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Date: 20021210

Dossier: 2001-824-IT-I

ENTRE :

DANY HOUDE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel par voie de la procédure informelle concernant les années d'imposition 1991 à 1995.

[2]            La question en litige concerne le remboursement de crédits d'impôt demandés sur la base de faits erronés, les intérêts y afférents ainsi que l'imposition des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le Revenu, (la « Loi » ) et les intérêts y afférents.

[3]            Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) s'est fondé pour établir ses nouvelles cotisations sont décrits aux paragraphes 2, 3 et 6 de la Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse » ) :

2.              Par avis de nouvelle cotisation datée du 14 juillet 2000, le Ministre annula respectivement, dans le calcul du revenu imposable de l'appelant, les sommes de 9 900 $, de 14 700 $, de 15 800 $, de 14 950 $ et de 11 800 $, à l'égard de la déduction prévue à la ligne 256 de la déclaration de revenus, accordées antérieurement, à l'égard de chacune des années d'imposition 1991, 1992, 1993, 1994 et 1995.

...

3.              À l'égard des années d'imposition 1991, 1992, 1993, 1994 et 1995, le Ministre a imposé les pénalités suivantes, conformément au paragraphe 163(2) de la Loi :

a) 1991

b) 1992

c) 1993

d) 1994

e) 1995

433,00 $

1 099,11 $

1 100,78 $

1 098,91 $

858,77 $

...

6.              Pour établir et maintenir les avis de nouvelles cotisations datées du 14 juillet 2000, le Ministre a tenu notamment pour acquis les faits suivants :

a)                le dossier origine d'une enquête interne concernant certains employés du Centre fiscal de Jonquière qui avaient mis sur pied un stratagème qui consistait à faire bénéficier, à certaines personnes, de remboursements d'impôt frauduleux en contrepartie d'une commission fondée sur un pourcentage des dits remboursements;

b)               le 24 mars 1997, l'appelant a reçu un remboursement d'impôt total s'élevant à une somme de 11 419,37 $, à l'égard des années d'imposition 1991, 1992, 1993, 1994 et 1995, suite à des nouvelles cotisations émises à la même date;

c)                les avis de nouvelles cotisations datées du 24 mars 1997, à l'égard des années d'imposition 1991, 1992, 1993, 1994 et 1995, accordaient à l'appelant, dans le calcul de son revenu imposable, une déduction prévue à la ligne 256 de la déclaration de revenus pour chacune des dites années d'imposition;

d)               l'appelant, aux enquêteurs du Ministre, a avoué, par déclaration solennelle, qu'il avait accepté l'offre d'un fonctionnaire de Revenu Canada, monsieur Réjean Simard, qui lui offrait d'obtenir des remboursements d'impôt en contrepartie d'une commission de 66,6666 %, et pour ce faire, l'appelant lui divulgua son numéro d'assurance sociale;

e)                l'appelant ne connaissait pas la nature de la déduction qui serait réclamée dans ses déclarations de revenus, ni la somme totale du remboursement qui en résulterait;

f)                aux enquêteurs du Ministre, l'appelant a avoué, par déclaration solennelle, qu'il avait remis personnellement, à monsieur Réjean Simard, et selon ses directives, une somme de 7 612,92 $ à l'égard des remboursements issus des avis de nouvelles cotisations datées 24 mars 1997 quant aux années d'imposition 1991, 1992, 1993, 1994 et 1995;

g)               le Ministre est d'avis que la négligence dont l'appelant a fait montre dans cette affaire s'apparente à de la complicité;

h)               à l'égard des années d'imposition 1991, 1992, 1993, 1994 et 1995, l'appelant a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire ou a commis quelque fraude ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la « Loi » ;

i)                 la réclamation d'une déduction prévue à la ligne 256 de la déclaration de revenus à l'égard de chacune des années d'imposition 1991, 1992, 1993, 1994 et 1995, porte le Ministre à croire que l'appelant a fait sciemment ou dans des circonstances qui justifient l'imputation d'une faute lourde, un faux énoncé ou une omission dans les déclarations de revenus produites pour les années d'imposition 1991, 1992, 1993, 1994 et 1995 ou a participé, consenti ou acquiescé à ce faux énoncé ou cette omission, d'où il résulte que l'impôt qu'il aurait été tenu de payer d'après les renseignements fournis dans les déclarations de revenus déposées pour ces années-là était inférieur au montant d'impôt à payer pour ces années-là.

[4]            L'avis d'appel demande ce qui suit :

... Lorsque j'ai reçu ce chèque je croyais que c'était parfaitement légal puisque c'était un « fonctionnaire » de Revenu Canada qui m'avait téléphoné et qui m'avait demandé de vérifier si mes impôts antérieurs avaient été bien complétés et si tous les crédits auxquels je pouvais avoir droit avaient été demandés.

                Puisque c'était une connaissance et de plus, que c'était un fonctionnaire de Revenu Canada, je lui ai fait confiance et fourni mon numéro d'assurance sociale « NAS » , pour qu'il puisse faire la vérification. Quelques temps après, il m'informa que je recevrai un remboursement, car mes impôts avaient été mal complétés à l'époque selon lui, comme de fait, quelques semaines plus tard, j'ai reçu un remboursement que j'ai encaissé, puisque je croyais que c'était parfaitement légal.

                Quelques années plus tard je reçois la visite de Revenu Canada, m'informant que le chèque que j'ai reçu, je n'y avais pas droit et que le fonctionnaire qui m'avait contacté avait été congédié pour fraude auprès de son employeur. Monsieur le juge, je veux vous dire que ce n'est pas la faute des simples contribuables si Revenu Canada engage des fraudeurs et que je me suis fais embarquer dans cette histoire.

                Vous pouvez vérifier mon dossier antérieur, j'ai toujours marché droit et je n'ai jamais eu de problème avec la justice ou Revenu Canada. Donc, je demande à la Cour d'annuler ce compte en entier, pénalité, intérêt et capital. D'ailleurs je suis un travailleur saisonnier sur la construction et de plus, je paie une pension alimentaire pour trois enfants et présentement je vis avec une autre conjointe qui m'a donné deux autres enfants. Donc, il me serait impossible de payer ce compte exorbitant vu ma situation, et je vous demande une bonne compréhension et de pénaliser vos fonctionnaires.

...

[5]            L'appelant a témoigné. Il est menuisier et travaille pour différents entrepreneurs en construction de sa région. Il a expliqué qu'il a connu monsieur Réjean Simard, un employé de Revenu Canada, parce que ce dernier était l'oncle d'une amie. Au moment des événements, il le connaissait depuis deux ans.

[6]            C'est monsieur Simard qui l'a appelé pour lui dire qu'il avait peut-être droit à des remboursements d'impôt. Ce serait une fois le chèque déposé que monsieur Simard lui a dit qu'il fallait lui remettre les deux tiers du montant. Il lui a demandé pourquoi. Il lui a expliqué qu'ils étaient trois là-dedans. L'appelant était inquiet. Monsieur Simard lui aurait répondu de ne pas s'en faire. S'il y avait quoi que ce soit, ce serait lui qui réglerait cela.

[7]            L'appelant réitère ce qu'il a mentionné dans son Avis d'appel soit qu'il a toujours payé ses impôts et a toujours produit ses déclarations.

[8]            Au sujet de l'énoncé de l'alinéa 6g) de la Réponse qui dit que « le Ministre est d'avis que la négligence dont l'appelant a fait montre dans cette affaire s'apparente à de la complicité » , il dit ce qui suit à la page 10 des notes sténographiques :

...

R.             Bien, moi, j'étais pas au courant. Au début, j'étais pas au courant, tu sais, c'est après quand... C'est après quand il m'a dit ça, là, j'ai dit :

                « Moi, j'ai peur de ça. - Ah, il dit, il y a pas de problème, il dit, moi, je travaille au gouvernement, s'il y a de quoi, tu m'appelles puis je vais te trimer ça » . C'est vrai, tout est enclenché, tout était parti, tout était fait, ça fait que je me suis fié à lui, mais il travaillait au gouvernement, tu sais. Normalement, je le sais pas, mais... Moi, je le connaissais pas intimement, moi, je l'ai vu deux, trois fois. Normalement...

...

R.             C'est comme j'ai dit à l'enquêteur quand il est venu chez nous, moi, je suis prêt à payer ma part. Ma part, je l'ai eue, je l'ai eue, c'est moi qui l'a dépensée, je suis conscient de ça. Mais eux autres, ils me réclament 24 000 $ et 23 000 $ et quelque chose.

...

[9]            Un extrait du compte bancaire de l'appelant a été déposé comme pièce I-2. On y voit à la date du 24 mars un dépôt direct de 11 419,37 $ et le 27 mars on y voit un retrait de 7 600 $. L'appelant relate que le soir même du dépôt, monsieur Simard l'a appelé alors que lui-même ne savait pas que le dépôt avait eu lieu. Il explique ainsi les circonstances du dépôt aux pages 12 à 14 des notes sténographiques :

Q.             Le soir même où le dépôt a été fait.

R.             Oui, Moi, je le savais pas, le dépôt avait été fait, je le savais pas, moi, je travaillais. Il dit : « Dany, ton dépôt a été fait. » j'ai dit : « Ah, bien ça, je le sais pas, j'ai pas été à la Caisse. Oui, oui, il dit, il est fait, j'ai checké puis, il dit, ça a été déposé puis tu me dois deux tiers du montant » .

Q.             Est-ce que vous ne trouviez pas ça un peu exagéré les deux tiers du montant?

R.             Bien c'est ça, j'ai posé des questions. Je lui ai demandé : « Deux tiers, tu m'as dit que j'avais le droit à un remboursement puis, là, tu me le demandes au complet, c'est quoi? Bien non, il dit, moi, je suis pas tout seul là-dedans. C'est quoi l'histoire? Bien, il dit, on est trois, il dit, moi, un autre, il m'a pas nommé de nom, puis, il dit, toi » . C'est là que j'ai vu que c'était un genre de magouille puis, tu sais.

Q.             Quand vous avez vu que c'était de la magouille, est-ce que vous avez appelé pour dénoncer cette magouille-là? C'était des employés de Revenu Canada quand même.

R.             Non. C'est ça. C'est ça, oui.

Q.             Vous n'avez pas eu envie de dénoncer ça?

R.             Non. Bien j'y ai pensé mais, là, tu sais, c'était dans la famille un peu, je sortais avec sa nièce, un petit peu avant j'ai sorti avec sa nièce puis...

Q.             Mais vous ne sortiez plus avec sa nièce au moment, là, où vous avez eu le remboursement.

R.             Non, c'est ça.

Q.             Vous n'étiez plus vraiment dans la famille, là.

R.             Non.

Q.             Pourquoi? Qu'est-ce qui vous a empêché de dénoncer monsieur Simard?

R.             Bien, c'est comme je vous dis, c'est le montant, là, tu sais. C'est sûr que c'est toujours alléchant, hein? Mais c'est quand il m'a demandé les deux tiers, c'est là que j'ai... J'étais pas sûr, là.

Q.             Est-ce que vous avez connaissance, vous, est-ce que vous aviez connaissance à ce moment-là que peut-être ça avait été fait avec quelqu'un d'autre?

R.             Non, j'avais pas entendu parler. Bien, je travaillais, je m'occupais de mes affaires puis lui, je le sais pas ce qu'il faisait, moi, là.

...

[10]          La déclaration solennelle de l'appelant a été déposée comme pièce I-1. J'en cite deux paragraphes :

...

                                Je me suis rendu à la Caisse Populaire Rivière Éternité pour retirer 7 612,92 $ en argent que j'ai remis personnellement à Réjean Simard à ma résidence.

                                J'ai également remis à Réjean-Simard les 2/3 du remboursement obtenu par mon compagnon de travail Pierre Simard.

...

[11]          L'appelant avait parlé à un compagnon de travail, monsieur Pierre Simard, de ces possibilités de remboursement d'impôt faites par monsieur Réjean Simard, un employé de Revenu Canada. Les deux paiements de l'appelant à monsieur Réjean Simard ont été faits en argent liquide à des époques distinctes. Dans le cas de monsieur Pierre Simard, cela s'est fait quelques mois après.

[12]          Monsieur Rolland Pelletier a témoigné à la demande de l'avocate de l'intimée. Son témoignage a été versé dans les deux autres dossiers qui ont été entendus ce même jour, soit les appels de Justin Savard (2001-4109(IT)I) et de Robin Villeneuve (2001-170(IT)I). Monsieur Pelletier est demeuré dans la salle à la disposition de la Cour et des deux autres appelants au cas où ils auraient souhaité le contre-interroger.

[13]          Lors de son témoignage, monsieur Pelletier a expliqué le stratagème mentionné à la Réponse. Comme l'appelant n'a pas mis en doute les faits décrits par monsieur Pelletier et que ce stratagème a déjà été décrit dans la Réponse et dans la décision que j'ai rendue dans l'affaire Jean-Marc Simard c. Canada, [2002] A.C.I. no 265 (Q.L.), je ne trouve pas nécessaire de le relater à nouveau.

Argument

[14]          L'appelant se dit prêt à rembourser la somme dont il a bénéficié soit 3 700 $. Il considère qu'il ne doit pas rembourser ce dont il n'a pas personnellement profité.

[15]          L'avocate de l'intimée fait valoir que l'appelant non seulement a acquiescé à la fraude en acceptant le paiement et en payant en ristourne les deux tiers du montant, mais il a même collaboré à la fraude en y faisant participer un collègue de travail.

[16]          L'avocate se rapporte à une décision que j'ai rendue dans Lévesque, succession c. Canada, [1995] A.C.I. no 469 (Q.L.), et plus particulièrement au paragraphe 14 :

L'ignorance ou le défaut de s'informer adéquatement pourrait, dans certaines circonstances, être un élément suffisant pour constituer une faute lourde, dans les cas surtout où il y a un intérêt économique à demeurer dans l'ignorance. Ici, l'élément qui fait pencher la balance en faveur de l'acceptation de la position du contribuable est qu'il n'y avait aucun intérêt économique à cette omission ou à ce défaut de s'informer adéquatement.

[17]          Elle se réfère également à une décision du juge Hamlyn anciennement de cette Cour dans Carlson c. Canada, [1997] A.C.I. no 1351 (Q.L.) et plus particulièrement au paragraphe 19 :

En outre, il a été jugé que la personne capable d'agir d'une façon responsable qui fait délibérément l'autruche ou qui se montre insouciante commet une faute lourde. Dans la décision Holley v. M.N.R., 89 DTC 366, le juge Kempo, de cette cour, a statué que l'omission délibérée de se renseigner auprès du fisc constituait une faute lourde.

[18]          Elle fait valoir que l'aveuglement volontaire constitue une faute lourde quand la personne ne se renseigne pas quand elle pourrait le faire et qu'elle retire un avantage économique de son inaction. C'est la description du comportement de l'appelant. Il ne s'est pas renseigné auprès des autorités fiscales sur la légitimité du remboursement et du paiement en retour aux auteurs dudit remboursement.

Analyse et conclusion

[19]          Les cotisations dont il y a appel n'ont pas été déposées en preuve. J'avais demandé aux avocats de l'intimée de me faire parvenir un tableau schématique du calcul de l'impôt dû, des intérêts dus sur ces impôts, du montant des pénalités et des intérêts dus sur ces pénalités. J'ai reçu les documents informatisés établissant les montants en litige, environ une trentaine de pages. Malheureusement, ces informations sont trop détaillées pour m'être utiles. J'indiquerai seulement le solde au 12 septembre 2002, soit le montant de 27 934,06 $.

[20]          Toutefois, je considère utile un paragraphe de la lettre accompagnant ces relevés informatiques et je le reproduis :

Nous précisons que lors de l'émission des nouvelles cotisations annulant les remboursements frauduleux et imposant les pénalités prévues au paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, le ministre a calculé les intérêts sur la pénalité à partir de la date d'exigibilité pour chacune des années d'imposition en litige mais les intérêts sur le montant du faux remboursement ne commencent à courir qu'à partir de la date où le remboursement a été effectué.

[21]          Au début, quand j'ai pris connaissance de ces appels, il me semblait que l'année de la cotisation n'était pas la bonne, car elle aurait dû être celle où le remboursement frauduleux a été effectué, dans ce cas-ci, l'année 1997. Toutefois, selon la théorie du mandat, le mandant accepte le geste posé par le mandataire lorsqu'il le ratifie. En acceptant le remboursement de l'impôt payé en trop et en en remettant la majeure partie aux auteurs du paiement, l'appelant a ratifié l'acte de ces auteurs ou de ses mandataires. Les mandataires ayant utilisé les années antérieures pour les fins des nouvelles cotisations frauduleuses, il est donc correct d'utiliser ces mêmes années pour les fins des nouvelles cotisations, dont il y a appel.

[22]          L'appelant ne voudrait rembourser que la partie du montant dont il a joui. Cela ne se peut. Il est devenu propriétaire de la totalité du montant versé dans son compte de banque. Ce montant lui appartenait. C'est lui qui en a disposé de la manière dont il en a disposé en en remettant les deux tiers du montant aux auteurs du remboursement. Il doit donc remettre le montant d'impôt qui lui a été payé en trop dans sa totalité et avec les intérêts.

[23]          En ce qui concerne la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, dans la décision Jean-Marc Simard (supra), j'avais conclu que la Cour avait discrétion pour doser le montant imposé en fonction de la capacité de payer du contribuable, du degré de son intention coupable et de sa conduite antérieure. Cette décision a été portée en appel par l'intimée.

[24]          En attendant la décision de la Cour d'appel fédérale, je crois plus prudent pour l'instant de suivre la route empruntée par cette Cour d'appel dans une décision récente soit dans l'affaire Chabot c. Canada, [2001] A.C.F. no 1829 (Q.L.). Dans cette décision, elle n'a pas évalué le degré de l'intention coupable du contribuable mais l'a complètement dégagé de toute application du paragraphe 163(2) de la Loi au motif que le contribuable avait été pris dans un guet-apens. Il s'agissait d'un contribuable qui avait réclamé des crédits d'impôt pour dons de bienfaisance. En 1992, il faisait état d'un don de charité au montant de 10 000 $, pour lequel il avait en fait payé 2 800 $, et en 1993 et 1994 de dons de 15 000 $ et 8 000 $ alors qu'il avait payé en tout 2 500 $.

[25]          Je cite les paragraphes 40 et 41 :

40             Je note enfin que M. Denis Lemieux, enquêteur à Revenu Canada, a expliqué à la Cour que les fondations en cause n'avaient elles-mêmes fait l'objet d'aucune poursuite parce qu'aux yeux du Ministère,

... elles s'étaient fait prendre dans un guet-apens. Pour eux, ça l'avait pris des proportions incommensurables. Elles se sont réellement ... ce ne sont pas des spécialistes pour ce qui est des oeuvres d'art. Elles ont trouvé l'offre alléchante. ...

C'est des fondations, il n'y avait pas d'intention criminelle de ces personnes-là. Ils se sont aperçus eux autres mêmes qu'ils étaient dans l'erreur.

(annexe 6, pages 25 et 26)

M. Chabot s'est aussi, à sa façon, fait « prendre dans un guet-apens » et il a, lui aussi, à sa façon, « trouvé l'offre alléchante » .

41             Dans ces circonstances, je m'explique mal que Revenu Canada impose des pénalités à ces petits contribuables qui, de bonne foi, ont cherché à tirer profit d'un crédit d'impôt que Revenu Canada lui-même faisait miroiter à leurs yeux et qui, selon le guide, paraissait si facile à obtenir.

                                                                                                (L'accentué est de moi.)

[26]          Je crois que l'appelant est lui aussi tombé dans un guet-apens. Ce n'est pas lui qui a mûri le stratagème. La proposition lui est venue d'employés d'une institution fédérale, qu'il respecte. On ne lui a pas parlé d'actes frauduleux. On lui a dit qu'il était possible qu'il n'ait pas réclamé tous les retours d'impôt auxquels il avait droit. C'est une prémisse à laquelle bien des gens de bonne foi sont tentés de croire. Il reçoit un montant d'argent substantiel qui le surprend. On lui dit qu'il doit en remettre les deux tiers aux auteurs du remboursement. Il accepte sans trop réfléchir. Par la suite, il est englué dans une situation dont il peut difficilement se sortir.

[27]          L'intimée fait valoir qu'il n'est pas allé s'en ouvrir aux autorités fiscales. C'est vrai et il n'y a pas vraiment eu de réponse de la part de l'appelant à ce questionnement de l'intimée. On peut penser cependant que l'appelant pouvait difficilement aller consulter les autorités fiscales. Il a trop remis d'argent aux auteurs. Il sent confusément qu'il ne pourra pas récupérer cette part et qu'il devra la remettre ainsi que sa propre part aux autorités fiscales. Il est devenu une proie et a le comportement d'une proie. Il attend dans l'anxiété. On peut penser que c'est dans le but de soulager son inquiétude de proie et de se faire croire que tout ira bien, qu'il fait part de cette possibilité de remboursement d'impôt à un collègue de travail. Ou encore, on peut penser que l'appelant osait toujours croire à la légitimité de l'opération puisqu'il a conseillé à un collègue de travail d'y participer. C'est une situation confuse où les sentiments ne sont pas clairs, mais qui semble beaucoup plus ressortir au guet-apens qu'à une décision délibérée de la part de l'appelant de contrevenir à la Loi.

[28]          Il y a toujours une part de responsabilité dans les gestes posés à moins qu'il ne s'agisse d'un geste purement accidentel. C'est un geste grave que de remettre de l'argent aux préposés de l'État quand ils sont dans l'exécution de leurs fonctions.

[29]          Le paragraphe 163(2) de la Loi exige toutefois que le faux énoncé ou l'omission aient été faits sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde. En d'autres termes ce paragraphe requiert l'intention coupable. Je suis d'avis que le Tribunal doit être d'autant plus certain de cette intention coupable lorsque la pénalité qui s'ensuit est d'un montant extrêmement élevé et d'un effet particulièrement onéreux pour le contribuable, comme c'est le cas ici.

[30]          L'appelant a un bon métier mais il n'est ni comptable ni juriste. D'après ce qu'il a dit lors de son témoignage et dans son avis d'appel, il a toujours produit ses déclarations d'impôt chaque année et a toujours voulu être en conformité avec la Loi. Cette affirmation n'a pas été contredite par l'intimée.

[31]          Je suis d'avis qu'au départ, le geste qu'il a posé relève de l'irréflexion, de l'inconscience ou de l'erreur de jugement et non de l'intention coupable. Par la suite, il a été englué dans une situation de guet-apens. Plus une personne sera instruite plus ce sera difficile pour elle d'éviter l'application du paragraphe 163(2) de la Loi au motif de l'erreur de jugement dans des circonstances comme celles de la présente affaire. Mais ici, je suis d'avis que l'appelant n'a pas formé l'intention coupable requise par le paragraphe 163(2) de la Loi.

[32]          En conséquence, l'appel est accordé pour radier les pénalités et les intérêts y afférents.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de décembre 2002.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2001-824(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Dany Houde et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Chicoutimi (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 30 août 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                      le 10 décembre 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                                     L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                          Me Annick Provencher

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2001-824(IT)I

ENTRE :

DANY HOUDE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 30 août 2002 à Chicoutimi (Québec) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Pour l'appelant :                                                    L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                                          Me Annick Provencher

JUGEMENT

                Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1991, 1992, 1993, 1994 et 1995 sont accordés pour radier les pénalités et les intérêts y afférents, le tout selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de décembre 2002.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

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