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Date: 20010826

Dossier: 2000-260-IT-I

ENTRE :

MAHER AZIZ ISHAK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(Rendus oralement à l'audience le

13 mars 2001 à Montréal (Québec),

et modifiés pour plus de clarté)

Le juge Pierre Archambault, C.C.I.

[1]            M. Maher Aziz Ishak s'oppose aux cotisations établies à son égard pour les années d'imposition 1994 et 1995. Le ministre du Revenu national (ministre) a inclus dans le calcul de son revenu la somme de 34 351,45 $, qui représente la remise d'une dette résultant d'avances que lui a faites A.C. Leslie Steel Inc. (LSI). La nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1994 a été établie plus de trois ans après la cotisation initiale. M. Ishak soutient que le ministre n'avait pas le droit d'établir une nouvelle cotisation à son égard en vertu du paragraphe 152(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Loi) pour le motif que, dans sa déclaration de revenu, il n'a fait aucune présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire. Essentiellement, M. Ishak soutient qu'il croyait n'avoir aucune dette envers LSI lorsqu'il a produit sa déclaration de revenu. En outre, le ministre a refusé la déduction d'une perte autre qu'une perte en capital de 12 036,19 $, que M. Ishak avait reportée de l'année d'imposition 1994 dans le calcul de son revenu imposable de l'année d'imposition 1995. À l'audition, les parties ont admis que le résultat de l'appel visant l'année d'imposition 1995 dépendait entièrement de l'issue de l'appel portant sur l'année d'imposition 1994.

[2]            Pour établir une nouvelle cotisation à l'égard de M. Ishak pour les années d'imposition 1994 et 1995, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

                                [TRADUCTION]

a)                    par l'intermédiaire de sa compagnie de portefeuille, l'appelant a obtenu une participation majoritaire de 55 % dans A.C. Leslie Steel Inc. (la « société » );

b)                    l'appelant a aussi été nommé administrateur et président de la société;

c)                    le 7 décembre 1993, l'appelant a signé les états financiers de la société et la déclaration T2 pour l'année d'imposition 1993;

d)                    le bilan de 1993 de la société fait état d'un montant appelé « prêt non remboursé des administrateurs » ;

e)                    le 6 décembre 1994, la compagnie de portefeuille de l'appelant a vendu ses actions de la société et l'appelant a remis sa démission à titre d'administrateur et de dirigeant de la société;

f)                     le 6 décembre 1994, les administrateurs de la société et les autres actionnaires ont signé un document libérant l'appelant et le dégageant de toute responsabilité à l'égard de toute réclamation faite à la date de signature. Le document ne fait état d'aucune avance non remboursée ni d'aucun autre montant dû à la société;

g)                    la dette non remboursée de 34 351 $ de l'appelant ayant été éteinte le 6 décembre 1994, la valeur présumée de l'avantage reçu par l'appelant correspond au montant de la remise;

h)                    par suite d'une vérification des livres et registres de A.C. Leslie Steel Inc., il a été établi que le compte « prêt non remboursé des administrateurs » avait un solde pour l'année d'imposition 1993, et que la part de l'appelant de ce prêt était de 34 351,45 $;

i)                      au cours de l'année d'imposition 1994, la société a indiqué dans ses livres que toutes les avances faites aux actionnaires étaient radiées et prenaient valeur de gratifications; la société n'a remis aucun feuillet T4 à l'appelant à cet égard;

j)                      l'appelant n'a pas inclus cette gratification de 34 351 $ dans le calcul de son revenu de l'année d'imposition 1994;

k)                    lorsqu'il a produit sa déclaration de revenu et fourni des renseignements conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) relativement à son revenu pour l'année d'imposition 1994, l'appelant a omis de déclarer à titre de revenu tiré de la société A.C. Leslie Steel Inc. le montant de 34 351 $, et il a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire.

Le représentant de M. Ishak a admis tous ces faits, sauf ceux qui sont énoncés aux alinéas g), h), j) et k).

Faits

[3]            M. Ishak est diplômé en génie électrique. Il a occupé quantité de postes dans de nombreuses sociétés, y compris des sociétés dont les actions sont cotées en bourse. En 1991, un comptable du cabinet Schwartz Levitsky Feldman (SLF) a offert à M. Ishak d'investir dans LSI, une société qui avait fait faillite. Un groupe d'employés de la société souhaitait acheter la société. M. Ishak a confié à SLF le mandat d'élaborer un nouveau plan d'entreprise pour LSI, ce qui, a-t-il dit, lui a coûté 5 600 $ (taxes incluses) à titre d'honoraires professionnels, montant qu'il a payé de sa poche.

[4]            Il a également négocié des modalités de financement pour LSI avec certaines institutions financières. À la fin de 1991, il a communiqué avec RoyNat en vue d'obtenir des fonds. Cette institution a touché une commission d'engagement de 7 500 $, que M. Ishak prétend avoir payée. Conformément à un engagement d'honneur conclu par les nouveaux actionnaires clés de LSI, les frais antérieurs à l'acquisition (frais antérieurs à l'acquisition), y compris les frais réclamés par SLF et RoyNat, ont finalement été remboursés à M. Ishak lorsque la situation financière de LSI s'est améliorée.

[5]            Les contrats d'achat de LSI ont été signés en juillet 1992. M. Ishak a investi 550 000 $ et obtenu une participation de 55 % dans LSI. Initialement, aucun actionnaire n'était censé diriger seul la société. Cependant, les autres actionnaires n'ont pas pu investir la totalité des fonds qu'ils s'étaient engagés à investir. Sa fortune étant plus importante que celle des autres investisseurs, M. Ishak a dû investir plus d'argent et fournir à la banque des garanties personnelles s'élevant à 500 000 $ pour conclure l'acquisition de LSI. M. Ishak a déclaré que c'est en suivant les conseils de son avocat qu'il avait insisté pour diriger la société, étant donné la somme substantielle qu'il s'apprêtait à investir.

[6]            Quelques mois plus tard, les trois cadres supérieurs et actionnaires de LSI, MM. Ishak, Eddy Hakim et Normand Lepage, ont réalisé que la réussite de LSI était un objectif plus difficile à atteindre que prévu. LSI avait perdu un grand nombre de clients par suite de la faillite et les trois cadres ont dû élaborer un plan de compression des dépenses.

[7]            Au cours de son témoignage, M. Hakim a déclaré qu'au début de l'année 1993 il avait demandé aux employés de LSI d'accepter une réduction de salaire de 25 % et proposé que les cadres renoncent à leur salaire. M. Ishak était, semble-t-il, tout à fait disposé à accepter cette proposition. Cependant, les deux autres cadres avaient besoin de leur salaire pour faire face à leurs obligations familiales. Il a donc été convenu que LSI ferait des avances aux trois cadres supérieurs, à imputer sur leurs revenus ultérieurs. Le montant des avances serait égal à leur salaire net. Même s'il avait déclaré qu'il était tout à fait disposé à renoncer à son « avance salariale » , M. Ishak a reçu des avances tout comme les deux autres cadres, d'après M. Hakim. M. Ishak touchait mensuellement un salaire brut d'environ 10 000 $, et il a reçu trois avances de 5 000 $ - deux en février et une en mars 1993 - qu'il a cependant traitées comme des remboursements de dépenses.

[8]            Du mois d'août 1992 au mois de juin 1993, M. Ishak a produit des rapports mensuels (pièce A-5) des dépenses qu'il avait effectuées dans le cadre de ses attributions de président de LSI. C'est aussi en sa qualité de président qu'il en a approuvé le remboursement. Il a affirmé que, ayant occupé des postes de gestion de niveau supérieur auparavant, il pouvait très bien faire la distinction entre les dépenses d'entreprise et les dépenses personnelles. Il a déclaré qu'il n'avait déclaré que les dépenses d'entreprise. Il a joint à ces rapports de dépenses soit les formulaires utilisés pour demander les remboursements, soit des relevés de compagnies émettrices de cartes de crédit. Ces documents donnent le détail de ses dépenses. Les dépenses qui figurent dans les rapports mensuels s'élèvent en tout à 18 588,07 $. Lorsqu'il a été contre-interrogé par l'avocate de l'intimée, M. Ishak a déclaré qu'il avait joint les factures pertinentes aux rapports mensuels de dépenses, mais qu'il n'avait conservé qu'une copie des rapports.

[9]            Il semble que, au milieu de l'année 1993, la relation entre M. Ishak et les deux autres cadres et actionnaires se soit détériorée. Apparemment, M. Hakim en voulait à M. Ishak d'avoir obtenu la direction de LSI alors que ce n'était pas ce qui avait initialement été convenu. En outre, M. Ishak, dont la santé était chancelante, avait décidé de passer six semaines, en juillet et en août 1993, en Égypte, son pays d'origine. À son retour, M. Ishak a senti qu'on ne voulait plus de lui. Il n'a pas passé beaucoup de temps au bureau au cours des mois de septembre et octobre, ayant été invité pour ainsi dire à rester chez lui. En octobre, les deux autres actionnaires ont insisté pour approuver les décisions importantes, comme l'embauche du personnel. M. Ishak a refusé ces conditions puisqu'il dirigeait LSI. Il a alors offert de vendre ses actions de LSI aux autres actionnaires et de les aider à trouver le financement nécessaire.

[10]          Bien qu'ayant participé très peu à la gestion de LSI, M. Ishak a été appelé à signer, le 7 décembre 1993, les états financiers vérifiés de LSI et sa déclaration de revenu pour l'exercice se terminant le 31 août 1993. Les états financiers en question indiquaient que les « prêts non remboursés des administrateurs » s'élevaient à 66 842 $. M. Ishak soutient qu'il a fait part de ses inquiétudes au sujet de ce poste du bilan puisqu'il avait droit au remboursement de ses dépenses, dont les frais antérieurs à l'acquisition. Il semble qu'on lui ait dit que cette situation serait réglée une fois les modalités financières établies aux fins de la vente de ses actions aux autres actionnaires. M. Ishak a déclaré qu'il ne savait pas quelle aurait été sa part des « prêts non remboursés des administrateurs » .

[11]          Dans un protocole d'entente daté du 7 avril 1994 (entente du mois d'avril), MM. Hakim, Lepage et Liebovitch se sont engagés à acheter les actions de M. Ishak par l'intermédiaire d'une société de portefeuille. La clause 2.4 de cette entente est libellée dans les termes suivants :

                                [TRADUCTION]

Les parties confirment et avisent les comptables de la société au moment de la signature de la présente entente que tous les prêts, avances ou dépenses non remboursés que la société a consentis au vendeur ou à Ishak, ou pour leur compte, ainsi que tous les prêts, avances ou dépenses non remboursés que la société a consentis à MM. Normand Lepage ( « M. Lepage » ) et Eddie Hakim ( « M. Hakim » ), ou pour leur compte, directement ou indirectement, à leur avantage ou à celui du vendeur ou de toute partie qui leur est liée, représentent une indemnité juste et équitable au titre des services rendus à la société par MM. Ishak, Lepage et Hakim, le cas échéant, et constituent des dépenses légitimes engagées par MM. Ishak, Lepage ou Hakim ou par le vendeur pour le compte de la société.

[12]          M. Ishak a reconnu qu'il avait rédigé cette clause sans l'aide d'un avocat. Dans une version antérieure, il ne mentionnait que ses avances et ses dépenses. Il explique de la façon suivante les raisons qui l'ont poussé à inclure cette clause. Après son retour d'Égypte l'année précédente, M. Hakim avait exprimé des doutes sur le caractère légitime des dépenses de 67 000 $ qui figuraient sur le relevé de la carte de crédit de LSI que M. Ishak utilisait. M. Hakim ne croyait pas que ce montant avait été engagé pour des raisons commerciales au profit de LSI. Il a vigoureusement contesté le droit de M. Ishak au remboursement de ces dépenses. Il a passé en revue également les dépenses dont M. Ishak avait demandé le remboursement avant cette période et il a conclu que nombre d'entre elles étaient des dépenses personnelles de M. Ishak. Vu la position adoptée par M. Hakim, M. Ishak a voulu se protéger en faisant en sorte que les autres actionnaires conviennent que les dépenses dont il avait demandé le remboursement par le passé constituaient des dépenses légitimes. Dans son témoignage, M. Hakim a confirmé que M. Ishak craignait d'être poursuivi pour le remboursement de dépenses demandé à tort. M. Hakim aurait même pris des mesures - il a consulté son comptable et son avocat - en vue de recouvrer le montant de certaines de ces dépenses.

[13]          Dans une lettre du 28 octobre 1994 adressée aux éventuels acheteurs de ses actions, qui demandaient le report de la date de signature des contrats, M. Ishak a demandé le remboursement des honoraires de 5 600 $ touchés par SLF et le paiement d'un montant de 25 000 $ en sus du montant payable conformément à l'entente du mois d'avril. M. Ishak a indiqué qu'il n'avait pas mentionné la commission d'engagement de RoyNat parce qu'il en avait oublié l'existence. À cette époque-là, M. Ishak considérait encore que les frais remboursables qu'il avait engagés étaient supérieurs à sa part des « prêts non remboursés des administrateurs » .

[14]          À la fin, aucune action n'a été intentée. Les contrats de vente des actions de M. Ishak ont été signés le 6 décembre 1994. La clause 2.4 de l'entente du mois d'avril n'y figure pas. Cependant, une renonciation globale a été signée le même jour dans un document distinct : LSI, M. Lepage et M. Hakim ainsi que d'autres parties ont libéré M. Ishak, son épouse et deux autres sociétés de toute obligation. Il n'y a aucun renvoi exprès aux « prêts non remboursés des administrateurs » . M. Ishak s'interrogeait sur le retrait de la clause 2.4, qu'il avait rédigée, mais son avocat l'a convaincu que la renonciation globale allait englober cet aspect.

[15]          M. Ishak a reconnu avoir examiné sa déclaration de revenu de 1994 avant de la signer et de la produire. Il a déclaré qu'il n'avait fourni aucun renseignement au sujet des avances reçues parce qu'il croyait n'avoir aucune dette envers LSI avant le 6 décembre 1994.

[16]          Au cours de son témoignage, le vérificateur du ministre a confirmé qu'il savait que la charge de la preuve incombait au ministre parce que la cotisation avait été établie après l'expiration de la période normale de cotisation. À son avis, M. Ishak avait fait une présentation erronée des faits entourant la remise de prêts compte tenu du fait que le montant en cause était très important. Il estimait, d'expérience, qu'aucun contribuable ne pouvait oublier une dette d'une telle importance.

[17]          En ce qui concerne l'existence des prêts non remboursés, le vérificateur s'est fondé sur un tableau dressé, semble-t-il, par SLF (pièce A-3) (tableau de SLF pour 1994), intitulé « Avances non remboursées, A.C. Leslie, 31 août 1994 » . Il semble être daté du 12 décembre 1994 (12/9/94)[1]. Le solde de clôture de ce compte d' « avances non remboursées » au 31 août 1993 est de 66 842 $, la part de M. Ishak s'élevant à 33 051 $. Pour l'exercice 1994, un montant de 1 300 $ est ajouté à la colonne se rapportant à M. Ishak, ce qui donne un solde de 34 351,45 $ au 31 août 1994, avant que le montant soit radié et prenne valeur de gratification. Les montants encore payables par les deux autres administrateurs s'élèvent à 26 708,49 $ dans le cas de M. Lepage et à 28 845,45 $ dans le cas de M. Hakim, ce qui donne un total de 81 905,39 $.

[18]          Le tableau mentionné précédemment fait état d'une écriture de rajustement indiquant la radiation de toutes les avances dues par MM. Ishak, Hakim et Lepage, et les traitant comme des gratifications. M. Ishak soutient qu'il n'a jamais été informé de cette écriture de rajustement. Il n'a jamais reçu de feuillet T4 faisant état d'une gratification prenant valeur de revenu tiré d'un emploi[2]. M. Hakim a reconnu dans son témoignage qu'il n'avait pas informé M. Ishak que les avances avaient été converties en gratifications[3].

[19]          M. Ishak a indiqué que le vérificateur du ministre lui avait demandé à l'automne de 1998 des renseignements sur un prêt de 34 351,45 $ qui avait été radié. Apparemment, le vérificateur avait été incapable d'obtenir ces renseignements de la société. Étant donné qu'il n'était alors plus lié de quelque façon que ce soit à LSI, M. Ishak ne voyait pas comment il pouvait faire mieux. Les seuls renseignements que M. Ishak a pu obtenir lui ont été transmis par télécopieur le 22 mars 1999 par le contrôleur de LSI.

[20]          Sur cette télécopie (télécopie de LSI), déposée sous la cote A-4, figurent les renseignements suivants :

Avances

Date                         Écriture                 M. Ishak

Oct. 92                     j764                          1 000

Nov. 92                    j1287                        (1 000)

Déc. 92                    j1957                        2 000

                                                j2053                        1 500

Janv. 93                   j2719                        (2 000)

                                                j2720                        (1 500)

Fév. 93                     j2913                        5 000

                                                j2915                        (2 188,26)

                                                j2919                        (54,83)

                                                j3149                        5 000

Mars 93                   j3888                        5 000

Juin 93                     j5360                        300

                                                j5437                        500

                                                                     13 556,91

réaffectation                                           909,10

différence                                                18 585,44*

selon tableau de SLF - août 1993     33 051,45

Oct. 93                     j447                          1 300

Mars 94                   j1633                        3 000

                                                j1838                        (3 000)[4]

                                                                                1 300

selon tableau de SLF - août 1994 34 351,45

*Ces dépenses ont été rejetées par la société à la fin de l'exercice. D'après Eddie, ces montants se rapportent à des dépenses faites pendant votre voyage en Égypte, etc.

[21]          Cette télécopie de LSI vise à reconstituer le compte d'avances non remboursées pour l'exercice clos le 31 août 1993, dont le tableau de ventilation n'a jamais été déposé en Cour. On y retrouve des débours nets de 13 556,91 $, un montant représentant des avances totales de 20 300 $, moins des remboursements de 6 743,09 $. Dans son témoignage, M. Hakim a reconnu qu'il n'avait pas vu la télécopie de LSI avant sa transmission à M. Ishak.

[22]          En ce qui concerne le montant de 18 585 $ qui, sur la télécopie de LSI, figure au nombre des dépenses dont le remboursement a été refusé par LSI, M. Ishak soutient qu'il n'a jamais demandé le remboursement de dépenses se rapportant à son voyage en Égypte. M. Ishak a déposé également son propre état de rapprochement (pièce A-6), où figure une liste des dépenses mensuelles qu'il a engagées du mois d'août 1992 au mois de juin 1993 pour le compte de LSI. Elles s'élèvent au total à 18 588,07 $. L'état de rapprochement fait état de remboursements totalisant 6 798,87 $ et d'avances de 23 600 $. Il a été dressé principalement sur le fondement des renseignements figurant dans les rapports mensuels déposés sous la cote A-5. Ces renseignements sont les suivants :

                                                                Remboursements

                                Dépenses                Chèques                 Avances

Août 1992               2 692,75                                   1 000 (ne figure pas dans le tableau)

Sept. 1992               2 294,50                                   1 000 (ne figure pas dans le tableau)

Oct. 1992                 2 092,02                                   1 000

                                                                4 079,27

Nov. 1992               2 188,26

Déc. 1992                3 554,83                                   2 000

                                                                                                1 500

Janv. 1993               1 839,78

Fév. 1993                1 206,33                                   5 000

                                                                                                5 000

Mars 1993                                                                               5 000

Avril 1993               688,58    688,58

Mai 1993                 797,16    797,16

Juin 1993                 1 233,86 1 233,86 300

                                                                                                   500

Oct. 1993                                                                                 1 300

Mars 1994               ________________________________

                                18 588,07                 6 798,87 23 600

[23]          Si l'on additionne tous les montants que M. Ishak a reçus à titre d'avances ou de remboursement de dépenses, on obtient la somme de 30 399 $. Si l'on soustrait de ce montant les dépenses de 18 588 $ figurant dans le rapport des dépenses, on obtient un solde de 11 811 $, qui n'est pas comptabilisé. M. Ishak soutient que ce montant s'est trouvé annulé par les frais antérieurs à l'acquisition qu'il a engagés. Ces frais incluent les honoraires de 5 600 $ touchés par SLF pour le plan d'entreprise et la commission de 7 500 $ de RoyNat, ce qui donne un total d'au moins 13 100 $. Comme ce montant est supérieur au montant de 11 811 $ qui n'est pas comptabilisé, M. Ishak soutient qu'il ne devait plus d'argent à LSI le 6 décembre 1994. Il insiste pour dire que le montant de 13 100 $ ne représentait qu'une partie de tous les frais antérieurs à l'acquisition qu'il avait engagés pour le compte de LSI à compter de l'automne de 1991 et jusqu'au milieu de l'été de 1992.

Analyse

[24]          La question soulevée dans le présent appel est une question de fait : M. Ishak devait-il encore un montant de 34 351,45 $ sur un prêt consenti par LSI qui a été remis, comme l'intimée le soutient, au cours de l'année civile 1994 (l'année d'imposition pertinente relativement à M. Ishak)? Si ce prêt non remboursé se trouve à être annulé par les montants que LSI devait à M. Ishak, aucune portion du prêt non remboursé ne peut donc être considérée comme ayant été remise, ce qui signifie qu'il n'a reçu aucun avantage.

[25]          Je ne suis pas du tout heureux de constater que le seul élément dont on dispose pour établir l'existence de la part de M. Ishak des « prêts non remboursés des administrateurs » soit le tableau de SLF de 1994, produit sans le témoignage du comptable qui l'a dressé. De plus, le tableau équivalent pour l'année d'imposition 1993 n'a pas été produit. Aucune copie du journal pertinent donnant le détail de tous les montants versés à M. Ishak à titre d'avances n'a été produite à l'audience. Lorsque M. Ishak a demandé des précisions sur le montant qu'il devait à LSI, le contrôleur s'est contenté de lui remettre la télécopie de LSI, qui faisait état d'avances de 20 300 $ à M. Ishak et de remboursements de 6 743,09 $, ainsi que des numéros des écritures de journal pertinentes. Aucune explication n'a été offerte sur ces écritures de journal. Aucune explication n'a été donnée non plus sur le poste intitulé « réaffectation 909,10 $ » . Enfin, le montant de 18 585 $ indiqué en regard de la mention « différence » semble avoir été obtenu en soustrayant du montant inscrit au tableau de SLF de 1994 à titre de solde d'ouverture pour M. Ishak le total du montant net de 13 556,91 $ et le montant de la « réaffectation » de 909,10 $.

[26]          Je crois que la preuve produite par M. Ishak sous les cotes A-5 et A-6 a plus de poids relativement aux avances totalisant 23 600 $ qui lui ont été faites, aux dépenses de 18 588 $ dont il a demandé le remboursement et aux remboursements de 6 798,87 $ faits par LSI. Les dépenses de 18 585 $ (figurant sur la télécopie de LSI) ne peuvent représenter des dépenses liées à un voyage en Égypte (18 588 $ d'après l'état de rapprochement de M. Ishak et les rapports de dépenses) car elles ont été engagées entre le mois de février 1992 et le mois de juin 1993, alors que le voyage en Égypte a été effectué en juillet et en août 1993. M. Ishak a déclaré également qu'il n'avait jamais demandé le remboursement de dépenses se rapportant à son voyage en Égypte. Par conséquent, il n'est pas du tout certain que la description figurant dans la télécopie de LSI soit juste[5].

[27]          Lorsque M. Ishak a témoigné, M. Hakim se trouvait dans la salle et il a entendu l'explication qu'a donnée M. Ishak sur le fait qu'il avait engagé des dépenses avant l'acquisition de LSI. Lorsque M. Hakim a témoigné, il n'a pas contredit le témoignage de M. Ishak à cet égard. En outre, M. Hakim n'a jamais déclaré que la demande de remboursement des honoraires de 5 600 $ de SLF faite dans la lettre du 28 octobre 1994 était frivole. Par conséquent, j'accepte le témoignage de M. Ishak selon lequel il a engagé des frais antérieurs à l'acquisition d'au moins 13 100 $, dont il n'a pas obtenu le remboursement.

[28]          J'accepte également le témoignage de M. Ishak selon lequel il a reçu de LSI seulement 30 399 $ (c'est-à-dire 23 600 $ à titre d'avances et 6 799 $ à titre de remboursements) et a engagé pour le compte de la société des dépenses de 18 588 $, qui ne lui ont pas été remboursées. Par conséquent, ces dépenses pouvaient être considérées comme ayant été remboursées par imputation d'une partie des avances. Il resterait donc des avances de 11 811 $ non comptabilisées. Étant donné que les frais antérieurs à l'acquisition s'élèvent au moins à 13 100 $, en 1994, M. Ishak n'avait envers LSI aucune dette ayant pu faire l'objet d'une remise. Par conséquent, aucun avantage ne lui a été conféré en 1994.

[29]          Même si les prêts non remboursés s'élevaient en réalité à 34 351 $ (et non à 30 399 $), le solde non comptabilisé du montant des prêts non remboursés représentait 2 673 $ (34 351 $ - 18 588 $ - 13 100 $). Comme le montant non comptabilisé est dérisoire, je suis disposé à accepter le témoignage de M. Ishak selon lequel il a engagé d'autres dépenses de 2 673 $ au cours des négociations préalables à l'acquisition.

[30]          Alors, dans l'ensemble, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que M. Ishak ne devait aucun montant d'argent à LSI en 1994. Ce qu'il a pu devoir s'est trouvé annulé par les dépenses d'entreprise qu'il a engagées dans l'exercice de 1993 et par les frais antérieurs à l'acquisition.

[31]          Pour tous ces motifs, les appels de M. Ishak sont admis et les cotisations pour les années d'imposition 1994 et 1995 sont déférées au ministre pour nouvelle cotisation au motif que le montant de 34 351,45 $ doit être exclu de son revenu pour l'année d'imposition 1994.

Signé à Montréal, Canada, ce 26e jour d'août 2001.

« Pierre Archambault »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 23e jour de décembre 2002.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-260(IT)I

ENTRE :

MAHER AZIZ ISHAK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 1er décembre 2000 et jugement rendu

oralement le 13 mars 2001 à Montréal (Québec), par

l'honorable juge Pierre Archambault

Comparutions

Représentant de l'appelant :                                David Wilkenfeld

Avocate de l'intimée :                                           Me Sophie Alain

JUGEMENT

Les appels interjetés à l'égard des cotisations établies en application de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994 et 1995 sont admis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations au motif que la somme de 34 351,45 $ doit être exclue du revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 1994.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de mars 2001.

« Pierre Archambault »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 23e jour de décembre 2002.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1]               M. Hakim a reconnu que les avances avaient été radiées par SLF après la clôture de l'exercice 1994.

[2]               Il y a lieu de noter que la déclaration de revenu de M. Ishak n'a pas été produite par l'intimée. Elle pourrait avoir été détruite car même l'avis de nouvelle cotisation du ministre est une copie reconstituée de l'original.

[3]               MM. Hakim et Lepage n'ont pas inclus non plus dans leur revenu les « gratifications » résultant de la radiation de leurs avances car SLF n'avait pas inclus ces gratifications dans leurs feuillets T4. Lorsqu'ils en ont été informés par le vérificateur du ministre, ils ont cependant accepté de payer l'impôt sur le montant de la gratification.

[4]              Il semble que ce soit l'écriture de contrepassation de l'écriture qui précède.

[5]               Il y a lieu de souligner que la déclaration faisant l'objet d'une note en bas de page dans la télécopie de LSI a été rédigée par une personne qui n'a pas témoigné et qu'elle est fondée sur une déclaration faite par une autre personne, apparemment M. Hakim, qui a reconnu qu'il n'avait pas vu la télécopie avant sa transmission à M. Ishak.

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