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Date: 20010820

Dossier: 2000-4823-IT-I

ENTRE :

DWAYNE LUCYSHYN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

2000-4824(IT)I

ET ENTRE :

MARLENE LUCYSHYN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1]            Les présents appels, interjetés sous le régime de la procédure informelle, ont été entendus à Saskatoon (Saskatchewan) sur preuve commune, avec le consentement des parties le 8 août 2001. Les deux appelants ont témoigné et ont appelé à témoigner Tim Kolababa, un agent immobilier de Saskatoon. L'intimée a appelé à témoigner Denise Hill, une vérificatrice de l'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « ADRC » ).

[2]            Les appelants sont mari et femme. Ils ont interjeté appel à l'encontre des cotisations qui établissaient qu'ils avaient reçu un revenu découlant du produit de la vente du bien situé au 130 Woods Court, Saskatoon, en 1996 et du produit de la vente du bien situé au 142 McFarland Place, Saskatoon, en 1997 au motif que ces deux biens étaient leur résidence principale. Si la Cour en venait à la conclusion qu'ils étaient des commerçants relativement à ces biens, tenus de payer le montant de la cotisation, les appelants demandent la déduction de frais supplémentaires.

[3]            Les hypothèses figurant dans les réponses aux deux avis d'appel sont pratiquement identiques. Celles de la réponse concernant Dwayne au paragraphe 16 sont ainsi rédigées :

                                [TRADUCTION]

16.            En établissant ces nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant, le ministre se fondait sur les hypothèses de fait suivantes :

a)              les faits admis ci-devant;

b)             les biens Woods Court et McFarland Place (les « biens » ) étaient des maisons unifamiliales neuves;

c)              la vente des biens a donné lieu à une possibilité de profit;

d)             les maisons situées sur les biens ont été construites par la famille dans de nouveaux quartiers de la ville où des lots y étaient disponibles pour la construction;

e)              l'appelant connaissait bien le marché dans les quartiers où les biens étaient situés;

f)              l'appelant a vendu les deux biens moins d'un an après que la famille y avait emménagé;

g)             un panneau privé « À vendre » a été affiché sur les deux biens peu de temps après l'achèvement des travaux de construction;

h)             l'appelant a vendu cinq maisons en treize ans et en a construit quatre depuis 1993;

i)               les deux premières des cinq maisons ont été considérées comme résidence principale de l'appelant;

j)               les maisons sur les biens ont été construites par l'appelant avec l'aide de sa famille et d'autres membres de corps de métier;

k)              les biens ont été mis en vente peu de temps après l'achèvement des travaux de construction;

l)               l'appelant possède de l'expérience dans la construction de maisons et considérait qu'il s'agissait d'une entreprise;

m)             l'appelant a aidé son frère à construire une maison;

n)             l'appelant a passé quatre des huit examens de certification d'un programme de certification des maisons neuves de la Saskatchewan Home Builders;

o)             l'appelant a constitué en personne morale Jade Developments Inc. afin d'acheter et d'obtenir des escomptes de gros;

p)             l'appelant n'aurait pas vendu les biens s'il n'avait pu réaliser un profit;

q)             l'appelant avait l'intention de vendre les biens à compter du moment de leur acquisition.

[4]            Les hypothèses 13b), c), d), e), f), g), h), i), j), k), l), m), n) et o) sont correctes. L'hypothèse q) fait l'objet du litige. Dwayne hésitait à admettre l'hypothèse p) puisqu'il n'aurait pas dit qu'il aurait vendu à perte le bien situé au 142 McFarland, mais il n'aurait pas vendu à perte le bien situé au 130 Woods.

[5]            Les dates pertinentes concernant les cinq maisons dont les appelants ont été propriétaires sont les suivantes :

1534

Haslam Way

1906 Kenderdine Road

130

Woods Court

142

McFarland

Place

106 McFarland Place

1.

Offre d'achat du lot

Tirage d'un nom par la ville

juin 1995

30 août 1996

Dépôt

Juill.-août

16 déc. 1997

2.

Titre du lot acquis

15 déc. 1987

15 sept. 1993

16 oct. 1995

25 oct. 1996

24 déc. 1997

(Prix)

(22 819,77 $)

(31 800,00 $)

(36 900,00 $)

(40 000,00 $)

(49 500,00 $)

3.

Facture du dessinateur pour le plan

Inconnue

Inconnue

26 juill. 1995

11 juill. 1996

(pieds carrés)

(1 080)

bungalow

(1 600)

bungalow

(2 125)

maison à demi-niveaux

(Presque identique au 130 Woods Court)

(2 300)

2 étages

4.

Début de la construction

août 1995

juill.-août 1996

5.

Permis de construire

22 août 1995

14 août 1996

6.

Emménagement

nov. 1987

oct. 1993

déc. 1995

déc. 1996

avril 1998

7.

Vente envisagée pour la première fois

fév. 1996

jan.-fév. 1997

8.

Pose du panneau « à vendre »

Inconnu, mais première utilisation

fév. 1996

fév. 1997

9.

Enregistré auprès d'un agent d'immeuble

juillet 1993

mars 1995 pendant 90 jours (vente après l'expiration de l'enregistrement)

mars 1996

pendant 90 jours (vente après l'expiration de l'enregistrement)

25 août 1997 pendant 90 jours

10.

Offre de vente signée

(transfert)

23 août 1993

(transfert)

15 juillet 1995

27 juin 1996

(1re offre)

12 déc. 1997

(1re offre)

(Prix)

(113 500,00 $)

(150 000,00 $)

(178 000,00 $)

(210 000,00 $)

11.

Possession remise à l'acheteur

30 juill. 1996

23 jan. 1998

(déménagé dans un appartement)

(loué de l'acheteur puis aux parents de Dwayne)

(loué un quadruplex)

(loué un duplex)

Y vivent toujours

Notes :

1.              Les appelants ont acquis un panneau « À vendre » de grandeur normale (environ 2 pi. x 3 pi.) qu'ils ont placé sur leur gazon et qui indiquait leur numéro de téléphone lorsqu'ils ont vendu le bien situé au 1906 Kenderdine Road. Dwayne a indiqué dans son témoignage qu'ils ont conservé ce panneau et l'ont posé de nouveau sur leur gazon pour les ventes subséquentes des biens situés au 130 Woods Court et au 142 McFarland. (Voir les pièces R-1 et R-2, photographies.)

2.              En vue de construire le 130 Woods Court et le 142 McFarland Road, les appelants ont obtenu une marge de crédit et un prêt hypothécaire de construction auprès de la Banque de Nouvelle-Écosse. Marlene a indiqué dans son témoignage que la marge de crédit a servi à la construction et que le prêt hypothécaire de construction a servi à rembourser la marge de crédit à mesure que chaque étape de la construction était achevée. Une fois qu'une maison était terminée et qu'ils y emménageaient, les appelants obtenaient un prêt hypothécaire résidentiel ordinaire.

3.              Dwayne a constitué en personne morale Jade Developments Corporation ( « Jade » ) le 10 juillet 1995 (A-1, onglet 31) avant d'avoir les plans du 130 Woods Court et il a gardé Jade et a continué d'agir comme son fondateur. À compter de cette époque, les appelants se sont servis de Jade pour obtenir des rabais de gros pour tout ce qu'ils pouvaient, à l'exception de l'achat des lots. Toutefois, selon le témoignage des appelants et les chèques déposés en preuve, il appert que Dwayne et Marlene ont payé ces achats personnellement grâce à leur marge de crédit.

4.              Pour leurs quatre premières maisons, y compris celles situées au 130 Woods Court et au 142 McFarland, Dwayne et Marlene ont fait les plinthes, la peinture ou la pose du papier peint et les étagères des placards. Après leur première maison, leurs enfants ont aidé à nettoyer les résidus de construction des trois autres maisons des quatre premières.

5.              Les biens situés au 130 Woods Court, au 142 McFarland Place et au 106 McFarland Place sont tous situés à moins de 150 mètres les uns des autres sur des « terrains » adjacents près de Kerr Road, à Saskatoon. Chaque maison se situait à moins de 100 mètres de Kerr Road.

[6]            Depuis leur toute première maison au 1534 Haslam Way, (où ils ont été aidés et formés par le père de Marlene), les appelants ont agi en tant qu'entrepreneurs généraux et ils ont fait dessiner les plans par un dessinateur, ils ont envoyé les plans à des sous-traitants, ils ont obtenu et accepté ou rejeté des soumissions relatives à l'excavation, au béton, à la charpente, à la plomberie, au système électrique, aux cloisons sèches, à la couverture, etc., et ont payé les sous-traitants à partir de leur marge de crédit.

[7]            En 1996, Dwayne a aidé son frère à construire une maison et, en 1997, il a aidé sa mère à aménager son sous-sol. Il a utilisé Jade afin d'obtenir des rabais de gros. Aux mois de septembre et d'octobre 1997, Dwayne a passé quatre examens du Programme de certification des maisons neuves afin d'être accrédité en vue d'obtenir des rabais sur l'achat de lots pour construire leur « prochaine résidence principale » , mais il ne s'est pas présenté à d'autres examens une fois qu'il a constaté qu'il y en avait quatre autres et que leurs deux autres premiers lots nécessiteraient le paiement du prix de détail complet. Après avoir construit la maison située au 106 McFarland, Dwayne, à titre d'entrepreneur général, a également construit une maison de 1 500 pieds carrés en 1997 pour la famille Lupul dans le même district « Arbor Creek » où se trouvaient les maisons Woods et McFarland. Au début de 1998, les vérifications de Revenu Canada ont commencé.

[8]            Pendant les années en litige, Dwayne était conducteur d'autobus pour la ville de Saskatoon et Marlene était secrétaire pour la Compagnie pétrolière impériale Ltée. Il s'agissait de deux emplois à plein temps. Dwayne gagnait environ 35 000 $ par année et Marlene, environ 30 000 $ par année. Dwayne devait se lever vers 4 h 30 pour aller travailler. Ils ont indiqué dans leur témoignage qu'immédiatement après avoir emménagé dans la maison du 130 Woods Court, ils ont découvert que des vibrations provenant de la voie publique adjacente, Kerr Road, gardaient Dwayne éveillé, alors ils ont décidé de déménager. Ils attribuent les vibrations à la dalle de béton située sous la salle familiale et leur chambre à coucher qui est située au-dessus de la salle familiale. Ils ont par la suite construit le même plan avec une dalle au 142 McFarland (sur le terrain adjacent) sur un lot situé à deux lots de Kerr Road. Ils ne se sont pas plaints des vibrations à cet endroit. Toutefois, en janvier 1997, environ un mois après avoir emménagé au 142 McFarland, des rumeurs ont circulé selon lesquelles la Compagnie pétrolière impériale Ltée fermerait ses portes à Saskatoon. Les appelants ont indiqué dans leur témoignage que c'est ce qui les a poussés à quitter le 142 McFarland. Ils ne pouvaient pas en supporter les coûts mensuels. Toutefois, au cours de l'année 1997 Marlene n'a pas cherché un autre emploi. Lorsqu'elle a été licenciée au début de 1998, elle s'en est remise à une société d'experts-conseils embauchée par la Compagnie pétrolière impériale Ltée, grâce à laquelle elle a obtenu un emploi en un mois au sein du personnel du service de police municipale de la Saskatchewan, où elle travaille toujours. Ces raisons ne sont pas crédibles parce que :

1.              Ils ont conservé et continué d'utiliser le panneau privé « À vendre » pour les trois maisons de suite avant même le début de la construction des maisons.

2.              Ils n'ont jamais déménagé très loin de Kerr Road. En effet, leur maison actuelle est plus proche de Kerr Road (bien qu'elle ait un plan différent) que celle du 142 McFarland.

3.              Malgré leur motif allégué en ce qui concerne l'emploi de Marlene, cette dernière n'a pas fait de recherche active d'emploi, et ils sont allés de l'avant et ont construit une maison plus grande et plus coûteuse au 106 McFarland Place où ils vivent actuellement.

4.              La constitution de Jade en personne morale en juillet 1995 et le fait qu'ils aient continué à l'utiliser pour des achats pour lesquels ils pouvaient obtenir des rabais de gros indiquent une conduite commerciale de leurs activités de construction. Leurs mécanismes de financement pendant la construction de leurs trois dernières maisons étaient également normaux pour le secteur de la construction.

[9]            Dans l'affaire Happy Valley Farms Ltd. c. La Reine, C.F. 1re inst., no T-6632-82, 16 juillet 1986 (86 DTC 6421), le juge Rouleau a décrit les critères suivants servant à déterminer si le produit de la vente de biens immobiliers constituait un revenu. En y ayant recours, la Cour conclut ce qui suit :

1.              La nature du bien qui est vendu

Les deux maisons en litige étaient des résidences unifamiliales situées dans un secteur résidentiel.

2.              La durée de la possession

Le terrain du 130 Woods Court leur appartenait depuis environ 13 mois, et la maison existait depuis environ 7 mois. Le terrain du 142 McFarland Place leur appartenait depuis environ 18 ou 19 mois, et la maison existait depuis environ 13 mois.

3.              La fréquence d'opérations similaires effectuées par les contribuables

Le bien situé au 1906 Kenderdine représentait une opération quelque peu semblable.

4.              Les améliorations faites sur le bien converti en espèces

La peinture, la pose de papier peint, de panneaux muraux et le nettoyage ont été faits par les appelants eux-mêmes pour chacun des biens en question. Toutefois, ce qui est plus important est la manière dont ils géraient et obtenaient le financement, les plans, la présentation d'appels d'offres et effectuaient la supervision de la construction. (Dwayne surveillait la construction tous les jours ou tous les soirs.) Toutes ces activités étaient de caractère totalement commercial. De plus, le fait pour les appelants de poser un panneau « À vendre » moins de deux mois après l'achèvement des travaux dans chaque cas revêt un caractère commercial.

5.              Les circonstances qui ont entraîné la vente du bien

Les allégations de Dwayne au sujet des vibrations au 130 Woods Court ne sont pas acceptées puisque les deux autres déménagements ont eu lieu dans des endroits non loin de la source présumée, soit Kerr Road. L'excuse de Marlene quant à la perte possible de son emploi pour expliquer la vente du bien situé au 142 McFarland est de même rejetée à la lumière de la preuve selon laquelle elle n'a pas cherché activement un emploi alors qu'ils commençaient à construire une maison encore plus coûteuse au 106 McFarland Place.

6.              Le motif

Le fait que les appelants aient conservé et utilisé le même panneau « À vendre » pour les biens situés (en ordre) au 1906 Kenderdine, puis au 130 Woods Court et au 142 McFarland Place indique fortement que l'intention principale dès l'achat du lot du 130 Woods Court et du 142 McFarland Place était de vendre à profit. La constitution de Jade en personne morale avant l'achat du lot 130 Woods Court indique également une intention commerciale.

[10]          Vu les circonstances qui précèdent, la Cour est d'avis que les appelants avaient tous deux l'intention de vendre les deux biens concernés à compter du moment où ils les ont acquis, que ces biens ont été vendus dans le but de réaliser un profit, que le produit de la vente était imposable à titre de revenu et qu'il a été correctement inclus dans le calcul du revenu des deux appelants.

[11]          Les appelants ont fait valoir que certains frais supplémentaires devraient être autorisés si on concluait que le produit de la vente constituait un revenu. Selon la Cour, l'intimée a accordé les frais appropriés à chacun des appelants, y compris les frais d'automobile et la déduction des intérêts et des frais semblables engagés dans le cadre de la construction. L'intimée n'a pas autorisé la déduction des intérêts hypothécaires, des impôts fonciers ou des dépenses de services publics pendant que les appelants résidaient dans les deux biens concernés, et la Cour considère que cela est correct puisque les appelants ont tiré avantage de l'abri que leur ont fourni ces biens à l'époque.

[12]          Pour ces motifs, les deux appels sont rejetés.

                Signé à Prince Rupert (Colombie-Britannique), ce 20e jour d'août 2001.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 25e jour de juillet 2002

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-4823(IT)I

ENTRE :

DWAYNE LUCYSHYN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec l'appel de

Marlene Lucyshyn (2000-4824(IT)I)

le 8 août 2001 à Saskatoon (Saskatchewan), par

l'honorable juge D. W. Beaubier

Comparutions

Avocat de l'appelant :                 Me Kurt G. Wintemute

Avocate de l'intimée :                 Me Karen Janke

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996 et 1997 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.

          Signé à Prince Rupert (Colombie-Britannique), ce 20e jour d'août 2001.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de juillet 2002

Martine Brunet, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-4824(IT)I

ENTRE :

MARLENE LUCYSHYN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec l'appel de

Dwayne Lucyshyn (2000-4823(IT)I)

le 8 août 2001 à Saskatoon (Saskatchewan), par

l'honorable juge D. W. Beaubier

Comparutions

Avocat de l'appelante :               Me Kurt G. Wintemute

Avocate de l'intimée :                 Me Karen Janke

JUGEMENT

Les appels interjetés à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996 et 1997 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Prince Rupert (Colombie-Britannique), ce 20e jour d'août 2001.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de juillet 2002

Martine Brunet, réviseure

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