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Date: 20020911

Dossier: 2001-3462-IT-I

ENTRE :

BRIAN LEBRETON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'appels, entendus selon la procédure informelle, à l'encontre de cotisations établies par le ministre du Revenu national ( « Ministre » ) en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Loi » ) pour les années d'imposition 1996, 1997, 1998 et 1999.

[2]            D'entrée de jeu, l'intimée conteste la validité des appels logés pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 au motif que l'appelant n'a pas signifié préalablement d'avis d'opposition au Ministre à l'encontre des cotisations établies pour chacune de ces années, tel que requis par le paragraphe 165(1) de la Loi. L'appelant n'ayant pas démontré qu'il avait logé un tel avis d'opposition pour chacune de ces trois années, les appels pour ces trois années ne sont pas valides aux termes du paragraphe 169(1) de la Loi, et ils seront donc rejetés pour cause de nullité.

[3]            Quant à l'appel logé à l'encontre d'une cotisation établie pour l'année d'imposition 1999, l'appelant s'est vu refuser la déduction d'une somme de 11 680 $ qu'il avait demandée pour cette même année au titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement.

[4]            Les faits ressortis en preuve sont les suivants. Par jugement de divorce en date du 1er avril 1993, l'appelant a reçu l'ordre de payer à son ex-conjointe, Marie-Paule Spieser, une pension alimentaire de 200 $ par semaine pour subvenir aux besoins de celle-ci et des deux enfants nés du mariage, et ce, à compter du 1er avril 1993, avec indexation à compter du 1er janvier 1994 (pièce I-3).

[5]            L'appelant a expliqué qu'il a quitté son emploi auprès des Forces armées canadiennes le 15 août 1996 et qu'à partir de ce moment, il n'avait plus les moyens de payer la pension alimentaire prévue au jugement de divorce du 1er avril 1993. Il aurait donc conclu une entente verbale avec son ex-conjointe afin de réduire les sommes payables à cette dernière. Il aurait ainsi payé les frais de scolarité pour ses enfants de même que d'autres frais, tels par exemple les vêtements et les médicaments pour les enfants.

[6]            Le 13 avril 1999, l'appelant explique qu'il s'est vu contraindre de signer une nouvelle entente écrite, intitulée Convention sur requête pour ordonnance modificative ( « Convention » ), entérinée par la Cour supérieure du Québec, Chambre de la famille (pièce I-1), afin de ne plus être tenu responsable des paiements de pension alimentaire non effectués en vertu du jugement de divorce de 1993.

[7]            Ainsi, en vertu de cette Convention, il fut convenu ce qui suit :

ATTENDU QU'en date du 1er avril 1993, l'Honorable Robert Legris, J.C.S., prononçait un jugement de divorce entre les parties;

ATTENDU QUE depuis le prononcé dudit jugement, des changements significatifs et importants sont survenus dans la situation générale et financière des parties;

ATTENDU QUE depuis le 15 août 1996, le défendeur est à la retraite;

ATTENDU QUE le défendeur reçoit une rente de retraite lui procurant un revenu annuel pour l'année en cours de 13 547 $;

ATTENDU QUE les revenus de la demanderesse devraient s'élever à la somme de 11 474 $ suivant son bilan pour l'année 1999 et qu'elle n'est plus prestataire de la sécurité du revenu depuis le mois de décembre 1997;

ATTENDU QUE depuis le 1er mai 1997, de nouvelles dispositions législatives ont été établies pour déterminer la contribution alimentaire des parents à leurs enfants;

ATTENDU QUE les parties désirent régler à l'amiable les modalités de la requête pour ordonnance modificative présentée par le défendeur;

LES PARTIES, DÛMENT ASSISTÉES PAR LEUR PROCUREUR RESPECTIF, CONVIENNENT DE CE QUI SUIT :

1.            Le préambule fait partie intégrante des présentes et doit présider à l'interprétation des clauses y comprises;

ARRÉRAGES DE PENSION ALIMENTAIRE DUS À LA DEMANDERESSE

2.            Le défendeur versera à la demanderesse, en règlement complet et final des arrérages de pension alimentaire accumulés depuis le 15 août 1996, la somme de 6 800 $, au plus tard le 1er mai 1999, par chèque émis à l'ordre de la demanderesse ou par dépôt bancaire direct au compte indiqué par la demanderesse;

3.            Les parties conviennent d'annuler tout paiement de pension alimentaire à la demanderesse pour elle-même à compter du 1er avril 1999;

4.            Le défendeur et la demanderesse conviennent de régler et liquider de façon définitive et irrémédiable la question de l'obligation alimentaire pour eux-mêmes, renonçant à toute pension alimentaire pour lui-même quoiqu'il advienne;

CONTRIBUTION ALIMENTAIRE POUR ENFANTS

5.            Le défendeur versera à la demanderesse pour ses deux (2) enfants, Simon et Anne-Sophie seulement, une contribution alimentaire annuelle de 2 221,37 $ établie selon le barème de fixation des pensions alimentaires du Québec, payable d'avance en deux (2) versements bi-mensuels égaux et consécutifs de 92,56 $ chacun, le 1er et le 15ième jour de chaque mois, par chèques postdatés renouvelables ou sur demande, par dépôt bancaire direct dans le compte indiqué par Madame, jusqu'à ce que la perception automatique soit effectuée selon la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires et ce, à compter du 1er avril 1999;

INDEXATION

6.            Ladite pension alimentaire sera indexée annuellement suivant l'indice annuel des rentes du Québec (art. 590 C.c.Q.) et ce, à compter de la date anniversaire de la signature de la présente convention;

ARRÉRAGES DE PENSION ALIMENTAIRE DUS AU MINISTÈRE DE LA SOLIDARITÉ SOCIALE

7.            Le défendeur versera au Ministère de la solidarité sociale, en règlement complet et final des arrérages de pension alimentaire accumulés de septembre 1996 à décembre 1997, la somme de 4 880 $, par chèque émis à l'ordre du Fonds des pensions alimentaires, Ministère du revenu, au 3800, rue Marly, Sainte-Foy, G1X 4A5, à raison de 200 $ par mois, et ce, jusqu'à parfait paiement, à compter du 1er mai 1999;

8.            Ledit jugement à intervenir sur les présentes sera déclaré exécutoire nonobstant appel et sans caution;

9.            Chaque partie payant ses frais.

[8]            Il ressort clairement de cette Convention que l'appelant a dû payer à son ex-conjointe une somme de 6 800 $ en règlement complet et final des arrérages de pension alimentaire accumulés depuis le 15 août 1996 et que l'appelant et son ex-conjointe mettaient ainsi un terme à toute obligation future pour l'appelant de lui payer une pension alimentaire.

[9]            Il ressort également que l'appelant a dû aussi payer une somme supplémentaire de 4 880 $ au Ministère de la solidarité sociale, en règlement complet et final des arrérages de pension alimentaire accumulés de septembre 1996 à décembre 1997. C'est le total de ces deux montants que l'appelant réclame à titre de déduction de pension alimentaire pour l'année 1999, soit un total de 11 680 $.

[10]          Il ressort par ailleurs de cette Convention que la contribution alimentaire de l'appelant pour les enfants est dorénavant établie à 92,56 $ bi-mensuellement pour une contribution alimentaire totale annuelle de 2 221,37 $. L'appelant n'a pas réclamé le paiement de cette contribution alimentaire aux enfants comme déduction de pension alimentaire.

[11]          Le montant déductible au titre d'une pension alimentaire est prévu à l'alinéa 60b) de la Loi qui se lit comme suit :

ARTICLE 60: Autres déductions.

              Peuvent être déduites dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition les sommes suivantes qui sont appropriées :

[...]

b) Pension alimentaire - le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant:

A - (B + C)

où:

A           représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 et avant la fin de l'année à une personne donnée dont il vivait séparé au moment du paiement,

B           le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable par le contribuable à la personne donnée aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C           le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée à la personne donnée après 1996 et qui est déductible dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition antérieure;

[12]          Les expressions « pension alimentaire » et « date d'exécution » sont définies aux paragraphes 60.1(4) et 56.1(4) comme suit :

460.1(4)3

              (4) Définitions. Les définitions figurant au paragraphe 56.1(4) s'appliquent au présent article et à l'article 60.

456.1(4)3

              (4) Définitons. Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et à l'article 56.

« date d'exécution » - « date d'exécution » Quant à un accord ou une ordonnance:

a) si l'accord ou l'ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

b) si l'accord ou l'ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997:

(i) le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l'accord ou de l'ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

(ii) si l'accord ou l'ordonnance fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

(iii) si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d'exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

(iv) le jour précisé dans l'accord ou l'ordonnance, ou dans toute modification s'y rapportant, pour l'application de la présente loi.

« pension alimentaire » - « pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas:

a) le bénéficiaire est le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b) le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

[13]          En ce qui concerne les paiements effectués au titre de l'obligation alimentaire prévue à la Convention de 1999 pour les enfants, soit la contribution totale annuelle de 2 221,37 $, il est clair que ceux-ci ont fait l'objet d'une modification après avril 1997 et qu'ils ne sont pas déductibles pour l'appelant aux termes de l'alinéa 60b) de la Loi. L'appelant ne les a d'ailleurs pas réclamés comme déduction.

[14]          En ce qui concerne le versement de la somme de 11 680 $ payée par l'appelant en règlement final des arrérages de pension alimentaire non payés aux termes du jugement de divorce de 1993, je suis d'avis que ces paiements ont été établis et effectués en vertu de la Convention de 1999 dans le but, entre autres, de le libérer de façon finale des obligations que le jugement de divorce de 1993 lui imposait à l'endroit de son ex-conjointe. Ceci ressort clairement de la Convention de 1999. En ce sens, les paiements d'arrérages n'ont pas été faits conformément au jugement de divorce 1993, mais plutôt pour libérer l'appelant de l'obligation qui lui était imposée par le jugement de 1993. Ceci se rapproche plutôt de la situation dans l'affaire M.N.R. v. Armstrong, [1956] S.C.R. 446, où il a été jugé que le paiement d'une somme forfaitaire versée pour se libérer d'une obligation juridique imposée par un jugement n'était pas un montant payable conformément au jugement de divorce. Un tel paiement ne se qualifiait pas comme une allocation périodique payable conformément à une ordonnance ou un jugement aux termes de dispositions législatives analogues à l'alinéa 60b).

[15]          Par ailleurs, il ne s'agit pas de montants payés ici pour mettre en oeuvre les dispositions du jugement de divorce, tel que c'était le cas dans l'affaire The Queen v. Sills, 85 DTC 5096 (F.C.A.), où il s'agissait de paiements effectués en accomplissement des dispositions de l'accord de séparation. Dans l'affaire Sills, la conséquence et le résultat de ces paiements n'étaient pas de libérer l'appelant de toute obligation future à l'endroit de son ex-conjointe comme c'est le cas ici. Le paiement effectué par l'appelant n'a dès lors plus valeur de paiements effectués afin de régler des arrérages au titre de montants payables périodiquement en application du jugement de divorce. Il s'agit plutôt d'un règlement final par le versement d'une somme globale pour mettre fin à toute obligation créée par le jugement de 1993. Ce paiement ne peut donc se qualifier comme une allocation payable périodiquement pour le bénéfice du conjoint, tel que requis par l'alinéa 60b) de la Loi (voir Groleau v. Canada, [2002] T.C.J. No. 103 (Q.L.)).

[16]          Par ailleurs, bien que l'on ne puisse dire la même chose quant aux enfants, puisque la Convention de 1999 n'a pas pour but de libérer l'appelant de ses obligations existantes et futures de subvenir aux besoins des enfants, il reste que la somme forfaitaire versée pour payer les arrérages de pension alimentaire a été imposée en vertu du jugement de 1999, lequel a eu pour effet de modifier le jugement de 1993.

[17]          En conséquence, la somme payable au titre d'arrérages de la pension alimentaire pour les enfants est devenue payable à la date d'exécution, soit à compter du 1er mai 1999.

[18]          Ceci inclut à mon avis la totalité des arrérages de 11 680 $ puisqu'une pension alimentaire pour enfants est définie au paragraphe 56.1(4) de la Loi, comme suit:

« pension alimentaire pour enfants » - Pension alimentaire qui, d'après l'accord ou l'ordonnance aux termes duquel elle est à recevoir, n'est pas destinée uniquement à subvenir aux besoins d'un bénéficiaire qui est soit le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur, soit le père ou la mère d'un enfant dont le payeur est le père naturel ou la mère naturelle.

[19]          Ainsi, comme la pension alimentaire prévue au jugement de divorce de 1993 n'était pas destinée uniquement à subvenir aux besoins de l'ex-conjointe de l'appelant, elle se qualifie depuis 1997 comme une pension alimentaire pour enfants au sens de la Loi. Les nouvelles règles applicables après avril 1997 sont donc applicables pour la totalité de la somme payable au titre d'arrérages de la pension alimentaire pour enfants, à savoir la somme globale en litige de 11 680 $.

[20]          Toute pension alimentaire pour enfants devenue payable à une date d'exécution telle que définie au paragraphe 56.1(4) de la Loi (soit après avril 1997) n'est plus déductible au titre d'une pension alimentaire aux termes de l'alinéa 60b) de la Loi. Ainsi, il s'agit-là d'un autre argument pour conclure que l'appelant ne pouvait déduire la somme de 11 680 $ au titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement aux termes de la Loi.

[21]          Compte tenu de ces motifs, je me vois dans l'obligation de rejeter l'appel de l'appelant pour l'année d'imposition 1999 également.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11ième jour de septembre 2002.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.No DU DOSSIER DE LA COUR :            2001-3462(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Brian LeBreton c. La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Montréal, (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    les 31 juillet et 2 août 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Lucie Lamarre

DATE DU JUGEMENT :                      le 11 septembre 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant(e) :                               l'appelant lui-même

Pour l'intimé(e) :                                    Me Stéphanie Côté

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant(e) :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimé(e) :                                    Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2001-3462(IT)I

ENTRE :

BRIAN LEBRETON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus les 31 juillet 2002 et 2 août 2002 à Montréal, (Québec) par

l'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions

Pour l'appelant :                                    L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                          Me Stéphanie Côté

JUGEMENT

                Les prétendus appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 sont rejetés pour cause de nullité.

                L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11ième jour de septembre 2002.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

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