Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20021206

Dossier: 2000-4081-GST-G

ENTRE :

LE 11675 SOCIÉTÉ EN COMMANDITE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel d'une cotisation émise le 10 février 1999 sous le numéro 8214155, ratifiée le 9 août 2002. La cotisation était relative à la période du 26 mai 1995 au 30 juin 1997 et avait trait à la taxe sur les produits et services ( « TPS » ).

[2]            Inscrite aux fins de l'application de la TPS, l'appelante devait s'autocotiser sur la juste valeur marchande (la « JVM » ) de l'immeuble construit à Saint-Georges de Beauce (Québec).

[3]            L'intimée a établie la JVM de la partie taxable de l'immeuble au 1er avril 1996 à 2 814 269 $. L'appelante, quant à elle, s'est cotisée sur un montant de 2 479 415 $. L'intimée a également imposé des intérêts et des pénalités à la cotisation.

[4]            L'objet de la cotisation est une partie d'un immeuble de six étages dont le rez-de-chaussée, une surface de 14 000 pieds carrés, était occupé par un magasin départemental. Seuls les étages supérieurs au rez-de-chaussée font l'objet de la cotisation.

[5]            Les cinq étages à l'origine de la cotisation sont le deuxième, regroupant divers espaces pour l'administration, salles communes, salles de rencontres, cuisine et salle à manger, le tout pour répondre aux besoins des personnes âgées devant occuper les quatre autres étages de 17 logements pour un total de 68 unités.

[6]            À l'origine, le projet devait regrouper deux phases; certaines installations de la Phase I furent aménagées de manière à desservir éventuellement la Phase II. À la date de l'évaluation, la Phase II n'était pas complétée.

[7]            Il s'agit essentiellement de déterminer la JVM de la partie résidentielle de la Phase I et de décider du bien-fondé des pénalités.

[8]            L'appelante est une société en commandite propriétaire d'un immeuble dont la construction s'est terminée aux environs du 1er avril 1996, date où les premiers locataires ont commencé à emménager.

[9]            Une vocation commerciale fut attribuée au rez-de-chaussée occupé par le magasin départemental « Rossy » . Quant aux autres étages, au nombre de cinq, ils étaient destinés à la location résidentielle en tant que résidence pour personnes âgées offrant plusieurs services.

[10]          En prévision de l'audition de son appel, l'appelante a mandaté un expert pour qu'il détermine la JVM. Après l'étude du dossier, l'expert a conclu que la partie de l'immeuble assujettie à la TPS avait une valeur de 2 178 000 $.

[11]          Ayant déjà affirmé à son avis d'appel que l'immeuble avait une valeur de 2 479 415 $, l'appelante a soumis une requête verbale pour se faire autoriser à produire un Avis d'appel amendé de manière à réduire à 2 178 000 $ la valeur déjà attribuée de 2 479 415 $. L'intimée s'est objectée et a plaidé qu'il s'agissait d'un aveu judiciaire qui devait faire partie du dossier.

[12]          Au soutien de ses prétentions, l'appelante a prétendu qu'il ne s'agissait pas d'un aveu judiciaire, mais essentiellement d'une admission sans conséquence ayant eu pour seul but d'en arriver à une entente. À son Avis d'appel, l'appelante s'exprime comme suit :

« Votre requérante a estimé la valeur marchande de cette Phase I ainsi définie à la somme de 2 479 415 $. »

[13]          En réplique à l'Avis d'appel, l'intimée a indiqué ce qui suit au paragraphe 6 à la Réponse à l'avis d'appel :

« Il nie tel que rédigé, les paragraphes 9, 10, 11, 12 et 13 de l'avis d'appel. » .

[14]          L'appelante soumet qu'il ne s'agissait pas d'un aveu et plaide subsidiairement que s'il s'agissait d'un aveu, elle devrait être autorisée de le retirer sur une base d'équité compte tenu que, selon elle, seul un expert avait la compétence pour déterminer la JVM; n'étant pas experte en la matière, la JVM attribuée au moment de l'Avis d'appel ne devrait pas être retenue comme étant un aveu, l'expert retenu l'ayant ultérieurement établie beaucoup inférieure.

[15]          Il n'est pas obligatoire d'avoir recours à un expert pour la détermination de la JVM, elle oblige seulement les contribuables assujettis au paiement de la taxe sur la JVM. D'entrée de jeu, on peut présumer que le réflexe premier d'un contribuable assujetti à la taxe soit de sous-évaluer la JVM en prenant pour acquis qu'il pourra discuter, voire même négocier, pour en arriver ensuite à un compromis et ce, dans le but normal, voire légitime, de s'éviter de payer des honoraires importants requis par un évaluateur professionnel ou de débourser un montant de taxe non dû.

[16]          En l'espèce, il en fut tout autrement; l'appelante aurait, selon elle, surévalué la JVM ne voulant pas débourser d'importants honoraires pour la confection d'un rapport par un expert, la valeur retenue ayant, selon l'appelante, essentiellement été faite dans le but d'en arriver éventuellement à une entente.

[17]          Je ne crois pas qu'il s'agissait d'une simple affirmation faite dans le cadre d'une discussion dans le but d'en arriver à un règlement ou un compromis pour éviter les frais d'un litige judiciaire.

[18]          Il s'agissait d'une affirmation consignée dans une procédure légale importante soit l'Avis d'appel. Il n'y a aucun doute qu'il s'agissait bel et bien d'un aveu judiciaire puisqu'il s'agissait de la reconnaissance d'un fait susceptible de produire des effets et conséquences juridiques contre son auteur.

[19]          Le retrait d'un tel aveu est-il possible ? Il y a lieu de reproduire certaines dispositions législatives pertinentes :

Code civil du Québec, Livre de la preuve

2850 C.c.Q.

L'aveu est la reconnaissance d'un fait de nature à produire des conséquences juridiques contre son auteur.

2852 C.c.Q.

L'aveu fait par une partie au litige, ou par un mandataire autorisé à cette fin, fait preuve contre elle, s'il est fait au cours de l'instance où il est invoqué. Il ne peut être révoqué, à moins qu'on ne prouve qu'il a été la suite d'une erreur de fait.

La force probante de tout autre aveu est laissé à l'appréciation du tribunal

Loi sur la preuve au Canada

40. Dans toutes les procédures qui relèvent de l'autorité législative du Parlement du Canada, les lois sur la preuve qui sont en vigueur dans la province où ces procédures sont exercées, y compris les lois relatives à la preuve de la signification d'un mandat, d'une sommation, d'une assignation ou d'une autre pièce s'appliquent à ces procédures, sauf la présente loi et les autres lois fédérales.

Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale)

54. Une partie peut modifier son acte de procédure, en tout temps avant la clôture des actes de procédure, et subséquemment en déposant le consentement de toutes les autres parties, ou avec l'autorisation de la Cour, et la Cour en accordant l'autorisation peut imposer les conditions qui lui paraissent appropriées.

132. Avec le consentement des parties ou l'autorisation de la Cour, une partie peut rétracter soit un aveu contenu dans une réponse à une demande d'aveux, soit un aveu présumé ou un aveu figurant dans un acte de procédure d'une partie

Règles juridiques applicables en matière de rétractation d'aveu judiciaire

La mention dans l'avis d'appel initial du montant de la JVM de la phase I constitue un aveu judiciaire. Du point de vue l'Appelante, il s'agit d'une admission défavorable pour lui, en ce sens qu'elle fixe le montant de la JVM à une valeur plus élevée que le montant établit subséquemment par l'évaluateur agréé. Puisque le montant de taxe qu'il doit remettre se calcule sur cette JVM, il est dans son intérêt que cette dernière soit la plus basse possible. Or, en inscrivant 2.4 millions dans le premier avis d'appel, il a fait cet aveu judiciaire et en produisant un avis d'appel modifié, il désire maintenant le rétracter.

Pour étudier l'aveu judiciaire et les critères à considérer pour permettre son retrait, je dois recourir au droit civil québécois, tel que le dicte l'article 40 de la Loi sur la preuve au Canada reproduit à la page 3. Voici ce que dit le Code civil du Québec au sujet du retrait de l'aveu judiciaire :

2852 C.c.Q. L'aveu fait par une partie au litige, ou par un mandataire autorisé à cette fin, fait preuve contre elle, s'il est fait au cours de l'instance où il est invoqué. Il ne peut être révoqué, à moins qu'on ne prouve qu'il a été la suite d'une erreur de fait.

[20]          La règle est la non-révocabilité, l'exception, la révocabilité. À ce sujet, le professeur Jean-Claude Royer[1] s'exprime ainsi :

Un aveu judiciaire peut émaner d'un plaideur ou de son procureur dans les limites de son mandat. S'il découle d'une erreur de fait, il peut être révoqué au moyen d'une requête verbale ou écrite demandant sa rétractation ou l'amendement d'une plaidoirie écrite. L'avouant doit alléguer et prouver l'erreur de fait à la satisfaction du Tribunal. À notre avis, il n'est pas nécessaire qu'il démontre, lors de la présentation de la requête en rétractation d'aveu ou en amendement d'une procédure, la fausseté du fait avoué. Il suffit qu'il établisse que l'admission a été faite de bonne foi, à la suite d'une erreur de fait. Les tribunaux accueillent plus facilement la révocation d'un aveu fait par un avocat.

[21]Dans une décision de la Cour supérieure du Québec, dans l'affaire Terlesian c. Manoukian, [1997] A.Q. no 3768 (Q.L.) aux paragraphes 26 et 30, le juge Bishop consacre une section de son jugement à la révocabilité des aveux judiciaires. Voici deux passages pertinents :

26. L'art. 2852 C.C.Q. ne permet pas la révocation d'un aveu judiciaire, à moins qu'on ne prouve qu'il a été la suite d'une erreur de fait. L'erreur de fait doit exister au moment de l'aveu. Le défendeur a le fardeau d'établir cette erreur.

...

31. La Cour est d'avis que la preuve ne démontre pas la probabilité que le défendeur a fait les aveux aux paragraphes 2 et 7 de sa défense à cause d'une erreur de fait. Si le défendeur prétendait exprimer son intention de façon erronée dans sa défense en octobre 1994, le fait qu'il a attendu 32 mois jusqu'à l'audition au fond avant de corriger son « erreur » suggérait plutôt que son intention réelle était, et l'est encore, de retarder l'action.

[22]          La règle générale relativement aux amendements en général, par opposition aux amendements de procédures où un aveu judiciaire est inscrit, a été énoncée par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Canderel Ltd c. Canada, [1993] DTC 5357, à la page 5360 :

... the general rule is that an amendment should be allowed at any stage of an action for the purpose of determining the real questions in controversy between the parties, provided, notably, that the allowance would not result in an injustice to the other party not capable of being compensated by an award of costs and that it would serve the interests of justice.

[23]          Dans Shaw Communications Inc. c. Canada, [2002] T.C.J. no 314 (Q.L.) au paragraphe 5, le juge Mogan dit que ... la question est la suivante : les intérêts de la justice seraient-ils mieux servis si les rétractations étaient autorisées ou si elles étaient refusées ? [traduction] Dans Continental Bank Leasing Corporation c. La Reine, [1993] DTC 298, à la page 302, le juge Bowman s'exprime ainsi :

Mais je préfère tout de même examiner la question dans une perspective plus large : les intérêts de la justice seraient-ils mieux servis si la demande de modification ou de rétractation était approuvée ou rejetée ? Les critères mentionnés dans les affaires entendues par d'autres tribunaux sont évidemment utiles, mais il convient de mettre l'accent sur d'autres facteurs également, y compris le moment auquel est présentée la requête visant la modification ou la rétractation, la mesure dans laquelle les modifications proposées retarderaient l'instruction expéditive de l'affaire, la mesure dans laquelle la thèse adoptée à l'origine par une partie a amené une autre partie à suivre dans le litige une ligne de conduite qu'il serait difficile, voire impossible, de modifier, et la mesure dans laquelle les modifications demandées faciliteront l'examen par la Cour du véritable fond du différend. Il n'existe aucun facteur qui soit prédominant, ou dont la présence ou l'absence soit nécessairement déterminante. On doit accorder à chacun des facteurs le poids qui lui revient dans le contexte de l'espèce. Il s'agit, en fin de compte, de tenir compte de la simple équité, du sens commun et de l'intérêt qu'ont les tribunaux à ce que justice soit faite[traduction].

                                                                                                                Je souligne.

[24]          Enfin, dans Andersen Consulting c. Canada, [1998] 1 C.F. 605, à la page 612, la Cour fédérale a choisi une approche souple :

We must ensure that the procedure to withdraw admissions is not made so complex and so stringent that virtually no admissions will be made by defendants.

[25]          À la lumière de ces autorités, l'appelante devrait-elle être autorisée à modifier le montant de la valeur de la JVM ? Or, pour être libéré des conséquences d'un aveu, il doit être démontré que l'aveu a découlé d'une erreur. À cet égard, la preuve ne permet pas de conclure à une quelconque erreur.

[26]          Je réponds par la négative et ce, pour les motifs suivants :

·          L'appelante avait les connaissances, l'expérience et surtout toutes les informations pertinentes pour conclure que la JVM était de 2 479 415 $ établie avec la complicité de son comptable très bien renseigné.

·          Ont-ils commis une ou des erreurs pouvant expliquer cette évaluation de 2 479 415 $ ?

[27]          L'appelante n'a soumis aucun élément de preuve démontrant que des erreurs significatives avaient été commises, si ce n'est qu'affirmer qu'il n'était pas expert en la matière. Or, la preuve a établi que monsieur Verreault avait une expérience considérable en cette matière; ni le comptable Michel Paquet ni monsieur Roch Lessard n'étaient des professionnels de l'évaluation. Par contre, de part et d'autre, ils avaient des connaissances non négligeables pour déterminer la JVM, l'un étant comptable et ayant accès à tous les documents pertinents, l'autre étant un expert en construction.

[28]          En outre, il s'agissait d'un immeuble neuf où tous deux avaient été étroitement associés à la réalisation du projet. De tels faits ne faisaient pas échec automatiquement à la possibilité de commettre une ou des erreurs, mais il eût fallu faire la preuve que l'évaluation de 2 479 415 $ avait résulté d'une ou de plusieurs erreurs, ce qui n'a pas été démontré.

[29]          Je conclus qu'il s'agissait d'un aveu liant l'appelante étant donné qu'il n'y a eu aucune preuve à l'effet que l'aveu découlait d'une erreur. L'amendement visant à diminuer la JVM attribuée lors de l'Avis d'appel est donc refusé.

[30]          Pour ce qui est de la question de la JVM de la partie de l'immeuble assujetti à la TPS, il y a lieu de procéder à l'analyse des deux évaluations préparées par les experts mandatés par les parties.

[31]          Bien que les règles de l'art en matière d'évaluation prévoient diverses formules ou approches pour déterminer la JVM d'un immeuble, soit la méthode de la parité, le coût de remplacement et la méthode des revenus, les deux experts ont convenu que la méthode la plus appropriée devant être priorisée dans les circonstances était celle des revenus.

[32]          Tous deux d'accord, les experts ont affirmé que la JVM devait être déterminée à partir de la technique des revenus plutôt qu'à partir du coût de construction, de la technique du coût normalisé, de l'évaluation municipale, ou même à partir de la comparable conséquente à la revente de l'immeuble en 1999.

[33]          Les experts ont donc privilégié la méthode des revenus. Ils se sont entendus sur la formule relative au taux de capitalisation et sur plusieurs composantes importantes.

[34]          L'expert Jean-Jacques Verreault a produit un rapport d'expertise en apparence très fouillé, documenté et étoffé créant ainsi une présomption qu'il avait exécuté un travail d'une très grande qualité tout en respectant les règles de l'art.

[35]          Son témoignage a démontré que la réalité était tout autre. Cela ressort d'une manière assez éloquente des extraits suivants des notes sténographiques :

(pages 132-133-134)

Q.             Monsieur Verreault, si je comprends bien, là, votre bible d'évaluation dans ce dossier-ci, si je peux ainsi m'exprimer, ce sont les états financiers de 11675?

R.             Villa du Jasmin puis Société en commandite, oui.

Q.             D'accord. Est-ce que vous avez questionné certains postes de ces états financiers au niveau des dépenses, notamment pour voir si ça répondait aux normes du marché?

R.             Non. J'ai questionné, j'ai questionné les postes de dépenses pour les comprendre, là, parce que ce n'est pas ... les postes de dépenses qui sont au bilan ne sont pas distribués comme nous on les distribue dans nos rapports d'évaluation, mais je n'ai pas questionné les postes à savoir pourquoi est-ce qu'ils n'étaient pas ou pouvaient peut-être pas être aux normes du marché.

                Et d'ailleurs, Votre Honneur, quelqu'un qui achète un bâtiment, là, il n'achète pas des statistiques d'un marché, là. Que ce soit un hôtel, que ce soit un bloc appartements, que ce soit une auberge, que ce soit une bâtisse pour personnes âgées, ce qu'il veut savoir, l'investisseur potentiel, c'est donne-moi tes revenus, donne-moi tes dépenses, je vais calculer quel genre de rendement je peux avoir sur mon investissement et je vais te faire une offre d'achat.

                C'est ça, le principe fondamental de base de tout investisseur dans l'économie de tous les pays, c'est comme ça que ça fonctionne. Un investisseur ne fonctionne pas avec des statistiques.

                MONSIEUR LE JUGE

Q.             C'est ce qui devrait normalement ressortir dans le contrat de vente ultérieur.

R.             Que?

Q.             Ce que vous venez d'affirmer.

R.             Oui.

                Me MICHEL MOREL

Q.             Êtes-vous d'accord avec moi, monsieur Verreault, qu'un investisseur ne se contentera pas de regarder les états financiers d'une entreprise, surtout lorsqu'on parle d'un immeuble à logements pour personnes âgées? Un investisseur va regarder qu'est-ce qui se passe dans le marché aussi.

R.             Oui, c'est sûr. Un investisseur averti va essayer de trouver des comparatifs, des comparables, puis comment ça s'est vendu ailleurs, c'est quoi les ratios.

Q.             Êtes-vous d'accord avec moi ...

R.             Dans le cas qui nous concerne, on n'en a pas de parité.

...

[36]          Concernant la question du stationnement, l'expert a répondu ce qui suit :

(page 112)

Q.             Êtes-vous d'accord avec moi que Rossy n'occupe pas tout cet espace en gris foncé?

R.             Je ne m'en souviens pas.

Q.             Vous ne vous en souvenez pas.

R.             Non. Je l'ai visitée une fois, en passant, la bâtisse, là. Je ne m'en souviens pas.

Q.             Il y a combien d'espace de stationnement selon vous qui sont disponibles pour les résidants?

R.             Je ne peux pas répondre à la question je ne le sais pas non plus.

Q.             Vous ne le savez pas non plus.

R.             Non.

Q.             Vous faites, vous êtes d'accord avec moi que les stationnements, la partie stationnement est une ... ça fait partie du bâti de l'immeuble, c'est ça?

R.             Oui, oui.

[37]          Concernant la désuétude économique, le témoin Verreault a répondu aux questions de la façon suivante :

(aux pages 117-118)

Q.             Parfait. Au niveau de la désuétude économique, monsieur Verreault, vous prenez un facteur de vingt pour cent (20%), d'accord?

R.             Oui, oui.

Q.             Et vous nous dites dans votre témoignage que cela se justifie à cause de motifs externes, de facteurs externes, vous avez même mentionné comme raison un changement de gouvernement.

R.             Oui.

Q.             Par contre, dans votre rapport, vous nous justifiez le vingt pour cent (20%) en nous disant que l'offre était plus forte que la demande.

R.             Aussi. Il y a beaucoup de raisons, là, mais ce que j'ai expliqué surtout, Votre Honneur, c'est que la désuétude économique c'est extérieur à nous. C'est extérieur au bâtiment, c'est quelque chose économique, c'est dans l'économie. Ça peut être causé par de multiples facteurs, un chômage excessif dans une région, une offre et une demande qui est différente d'une région à l'autre, on revient, on revient, tout le monde lit les journaux, on vient de vivre dix (10) ans au Québec où, dans le résidentiel, les maisons se vendaient à peu près ou en bas de l'évaluation municipale.

Là, depuis neuf, dix (10) mois, c'est la folie furieuse, les maisons se vendent vingt-cinq (25%), trente pour cent (30%) en haut de l'évaluation municipale, il n'y a même plus de logements pour les locataires. Puis on a vécu, pendant dix (10) ans de temps, des raisons économiques extérieures ... La maison qui se vendait 100 000 $ voilà sept, huit ans, qui est toujours à la même place, qui est toujours de la même qualité, puis qui a toujours été bien entretenue, aujourd'hui elle se vend 40 000 $ de plus et c'est toujours la même maison puis les même matériaux.

Q.             O.K.

R.             Désuétude économique, c'est extérieur à nous.

Q.             Monsieur Verreault, êtes-vous d'accord avec mois que le projet Phase I, c'est un projet d'envergure et qu'il n'en existait pas de cette qualité à Saint-Georges de Beauce en 1996?

R.             Non, il n'y en avait pas.

[38]          Concernant la vente de l'immeuble et d'un bail dont l'objet était les lieux directement visés par l'évaluation, l'expert a répondu aux questions de la manière suivante :

(aux pages 121, 122, 123)

Q.             D'accord. Toujours au niveau, monsieur Verreault, de votre méthode du revenu, au niveau des dépenses, au niveau des taxes, monsieur Verreault, avez-vous tenu compte des baux au niveau du calcul de la dépense relative aux taxes; par exemple, avez-vous tenu compte du bail intervenu entre l'appelante et Villa du Jasmin? Au niveau de la répartition des dépenses relatives aux taxes.

R.             Je ne comprends pas votre question, là, vous voulez dire le pourcentage, soixante-seize pour cent/vingt-quatre pour cent (76% - 24%), là, que j'utilise?

Q.             Monsieur Verreault, est-il exact qu'en vertu du bail intervenu entre 11675 et Villa du Jasmin, le locateur ne supporte que le sixième (1/6) des taxes, les cinq sixièmes (5/6) étant supportés par le locataire?

R.             Je ne sais pas.

Q.             Vous n'êtes pas au courant de ça.

R.             Non.

Q.             Êtes-vous au courant qu'en vertu du même bail, le chauffage doit être assumé par Villa du Jasmin?

R.             Non.

Q.             Vous n'êtes pas au courant de ça non plus?

R.             Le chauffage du local commercial est payé par ...

Q.             Je vais trouver une copie du contrat. Prenez la clause 9.

R.             Le locataire paiera le coût de consommation d'électricité relativement à l'exploitation et au chauffage des lieux loués aux termes des présentes. De plus, le locataire paiera seul le coût de l'entretien ménager dans les lieux loués.

Q.             Alors au niveau de « l'assumation » de la dépense de chauffage et d'électricité, Monsieur Verreault, avez-vous tenu compte de ça dans votre ... pour les fins d'établir la dépense de chauffage et d'électricité?

R.             Oui. Bien dans le bilan, le propriétaire, il paye juste le chauffage résidentiel. Dans ses dépenses de chauffage et d'électricité, les compteurs sont à part. Rossy a ses compteurs à lui.

Q.             Non, je ne vous parle pas de Rossy, monsieur, je vous parle du bail intervenu.

R.             Bien c'est quoi ça?

Q.             Ça, c'est le bail intervenu entre l'appelante et Villa du Jasmin.

R.             Ah, moi, je ne suis pas au courant de ce bail-là. Je n'ai jamais vu ça de ma vie.

Q.             Parfait.

R.             Ça n'a pas rapport à ...

Q.             Étiez-vous au courant également qu'en vertu du même bail, Villa du Jasmin doit assumer les cinq sixièmes (5/6) des assurances?

R.             Non. Je n'ai jamais vu ça, ce bail-là, moi.

[39]          Le fardeau de la preuve incombait à l'appelante.

[40]          L'expert de l'appelante, monsieur Verreault, avait les qualifications pour préparer et soumettre des conclusions résultant d'un travail et de recherches exhaustives. Il a soumis un rapport d'évaluation en apparence très documenté et fouillé, mais en réalité il a essentiellement repris les chiffres consignés au bilan non vérifié, préparé par le comptable de l'entreprise appelante, monsieur Paquet. Il a préféré la facilité à la minutie.

[41]          Bien que l'évaluation devait être établie à la date précise du 1er avril 1996, il a compilé les données comptables disponibles pour une période de deux ou trois ans au moment de son analyse et ensuite fait une moyenne. Toutes les données utilisées ont été consignées postérieurement à la date où devait être déterminée l'évaluation.

[42]          Bien qu'il s'agissait d'un immeuble neuf, il a eu recours à un pourcentage de désuétude économique de 20 p. 100.

[43]          Il n'a pas tenu compte que le projet initial comportait deux phases avec certaines infrastructures communes, mais rattachées à la Phase I du projet, seul objet de l'appel.

[44]          Ultérieurement considérablement modifié, le tout a eu des effets directs et significatifs sur certaines données comptables utilisées pour la préparation des évaluations. Il n'était ni judicieux, ni raisonnable de limiter l'exercice à dégager des données moyennes pour déterminer une valeur à une date antérieure.

[45]          Établir la valeur d'un immeuble pour une date précise, se situant plusieurs années avant le moment stratégique, constitue un exercice difficile; il peut être alors tentant d'utiliser et de puiser dans les données ni connues, ni disponibles à la date pertinente, mais devenues accessibles au cours des années écoulées et au moment de réaliser le travail d'évaluation.

[46]          Ainsi il est toujours plus facile et simple de déterminer une valeur à partir des données comptables consignées aux états financiers; l'exercice consiste alors à prétendre qu'elle correspondait à la réalité, le jour où la valeur devait être cristallisée.

[47]          Déterminer la valeur d'un immeuble à un moment « x » dans le passé suppose la prise en considération de données hypothétiques devant être validées par la prise en considération de diverses statistiques, différentes normes, afin d'objectiver le résultat obtenu.

[48]          En l'espèce, les experts se sont entendus sur la pertinence de recourir à la méthode « revenus » , les autres approches n'étant pas, selon eux, appropriées eu égard aux circonstances et à la localisation des lieux.

[49]          Il devenait alors essentiel que certaines composantes, tant au niveau des revenus que des dépenses, fassent l'objet d'une analyse approfondie et fouillée, particulièrement du fait qu'une seule méthode semblait appropriée pour déterminer la valeur de l'immeuble au moment opportun.

[50]          Se limiter à faire des moyennes basées sur trois années d'opérations n'était certainement pas conforme aux règles de l'art, puisque le résultat était profondément façonné par des éléments suggestifs qui, en l'espèce, ont dû être modifiés suite à la redéfinition du projet initial.

[51]          Non seulement le travail exécuté par l'expert de l'appelante est discutable, il a été, en outre, réalisé dans la facilité en ce sens que les données utilisées provenaient des états financiers non vérifiés, compilés par le comptable de l'appelante. Cette sévère appréciation de la qualité du travail exécuté par l'expert de l'appelante ressort assez clairement des extraits suivants de son témoignage qui pour faciliter la lecture de ce jugement sont à nouveau reproduits :

Q.             Êtes-vous d'accord avec moi que Rossy n'occupe pas tout cet espace en gris foncé?

R.             Je ne m'en souviens pas.

Q.             Vous ne vous en souvenez pas.

R.             Non. Je l'ai visitée une fois, en passant, la bâtisse, là. Je ne m'en souviens pas.

Q.             Il y a combien d'espace de stationnement selon vous qui sont disponibles pour les résidants?

R.             Je ne peux pas répondre à la question je ne le sais pas non plus.

Q.             Vous ne le savez pas non plus.

R.             Non.

Q.             Vous faites, vous êtes d'accord avec moi que les stationnements, la partie stationnement est une ... ça fait partie du bâti de l'immeuble, c'est ça?

R.             Oui, oui.

...

Q.             Parfait. Au niveau de la désuétude économique, monsieur Verreault, vous prenez un facteur de vingt pour cent (20%), d'accord?

R.             Oui, oui.

Q.             Et vous nous dites dans votre témoignage que cela se justifie à cause de motifs externes, de facteurs externes, vous avez même mentionné comme raison un changement de gouvernement.

R.             Oui.

Q.             Par contre, dans votre rapport, vous nous justifiez le vingt pour cent (20%) en nous disant que l'offre était plus forte que la demande.

R.             Aussi. Il y a beaucoup de raisons, là, mais ce que j'ai expliqué surtout, Votre Honneur, c'est que la désuétude économique c'est extérieur à nous. C'est extérieur au bâtiment, c'est quelque chose économique, c'est dans l'économie. Ça peut être causé par de multiples facteurs, un chômage excessif dans une région, une offre et une demande qui est différente d'une région à l'autre, on revient, on revient, tout le monde lit les journaux, on vient de vivre dix (10) ans au Québec où, dans le résidentiel, les maisons se vendaient à peu près ou en bas de l'évaluation municipale.

Là, depuis neuf, dix (10) mois, c'est la folie furieuse, les maisons se vendent vingt-cinq (25%), trente pour cent (30%) en haut de l'évaluation municipale, il n'y a même plus de logements pour les locataires. Puis on a vécu, pendant dix (10) ans de temps, des raisons économiques extérieures ... La maison qui se vendait 100 000 $ voilà sept, huit ans, qui est toujours à la même place, qui est toujours de la même qualité, puis qui a toujours été bien entretenue, aujourd'hui elle se vend 40 000 $ de plus et c'est toujours la même maison puis les même matériaux.

Q.             O.K.

R.             Désuétude économique, c'est extérieur à nous.

Q.             Monsieur Verreault, êtes-vous d'accord avec mois que le projet Phase I, c'est un projet d'envergure et qu'il n'en existait pas de cette qualité à Saint-Georges de Beauce en 1996?

R.             Non, il n'y en avait pas.

Q.             Il n'y en avait pas. C'est vraiment un beau projet, hein?.

R.             Très beau.

Q.             À quel moment a été vendu l'immeuble, monsieur Verreault, vous souvenez-vous?

R.             Aucune idée.

Q.             Vous le mentionnez, vous le mentionnez dans votre rapport.

R.             Ah oui?

Q.             Oui. Allez à la page 32, monsieur Verreault, s'il vous plaît.

R.             Oui.

Q.             J'imagine que vous avez pris connaissance du contrat de vente lorsque vous avez écrit ça?

R.             Bien, en faisant une recherche au bureau d'enregistrement, on a vu l'Index aux immeubles, la transaction, là, mais on n'a pas vu le contrant, non.

...

Q.             Voulez-vous vous rendre à la page 14 du contrat, monsieur Verreault?

                LA GREFFIÈRE : Sous la côte I-6?

                Me MICHEL MOREL : I-6.

PIÈCE I-6 :             Convention de vente de l'immeuble.

                Me MICHEL MOREL

Q.             Voulez-vous regarder la clause 14?

R.             Oui.

Q.             Quelle est la répartition indiquée pour la partie commerciale?

R.             1 300 000 $ plus terrain commercial, 30 000 $.

Q.             Si on exclut le terrain, donc immeuble commercial on indique 1 300 000 $. Vous êtes d'accord avec moi?

R.             Bien, c'est ça que je lis ici, là.

Q.             Et êtes-vous d'accord avec moi aussi que la partie commerciale, on la retrouve seulement dans la phase I du projet.

R.             Oui, oui.

Q.             Vous êtes d'accord avec moi? Par ailleurs, vous, à la page 52 de votre rapport, vous attribuez une valeur de 665 000 $ à la partie commerciale.

R.             Oui. Par la technique économique?

Q.             Page 52.

R.             Oui.

Q.             Comment conciliez-vous les deux montants, monsieur Verreault?

R.             J'ai aucune idée. Moi, c'est la valeur marchande que j'ai estimée.

Q.             D'accord. Toujours au niveau, monsieur Verreault, de votre méthode du revenu, au niveau des dépenses, au niveau des taxes, monsieur Verreault, avez-vous tenu compte des baux au niveau du calcul de la dépense relative aux taxes; par exemple, avez-vous tenu compte du bail intervenu entre l'appelante et Villa du Jasmin? Au niveau de la répartition des dépenses relatives aux taxes.

R.             Je ne comprends pas votre question, là, vous voulez dire le pourcentage, soixante-seize pour cent/vingt-quatre pour cent (76% - 24%), là, que j'utilise?

Q.             Monsieur Verreault, est-il exact qu'en vertu du bail intervenu entre 11675 et Villa du Jasmin, le locateur ne supporte que le sixième (1/6) des taxes, le cinq sixièmes (5/6) étant supporté par le locataire?

R.             Je ne sais pas.

Q.             Vous n'êtes pas au courant de ça.

R.             Non.

Q.             Êtes-vous au courant qu'en vertu du même bail, le chauffage doit être assumé par Villa du Jasmin?

R.             Non.

Q.             Vous n'êtes pas au courant de ça non plus?

R.             Le chauffage du local commercial est payé par ...

Q.             Je vais trouver une copie du contrat. Prenez la clause 9.

R.             Le locataire paiera le coût de consommation d'électricité relativement à l'exploitation et au chauffage des lieux loués aux termes des présentes. De plus, le locataire paiera seul le coût de l'entretien ménager dans les lieux loués.

Q.             Alors au niveau de « l'assumation » de la dépense de chauffage et d'électricité, Monsieur Verreault, avez-vous tenu compte de ça dans votre ... pour les fins d'établir la dépense de chauffage et d'électricité?

R.             Oui. Bien dans le bilan, le propriétaire, il paye juste le chauffage résidentiel. Dans ses dépenses de chauffage et d'électricité, les compteurs sont à part. Rossy a ses compteurs à lui.

Q.             Non, je ne vous parle pas de Rossy, monsieur, je vous parle du bail intervenu.

R.             Bien c'est quoi ça?

Q.             Ça, c'est le bail intervenu entre l'appelante et Villa du Jasmin.

R.             Ah, moi, je ne suis pas au courant de ce bail-là. Je n'ai jamais vu ça de ma vie.

Q.             Parfait.

R.             Ça n'a pas rapport à ...

Q.             Étiez-vous au courant également qu'en vertu du même bail, Villa du Jasmin doit assumer les cinq sixièmes (5/6) des assurances?

R.             Non. Je n'ai jamais vu ça, ce bail-là, moi.

...

Q.             Monsieur Verreault, si je comprends bien, là, votre bible d'évaluation dans ce dossier-ci, si je peux ainsi m'exprimer, ce sont les états financiers de 11675?

R.             Villa du Jasmin puis Société en commandite, oui.

Q.             D'accord. Est-ce que vous avez questionné certains postes de ces états financiers au niveau des dépenses, notamment pour vois si ça répondait aux normes du marché?

R.             Non. J'ai questionné, j'ai questionné les postes de dépenses pour les comprendre, là, parce que ce n'est pas ... les postes de dépenses qui sont au bilan ne sont pas distribués comme nous on les distribue dans nos rapports d'évaluation, mais je n'ai pas questionné les postes à savoir pourquoi est-ce qu'ils n'étaient pas ou pouvaient peut-être pas être aux normes du marché.

...

                MONSIEUR LE JUGE

Q.             C'est ce qui devrait normalement ressortir dans le contrat de vente ultérieur.

R.             Que?

Q.             Ce que vous venez d'affirmer.

R.             Oui.

                Me MICHEL MOREL

Q.             Êtes-vous d'accord avec moi, monsieur Verreault, qu'un investisseur ne se contentera pas de regarder les états financiers d'une entreprise, surtout lorsqu'on parle d'un immeuble à logements pour personnes âgées? Un investisseur va regarder qu'est-ce qui se passe dans le marché aussi.

R.             Oui, c'est sûr. Un investisseur averti va essayer de trouver des comparatifs, des comparables, puis comment ça s'est vendu ailleurs, c'est quoi les ratios.

Q.             Êtes-vous d'accord avec moi ...

R.             Dans le cas qui nous concerne, on n'en a pas de parité.

...

Q.             Êtes-vous d'accord avec moi, monsieur Verreault, que les états financiers, surtout des états financiers non vérifiés, ne sont que des outils de travail aux fins de faire une évaluation?

R.             Écoutez, c'est des états financiers préparés par un comptable agréé, là, je ne sais pas ce que vous voulez dire, là, ou ce que vous voulez insinuer, là, par ça, mais ils ont été préparés par un comptable agréé puis il est responsable de sa profession, puis je n'ai pas à questionner son travail, là.

Q.             Dois-je en tirer la conclusion, monsieur Verreault, que votre travail se limite donc à établir des moyennes en fonction des états financiers que le comptable vous a donnés, états financiers qui ne sont pas vérifiés.

R.             Dans le cas, ici, on a travaillé avec les états financiers, oui.

[52]          Il appert de la preuve que Jean-Jacques Verreaultn'a pas tenu compte des aires de stationnement. Il a surévalué certains revenus. Il a eu recours à un taux de désuétude économique de 20 p. 100 pour un immeuble neuf; il a ignoré totalement le bail intervenu entre la société en commandite no 11675 et la Villa du Jasmin prévoyant des données fort utiles pour l'évaluation.

[53]          En contrepartie, l'experte à l'emploi de l'intimée depuis plusieurs années, a exécuté un travail tout à fait irréprochable. La qualité de son travail est clairement ressortie de son témoignage. Elle a fait l'analyse en profondeur de chacune des rubriques, tant au niveau des revenus que des dépenses.

[54]          Même si son statut d'employée pouvait préjudicier à la qualité de son travail au niveau d'objectivité de son évaluation, elle a surmonté cette difficulté avec brio. Ayant eu recours à diverses données statistiques extérieures, il était facile de mettre en doute l'exactitude de telles données; cela n'a cependant pas affecter la qualité et crédibilité des conclusions.

[55]          L'excellent contre-interrogatoire auquel elle a dû faire face n'a pas réussi à faire ressortir de grief significatif de nature à disqualifier la qualité de son travail, exécuté en conformité avec les règles de l'art. Bien au contraire, il a permis à madame Francyne Bélanger d'expliquer d'une façon encore plus nuancée le sérieux de sa démarche.

[56]          Le procureur de l'appelante a soutenu que le bail intervenu entre l'appelante et la Villa du Jasmin était inapproprié, étant donné que les deux sociétés étaient liées et que de ce fait, le contenu du bail n'était ni pertinent ni fiable.

[57]          Cette réalité juridique aurait pu permettre une telle conclusion, mais pas de façon automatique. Il eût fallu faire la démonstration que les droits et obligations des parties contractantes avaient été façonnés par le lien qui les unissait et démontrer de manière prépondérante que le contenu divergeait de manière significative de qu'il aurait été, si conclu entre tiers.

[58]          Conséquemment, je retiens les conclusions dégagées par le travail de madame Francyne Bélanger et conclus que la valeur de l'immeuble en date du 1er avril 1996, propriété de l'appelante, avait une valeur avant taxe de 2 750 208 $.

[59]          Comme cette JVM a été diminuée par rapport à celle ayant servi de fondement à la cotisation à l'origine de l'appel, j'accueille l'appel de manière à ce que le dossier soit retourné pour fins d'une nouvelle cotisation, en tenant pour acquis que la valeur de la partie de l'immeuble assujettie à la TPS en date du 1er avril 1996 était de 2 750 208 $.

[60]          Quant à la pénalité, l'appelante a démontré avoir agi avec diligence quant à l'autocotisation, en tenant pour acquis une valeur qui, dans les circonstances, n'était pas totalement arbitraire. Un écart de plus ou moins 10 p. 100 sur une évaluation globale de près de trois millions ne suffit certainement pas pour conclure à l'imprudence, négligence ou incurie ou une quelconque faute; elle a été établie par un comptable dont la bonne foi ne peut être mise en doute.

[61]          D'autre part, les experts ont indiqué qu'il s'agissait d'un dossier particulier où il était relativement difficile d'avoir recours aux méthodes traditionnelles pour l'établissement de la valeur à l'origine de l'imposition.

[62]          La particularité du dossier est donc un élément additionnel pour apprécier la responsabilité de l'appelante; la preuve a démontré que l'appelante avait agi d'une manière responsable et de bonne foi. Il n'y a donc pas lieu de maintenir les pénalités. Je les annule donc.

[63]          Pour toutes ces raisons, l'appel est accueilli en partie en ce que les pénalités sont annulées et la JVM taxable de l'immeuble situé au 11765, 11795, 1ère Avenue Est, St-Georges de Beauce (Québec) est établie à 2 750 208 $, le tout avec dépens en faveur de l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada ce 6e jour de décembre 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2000-4081(GST)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Le 11675 Société en commandite et la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 25 juin 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         L'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                      le 6 décembre 2002

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :                        Me Jacques Larochelle

Avocat de l'intimée :                            Me Michel Morel

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

                                Nom :                       Me Jacques Larochelle

                                Ville :                       Québec (Québec)

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2000-4081(GST)G

ENTRE :

LE 11675 SOCIÉTÉ EN COMMANDITE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 25 juin 2002 à Québec (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Avocat de l'appelante :                                        Me Jacques Larochelle

Avocat de l'intimée :                                            Me Michel Morel

JUGEMENT

                L'appel de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 15 janvier 1999 et qui porte le numéro 8214155, pour la période du 26 mai 1995 au 30 juin 1997, est accueilli, en ce que les pénalités sont annulées et la juste valeur marchande taxable de l'immeuble situé au 11765, 11795, 1ère Avenue Est, St-Georges de Beauce (Québec) est établie à 2 750 208 $ avec dépens en faveur de l'intimée, le tout selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de décembre 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.



[1] J.- C. Royer, La preuve civile, 2e éd., Cowansville (Qc.), Yvon Blais, 1995 aux pp. 547-548.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.