de sécurité de l'ONU. Au cours de 1994 et 1995, il y a eu 21 pays et 920 policiers qui ont participé dont 100 canadiens.

[6]            Au début, l'appelant fut l'assistant de monsieur Pouliot dans la mise en place de la mission. Puis, en mars 1995, l'appelant devint l'officier responsable pour la division de Port-au-Prince métro. (Il y avait cinq divisions soit celle de Port-au-Prince métro, celle des environs de Port-au-Prince, celle de Cap Haïtien, celle de Gonaïves et celle de Les Cayes). L'appelant avait aussi la responsabilité d'être le commandant du contingent canadien pour Haïti. L'appelant, en tant que responsable de la division Port-au-Prince métro avait 300 policiers sous sa commande.

[7]            À l'onglet 10 de la pièce A-1 se trouve un guide pour la police civile de l'ONU pour la mission à Haïti. Le document est intitulé « United Nations Mission in Haïti (UNMIH) - Notes for the Guidance of UNCIVPOL on Assignment » (le « Guide » ). Il est en date du 23 septembre 1994. On y lit aussi « Civilian Police Unit, Department of Peace-keeping Operations, United Nations, New York » . « UNCIVPOL » est l'acronyme pour United Nations Civilian Police.

[8]            L'annexe I du Guide est un document intitulé « Text of the Undertaking to be Signed by United Nations UNCIVPOL » . Cet engagement doit être signé par chaque officier de police qui veut faire partie de la mission de paix en Haïti. À part cet engagement, il n'y a pas d'autres documents signés par le policier à l'égard de l'ONU. Il est aussi à noter que cet engagement n'est signé que par le policier civil.

[9]            L'avocat de l'appelant demande à monsieur Pouliot de lire et expliquer l'article 13 du Guide pour les policiers en mission de paix qui suit :

13.            UNCIVPOL shall, during the term of their appointment, discharge their functions and regulate their conduct with the interests of the United Nations only in view and shall not seek or accept instructions in respect of the performance of their duties from their own Government or from any other authority external to the United Nations.

Son explication est que dans le passé, il y a eu des expériences où les policiers avaient reçu des instructions de leurs propres pays pour agir d'une certaine façon et cela causait des conflits dans les missions.

[10]          En contre-interrogatoire, l'avocate de l'intimée s'est référée à l'article 11 du Guide et a demandé au témoin son interprétation.

11.            UN Civilian Police personnel are police officers assigned to serve with the United Nations on a loan basis by Governments of Member States at the request of the Secretary-General.

Le témoin a expliqué qu'il s'agit d'un prêt de personnel fait par les pays qui participent à la mission de paix. Quand lui-même s'est porté volontaire pour la mission, il a fait part de son intention à la GRC. Il ne serait pas allé directement à l'ONU. C'était une collaboration entre le gouvernement canadien, la GRC et les Nations Unies. S'il y avait des augmentations de salaires pendant leur absence, les policiers y avaient droit. Les policiers qui étaient renvoyés dans leur pays pour cause de discipline retournaient à leur corps de police.

Témoignage de l'appelant

[11]          Il est admis de part et d'autre qu'au cours des années visées et, ce depuis 1965, l'appelant était un membre de la GRC. En 1994, l'appelant était l'officier responsable des opérations fédérales à la Division C, soit le Québec. Il s'était porté volontaire par écrit.

[12]          Tel que mentionné par monsieur Pouliot, l'appelant, à partir du 31 mars 1995, est devenu le commandant de la division de Port-au-Prince métro. À ce titre, il était responsable des opérations policières, c'est-à-dire le travail opérationnel de la police ainsi que de l'administration des policiers qui font partie de la division. Ceci comprenait la gestion des congés, les horaires de travail, la coordination des policiers qui travaillent sur le terrain avec ce qui reste des forces armées haïtiennes, qui sous l'ancien régime, s'occupaient de l'application de la loi.

[13]          L'appelant devait veiller à ce que l'on accomplisse le mandat de la mission des Nations Unies. Il y avait un rapport journalier qui était expédié de son quartier général au quartier général de la mission, où monsieur Pouliot avait ses bureaux. Pendant son séjour là-bas, il dit n'avoir reçu aucune directive de la part de la GRC.

[14]          L'appelant n'a pas vraiment expliqué son rôle à titre de chef du contingent canadien. Il a toutefois mentionné en tant que chef de contingent, il pouvait téléphoner une ou deux fois par semaine à un officier de contact à Ottawa.

[15]          Le policier civil travaillait une période de 30 jours consécutifs, suivie d'une période de six jours de congé. Les congés ne pouvaient pas être accumulés.

[16]          Les véhicules de la police civile étaient des véhicules de l'ONU. C'était une voiture blanche portant les mots « Nations Unies » . Pour les conduire, il faut un permis de l'ONU. C'était en majorité des véhicules à quatre roues motrices du genre Trooper ou Land Cruiser.

[17]          En ce qui concerne l'équipement, le Canada fournissait des boîtes de baraquement, plus un sac de couchage, des moustiquaires, des trousses de premier soins et les uniformes. L'équipement est décrit à l'annexe IV du Guide (onglet 10, pièce A-1).

[18]          Les policiers étaient en uniforme de leur propre pays. Ils portaient toutefois un brassard bleu à l'emblème des Nations Unies et un béret bleu. Ils devaient aussi porter une carte d'identité montrant qu'ils sont membres de la mission des Nations Unies. À la fin de la mission, le policier est requis de remettre la carte d'identité ainsi que le permis de conduire aux Nations Unies.

[19]          Les locaux arboraient le drapeau des Nations Unies. Les radios, les téléphones, les télécopieurs et la papeterie appartenaient aux Nations Unies.

[20]          Les services de santé seraient assumés par les Nations Unies.

[21]          L'appelant partageait une villa avec des collègues. Le loyer était à leur charge.

[22]          Les articles 18 et 19 du Guide (onglet 9, pièce A-1) accordaient aux policiers civils l'immunité diplomatique qui est donnée aux experts des Nations Unies.

[23]          En 1994, la rémunération de l'appelant était de 85 503 $. Du 20 septembre à la fin décembre, il y a 100 jours, ce qui ferait un montant de rémunération de 23 425 $. En 1995, la réclamation est pour du 1er janvier au 25 septembre, donc 37.5 semaines. Le montant de rémunération correspondant serait 62 157 $. Il n'y a pas de preuve pour l'année 1996, car l'appelant est revenu au Canada le 25 septembre 1995.

Témoignage de monsieur Sylvain Murray

[24]          Le témoin, monsieur Sylvain Murray, est un employé de la GRC. En 1994, il était chef de section d'une unité qui était responsable de négocier le financement des projets majeurs. Il a expliqué que la GRC est remboursée à 100 pour-cent par l'Agence canadienne de développement international ( « l'ACDI » ), notamment pour les salaires, les voyages et les frais médicaux. Dans le contingent canadien, il n'y avait pas seulement des membres de la GRC mais il y avait aussi des policiers venant de divers corps municipaux. Ces corps municipaux facturaient la GRC, qui elle facturait l'ACDI. À la GRC, le budget alloué à la division n'était pas affecté. Le gestionnaire avait le choix de remplacer l'employé ou de payer du surtemps.

Témoignage de monsieur Peter Miller

[25]          Monsieur Peter Miller est un membre de la GRC. Il est maintenant le responsable de toutes les missions de la paix des policiers canadiens à travers le monde. La GRC coordonne la participation de tous les policiers du Canada dans les missions de la paix. Elle fait la sélection des policiers et leur formation avant qu'ils ne s'en aillent en mission. Il est responsable de la logistique et de la fourniture de l'équipement aux policiers. Ils reçoivent un peu d'équipement des Nations Unies mais la grande majorité est fournie par la GRC.

[26]          Lui-même a fait deux missions, Haïti en 1996-97 pour une période de neuf mois et le Sahara occidental de novembre 1997 à novembre 1998. Au moment de son séjour à Haïti, monsieur Miller était le Commissaire adjoint de la mission et il était le chef du contingent canadien. Il a affirmé que chaque policier canadien en mission est sujet au code de déontologie des Nations Unies et au code de déontologie de son propre service au Canada.

[27]          Monsieur Miller affirme que même si le policier en mission reçoit ses instructions de l'ONU, il a tout de même comme autre patron le corps policier d'où il vient. Le chef du contingent d'un pays peut ordonner à un policier de retourner dans son pays s'il considère qu'il a causé de l'embarras à son pays. Les chefs des contingents se rapportent à lui.

[28]          Les membres de la GRC ne signent pas de contrat lorsqu'ils partent en mission. Les corps policiers municipaux et provinciaux signent des ententes avec la GRC. Les membres retraités signent des contrats, soit avec la GRC soit avec d'autres organisations comme l'ONU.

[29]          Les années en mission comptent pour l'ancienneté au sein de la GRC pour le fonds de pension et l'augmentation de salaire. Les vacances continuent à s'accumuler et les vacances prises en mission ne comptent pas.

[30]          À Haïti, les policiers civils reçoivent de l'ONU le « Mission Subsistance Allowance » ( « MSA » ), qui pour les premiers 30 jours est au montant de 123 $US et les jours subséquents, de 83 $US. En plus de ce per diem, les policiers canadiens reçoivent ce qui est connu sous le nom de « prime de service extérieur » et l' « indemnité différentielle » . Le total de ces deux montants serait d'environ 1 000 $ canadien par mois. Ce montant est ajouté sur leurs chèques mais ce ne serait pas imposable. Il ne paraît donc pas sur les T4.

[31]          Maintenant, les policiers ont droit à des voyages payés pour revenir à la maison ou encore pour permettre à la famille ou à un conjoint de venir les visiter. Au temps de l'appelant, ce n'était pas le cas.

Témoignage de monsieur Richard Veillette

[32]          Monsieur Richard Veillette est le directeur des services financiers à l'ACDI. L'ACDI, à partir de ses budgets, a financé le projet d'envoi de policiers de la GRC en Haïti. Elle procédait en remboursant les dépenses reliées à ce projet. Les fonds de l'ACDI ont été transférés au Solliciteur général du Canada pour couvrir les coûts relatifs à cette mission.

Argumentation

[33]          L'avocat de l'appelant fait valoir que lorsque l'appelant est en Haïti, il est sous l'autorité de l'ONU. Le lien hiérarchique, les conditions de travail, les règles et les directives sont de l'ONU. Le policier oeuvrant au sein de la mission ne répond pas à son autorité nationale mais à l'ONU. C'est le représentant de l'ONU qui détermine l'assignation du policier. L'avocat se réfère notamment aux articles 8, 12, 13 et 17 du Guide pour les policiers civils (onglet 10 de la pièce A-1):

8.              UNMIH will be headed by the Special Representative of the Secretary General (SRSG). The Civilian Police component element will comprise 567 UNCIVPOLS.

...

12.            While in the mission area, UNCIVPOL are under the command of the Police Commissioner (PC) and are directly answerable to him for their conduct and the performance of their duties. The PC is directly under the command of the SRSG. He is authorized to accord official recognition of the service merits of the UNCIVPOL, as well as to enforce discipline in the police component.

13.            UNCIVPOL shall, during the term of their appointment, discharge their functions and regulate their conduct with the interests of the United Nations only in view and shall not seek or accept instructions in respect of the performance of their duties from their own Government or from any other authority external to the United Nations.

...

17.            UNCIVPOL are assigned to UNMIH headquarters or other division as decided by the PC.

[34]          L'avocat fait valoir aussi que les paragraphes 18 et 19 traitent des privilèges et immunités attribués aux policiers membres de la force de l'ONU. C'est selon lui exceptionnel : les policiers bénéficient des immunités non pas du gouvernement canadien mais de celles accordées aux fonctionnaires de l'ONU. L'avocat continue la révision du Guide : le paragraphe 20 prévoit que le policier est sujet à payer à l'ONU les pertes qu'il occasionne à l'ONU dans le cadre de ses activités, tels que des dommages aux véhicules; le paragraphe 26 détermine les heures de travail du policier, le paragraphe 27 traite des vacances; le paragraphe 29 du temps compensatoire. Les paragraphes 31, 32 et 33 parlent des conditions de passeport et des visas. On dit que le policier doit obtenir un passeport diplomatique. La carte d'identité est émise par l'ONU. Le paragraphe 59 définit les exigences vestimentaires. Le paragraphe 66 prévoit que l'ONU versent aux policiers 200 $US pour les vêtements et l'équipement.

[35]          L'avocat de l'appelant soumet que le salaire payé par la GRC est un mode d'accommodement du gouvernement vis-à-vis les missions de l'ONU. De plus, selon l'avocat de l'appelant, il n'est pas incompatible que l'appelant ait conservé un lien d'emploi avec la GRC et qu'il en ait acquis un autre avec l'ONU.

[36]          L'avocat de l'appelant s'est référé à cet égard à la décision de la Cour fédérale de première instance dans Scott c. La Reine, 91 DTC 5268. Il s'agit d'une personne qui était employée par une corporation et dont les services ont été prêtés à une autre corporation. Ces services étaient accomplis sous les instructions d'une troisième entité. Son salaire lui était payé par la première corporation. Les options d'achat d'actions qui lui ont été accordées par la deuxième entité devaient être inclus dans son revenu comme un revenu d'emploi.

[37]          On définit un employé comme une personne au service d'une autre, laquelle a un droit de contrôle et de direction sur l'individu. La direction et le contrôle sont des éléments de base de la notion d'emploi.

[38]          L'avocat de l'appelant fait aussi valoir que le but de l'alinéa 110(1)f) de la Loi est de favoriser les citoyens qui oeuvrent au niveau international.

[39]          L'avocate de l'intimée se reporte à l'article 11 du Guide pour la police civile et indique que les policiers rendent des services à l'ONU sur la base d'un prêt par leur gouvernement. Le policier demeure un employé de son pays d'origine. Dans la cas du policier canadien, son salaire continue à lui être versé par son employeur. Les années passées là-bas comptent pour l'ancienneté, son fonds de pension s'accumule et ses vacances s'accumulent. C'est à la GRC qu'il peut prendre ses vacances à son retour. Il n'a pas donné de démission à la GRC avant de partir travailler à l'étranger. Il n'a pas non plus signé de contrat individuel avec l'ONU. Il reçoit le même traitement salarial que ses autres collègues reçoivent ici au Canada. Il reçoit une indemnisation spéciale pour travail à l'étranger. Ses uniformes lui sont fournis et autres matériels. Elle se réfère à l'article 59 du Guide qui prévoit la tenue vestimentaire, dont une identification nationale qui doit être cousue sur l'uniforme :

59.            United Nations Civilian Police Officers are expected to wear their national uniforms during the performance of their duties. The United Nations will provide a blue beret, peak cap, cap badge, neck scarf and six shoulder patches to be sewn on the upper right sleeve of the uniform shirt or jacket. A national identification symbol, normally a small national flag, should be sewn on the upper left sleeve of the uniform shirt and jacket. A detailed guide to clothing and equipment is contained in Annex IV to the present notes.

[40]          Elle s'est référée à la décision de cette Cour dans Creagh c. La Reine, [1996] A.C.I. no 1404 (Q.L.).

26             Le mot « emploi » est défini comme suit au paragraphe 248(1) de la Loi :

« emploi » signifie le poste qu'occupe un particulier, au service d'une autre personne (y compris Sa Majesté ou un État ou souverain étrangers) et le mot « préposé » ou « employé » signifie une personne occupant un tel poste

27             Le mot « emploi » est utilisé plusieurs fois dans la Loi et lorsqu'il y est utilisé, il désigne toujours la relation contractuelle existant entre un employeur et un employé, tout comme lorsqu'il est utilisé dans d'autres textes juridiques, quels qu'ils soient. Il ne désigne pas une activité quelconque dans laquelle on se lance. La préposition « auprès [de]) » ne saurait modifier le sens du mot « emploi » utilisé dans la Loi. Si le législateur avait voulu prévoir le cas d'activités de travail quelconques plutôt que le cas d'emplois proprement dits, il aurait utilisé la première expression et non la seconde. Il a été admis par les appelants et il ressort très clairement de la preuve que les appelants étaient des employés de la Canadian Helicopters et que cette compagnie était leur employeur. Les appelants n'ont donc pas gain de cause sur ce point.

[41]          En réplique l'avocat de l'appelant fait valoir que dans la décision Creagh ci-dessus, il y a un contrat entre Canadian Helicopters et l'ONU. Il n'y a aucun contrat entre la GRC et l'ONU.

Conclusion

[42]          L'alinéa 110(1)f) de la Loi et l'article 8900 du Règlement se lisent comme suit :

110(1)      Pour le calcul du revenu imposable d'un contribuable pour une année d'imposition, il peut être déduit celles des sommes suivantes qui sont appropriées :

                ...

f)               ... ou toute somme dans la mesure où elle a été incluse dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année, représentant, selon le cas :

...

(iii)           un revenu tiré d'un emploi auprès d'une organisation internationale visée par règlement,

8900         Pour l'application de l'alinéa 110(1)f) de la Loi :

a)             les organisations internationales visées sont l'Organisation des Nations Unies et toute institution spécialisée qui lui est reliée en conformité avec l'article 63 de la Charte des Nations Unies;

...

[43]          J'ai relaté la preuve dans bien de ses détails. Mais en fait il manque un aspect essentiel dans la preuve présentée, c'est la présence d'un représentant de l'ONU ou encore la production d'un document émanant de l'ONU attestant que l'appelant est ou pourrait être un employé permanent ou temporaire de cette organisation. Un emploi exige l'intention de deux parties contractantes. Une personne ne peut se décréter unilatéralement un employé de l'ONU. Je suis certaine que l'ONU tout comme les gouvernements a des règles concernant l'emploi qu'il soit permanent ou temporaire. Ces règles n'ont pas été produites.

[44]          Dans l'affaire Creagh ci-dessus, les appelants n'ont pas tenté de se déclarer employés de l'ONU mais ont tenté de faire valoir que les mots « un emploi auprès d'une organisation internationale » pouvaient s'interpréter au sens d'activités de travail auprès d'un organisme, même si ces activités sont exercées par une personne employée par une personne autre que l'organisme international. Ce à quoi la Cour n'a pas souscrit pour les raisons données au passage cité plus haut.

[45]          Je ne vois dans le Guide (onglet 10 de la pièce A-1) aucune acceptation de la part de l'ONU que les policiers civils en mission en Haïti sont des employés de l'ONU.

[46]          Ainsi par exemple, les privilèges et immunités accordés (l'article 18) sont ceux accordés aux experts en mission pour l'ONU et non pas aux fonctionnaires de l'ONU. L'article 18 du Guide réfère à l'article VI de la Convention sur les Privilèges et Immunités des Nations Unies. Or, c'est l'article V de la Convention qui prévoit les immunités diplomatiques des fonctionnaires. La section 22 de l'article VI de la Convention prévoit que les experts (autres que les fonctionnaires visés à l'article V) lorsqu'ils accomplissent des missions pour l'ONU, jouissent, pendant la durée de cette mission, y compris le temps du voyage, des privilèges et immunités nécessaires pour exercer leurs fonctions en toute indépendance. La section 17 de l'article V de la Convention se lit comme suit :

Le Secrétaire général déterminera les catégories des fonctionnaires auxquels s'appliquent les dispositions du présent article ainsi que de l'article VII. Il en soumettra la liste à l'Assemblée générale et en donnera ensuite communication aux Gouvernements de tous les Membres. Les noms des fonctionnaires compris dans ces catégories seront communiqués périodiquement aux Gouvernements des Membres.

[47]          L'article 19 du Guide prévoit que les privilèges et immunités sont accordés dans l'intérêt de l'ONU et non pour le bénéfice personnel des individus. Cet article prévoit également que l'autorité du pays du policier peut prendre une action disciplinaire ou légale contre lui en accord avec la loi du pays et de ses règlements.

[48]          Selon la preuve présentée, je ne vois aucun indicateur permettant de conclure qu'il y a un contrat d'emploi entre l'ONU et l'appelant. 1) L'ONU est une institution qui a, nécessairement, des règles concernant l'emploi de ses employés soit permanents, soit temporaires. Normalement, l'on se serait référé aux dispositions permettant de considérer l'appelant comme un employé de l'ONU. Puisque cela n'a pas été fait, si elles n'ont pas été produites, il me faut penser qu'il n'y a pas de telles dispositions. 2) Je ne vois non plus aucun contrat entre l'ONU et l'appelant. L'engagement signé par l'officier de police, dont le texte paraît à l'annexe I du Guide pour les officiers de police (onglet 10 de la pièce A-1) n'est pas un contrat d'emploi. Il s'agit simplement d'un engagement unilatéral à ne pas utiliser l'information obtenu lors de la mission pour des fins non autorisées par les autorités de la mission. 3) Les privilèges et immunités accordés ne sont pas ceux accordés aux fonctionnaires mais ceux accordés aux experts travaillant pour les fins de l'ONU. 4) L'appelant était sujet à deux codes de conduite, celui de l'ONU et celui de son corps de police. Car tout en étant identifié comme faisant partie de la police civile de l'ONU il était également identifié par le port de son costume national comme policier de son pays. 5) L'appelant n'avait pas droit à une rémunération de l'ONU, ni au plan de pension de l'ONU ou autre avantage accordé par l'ONU à ses employés.

[49]          L'appelant n'était évidemment pas un fonctionnaire de l'ONU. Il devait agir dans le cadre d'une mission dont les paramètres étaient déterminés par l'ONU, mais cela ne peut suffire à faire de l'appelant un employé. Si cela était le cas, les employés de l'ONU seraient légion. L'appelant était un employé du gouvernement canadien prêté par son pays pour une mission de paix.

[50]          Les appels pour les années 1994 et 1995 sont rejetés pour ces motifs. Celui pour l'année 1996 est rejeté parce que l'appelant était revenu au Canada le 25 septembre 1995. Le tout avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de mars 2001.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

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