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Date: 20010423

Dossier : 2000-2967-IT-I

ENTRE :

DANIEL BEAUDOIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit de l'appel de l'avis de cotisation numéro 13180, en date du 8 octobre 1999 pour un montant de 17 035,80 $. L'appel est relatif au paragraphe 160(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”); l'auteur du transfert étant monsieur Renold Beaudoin, père de l'appelant.

[2]            L'appelant a indiqué qu'il était représenté par son père, Renold Beaudoin. Ce dernier a admis plusieurs des allégués pris pour acquis, lors de l'établissement de la cotisation numéro 13180, en date du 8 octobre 1999. Les faits admis sont les suivants, énoncés comme suit à la Réponse à l'avis d'appel :

a)              monsieur Renold Beaudoin est le père de monsieur Daniel Beaudoin;

...

d)             le 19 juin 1998, monsieur Renold Beaudoin vend à l'appelant par acte notarié enregistré le 22 juin 1998 l'immeuble sis au 47, rue Raby, Fleurimont, Québec (ci-après, la “ propriété ”) pour la somme de 1 $;

e)              comme considération additionnelle, l'appelant a assumé en contrepartie une hypothèse détenue par la Caisse Populaire Desjardins de Sherbrooke-Est au montant de 66 000 $;

f)              la valeur marchande de la propriété selon l'évaluation municipale était de 83 100 $;

g)             le 10 juin 1998, la Caisse Populaire de Sherbrooke-Est a procédé à une évaluation de la propriété pour un refinancement hypothécaire;

h)             les experts consultants Simard Dussault & Associés ont établi que la juste valeur marchande (ci-après, la “ J.V.M. ”) de la propriété au 9 juin 1998 était de 88 000 $ tel qu'il appert au rapport d'évaluation;

                ...

[3]            La question en litige consiste à déterminer si le ministre du Revenu national était justifié d'émettre à l'appelant, Daniel Beaudoin, la cotisation numéro 13180, le 8 octobre 1999, des suites de l'acquisition d'un immeuble appartenant à son père en date du 19 juin 1998.

[4]            La preuve de l'appelant a été constituée par son témoignage et celui de son père. Ils ont indiqué être très surpris que le contrat notarié mentionne que la considération avait été de 1 $. Selon eux, la considération était plutôt de 66 000 $. Monsieur Beaudoin, père, a aussi insisté pour affirmer qu'il n'avait jamais fait d'emprunt auprès de la caisse populaire; selon lui, son fils, Daniel, avait fait toutes les démarches et obtenu le prêt de 66 000 $ qu'il rembourse depuis à la Caisse Populaire Desjardins de Sherbrooke-Est.

[5]            Les prétentions de messieurs Beaudoin, père et fils, sont à l'effet que le transfert de la propriété a été fait moyennant une considération de 66 000 $ et non de la valeur nominale de 1 $, comme indiqué au contrat notarié.

[6]            Dans les faits, il est facile de comprendre l'interprétation de l'appelant et de son père, d'autant plus que monsieur Renold Beaudoin a bel et bien reçu et obtenu un montant de 66 000 $, lors et à la suite de la transaction. Les documents authentiques qui font preuve de leur contenu sont à l'effet que l'hypothèque a été obtenue par monsieur Renold Beaudoin, laquelle a par contre été assumée par son fils appelant. (pièces I-1 et I-2)

[7]            Ce sont là des détails sans importance pour le dossier, puisqu'il s'agit essentiellement de décider si la considération payée ou assumée lors du transfert correspondait à la valeur réelle du bien qui a fait l'objet dudit transfert.

[8]            À cet égard, je crois que la prépondérance de la preuve ne fait aucun doute que l'immeuble transféré, avait une valeur largement supérieure à 66 000 $; en effet, une hypothèque de ce même montant fut consentie par la Caisse Populaire à cette même période. Bien qu'il ne s'agisse pas là d'une donnée de valeur scientifique ou absolue, il ne m'apparaît pas déraisonnable de présumer qu'une institution financière, telle une caisse populaire, ne prête jamais la totalité du montant requis par une transaction dans l'hypothèse où la seule garantie est une hypothèque sur le bien qui a fait l'objet de la transaction.

[9]            Outre cet élément, la preuve a aussi révélé, suivant l'aveu même du père de l'appelant, qu'il était alors en sérieuses difficultés financières. Le tout étant d'ailleurs confirmé par une cession de ses biens en date du 21 décembre 1999. (pièce I-3)

[10]          Bien que monsieur Renold Beaudoin, a fait mention qu'il ne savait pas au moment de la transaction avoir un dû à l'endroit de Revenu Canada, je crois que monsieur Beaudoin, père savait bel et bien qu'il avait une dette fiscale, dont le montant était, quant à lui peut-être incertain, mais je suis convaincu qu'il se savait débitant d'une importante somme à l'endroit du fisc. D'ailleurs, de l'ensemble de ses dettes qui l'ont amené à faire cession de ses biens, sa dette fiscale représente plus de 80% du total de ses dettes à la faillite, soit plus de 38 000 $ sur des dettes totales de 48 160 $. (pièce I-3)

[11]          Renold Beaudoin aurait-il fait cession de ses biens pour des dettes s'élevant seulement à 9 350 $, montant dû en sus de ses dettes fiscales ? Je ne le crois pas.

[12]          Finalement, monsieur Beaudoin a indiqué que le fardeau de ses dettes l'avait amené à offrir sa propriété à son fils pour obtenir de l'argent neuf, lui permettant d'acquitter une partie importante de ses dettes, soit notamment une balance de plus de 7 650 $ sur hypothèque, un prêt automobile de 13 900 $, diverses dettes encourues dans le cadre de l'exploitation d'un bar par le biais de la compagnie à numéro 24-280414 et pour acquitter le solde dû sur sa marge de crédit de plus ou moins 20 000 $.

[13]          Il a fait valoir que la résidence qui avait fait l'objet de la transaction était un bien ayant une grande valeur dans le patrimoine familial Beaudoin. Il a ainsi expliqué que la résidence avait été construite par ses ascendants et qu'il avait très à coeur qu'elle demeure dans sa famille, d'où son très vif intérêt pour la vente à son fils.

[14]          Pour justifier le montant de la transaction, Renold Beaudoin a décrit l'immeuble comme étant dans un état délabré, en ce que la couverture devait être remplacée, les fondations réparées, les balcons à refaire et les fournaises à changer.

[15]          À ce sujet, l'évaluation commandée par la caisse populaire lors de la demande pour obtenir le financement de 66 000 $, fait état d'un bâtiment nécessitant effectivement des réparations. La preuve est à l'effet qu'il s'agissait des réparations habituelles eu égard à l'ancienneté du bâtiment.

[16]          La preuve a aussi révélé que le vendeur de l'immeuble y avait demeuré plusieurs mois après le transfert et qu'il y avait conservé l'adresse comme étant son adresse personnelle.

[17]          Pour ce qui est de l'acquéreur, la preuve est à l'effet qu'il y a résidé, mais pour une période qui n'a pas été établie. La propriété est depuis louée à deux locataires et rapporte plus de 1 000 $ par mois. Qu'en est-il de la valeur réelle de l'immeuble ?

[18]          À ce sujet, la preuve a révélé un élément déterminant qui confirme et corrobore tous les autres indices quant à une valeur largement supérieure au montant convenu de 66 000 $; il s'agit de l'affirmation de l'appelant lui-même à l'effet que la relation père-fils devait être prise en compte, pour expliquer la considération indiquée à l'acte notarié.

[19]          Cette affirmation de l'appelant, complétée par tous les autres éléments, dont notamment le montant du prêt accordé par la caisse, les revenus de l'immeuble, l'évaluation municipale, l'évaluation préparée par Simard, Dussault et Associés (pièce I-4) et toutes les autres circonstances, font en sorte que la valeur de 88 000 $ attribuée à l'immeuble, m'apparaît dans les circonstances juste, appropriée et raisonnable.

[20]          La question du transfert intervenu entre des personnes ayant entre elles un lien de dépendance, n'a fait l'objet d'aucune contestation. Pour ce qui est de la dette fiscale, la prépondérance de la preuve est à l'effet que le vendeur avait ou devait avoir une bonne connaissance de cette situation puisqu'il s'agissait de montants dus pour plusieurs années d'imposition.

[21]          Le paragraphe 160(1) de la Loi vise à empêcher un débiteur fiscal de transférer un ou plusieurs de ses biens à une personne avec qui il a un lien de dépendance dans le but de se soustraire à l'obligation de payer sa dette fiscale. Cette disposition n'affecte aucunement le transfert exécuté en contrepartie d'une juste et réelle considération puisque dans une telle hypothèse, le patrimoine du débiteur fiscal n'est aucunement affecté ou diminué. Il en est tout autrement lorsque le transfert est effectué à titre gratuit ou pour une considération inférieure à la valeur réelle, auquel cas le cessionnaire du bien transféré est solidairement responsable avec le cédant débiteur fiscal jusqu'à concurrence de la valeur réelle du bien transféré.

[22]          En l'espèce, il y a eu un transfert d'un immeuble dont la valeur a été établie suivant une prépondérance de la preuve, à un montant de 88 000 $.

[23]          Le transfert a eu lieu entre l'appelant et son père, deux personnes ayant un entre elles un lien de dépendance.

[24]          Finalement, la preuve a révélé que le vendeur de l'immeuble avait une dette fiscale établie à 17 035,80 $ au moment de la transaction, pour ces raisons l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada ce 23e jour d'avril 2001.

“ Alain Tardif ”

J.C.C.I.

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