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Date : 20010622

Dossier : 1999-1418-IT-G

ENTRE :

CAROLE LECLERC,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

P. R. Dussault, J.C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel d'une cotisation établie en vertu de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi "). Par cette cotisation, le ministre du Revenu national (le " Ministre ") a fixé la responsabilité fiscale de l'appelante à un montant de 32 721 $, soit le montant de l'avantage dont elle aurait bénéficié lors du transfert d'un immeuble par son conjoint le 28 janvier 1987 et alors que celui-ci avait à ce moment une dette fiscale supérieure à ce montant. L'appelante prétend que l'immeuble n'a pas été acquis pour une contrepartie inférieure à sa juste valeur marchande.

[2]            En cotisant l'appelante, le Ministre a tenu pour acquis les faits énoncés aux alinéas a) à g) du paragraphe 6 de la Réponse à l'avis d'appel. Ces alinéas se lisent :

a)              l'appelante et M. Yves Crête étaient des conjoints le 28 janvier 1987 et ce, depuis la fin des années 1970;

b)             monsieur Crête a acheté, le 10 janvier 1983, un immeuble situé au 185 Côte d'Azur à Chicoutimi (ci-après " l'immeuble ");

c)              le 28 janvier 1987, par acte notarié, monsieur Crête a transféré à l'appelante " l'immeuble " en contrepartie de l'assumation par celle-ci de l'hypothèque restante sur " l'immeuble " soit 40 279 $;

d)             " l'immeuble " avait une juste valeur marchande de 73 000 $ le 28 janvier 1987;

e)              lors du transfert, l'appelante a donc reçu un avantage de l'ordre de 32 721 $;

f)              lors du transfert du 28 janvier 1987, l'appelante et monsieur Crête ne traitaient pas à distance;

g)             au moment du transfert, monsieur Crête devait à Revenu Canada un montant de 209 217,03 $;

[3]            Aucun témoin n'a été entendu. De consentement, les avocats des parties ont produit les documents pertinents au présent litige.

[4]            Le premier document (pièce A-2) est un contrat de mariage notarié entre Yves Crête et Carole Leclerc, reçu par Me Roland Huot en date du 30 septembre 1975. La clause 3o-b) de ce contrat se lit de la façon suivante :

3o- En considération du futur mariage, le futur époux fait donation entrevifs, irrévocable et en pleine propriété à compter de la célébration du mariage à la future épouse qui accepte :

a)              [...]

b)             d'une somme de TRENTE-CINQ MILLE DOLLARS ($35,000.00) qui deviendra exigible au décès du futur époux. Celui-ci cependant se réserve le droit de payer ladite somme en tout ou en partie en tout temps durant le mariage, soit en deniers, soit par le transport à la future épouse de biens meubles ou immeubles.

[...]

[5]            Le deuxième document (pièce A-1) intitulé " Donation " est un acte notarié reçu par Me Marcel Claveau en date du 28 janvier 1987 et a pour objet la propriété située en bordure du chemin Côte d'Azur mentionnée à l'alinéa 6 b) de la Réponse à l'avis d'appel. L'acte débute par la clause suivante :

LE DONATEUR, par les présentes, donne, avec les garanties ordinaires de droit, franc et quitte, et avec possession immédiate, à la donataire, ce acceptant, l'immeuble suivant, savoir :

                [...]

[6]            Ensuite, sous le titre " Considération ", on peut lire ce qui suit :

CETTE DONATION est ainsi faite pour et en considération de l'engagement que prend la donataire d'assumer tout le solde dû d'un prêt hypothécaire d'un montant originaire de QUARANTE-TROIS MILLE CINQ CENTS DOLLARS ($43,500.00) dû à Monsieur Bernard Boivin, en vertu de l'acte suivant, savoir :

[...]

[7]            Le troisième document (pièce A-3) est un acte notarié reçu par Me Hubert Claveau en date du 30 octobre 1997 et se veut une rectification de l'acte de donation reçu par Me Marcel Claveau le 28 janvier 1987. Il est intitulé " Rectification et Quittance ". Sous le titre " Conventions ", on peut lire ce qui suit :

4.-             Il a été omis de mentionner à ladite clause " CONSIDÉRATION " à l'acte précité et publié sous le numéro 466,297, que ladite donation a été effectuée par la partie de première part en faveur de la partie de seconde part, ce acceptant, également pour la considération suivante, savoir :

" De plus, ladite donation est effectuée pour et en considération de l'exécution de l'article 3 b) du contrat de mariage des comparants, signé le trente septembre mil neuf cent soixante-quinze (1975/09/30), devant le notaire Roland HUOT, sous le numéro 14,801 de ses minutes, et publié au bureau de la publicité des droits de la circonscription foncière de Chicoutimi, le premier octobre de la même année (1975/10/01), sous le numéro 292,051, lequel article stipule la donation entrevifs d'une somme de TRENTE-CINQ MILLE DOLLARS (35,000.00$) payable par la partie de première part en faveur de la partie de seconde part. "

5.-             PAR CONSÉQUENT, l'acte de donation consenti par la partie de première part, Monsieur Yves CRÊTE, en faveur de la partie de seconde part, Dame Carole LECLERC, et signé devant Me Marcel CLAVEAU, notaire, le vingt-huit janvier mil neuf cent quatre-vingt-sept (1987/01/28), sous le numéro 25,495 de ses minutes et publié à Chicoutimi, le premier septembre de la même année (1987/09/01), sous le numéro 466,297, doit se lire de la façon suivante, à la clause " CONSIDÉRATION ", savoir :

" CONSIDÉRATION

a)              CETTE DONATION est ainsi faite pour et en considération de l'engagement que prend la donataire d'assumer tout le solde dû d'un prêt hypothécaire d'un montant originaire de QUARANTE-TROIS MILLE CINQ CENTS DOLLARS (43,500.00 $) dû à Monsieur Bernard BOIVIN, en vertu de l'acte suivant, savoir :

[...]

b)             De plus, ladite donation est effectuée pour et en considération de l'exécution de l'article 3 b) du contrat de mariage des comparants, signé le trente septembre mil neuf cent soixante-quinze (1975/09/30), devant le notaire Roland HUOT, sous le numéro 14,801 de ses minutes, et publié au bureau de la publicité des droits de la circonscription foncière de Chicoutimi, le premier octobre de la même année (1975/10/01), sous le numéro 292,051, lequel article stipule la donation entrevifs d'une somme de TRENTE-CINQ MILLE DOLLARS (35,000.00 $) payable par la partie de première part en faveur de la partie de seconde part. "

PAR CONSÉQUENT, la partie de seconde part, Dame Carole LECLERC, donne quittance totale et finale à la partie de première part, Monsieur Yves CRÊTE, pour la somme de TRENTE-CINQ MILLE DOLLARS (35,000.00 $) lui résultant de l'article 3 b) du contrat de mariage signé entre eux devant le notaire Roland HUOT, le trente septembre mil neuf cent soixante-quinze (1975/09/30), sous le numéro 14,801 de ses minutes, et publié au bureau de la publicité des droits de la circonscription foncière de Chicoutimi, le premier octobre de la même année (1975/10/01), sous le numéro 292,051.

6.              Le présent acte de rectification et quittance est rétroactif au vingt-huit janvier mil neuf cent quatre-vingt-sept (1987/01/28).

7.              Il ne résultera des présentes aucune novation ni dérogation en faveur de qui que ce soit. Quant au reste, les comparants ratifient à toutes fins que de droit toutes et chacune des conventions et déclarations dans l'acte publié sous le numéro 466,297.

[8]            L'article 8 du même acte traite de l'intervention de Me Marcel Claveau, qui avait rédigé l'acte du 28 janvier 1987, dans les termes suivants :

8.-             INTERVENTION

AUX PRÉSENTES INTERVIENT :

Me Marcel CLAVEAU, Notaire honoraire, né à Chicoutimi, le vingt-six février mil neuf cent vingt-deux (1922/02/26), résidant au 1097, rue Jacques-Cartier Est, à Chicoutimi, province de Québec, G7H 2B2,

LEQUEL déclare avoir pris connaissance des présentes, et confirme qu'elles reflètent intégralement l'intention des parties en date du vingt-huit janvier mil neuf cent quatre-vingt-sept (1987/01/28), date de la signature de l'acte de donation reçu par l'intervenant, sous le numéro 25,495 de ses minutes.

[9]            C'est dix jours avant la signature de l'acte notarié, soit le 20 octobre 1997, que la cotisation initiale en vertu de l'article 160 de la Loi a été établie à l'encontre de l'appelante. Suite à l'avis d'opposition de l'appelante et à la réévaluation de l'immeuble, une nouvelle cotisation a réduit le montant en litige à 32 721 $ (voir pièce I-1).

[10]          L'avocat de l'appelante prétend que la donation par contrat de mariage et donc le transfert de biens ont eu lieu en 1975. Dès lors, Yves Crête devenait débiteur d'une somme de 35 000 $ dont l'appelante devenait créancière. Selon l'avocat de l'appelante, l'acte du 28 janvier 1987 tel que rectifié par celui du 30 octobre 1997 ne constitue pas une donation ou un transfert mais constate l'exécution d'une donation et d'une quittance au débiteur. Au soutien de sa position, l'avocat de l'appelante se réfère notamment à la décision du juge Pinard de la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada dans l'affaire Furfaro-Siconolfi c. La Reine 89 DTC 5519.

[11]          L'avocat de l'intimée soutient pour sa part que la décision dans l'affaire Furfaro-Siconolfi (précitée), n'est pas applicable en l'espèce puisque dans cette affaire, il était clair, lors de la réception d'une somme de 30 000 $ remise par son conjoint, que l'appelante lui donnait quittance pour cette somme qu'il s'était engagé à lui payer en vertu de leur contrat de mariage.

[12]          L'avocat de l'intimée estime que dans la mesure où l'appelante prétend qu'il y a eu de la part du notaire, erreur ou omission d'un fait qu'il avait pour mission de constater, soit la contrepartie pour le transfert de l'immeuble, qu'il aurait alors fallu procéder par l'inscription de faux. Il se fonde à cet égard sur l'article 2821 du Code civil du Québec et sur la décision dans l'affaire Vallée c. Corriveau, [1947] B.R. 674. L'avocat de l'intimée distingue ce type d'erreur du notaire qui requiert une inscription de faux d'une erreur portant sur la véracité des mentions à un acte authentique, distinction reconnue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Charron-Picard c. Tardif, [1961] R.C.S. 269.

[13]          L'avocat de l'intimée souligne également que l'acte du 28 janvier 1987 a été lu aux parties tel que cela est indiqué et que celles-ci ont attendu près de dix ans pour demander une rectification de ce qui est présenté comme un oubli du notaire quant à l'intention véritable des parties au moment de la signature de l'acte. De plus, il rappelle que cette rectification est survenue dix jours après l'émission de la cotisation initiale à l'encontre de l'appelante en vertu de l'article 160 de la Loi.

[14]          Finalement, l'avocat de l'intimée soutient que si la Cour estime que l'inscription de faux n'est pas nécessaire, il s'agit de ce qu'il désigne comme une " planification fiscale rétroactive ", ce qui a été rejeté par cette Cour notamment dans l'affaire Cartier c. Canada, [1999] A.C.I. no 336 qui présentait des faits un peu semblables à ceux de la présente affaire.

[15]          Je suis d'accord avec l'avocat de l'intimée. Dans la mesure où l'on prétend que le notaire a fait une erreur ou un oubli et que la contrepartie indiquée à l'acte du 28 janvier 1987 est inexacte et ne reflète pas l'intention des parties exprimée à ce moment, il faut procéder par inscription de faux.

[16]          Le premier alinéa de l'article 2819 du Code civil du Québec stipule :

Art. 2819 - L'acte notarié, pour être authentique, doit être signé par toutes les parties; il fait alors preuve, à l'égard de tous, de l'acte juridique qu'il renferme et des déclarations des parties qui s'y rapportent directement.

[17]          L'article 2818 du même code se lit :

" Les énonciations, dans l'acte authentique, des faits que l'officier public avait mission de constater ou d'inscrire, font preuve à l'égard de tous. "

[18]          Par ailleurs, l'article 2821 du même code prévoit ce qui suit :

" L'inscription de faux n'est nécessaire que pour contredire les énonciations dans l'acte authentique des faits que l'officier public avait mission de constater.

Elle n'est pas requise pour contester la qualité de l'officier public et des témoins ou la signature de l'officier public. "

[19]          À n'en pas douter, les décisions dans les affaires Vallée c. Corriveau (précitée) et Charron-Picard c. Tardif (précitée), expriment le droit applicable à cet égard. Le professeur Léo Ducharme dans son ouvrage intitulé " Précis de la preuve "[1] fait une étude exhaustive de la question de l'inscription de faux. Qu'il suffise de se référer à quelques passages de cet ouvrage. D'abord à la page 87, paragraphe 269, le professeur Ducharme affirme ce qui suit :

269.         L'article 2818 C.c.Q. exprime le principe de base concernant la force probante de l'acte notarié. Selon cet article, l'acte notarié fait preuve tant des faits que le notaire avait le devoir d'inscrire que de ceux qu'il avait mission de constater. [...]

                Il poursuit en disant :

[...], il faut recourir à la procédure de l'inscription de faux pour contredire les énonciations qui concernent les faits qu'il avait mission de constater. Cette seconde règle se trouve maintenant clairement exprimée à l'article 2821 C.c.Q.

[20]          À la page 88, paragraphe 274, il écrit :

274.         En deuxième lieu, la prohibition empêche qu'on puisse, en dehors de l'inscription de faux, démontrer que les déclarations que le notaire attribue aux parties ne sont pas conformes à celles que les parties voulaient voir figurer dans l'acte. Il n'est donc pas possible, sous réserve de l'exception prévue au deuxième alinéa de l'article 2821 C.c.Q., de prouver les faits suivants sans recourir à l'inscription de faux : que le notaire a omis d'insérer dans l'acte une clause que les parties lui ont demandé d'inclure383

[...]

___________

383             Vallée c. Corriveau, [1947] B.R. 674 : prétendue omission par le notaire d'une clause de réserve concernant un droit de coupe de bois.

[21]          Aux pages 90 et 91, paragraphe 279, il s'exprime ainsi :

279.         La prohibition de contredire les énonciations d'un acte notarié qui portent sur des faits que le notaire avait mission de constater revêt un caractère d'ordre public405. C'est dire que le tribunal doit voir, même d'office, à la faire respecter406. Il ne doit pas permettre, notamment, qu'on puisse, en dehors d'une inscription de faux, recourir au témoignage du notaire instrumentant407 ou à l'aveu de la partie adverse408 en vue de contredire de telles énonciations.

___________

405             Continental Casualty Co. c. Combined Insurance Co. of America, [1967] B.R. 814, 825; Lasalle c. Laperrière, (1914) 20 R.L. no 498 (C.S.), 506.

406             Voir cependant l'affaire Cormier c. Brunet, précitée, note 117, où le tribunal semble avoir permis à tort que, en l'absence d'une inscription de faux, un notaire vienne témoigner comme quoi il n'avait pas donné une lecture intégrale d'un acte qu'il avait reçu et dans lequel il affirmait le contraire.

407             Bélanger c. Courtemanche, [1966] R.L. 276 (C.M.) : irrecevabilité de l'aveu de l'officier public pour contredire le témoignage qu'il a donné dans l'acte même.

408             Balthazar c. Emond, précité, note 388. Contra : Rivest c. Lachappelle, (1935) 38 R.P. 351. Comparer : Taillefer c. Damien, [1970] C.A. 975. Dans cette affaire, la Cour supérieure et la Cour d'appel, lors d'une requête en jugement déclaratoire, ont tenu pour avérée une supposition de personne dans un acte notarié à la suite de l'aveu en ce sens des parties.

[...]

La nécessité de recourir à l'inscription de faux pour contredire un acte notarié s'impose même lorsque le notaire a agi de bonne foi et que le faux était involontaire409.

___________

409                   Vallée c. Corriveau, [1947] B.R. 674.

[22]          À la page 93, paragraphe 286, il écrit :

286.         En vertu du Code civil du Bas Canada, même si, traditionnellement, l'inscription de faux a surtout été perçue comme un moyen d'attaquer la validité d'un acte, la jurisprudence424, approuvée en cela par la doctrine425, a reconnu que cette procédure peut également servir à le rectifier.

___________

424                   Pour une revue de cette jurisprudence, voir : P.Y. MARQUIS, " L'inscription de faux et la correction des actes notariés ", (1989-90) 92 R. du N. 407.

425             R. COMTOIS, " Inscription en faux - contrat de mariage - rectification ordonnée par le juge ", (1972-73) 75 R. du N. 410; J.-C. ROYER, La preuve civile, op. cit., note 7, no 312, p. 178; P.Y. MARQUIS, loc. cit., note 424, p. 424 et suiv.

[23]          Enfin, à la page 98, paragraphe 299, il résume l'état du droit de la façon suivante :

299.         [...] L'état du droit en ce qui concerne la correction des erreurs dans un acte notarié peut se résumer dans les propositions suivantes :

- Si un notaire de bonne foi commet une erreur en exprimant dans son acte la volonté des parties, il est nécessaire de s'inscrire en faux, tant pour faire annuler l'acte que pour le faire rectifier.

- Si les parties induisent le notaire en erreur sur l'objet de leur contrat et que, de ce fait, l'acte notarié ne reflète pas correctement leur convention, la correction de l'acte ne nécessite pas le recours à l'inscription de faux.

- Un faux matériel reconnaissable à simple vue ne nécessite pas le recours à l'inscription de faux.

(C'est moi qui souligne)

[24]          Par ailleurs, le professeur Jean-Claude Royer dans son ouvrage " La preuve civile "[2], affirme ce qui suit à la page 173, paragraphe 303 :

303 -        [...] Ainsi, l'action ou l'inscription de faux est obligatoire si un plaideur veut démontrer que, contrairement aux déclarations des parties, un notaire a rédigé un contrat de nature différente253 ou omis d'insérer une clause254.

___________

253             Balthazar c. Emond, [1948] B.R. 596; Bostwick c. Beaudoin, [1926] R.C.S. 546, 549 (L'inscription en faux fut rejetée à cause de l'insuffisance de la preuve).

254             Vallée c. Corriveau, [1947] B.R. 674.

[25]          Aux pages 173 et 174, paragraphe 304, il poursuit de la façon suivante :

304 -        Erreur du notaire - En règle générale, une action ou une inscription de faux est nécessaire si le notaire a, par erreur ou inadvertance, commis un faux matériel ou intellectuel257. Cette procédure est obligatoire pour établir une erreur du notaire dans la description d'un immeuble258 ou pour prouver qu'il a omis d'insérer une clause convenue entre les parties259.

(C'est moi qui souligne)

___________

257             Supra, notes 253-255; infra, notes 258-259; Gendron c. Panneton, (30 octobre 1972), St-François 38454 (C.S.), commentée par R. Comtois, " Inscription en faux - contrat de mariage - Rectification ordonnée par le juge ", (1972-73) 75 R. du N. 410.

258             Albers c. Keinborg, [1994] R.D.I. 609 (C.S.); Larouche c. Lemieux (4 janvier 1967), Chicoutimi 39070 (C.S.); R. COMTOIS, " Inscription en faux - Contestation de l'authenticité d'un acte notarié ", (1968-69) 71 R. du N. 197.

259             Vallée c. Corriveau, [1947] B.R. 674.

[26]          J'ajouterai qu'en matière fiscale, la nécessité de l'inscription de faux a été reconnue dans l'affaire Giguère c. Canada [1992] A.C.I. no 400. Dans cette affaire, l'appelant a voulu faire valoir qu'un contrat de vente notarié ne représentait pas la réalité de la transaction intervenue entre lui et sa mère. À l'aide de contre-lettres, il a tenté de démontrer que la vente par sa mère avait plutôt été faite à lui et à son frère, chacun pour moitié. Le juge en chef Couture de cette Cour, tel qu'il était alors, a refusé cette preuve au motif que l'appelant n'avait pris aucune procédure en inscription de faux et qu'au surplus les contre-lettres ne pouvaient être opposées à l'intimée.

[27]          Dans la présente affaire, par l'acte du 30 octobre 1997 intitulé " Rectification et Quittance " on a prétendu modifier la considération pour refléter ce qui aurait été l'intention véritable des parties à l'époque en y ajoutant la mention du paiement d'une donation de 35 000 $ faite par contrat de mariage en 1975 et une quittance pour autant. En fait, on est allé encore plus loin puisque cet ajout modifie complètement la nature de l'acte qui se voulait une donation, du moins partielle, de l'immeuble en question. Je me réfère à nouveau à la première clause de l'acte du 28 janvier 1987, lequel porte d'ailleurs le titre de " Donation " comme je l'ai signalé plus haut. Cette première clause se lit :

LE DONATEUR, par les présentes donne, avec les garanties ordinaires de droit, franc et quitte, et avec possession immédiate, à la donataire, ce acceptant, l'immeuble suivant, savoir :

[...]

[28]          Par cette clause, on le voit bien, l'acte en était un de donation par lui-même sans aucune référence à un autre acte ou à une convention quelconque, ce qu'il n'est manifestement plus si on accepte la rectification du 30 octobre 1997. Je ne peux accepter que l'on modifie l'un des éléments essentiels de l'acte du 28 janvier 1987 et sa nature même par une simple rectification. Il aurait fallu procéder par l'inscription de faux, ce qui n'a pas été fait. Cet acte doit donc être tenu pour authentique. Je refuse de considérer l'acte de rectification et de quittance du 30 octobre 1997 comme preuve valable pouvant modifier la nature et la teneur de l'acte du 28 janvier 1987.

[29]          Cette conclusion me dispense de traiter de l'argument subsidiaire de l'avocat de l'intimée.

[30]          Comme la valeur de l'immeuble établie par le Ministre n'est pas contestée, j'estime que la cotisation en vertu de l'article 160 de la Loi est bien fondée.

[31]          En conséquence de ce qui précède, l'appel est rejeté avec dépens en faveur de l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de juin 2001.

" P.R. Dussault "

J.C.C.I.

NO DU DOSSIER DE LA COUR :                        1999-1418(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 CAROLE LECLERC et

                                                                                Sa Majesté La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    Le 12 juin 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                         l'honorable juge P.R. Dussault

DATE DU JUGEMENT :                                      le 22 juin 2001

COMPARUTIONS :

                Pour l'appelante :                                  Me Robert Tanguay

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

                Pour l'appelante :                                  Me Robert Tanguay

                                                                                Cap Rouge (Québec)

                Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada.   

Dossier : 1999-1418(IT)G

ENTRE :

CAROLE LECLERC,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS

          Attendu que le 26 juin 2001, la Cour faisait parvenir aux parties le jugement et les motifs du jugement en date du 22 juin 2001 dans le dossier mentionné ci-dessus;

          Attendu qu'une erreur s'est glissée au paragraphe [16] des motifs du jugement;

          Par les présentes, le texte du paragraphe [16] est modifié pour se lire comme suit :

          [16] Le premier alinéa de l'article 2819 du Code civil du Québec stipule :

Art. 2819 - L'acte notarié, pour être authentique, doit être signé par toutes les parties; il fait alors preuve, à l'égard de tous, de l'acte juridique qu'il renferme et des déclarations des parties qui s'y rapportent directement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour d'août 2001.

" P.R. Dussault    "

J.C.C.I.


1999-1418(IT)G

ENTRE :

CAROLE LECLERC,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 12 juin 2001 à Québec (Québec) par

l'honorable juge P. R. Dussault

Comparutions

Avocat de l'appelante :                                  Me Robert Tanguay

Avocat de l'intimée :                                     Me Martin Gentile

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu est rejeté avec dépens en faveur de l'intimée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de juin 2001.

" P.R. Dussault    "

J.C.C.I.




[1] Léo Ducharme, Précis de la preuve, 5e édition, 1996, Wilson & Lafleur ltée.

[2] Jean-Claude Royer, La preuve civile, 2e édition, 1995, Les Éditions Yvon Blais Inc.

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