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Date: 20020430

Dossier: 2000-3636-IT-G

ENTRE :

FREDERICK W. HILL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement modifiés

Le juge Miller, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel interjeté par M. Frederick Hill à l'encontre des nouvelles cotisations établies par le ministre pour les années d'imposition 1996 et 1997. L'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « ADRC » ) a refusé les frais d'intérêts déduits par M. Hill, représentant des montants de 1 455 089 $ en 1996 et de 1 288 612 $ en 1997, ainsi que la déduction, en 1996, de pertes autres qu'en capital datant de 1992 et 1993, au montant total de 631 402,63 $. Les pertes de 1992 et de 1993 sont également liées à des frais d'intérêts pendant les années en question.

[2]            Puisque la plaidoirie de l'appelant a reposé en grande partie sur l'exposé partiel convenu des faits, qui a été rédigé avec soin, il est bon de reproduire ici les faits convenus :

                                [TRADUCTION]

1.              L'appelant est un particulier résidant à Regina, en Saskatchewan.

2.              Le 18 février 1974, l'appelant, pour une part de 25 p. 100, une société contrôlée par l'appelant (Regent Realty Ltd., qui a subséquemment adopté la raison sociale Harvard Developments Ltd. ( « HDL » )), pour une part de 25 p. 100, et deux autres parties, pour la part restante de 50 p. 100 (les « Copropriétaires » ), ont acquis un terrain au centre-ville de Calgary afin d'y construire un immeuble de bureaux (le « Projet » ). Immédiatement après avoir acquis le terrain, les copropriétaires l'ont vendu aux fiduciaires du Post Office Superannuation Scheme du Royaume-Uni ( « POSS » ), qui a subséquemment été remplacée par Postel Properties Limited ( « Postel » ). POSS a ensuite loué le terrain aux copropriétaires pour une durée de 99 ans.

3.                     POSS a prêté aux copropriétaires la somme de 17 450 000 $ pour construire un immeuble de bureaux sur le terrain; ce prêt était garanti par une hypothèque sur le terrain, dont la durée était également de 99 ans.

4.              Les rapports entre les copropriétaires et POSS étaient régis par un contrat-cadre, une convention hypothécaire et un bail, tous signés le 18 février 1974. Prises globalement, ces ententes stipulaient ce qui suit :

(a)            Les frais d'intérêts en vertu de l'hypothèque passaient de 9 % au début à 15 % à compter de 2005; ils étaient calculés en fonction du capital et des intérêts impayés et étaient payables mensuellement.

(b)            Le bail stipulait qu'après l'achèvement de l'immeuble, 40,5692 % des rentrées de fonds du projet serait remis aux copropriétaires. La tranche restante de 59,4308 % des rentrées de fonds était définie comme le « solde des rentrées de fonds nettes » et devait être versée à POSS à titre d'intérêts ou de loyer.

(c)            L'annexe était libellée comme suit :

« Les débiteurs hypothécaires versent au créancier hypothécaire le versement d'intérêt à chaque date de paiement pendant la durée de l'hypothèque. Cependant, si les frais d'intérêts au moment d'une date de paiement excèdent le solde des rentrées de fonds nettes payable au créancier hypothécaire, le montant dudit excédent est exigible et payable au créancier hypothécaire » .

(d)            Si, au moment d'une date de paiement mensuelle, le solde des rentrées de fonds nettes excédait lesdits frais d'intérêts, la différence était versée à POSS à titre de loyer.

(e)            Les versements à titre du capital et des intérêts impayés commençaient en 1995 et étaient payables pendant le solde de la durée de l'hypothèque, le solde étant versé au plus tard à l'expiration de la durée de l'hypothèque.

5.              Au cours de la période de 1974 à 1999, à l'exception de l'année 1983, aucun loyer n'a dû être payé, car le solde des rentrées de fonds nettes de l'immeuble n'était pas suffisamment élevé pour déclencher de tels paiements. En 1983, le solde des rentrées de fonds nettes de l'année dépassait les frais d'intérêts de 77 377 $.

6.              Le 22 décembre 1983, HDL a acheté les intérêts relatifs au bail et a pris en charge les obligations en vertu de l'hypothèque des copropriétaires autres que l'appelant, en empruntant un montant supplémentaire de 7 550 000 $ de Postel à cette fin. Par conséquent, après cet achat, le solde à payer à Postel et garanti par l'hypothèque était de :

Solde de l'hypothèque existante        22 394 889 $

Emprunt en vue de l'achat                   7 550 000 $

Commission                                                              100 000 $

                                                                                30 044 889 $

7.              Les parties ont modifié les ententes à ce moment-là.

(a)            Les frais d'intérêts convenus en vertu de l'hypothèque ont été modifiés, passant de 13 % à 21 % au cours de la période de 1995 jusqu'à l'expiration de la durée de l'hypothèque.

(b)            La convention hypothécaire continuait de prévoir des versements d'intérêt aux dates de paiement mensuelles prévues à l'annexe A de l'hypothèque, mais le paragraphe 2 a été modifié, et le paragraphe 3 a été ajouté :

« 2.           Le débiteur hypothécaire verse au créancier hypothécaire le versement d'intérêt à chaque date de paiement pendant la durée de l'hypothèque. Cependant, si les frais d'intérêts au moment d'une date de paiement excèdent le solde des rentrées de fonds nettes payable au créancier hypothécaire, le montant dudit excédent est exigible et payable au créancier hypothécaire le 31 décembre de chaque année. Jusqu'en 1994 inclusivement, lors du versement par le débiteur hypothécaire de l'excédent susmentionné, celui-ci peut demander par écrit au créancier hypothécaire de lui avancer ledit excédent. Dans les trente (30) jours suivant cette demande, le créancier hypothécaire avance au débiteur hypothécaire le montant dudit excédent demandé par le débiteur hypothécaire, mais le capital de l'hypothèque ne doit jamais dépasser trente-cinq millions de dollars (35 000 000 $).

3.              Sous réserve du paragraphe 2 ci-dessus, si le débiteur hypothécaire ne verse pas au créancier hypothécaire le montant par lequel les frais d'intérêts excèdent, lors d'une date de paiement, le solde des rentrées de fonds nettes, cet excédent est ajouté au solde du capital et porte intérêt au taux stipulé dans la présente annexe pour la période en cause. »

(c)            Dans cette même annexe, les mots « capital » et « versements de capital » étaient définis comme suit :

« Capital » Le solde, de temps à autre, des avances effectuées par le créancier hypothécaire au débiteur hypothécaire conformément à la présente hypothèque, ainsi que les intérêts exigibles et payables.

« Versements de capital » Le montant du capital et des intérêts exigibles et payables par le débiteur hypothécaire au créancier hypothécaire. Le débiteur hypothécaire verse au créancier hypothécaire lesdits capital et intérêts sous forme de mensualités consécutives; la première mensualité est versée lors de la première date de paiement au cours de la vingtième (20e) année de la durée (telle que définie dans le bail) et subséquemment durant le reste de la durée, et le solde, s'il en est, la veille du dernier jour de la durée du bail. Le montant de chaque mensualité à payer aux termes des présentes au cours d'une année pendant la durée est calculé de la façon suivante :

1/12x 1(X Capital)=mensualité pendant l'année en question

                1

où :

X représente le nombre d'années avant la fin de la durée du bail. »

(d)            Le bail a été modifié pour que la part de Postel (le « solde des rentrées de fonds nettes » ) devienne 81,3663 % des rentrées de fonds, et que la part des copropriétaires soit de 18,6337 %.

8.              Durant la période du 31 décembre 1983 au 30 novembre 1995, les frais d'intérêts lors de chaque date de paiement dépassaient le solde des rentrées de fonds nettes disponible en vue du versement, ce qui fait que le 29 décembre 1995, le montant des intérêts impayés que les copropriétaires devaient verser à Postel était d'environ 60 369 999 $.

9.              Le 1er janvier 1995, les parties ont modifié à nouveau la convention hypothécaire et le bail en éliminant le plafond de 35 000 000 $ mentionné au paragraphe 7 ci-dessus, en réduisant les frais d'intérêts annuels à 10 % par année, et en modifiant les parts des rentrées de fonds nettes de sorte que 90 % revenait à Postel et 10 % aux copropriétaires. L'hypothèque ainsi modifiée stipulait ceci :

« 2.           Le débiteur hypothécaire verse au créancier hypothécaire le versement d'intérêt à chaque date de paiement pendant la durée de l'hypothèque. Cependant, si les frais d'intérêts au moment d'une date de paiement excèdent le solde des rentrées de fonds nettes payable au créancier hypothécaire, le montant dudit excédent est exigible et payable au créancier hypothécaire le 31 décembre de chaque année. Lors du versement par le débiteur hypothécaire de l'excédent susmentionné, celui-ci peut demander par écrit au créancier hypothécaire de lui avancer ledit excédent; le créancier hypothécaire avance alors sur-le-champ au débiteur hypothécaire le montant dudit excédent; tout montant ainsi avancé est ajouté au capital. »

10.            Toutes les autres clauses de l'hypothèque restaient en vigueur.

11.            Le 19 décembre 1995 ou vers cette date :

(a)            HDL (en son propre nom et en celui de l'appelant) a emprunté 60 370 000 $, soit 28 816 230 livres sterling, de la Banque CIBC;

(b)            la Banque CIBC a versé les 28 816 230 livres sterling au compte en banque de Postel à la Royal Bank of Scotland, à la condition qu'un montant identique se trouve au compte de Postel à cette banque, avec des directives de Postel ordonnant son virement au compte d'HDL à la Banque CIBC;

(c)            la Royal Bank of Scotland a viré 28 816 230 livres sterling au compte d'HDL à la banque CIBC, et Postel a reçu un crédit pour les 28 816 230 livres sterling transférées par la Banque CIBC;

(d)            la Banque CIBC a reçu des frais de financement de       50 000 $.

Le tout sera décrit de façon plus détaillée lors de l'audience de la présente cause.

12.            En 1992 et 1993, la part de l'appelant du versement d'intérêt excédait le solde des rentrées de fonds nettes de 1 526 221 $ et de 1 817 132 $ respectivement. Ces montants étaient exigibles et payables le 31 décembre 1992 et le 31 décembre 1993 respectivement. En 1995, ces montants impayés faisaient partie de l'opération décrite au paragraphe 10. Si ces montants sont déductibles en 1992 et en 1993, les pertes autres qu'en capital pour ces années qui peuvent faire l'objet d'un report sur une année ultérieure et d'une déduction en 1996 étaient de 305 846,86 $ et de 325 555,82 $ respectivement.

13.            En 1996 et en 1997, la part de l'appelant des frais d'intérêts excédait le solde des rentrées de fonds nettes de 1 404 045 $ et de 1 588 612 $ respectivement. Ces montants étaient exigibles et payables le 31 décembre 1996 et le 31 décembre 1997 respectivement. En 1998, l'appelant a conclu une opération semblable à celle décrite au paragraphe 11, le montant du prétendu versement étant de 2 714 095 $.

14.            Le 1er janvier 1999, en vertu de nouvelles modifications, les parties ont convenu de réduire le taux d'intérêt stipulé de 10 % par année à 4 1/4 % par année, et de modifier la part des rentrées de fonds de sorte que 95 % de celles-ci revient à Postel et 5 % aux copropriétaires.

15.            L'appelant a reçu les versements en espèces suivants conformément au bail modifié :

1975

3 799 $

1976

   92 657

1977

130 330

1978

185 704

1979

201 665

1980

226 284

1981

239 870

1982

307 870

1983

352 268

1984

300 701

1985

247 780

1986

476 671

1987

371 693

1988

318 920

1989

268 871

1990

247 219

1991

243 496

1992

   21 259

1993

   51 903

1994

187 633

1995

247 979

1996

175 451

1997

230 384

1998

169 400

1999

222 337

2000

165 376

2001

62 466

5 749 986 $

Ces montants étaient inclus dans le calcul de son revenu, mais l'appelant n'a pas, à ce jour, déclaré de bénéfice net aux fins fiscales en raison des frais d'intérêts.

16.            La première cotisation de l'appelant pour l'année d'imposition 1995 a été établie le 15 mai 1996, et cette année faisait l'objet de prescription à la date des nouvelles cotisations visées par l'appel, qui ont été établies le 19 mai 2000 relativement à l'année 1996 et le 17 juillet 2000 relativement à l'année 1997.

[3]            Outre l'énoncé partiel convenu des faits, j'ai entendu le témoignage de M. Clayton Bzdel, dirigeant de Harvard Developments Ltd. ( « HDL » ), qui a expliqué la divergence, dans le paragraphe 13 de l'énoncé convenu des faits, entre les frais d'intérêts excédentaires de 2 992 657 $ en 1996 et en 1997 et le montant de 2 714 095 $ versé en 1998. La différence s'explique par un versement anticipé partiel en 1995 et par une erreur de calcul comptable qui a été corrigée par un versement en 2000. M. Bzdel a également expliqué que le motif de la réduction du taux d'intérêt en 1995 et 1999, avec une augmentation des rentrées de fonds à Postel, était de [TRADUCTION] « tenter d'établir cette hypothèque d'une façon qui permette de la rembourser avant l'expiration du terme » . Il a admis que le taux d'intérêt de 4,25 p. 100 ne correspondait pas au taux du marché, mais qu'il s'agissait d'un taux négocié en 1998 pour permettre de rembourser l'hypothèque au complet avant l'expiration de sa durée.

[4]            Outre les passages des documents reproduits dans l'énoncé partiel convenu des faits, je voudrais souligner les extraits suivants de certains des documents :

(a)                  Les paragraphes 7 et 8 de la convention hypothécaire du 22 décembre 1983 :

                                [TRADUCTION]

SEPTIÈMEMENT : Si le débiteur hypothécaire manque, en tout ou en partie, de verser les sommes garanties par les présentes ou l'intérêt sur ces sommes à tout moment stipulé ci-dessus, et si ce manquement se poursuit pendant un (1) mois après que le créancier hypothécaire en ait avisé le débiteur hypothécaire, le créancier hypothécaire aura le droit, et le débiteur hypothécaire convient avec créancier hypothécaire à cette fin et concède au créancier hypothécaire entière discrétion et autorité à cette fin, au moment et à la fréquence que le créancier hypothécaire juge bons, d'entrer en possession, notamment par l'entremise de son mandataire, desdits bien-fonds et d'en recevoir et percevoir les loyers, produits et bénéfices, et, que ce soit en possession ou non desdits bien-fonds, de céder ou louer lesdits bien-fonds en tout ou en partie, pour les termes, périodes et loyers qu'il juge bons.

HUITIÈMEMENT : En cas de défaut de verser une somme garantie par les présentes, si ce manquement se poursuit pendant un (1) mois après que le créancier hypothécaire en ait avisé le débiteur hypothécaire, le créancier hypothécaire peut vendre et transporter lesdits bien-fonds, sans entrer en possession de ceux-ci et sans avis au débiteur hypothécaire, et soit avant, soit après que le créancier hypothécaire ait cédé ou loué les bien-fonds de la façon prévue ci-dessus, et sous réserve d'une telle cession ou d'un tel bail. La vente effectuée sous l'autorité conférée par les présentes peut être soumise aux conditions, notamment de crédit, que le créancier hypothécaire estime les plus avantageuses, et se fait pour le prix qu'il est raisonnable d'obtenir pour les bien-fonds. Des ventes peuvent être effectuées de temps à autre pour acquitter l'intérêt ou la partie du capital en souffrance, le capital ou le solde continuant à porter intérêt selon les conditions stipulées ci-dessus. Le créancier hypothécaire peut faire les stipulations, notamment quant au titre, qu'il juge bonnes, et peut acheter, résilier ou modifier le contrat de vente des bien-fonds et les revendre sans être responsable du préjudice occasionné par cette action, et, pour l'une de ces fins, peut signer et conclure les contrats et les engagements qu'il juge bons.

et les paragraphes 23 et 24 de la convention hypothécaire du 22 décembre 1983 :

                                [TRADUCTION]

VINGT-TROISIÈMEMENT : Nonobstant toute disposition des présentes, le débiteur hypothécaire et le créancier hypothécaire conviennent expressément que les droits de ce dernier à recouvrer le capital et l'intérêt dus conformément à cette hypothèque sont limités aux bien-fonds, notamment les éléments décrits au paragraphe dix-huitième de la présente convention hypothécaire.

VINGT-QUATRIÈMEMENT : Si un tiers offre de bonne foi d'acheter les droits et intérêts du débiteur hypothécaire, à titre de locataire, en vertu du bail et ses droits et intérêts, à titre de locataire, dans les bien-fonds hypothéqués par les présentes, ainsi que l'intérêt du créancier hypothécaire en vertu de la présente hypothèque et son intérêt réversif dans le bien-fonds hypothéqué, le créancier hypothécaire peut exiger le versement, à titre de droit de versement anticipé, du montant de soixante (60) mois d'intérêt sur le solde du capital alors impayé, au taux d'intérêt en vigueur en vertu de l'annexe A des présentes, en reconnaissance de la nature particulière et à long terme de l'engagement du créancier hypothécaire et du crédit accordé par celui-ci relativement au bail et à l'hypothèque, et de l'investissement important du créancier hypothécaire à cet égard. L'application du présent paragraphe n'oblige cependant pas le débiteur hypothécaire à verser au créancier hypothécaire plus de quatre-vingts pour cent (80 %) du produit de la vente ou de la cession.

(b)            La note de service de Bill Berezan (directeur financier d'HDL) du 22 décembre 1995 :

                                [TRADUCTION]

1.              Mercredi prochain, la CIBC-Regina se procurera le taux de change pour convertir des dollars canadiens en livres sterling et achètera l'équivalent de 60 370 000 $ canadiens en livres sterling (le « montant en £ » ).

2.              La CIBC-Regina effectuera un virement télégraphique à la Barclays Bank de Londres ( « Barclays » ) pour le montant en £ . Barclays est la banque correspondante de la CIBC, car la CIBC n'a pas de succursale à Londres. Par conséquent, le règlement du virement télégraphique prendra deux jours ouvrables, et le montant ne sera donc probablement pas déposé chez Barclays en vue des achats de la CIBC de Londres avant le vendredi 29 décembre 1995.

3.              Lorsque la CIBC de Regina aura obtenu le montant en £ (étape 1), elle avisera Harvard Developments Limited ( « Harvard » ), qui à son tour avisera Postel du montant en £ nécessaire. Postel prendra des dispositions avec la Royal Bank of Scotland ( « RBS » ) de sorte que Postel déposera à la RBS le montant en £ le vendredi 19 décembre 1995. La RBS fera préparer une traite bancaire correspondant au montant en £ .

4.              Barclays remettra à la CIBC de Londres une traite bancaire (étape 2) pour le montant en £ le vendredi matin dès la première heure, et la CIBC enverra quelqu'un porter cette traite bancaire à la RBS.

5.              La RBS et la CIBC de Londres échangeront les traites bancaires que chacune détient au nom de son client respectif, Postel et Harvard. La traite bancaire que la CIBC de Londres remettra au nom de Harvard représentera l'intérêt exigible que Harvard doit à Postel. La traite bancaire que la RBS remettra au nom de Postel représente l'avance de capitaux par Postel à Harvard.

6.              La RBS déposera ensuite la traite bancaire de Barclays au compte de Postel.

7.              La CIBC de Londres retournera à Barclays pour déposer la traite bancaire de la RBS, et Barclays effectuera alors un virement télégraphique de ce montant à la CIBC de Regina.

(c)            Les paragraphes 1 à 3 de la note de service du 27 décembre 1995 de Bill Berezan :

                                [TRADUCTION]

1.              Aujourd'hui, le mercredi 27 décembre 1995, la CIBC de Regina a effectué un virement télégraphique au montant de 28 476 415,09 £ pour dépôt vendredi à la Barclays Bank de Londres ( « Barclays » ) pour le compte de la CIBC de Londres. Le taux de change utilisé était de 2,12 $ canadiens = 1 £ .

2.              Demain, le jeudi 28 décembre 1995, la CIBC de Londres présentera à la Royal Bank of Scotland ( « RBS » ) une entente d'échange électronique de fonds. En bref, cette entente stipulera que la RBS ne portera pas au crédit du compte en banque de Postel Properties Ltd. ( « Postel » ) les montants virés par la Banque CIBC.

3.              Le vendredi 29 décembre 1995, la Barclays Bank de Londres effectuera un virement télégraphique à la RBS au montant de 28 476 415,09 £ à porter au crédit du compte en banque de Postel (sous réserve de l'entente mentionnée ci-dessus au paragraphe 2). Ces fonds représentent l'intérêt exigible à payer à Postel par Harvard Developments Limited ( « Harvard » ). En même temps, la RBS effectuera un virement télégraphique à la CIBC de Regina au montant de 28 476 415,09 £ à porter au compte en banque de Harvard. Ces fonds représentent une autre avance de capitaux à Harvard par Postel.

(d)            La lettre du 28 décembre 1995 de la CIBC :

le 28 décembre 1995

The Royal Bank of Scotland, PLC

4th Floor, Waterhouse Square,

138/142 Holborn

London EC1N 2TH

À l'attention de Mme F. James

Objet :    Immeuble Norcen, Calgary, Alberta

Hypothèque - Postel Properties Ltd.

Notre client, Harvard Developments Ltd., nous signale qu'il doit 28 476 415,09 £ à Postel Properties Ltd. à l'égard d'intérêt exigible dû conformément à une avance hypothécaire. Il nous signale également que si le versement d'intérêt est effectué, Postel Properties Ltd. a convenu d'avancer un montant supplémentaire de 28 476 415,09 £ à titre de capital en vertu de l'hypothèque existante, et que les deux versements doivent être effectués simultanément.

On nous a demandé d'effectuer le versement des intérêts au nom de Harvard Developments Ltd., et on nous affirme que vous serez appelée à effectuer le versement correspondant au nom de Postel Properties Ltd.

Pour règlement le 29 décembre 1995, nous vous versons donc 28 476 415,09 £ . Ce montant doit être tenu en fiducie pour notre compte et ne peut être remis à Postel Properties Ltd. qu'en même temps que vous effectuez le virement de 28 476 415,09 £ à la Barclays Bank, St Swithins House, St Swithins Lane, Londres, no de code 20-32-53, pour le compte de la CIBC Londres, numéro de compte 00121347, objet Harvard Developments Ltd.

Nous prenons note que vous convenez de nous rembourser le montant intégralement au plus tard le 29 décembre 1995 à 15 h si vous n'avez pas effectué le traitement d'une directive de Postel Properties Ltd. tel que nous venons de le décrire.

Veuillez manifester votre acceptation des modalités ci-dessus en l'indiquant sur le duplicata de cette lettre que vous trouverez ci-joint.

Veuillez agréer, etc.

« signature »

A.D. Craig

Directeur général,

Gestion du risque de crédit

Convenu le 28 décembre 1995

Au nom de :

The Royal Bank of Scotland PLC

[5]            Je conclus que la chronologie des événements en décembre 1995 a été la suivante :

1.              Le 27 décembre 1995, l'appelant a reçu l'approbation d'emprunter 28 476 415 livres de la CIBC (Regina), lequel montant a été déposé au compte de l'appelant à Regina.

2.              Le 27 décembre 1995, la CIBC (Regina) a effectué un virement télégraphique au montant de 28 476 415 livres à la Barclay's Bank (Londres) pour le compte de la CIBC (Londres).

3.              Le 28 décembre 1995, la CIBC (Londres) a remis une entente à la Royal Bank of Scotland à l'effet que la Royal Bank of Scotland ne créditerait pas le compte en banque de Postel du montant des fonds virés de la CIBC (Londres) tant que la Royal Bank of Scotland n'aura pas effectué un virement télégraphique à la CIBC (Regina) pour une somme identique.

4.              Le 29 décembre 1995, la Barclay's Bank a effectué un virement télégraphique de 28 476 415 livres à la Royal Bank of Scotland au crédit du compte bancaire de Postel.

5.              Simultanément, la Royal Bank of Scotland a effectué un virement télégraphique de 28 476 415 livres à la CIBC (Regina) au crédit du compte bancaire d'HDL.

QUESTIONS EN LITIGE :

[6]            Avant l'audience, les parties ont convenu que les questions en litige étaient les suivantes :

1.              La question de savoir si les différences entre le solde des rentrées de fonds nettes et les frais d'intérêts en 1992 et en 1993, ainsi qu'en 1996 et en 1997, étaient des montants payables au cours de ces années ou des dettes éventuelles.

2.              La question de savoir si les différences entre le solde des rentrées de fonds nettes et les frais d'intérêts en 1996 et en 1997 étaient des intérêts composés déductibles uniquement après leur versement. C'est le cas si l'une des conditions suivantes est satisfaite :

(a)            il est juridiquement possible de ne pas tenir compte du versement prétendu d'intérêt et de l'emprunt d'un montant égal à titre de capital;

(b)            le ministre peut, en vertu des dispositions générales anti-évitement, ne pas tenir compte du versement prétendu d'intérêt en 1995 et de l'emprunt d'un montant égal à titre de capital.

3.              La question de savoir si l'appelant avait une attente raisonnable de profit relativement au projet.

[7]            Quoique M. Gosman ait laissé entendre lors de l'audience qu'il s'appuyait sur l'argument fondé sur l'intérêt composé à l'égard des années 1992 et 1993, il n'a pas poursuivi cet argument dans ses observations écrites.

QUESTION EN LITIGE : Les montants d'intérêt excédentaires en 1992, 1993, 1996 et 1997 étaient-ils des montants payables au cours de ces années ou des dettes éventuelles?

OBSERVATIONS DE L'APPELANT :

[8]            L'appelant a fait valoir que la réponse se trouve dans les documents eux-mêmes, notamment le libellé du paragraphe 2 de l'Annexe A de l'hypothèque. L'appelant affirme que le paragraphe 3 n'y change rien, qu'il est subordonné au paragraphe 2, et qu'il s'agit tout simplement d'un mécanisme permettant à l'intérêt d'être perçu sur le montant excédentaire impayé au cas où cet excédent n'est pas réglé le 31 décembre de chaque année. Le paragraphe 3 n'empêche pas le créancier hypothécaire d'exiger le versement de l'intérêt excédentaire. Il ressort clairement de l'entente que l'intérêt excédentaire est payable. L'appelant a également évoqué que l'intimée avait admis, dans la réponse et dans l'énoncé convenu des faits, que les montants excédentaires étaient payables.

[9]            Relativement à l'affirmation que le versement d'intérêt était éventuel, l'appelant a évoqué les observations du juge Sharlow dans l'affaire Wawang Forest Products Ltd. c. Canada, 2001 D.T.C. 5212, [2001] A.C.F. no 449 (C.F.A.) :

[TRADUCTION]

Pour revenir maintenant au critère énoncé dans la décision Winter, la question qu'il faut se poser, pour décider du caractère éventuel ou non d'une obligation juridique à un moment précis, est de savoir si l'obligation juridique existe à ce moment précis ou si elle ne naîtra qu'au moment où surviendra un événement, qui pourrait ne pas se produire.

L'appelant estime qu'il existait une obligation juridique exécutoire le 31 décembre de chaque année, laquelle obligation ne dépendait pas d'un événement futur. Le droit du créancier hypothécaire à un pourcentage du produit de la vente en cas de vente à un tiers représente un risque de crédit et non une éventualité empêchant le créancier hypothécaire d'exiger un versement annuel. Quoi qu'il en soit, les versements effectués en 1995 et 1998 ont éteint la responsabilité exécutoire relativement à l'intérêt en souffrance.

[10]          L'appelant conteste l'applicabilité des affaires Barbican Properties Inc. c. La Reine, C.C.I., no 95-1128(IT)G, 16 avril 1996 (97 D.T.C. 122), conf. par C.A.F., no A-321-96, 20 novembre 1996 (97 D.T.C. 5008), Global Communications Limited c. La Reine, C.A.F., no A-426-97, 18 juin 1999 (99 D.T.C. 5377) et Redclay Holdings c. La Reine, C.C.I., no 93-1103(IT)G, 13 février 1996 (96 D.T.C. 1207), car dans chacun de ces cas, il n'y avait pas obligation juridique exécutoire de verser l'intérêt au cours de l'année pour laquelle la déduction était demandée.

OBSERVATIONS DE L'INTIMÉE :

[11]          L'intimée affirme que l'appelant n'avait pas d'obligation juridique de verser l'intérêt excédentaire le 31 décembre. À l'appui de cet argument, l'intimée évoque le paragraphe 3 de l'Annexe A de l'hypothèque. Ce paragraphe stipule que l'intérêt excédentaire impayé est ajouté au capital. L'intimée mentionne la conduite des parties comme preuve qu'elles n'avaient pas l'intention de conclure une obligation juridique exécutoire de verser l'intérêt excédentaire; elle réfère notamment aux observations du directeur financier d'HDL dans une lettre du 17 décembre 1996 dont je cite un extrait :

                                [TRADUCTION]

Il n'y a rien dans ce libellé qui laisse entendre que l'excédent doit effectivement être payé le 31 décembre, mais seulement qu'il est exigible et payable, ce qui signifie vraisemblablement qu'il peut en fait être payé à toute date subséquente.

[12]          L'intimée a mentionné d'autres exemples de conduite qui confirment que les parties n'avaient pas l'intention que l'intérêt excédentaire soit versé : d'abord, le fait que Postel n'avait jamais exigé de versement, et ensuite, que la limite de 35 000 000 $ relativement au capital avait été éliminée. Cela confirme que l'intention des parties était que l'intérêt excédentaire serait automatiquement ajouté au capital.

[13]          En ce qui concerne l'argument de la dette éventuelle, l'intimée affirme que puisque le recours du créancier hypothécaire relativement à la dette était limité à la valeur du bien-fonds, ou à 80 pour cent du produit s'il était vendu, la responsabilité de l'appelant relativement à l'intérêt excédentaire était une dette éventuelle. L'intimée a souligné qu'à la fin de 1998, le capital avait augmenté à plus de 110 000 000 $, tandis que la valeur du bien-fonds n'était que de 42 000 000 $ à 44 000 000 $, ce qui laisse penser qu'il n'existait pas de certitude raisonnable que l'intérêt serait jamais payé.

[14]          À l'appui de la thèse que l'obligation de l'appelant est éventuelle, l'intimée a cité un certain nombre d'arrêts (Barbican, Global Communications, précités, et McLarty c. Canada, 2001 A.C.I. no 59). L'intimée a tenté de faire une distinction avec l'affaire Wawang pour le motif que cet arrêt portait sur une retenue en vertu d'un contrat de construction et qu'il n'y avait aucun doute que les montants retenus devaient être versés.

QUESTION EN LITIGE : Les opérations de décembre 1995 constituent-elles un versement d'intérêt et un emprunt d'un montant égal à titre de capital, ce qui fait que l'intérêt excédentaire en 1996 et 1997 n'est pas de l'intérêt composé mais de l'intérêt simple?

OBSERVATIONS DE L'APPELANT :

[15]          La position de l'appelant est que la Cour ne peut passer sous silence le versement par l'appelant des intérêts impayés en 1995 et l'emprunt simultané d'un montant égal à titre de capital. Comme l'intimée a reconnu que l'opération de 1995 n'était pas un trompe-l'oeil, la position de l'appelant est qu'il n'existe aucun motif juridique pour que la Cour ne tienne pas compte des relations juridiques mises sur pied par les ententes conclues par les parties en décembre 1995. L'appelant s'appuie sur l'affaire MacNiven v. Westmoreland Investment Ltd., [2001] 1 All E.R. 865, 2001 H.L.J. no 6, à l'appui de son affirmation. Dans cette affaire, la société appartenant à un régime de pensions s'était fait prêter de l'argent par le régime afin de rembourser une dette qu'elle lui devait. La Cour a estimé que même si les contribuables dans cette affaire transféraient de l'argent en rond, il s'agissait quand même d'un remboursement juridiquement valable. Comme l'indique lord Nicholls :

                                [TRADUCTION]

Sauf dans le cas de transactions factices, il est possible de régler une dette et de la remplacer par une autre même si les seules personnes à intervenir sont le débiteur et le créancier.

[16]          Enfin, l'appelant a indiqué qu'il n'appartient pas à la Cour d'adopter l'approche de la réalité économique, puisque la Cour suprême du Canada a rejeté cette approche dans l'affaire Singleton c. Canada, [2001] 2 R.C.S. 1046, 2001 C.S.C. 61, dans laquelle le juge Major a dit :

Examinant l'argument du ministre selon lequel il faut tenir compte de la réalité économique entourant l'opération et ne pas se sentir lié par ses effets sur le strict plan juridique, le juge McLachlin a reconnu que les tribunaux devaient effectivement tenir compte de la réalité économique entourant une opération. Elle a cependant affirmé ceci (aux par. 39 et 40) :

[N]otre Cour n'a jamais statué que la réalité économique d'une situation pouvait justifier une nouvelle qualification des rapports juridiques véritables établis par le contribuable. Au contraire, nous avons décidé qu'en l'absence d'une disposition expresse contraire de la Loi ou d'une conclusion selon laquelle l'opération en cause est un trompe-l'oeil, les rapports juridiques établis par le contribuable doivent être respectés en matière fiscale...

OBSERVATIONS DE L'INTIMÉE :

[17]          L'intimée fait valoir que le prétendu « versement » de 1995 n'était pas un versement juridiquement valable et qu'à ce titre l'intérêt sur l'intérêt n'était pas « transformé » en capital mais demeurait de l'intérêt composé.

[18]          L'intimée estime qu'il n'y a pas de versement valable si les montants sont échangés de manière conditionnelle et simultanée entre les parties dans le cadre d'une seule opération. À l'appui de cet argument, l'intimée soutient que dans l'affaire M.R.N. c. Cox, [1971] R.C.S. 817 (71 D.T.C. 5150), la Cour avait déterminé que l'échange simultané de chèques constituait une seule opération et non un versement. L'intimée a indiqué que l'arrêt Cox avait été cité dans l'affaire Western Union Insurance Co. c. La Reine, C.F. 1re inst., no T-4617-81, 28 septembre 1983 (83 D.T.C. 5388), où la Cour a décidé qu'un chèque remis et immédiatement retourné ne constituait pas un versement.

[19]          L'intimée affirme que l'opération qui aurait constitué le versement d'intérêt et un prêt renouvelé du montant était en fait une opération unique et simultanée par laquelle chaque transfert dépendait du transfert d'un montant égal à l'autre partie. L'intimée a cité la définition du mot « payment » ( « versement » ) que l'on trouve dans l'ouvrage Black's Law Dictionary :

                                [TRADUCTION]

L'exécution d'une promesse ou d'un accord. L'acquittement d'une obligation ou d'une dette : un versement partiel, s'il est accepté, constitue un acquittement pro tanto. Dans un sens juridique plus restreint, le versement représente l'exécution même d'un devoir, d'une obligation ou d'une promesse, ou l'acquittement d'une dette ou d'une obligation, par la remise d'un montant ou d'une contrepartie par un débiteur à un créditeur, lorsque le montant ou la contrepartie est offert et accepté en règlement de la dette ou de l'obligation, en tout ou en partie.

[20]          L'intimée affirme qu'un versement n'est valable que s'il éteint la dette. En l'espèce, l'intimée soutient que les opérations étaient simultanées et qu'elles dépendaient du nouveau prêt, ce qui signifie que la dette n'a jamais été éteinte.

[21]          La position de l'intimée n'est pas que l'opération de 1995 était factice ou qu'il faudrait ne pas tenir compte d'un aspect particulier, mais plutôt qu'un tel échange conditionnel ne constitue pas un versement du point de vue juridique.

[22]          Comme l'intimée affirme qu'il n'y a pas eu de versement juridique de l'intérêt excédentaire en 1995, les montants que l'appelant veut déduire sont en fait des montants d'intérêt composé. En vertu de l'alinéa 20(1)d), l'intérêt composé ne peut être déduit que s'il est effectivement versé pendant l'année. Comme ces montants n'ont pas été versés pendant les années à l'égard desquelles l'appelant demande leur déduction, les montants ne sont pas déductibles.

QUESTION EN LITIGE : L'appelant avait-il une attente raisonnable de profit relativement à son placement?

OBSERVATIONS DE L'APPELANT :

[23]          L'appelant soutient que l'intimée n'avait pas évoqué cette question lorsqu'elle a établi sa nouvelle cotisation. Citant l'affaire Kuhlmann c. La Reine, C.A.F., no A-981-96, 30 octobre 1998 ([1999] 1 C.T.C. 38), l'appelant affirme que puisque cette assertion n'était pas une des hypothèses de fait sur lesquelles repose la nouvelle cotisation et qu'elle avait été soulevée pour la première fois dans les actes de procédure, il appartient à l'intimée de prouver que l'attente de profit était [TRADUCTION] « irrationnelle, absurde ou ridicule » . Évoquant la cause récente de Entreprises Ludco Ltée c. Canada, [2001] 2 R.C.S. 1082, 2001 C.S.C. 62, l'appelant nie que le critère à utiliser est celui du profit ou du revenu net; il faudrait plutôt avoir recours au critère de l'attente de revenu. L'appelant soutient qu'en l'espèce, il ne peut y avoir de doute qu'il y avait une attente raisonnable d'un revenu considérable. En fait, l'appelant a obtenu un rendement d'environ 5 750 000 $ en espèces.

OBSERVATIONS DE L'INTIMÉE :

[24]          L'intimée affirme que non seulement il n'y a pas eu de profit pendant la durée du projet, mais qu'en fait les pertes étaient intentionnelles.

[25]          L'intimée a rejeté l'affirmation voulant que l'affaire Kuhlmann appuie la thèse que le critère approprié est de savoir si l'attente de profit était [TRADUCTION] « irrationnelle, absurde ou ridicule » . Toutefois, l'intimée a poursuivi en indiquant que même en acceptant une telle proposition, l'attente de profit dans ce cas était effectivement irrationnelle, absurde ou ridicule.

QUESTION EN LITIGE : Les dispositions générales anti-évitement ( « DGAÉ » ) permettent-elles au ministre de ne pas tenir compte du versement prétendu d'intérêt en 1995 et de l'emprunt d'un montant égal à titre de capital?

OBSERVATIONS DE L'APPELANT :

[26]          L'appelant ne nie pas que l'entente a été conclue pour assurer que l'intérêt payable à l'égard de l'endettement soit de l'intérêt simple et non de l'intérêt composé. Toutefois, l'appelant soutient que le paragraphe 245(4) requiert qu'il y ait eu un abus dans l'application des dispositions de la Loi lue dans son ensemble, et qu'il n'avait pas été établi que cela se soit produit en l'espèce.

[27]          L'appelant s'appuie sur l'approche du juge Rothstein dans l'affaire OSFC Holdings Ltd. c. La Reine, [2002] 2 C.F. 288, 2001 C.A.F. 260, et en particulier sur son opinion que l'intimée doit démontrer qu'il existe une politique pertinente, claire et dénuée d'ambiguïté. L'appelant soutient qu'il n'existe aucune politique, à plus forte raison aucune politique claire et dénuée d'ambiguïté, pour empêcher le contribuable d'emprunter pour s'acquitter de son obligation de verser l'intérêt, même si l'objectif est d'éviter l'incidence subséquente d'intérêt composé sur cet intérêt. Comme l'a affirmé le juge Rothstein :

À cette étape de l'analyse, aucun fardeau ne pèse sur l'une ou l'autre des parties. Toutefois, dans une perspective pratique, le ministre doit faire beaucoup plus que de citer simplement le texte du paragraphe 245(4), et d'alléguer qu'il y a eu abus. Le ministre doit énoncer la politique générale en mentionnant les dispositions de la Loi ou les moyens extrinsèques sur lesquels il s'appuie.

OBSERVATIONS DE L'INTIMÉE :

[28]          De même, l'intimée reconnaît que l'argument relatif aux DGAÉ peut se limiter à une analyse de l' « abus » . L'intimée a indiqué que l'abus de la Loi dans ce cas consistait à éviter l'application de l'alinéa 20(1)d) de la Loi en utilisant une apparence juridique pour convertir l'intérêt composé impayé non déductible en intérêt simple déductible. En ce qui concerne l'exigence énoncée par le juge Rothstein dans l'affaire OSFC Holdings Ltd. selon laquelle il doit y avoir une politique claire et dénuée d'ambiguïté, l'intimée a répété les dispositions de la Loi qui autorisent la déduction de l'intérêt simple selon la comptabilité d'exercice et interdisent la déduction de l'intérêt composé selon la comptabilité d'exercice.

[29]          L'intimée a également proposé que la politique de la Loi de l'impôt sur le revenu et de son traitement de l'intérêt peuvent être dégagés de l'article 80, qui porte sur la règle relative aux remises de dettes. L'alinéa 80(2)b) s'applique aux montants d'intérêt remis pour lesquels des déductions ont été prises sans que des versements n'aient été effectués. Étant donné que l'intérêt composé n'est pas déductible à moins d'avoir été versé, cette disposition ne s'applique pas à l'intérêt composé remis mais non payé. L'intimée a réaffirmé que cela illustrait bien la politique établie par la Loi, c'est-à-dire que l'intérêt composé doit avoir été payé pour être déductible.

ANALYSE :

QUESTION EN LITIGE : Les montants d'intérêt excédentaires en 1992 et en 1993, ainsi qu'en 1996 et en 1997, étaient-ils des montants payables au cours de ces années ou des dettes éventuelles?

[30]          Le point de départ est la convention hypothécaire elle-même, et il vaut la peine de répéter la première partie du paragraphe 2 et le paragraphe 3 de l'annexe A de cette convention :

                                [TRADUCTION]

2.              Le débiteur hypothécaire verse au créancier hypothécaire le versement d'intérêt à chaque date de paiement pendant la durée de l'hypothèque. Cependant, si les frais d'intérêts au moment d'une date de paiement excèdent le solde des rentrées de fonds nettes payable au créancier hypothécaire, le montant dudit excédent est exigible et payable au créancier hypothécaire le 31 décembre de chaque année. Jusqu'en 1994 inclusivement, lors du versement par le débiteur hypothécaire de l'excédent susmentionné, celui-ci peut demander par écrit au créancier hypothécaire de lui avancer ledit excédent. Dans les trente (30) jours suivant cette demande, le créancier hypothécaire avance au débiteur hypothécaire le montant dudit excédent demandé par le débiteur hypothécaire, mais le capital de l'hypothèque ne doit jamais dépasser trente-cinq millions de dollars (35 000 000 $).

3.              Sous réserve du paragraphe 2 ci-dessus, si le débiteur hypothécaire ne verse pas au créancier hypothécaire le montant par lequel les frais d'intérêts excèdent, lors d'une date de paiement, le solde des rentrées de fonds nettes, cet excédent est ajouté au solde du capital et porte intérêt au taux stipulé dans la présente annexe pour la période en cause.

Ce qui manque dans ce libellé, portant un coup fatal aux observations de l'intimée, c'est une indication que les droits de Postel sont limités de telle sorte que l'article 3 est le seul recours de Postel en cas de non-versement. La stipulation ne va pas jusque là. La convention ne stipule pas explicitement et ne laisse pas entendre que Postel ait convenu de renoncer à son droit d'entamer des poursuites pour recouvrer l'intérêt excédentaire. Je conclus que le libellé [TRADUCTION] « est exigible et payable au créancier hypothécaire le 31 décembre de chaque année » (paragraphe 2 de l'annexe A) n'est pas aussi différent de « doit payer » que le voudrait l'intimée. Le libellé des paragraphes 2 et 3 aurait permis au créancier hypothécaire d'entamer des poursuites le 31 décembre de chaque année pour recouvrer l'intérêt excédentaire.

[31]          Je ne conclus pas non plus que le droit de l'appelant en vertu de l'hypothèque d'exiger l'intérêt excédentaire de Postel, avec une obligation correspondante de Postel de prêter ce montant, annule le droit de Postel d'exiger le versement tous les 31 décembre. La conséquence pour Postel, si elle insiste qu'on lui verse l'intérêt excédentaire, c'est qu'elle pourrait avoir à prêter l'argent à l'appelant pour qu'il effectue le versement. L'hypothèque ne stipule pas que l'appelant ne peut payer qu'à l'aide de fonds empruntés à Postel, mais seulement que l'appelant peut demander de tels fonds.

[32]          Je ne peux accepter la suggestion de l'intimée que le comportement des parties donne à penser qu'elles n'avaient jamais l'intention de faire quoi que ce soit d'autre que d'ajouter l'intérêt excédentaire au capital, et qu'il n'y avait donc pas d'obligation juridique de faire un versement le 31 décembre de chaque année. L'intimée ne peut tout simplement obliger les parties à se soumettre à une forme de préclusion promissoire. Quoi que le comportement des parties puisse faire penser à un tiers, je conclus que les parties étaient liées par une hypothèque qui, en termes clairs, octroyait au créancier hypothécaire le droit d'exiger l'intérêt excédentaire tous les 31 décembre. Rien dans l'hypothèque elle-même ne prive le créancier hypothécaire de ce droit. En outre, aucun principe n'a été porté à ma connaissance, sauf la préclusion promissoire (qui n'est pas invoquée ici par une des parties au contrat), dont l'effet serait que la conduite des parties subséquente à la conclusion de l'hypothèque se substituerait au libellé clair de celle-ci.

[33]          Puisque j'ai déterminé qu'il existait une obligation de verser l'intérêt excédentaire, je dois maintenant décider si cette obligation était éventuelle en raison de la nature limitée du recours prévu pour l'endettement. Je veux d'abord parler de la pertinence du paragraphe 24 par rapport à la situation de l'appelant en 1996 et 1997, car je ne pense pas qu'elle appuie l'argument de l'intimée au sujet d'une dette éventuelle. La disposition prévoit une offre à deux volets : d'abord une offre au débiteur hypothécaire, pour son domaine à bail, et ensuite une offre au créancier hypothécaire, pour son intérêt en vertu de l'hypothèque. Cette offre serait parfaitement sensée dans une situation où l'hypothèque n'est pas en souffrance et où l'acheteur veut acquérir le bien-fonds en totalité, libre de toute charge. L'acheteur ferait un versement à chaque partie ayant un intérêt à l'égard du bien-fonds. Le débiteur hypothécaire (l'appelant) serait alors obligé de remettre une partie de son versement (un versement anticipé de cinq ans d'intérêt) au créancier hypothécaire, sous réserve d'un maximum de quatre-vingts pour cent du produit. Il n'existe aucune « éventualité » touchant l'intérêt dans cette situation.

[34]          Il faut toutefois également prendre en considération les circonstances réelles en 1996 et 1997, alors que le capital et l'intérêt dépassaient largement la valeur du bien-fonds : aucun tiers n'aurait voulu faire d'offre à l'appelant, puisque son intérêt était dénué de toute valeur. La seule offre raisonnable serait une offre faite au créancier hypothécaire pour acquérir son intérêt en vertu de l'hypothèque et son intérêt réversif, pour pouvoir ensuite saisir le bien-fonds hypothéqué. Si Postel était disposée à vendre son intérêt en vertu de l'hypothèque à un tiers à un montant moindre que la dette du débiteur hypothécaire, cela ne relèverait pas le débiteur hypothécaire de son obligation relativement à l'intérêt : cela ne ferait que remplacer Postel à titre de créancier hypothécaire. La seule situation où le débiteur hypothécaire est relevé de toute obligation relativement aux intérêts est celle prévue aux paragraphes 7 et 8 et au paragraphe 23 de l'hypothèque, en vertu desquels le créancier hypothécaire peut prendre possession du bien-fonds ou le vendre, mais ne peut chercher à recouvrer le manquement éventuel. C'est la seule « éventualité » en jeu.

[35]          En supposant, donc, que le créancier hypothécaire exigeait un versement, l'appelant aurait sans doute pu renoncer tout simplement au bail et rendre le bien-fonds. En décembre 1995, d'après une lettre du 21 décembre 1995 de HDL aux avocats de Postel, l'endettement total représentait un capital d'environ 30 000 000 $ et des intérêts d'environ 60 000 000 $. On estimait que la valeur du bien-fonds en 1996 et en 1997 était de l'ordre de 42 000 000 $ à 44 000 000 $. Par conséquent, si le bien-fonds avait été tout simplement rendu à Postel, Postel n'aurait pu recevoir que la valeur du capital et d'une partie des intérêts. L'intimée estime que cette situation montre qu'il n'y avait pas de certitude raisonnable que l'intérêt impayé serait remboursé. Mais est-ce là une éventualité en vertu de l'alinéa 18(1)e) qui empêcherait l'appelant de déduire l'intérêt? Ce ne l'est pas.

[36]          Dans l'affaire Wawang, le juge Sharlow a réitéré le critère pour déterminer une obligation éventuelle tel qu'établi dans l'affaire Winter and Others (Executors of Sir Arthur Munro Sutherland (deceased)) v. Inland Revenue Commissioners, [1963] A.C. 235 (H.L.) comme suit :

[TRADUCTION]

Une éventualité est un événement qui peut se produire ou ne pas se produire et une obligation éventuelle est une obligation dont l'existence dépend d'un événement qui peut se produire ou ne pas se produire.

Le juge Sharlow a poursuivi ainsi :

Pour revenir maintenant au critère énoncé dans la décision Winter, la question qu'il faut se poser, pour décider du caractère éventuel ou non d'une obligation juridique à un moment précis, est de savoir si l'obligation juridique existe à ce moment précis ou si elle ne naîtra qu'au moment où surviendra un événement qui pourrait ne pas se produire. Par exemple, la décision Winter établit que lorsque le produit de la vente d'un actif est imposable, l'obligation de payer l'impôt est une obligation éventuelle tant que l'actif n'est pas vendu.

Enfin, le juge Sharlow a abordé la question du risque de recouvrement d'une créance comme suit :

Par exemple, dans le cas d'une incertitude se rapportant à un paiement, un contribuable peut contracter une obligation alors qu'il éprouve des difficultés financières, ce qui implique un risque important de défaut de paiement. Toutefois, cette incertitude ne peut signifier que l'obligation n'a jamais été contractée. De même, l'obligation de payer une certaine somme ne devient pas une obligation éventuelle simplement parce que des évènements pourraient se produire qui auraient pour effet de réduire la valeur de l'obligation.

[37]          L'existence de l'obligation de l'appelant de payer au créancier hypothécaire l'intérêt excédentaire ne dépendait pas d'une éventualité future. Si le marché immobilier n'augmentait pas de façon importante, le créancier hypothécaire s'était obligé par contrat à accepter une valeur inférieure à la créance en souffrance en reprenant le bien-fonds, mais il existait toujours une obligation dont l'existence même ne dépendait pas des fluctuations du marché immobilier de l'Alberta.

[38]          L'intimée invoque les affaires Barbican et Global pour affirmer qu'un prêt prévoyant un recours limité constitue bel et bien une obligation éventuelle. Je ne pense pas que ces arrêts vont jusque là. Dans l'affaire Barbican, le juge de la Cour de l'impôt a décidé qu'il n'existait aucune obligation juridique de payer tant que l'une de deux conditions ne serait pas remplie, les conditions étant que les rentrées de fonds nettes excèdent l'intérêt payable ou que la valeur des bien-fonds ait suffisamment crû au moment de la vente. Je ne trouve rien dans les documents en l'espèce qui indique qu'il n'y a pas d'obligation juridique de payer l'intérêt tant que la valeur du bien-fonds n'excède pas la valeur de la créance impayée. Les dispositions pertinentes ne sont pas libellées de cette façon.

[39]          L'affaire Global Communications portait sur un billet à ordre avec recours limité, décrit comme suit par le juge Robertson :

En vertu du billet remis par Global à Technical, les intérêts couraient au taux de 5 % par année et n'étaient pas exigibles avant l'échéance du billet, soit le 29 août 1998 ou la date prorogée, le 29 août 2001. Le recours prévu par le billet se limitait à ce qui pouvait être réalisé sur la vente des données possédées par Global et sur toute concession pétrolière et gazière détenue par Global à l'échéance du billet. Bref, Global ne pouvait pas être poursuivie pour quelque manquement que ce soit en vertu du billet.

[40]          Le juge Robertson poursuit son analyse comme suit :

En l'espèce, le billet avec recours limité constitue une dette éventuelle puisqu'il ne devient exigible que dans la mesure où des revenus de permis sont réalisés, ce qui, par définition, est un événement incertain. Il ne fait aucune doute qu'il existe une dette sous-jacente relativement à l'achat par Global des données sismiques. Il est également vrai que Global assumera une responsabilité personnelle relativement aux revenus de permis réellement reçus. Jusqu'à la réception de ces revenus, toutefois, l'obligation de Global de payer le produit et, en bout de ligne, le solde du prix d'achat, est éventuelle. Naturellement, le droit fiscal ne permet pas la déduction d'une dépense qui peut ne jamais devoir être défrayée.

[41]          Cela ne correspond pas à la situation en l'espèce. Postel pouvait exiger à tout moment le versement de l'intérêt excédentaire. L'appelant, s'il en avait été capable, aurait pu le payer, aurait pu emprunter à Postel pour le payer, ou aurait pu remettre son domaine à bail à Postel. Si l'appelant avait adopté cette dernière solution et avait cédé un bien-fonds dont la valeur suffisait pour couvrir le capital et une partie de l'intérêt, le résultat aurait-il été un profit fortuit pour l'appelant, c'est-à-dire que l'appelant aurait-il pu déduire des frais d'intérêts qu'il n'avait en fin de compte pas payés? Non, car les règles sur les remises de dettes figurant à l'article 80 auraient eu pour effet de redresser l'incidence fiscale de l'intérêt déduit auparavant.

[42]          En refusant la déductibilité de l'intérêt sous prétexte qu'une hypothèque avec recours limité crée une obligation éventuelle, on ouvre la porte à refuser la déductibilité de l'intérêt à tous les débiteurs hypothécaires. À titre d'exemple, quel est le résultat si l'intérêt est exigible, on refuse de permettre qu'il soit déduit, et le bien-fonds est subséquemment vendu, la majorité de l'intérêt exigible étant payé à même le produit de la vente? L'intérêt versé pendant l'année de la vente ouvre-t-il droit à une déduction conformément à l'alinéa 20(1)c)? Dans cette situation, pour pouvoir invoquer l'alinéa 20(1)c), il faudrait que le contribuable utilise normalement la méthode de la comptabilité de caisse. On peut arguer qu'un versement d'intérêt exigible pendant l'année de la vente ne revient pas à utiliser la méthode de la comptabilité de caisse. Cela mènerait à une situation absurde puisqu'on ne pourrait déduire un versement légitime d'intérêt. Je vois donc un piège potentiel à affirmer qu'un prêt avec recours limité transforme l'obligation relative à l'intérêt en dette éventuelle uniquement.

[43]          Une autre raison pour laquelle il est impossible de croire que l'obligation qui survient tous les 31 décembre est éventuelle concerne le moment où la détermination est faite. Pour décider si l'obligation est éventuelle à un moment donné, il faudrait faire une évaluation de la juste valeur marchande du bien-fonds à ce moment et comparer cette valeur au montant impayé de la dette. Si la valeur du bien-fonds excède le montant impayé de la dette en vertu d'une hypothèque avec recours limité, comment peut-on affirmer qu'il existe une éventualité? En revanche, si la juste valeur marchande est très inférieure au montant impayé de la dette, ce qui correspond à la réalité en l'espèce, le montant d'intérêt annuel à payer peut ou non être recouvré par le créancier hypothécaire. La perspective d'avoir à mener des évaluations immobilières fréquentes pour déterminer à quel point l'endettement est éventuel et donc si l'intérêt est déductible donnerait la chair de poule aux acteurs du secteur immobilier au Canada. Cela m'amène également à la conclusion qu'il ne devrait pas être nécessaire de décider régulièrement si l'obligation relative aux intérêts d'une hypothèque avec recours limité est éventuelle, mais plutôt que cette détermination devrait découler du libellé de l'hypothèque et des circonstances existant à l'époque où celle-ci a été contractée. Il est à présumer qu'à ce moment-là, la dette est inférieure à la valeur du bien-fonds. L'obligation relative aux intérêts ne devrait pas être considérée comme éventuelle à cause de la possibilité d'un affaissement du marché immobilier ou d'une hausse des taux d'intérêt.

[44]          Rien ne donne à croire qu'au moment où cette disposition a été convenue, il existait des circonstances exceptionnelles pouvant faire penser qu'il y avait une fraude relativement à la déductibilité des intérêts. Il s'agit d'une hypothèque avec recours limité; en cas de défaut, le créancier hypothécaire pouvait récupérer le bien-fonds et décider de le vendre ou non. J'estime que l'existence de l'obligation relative aux intérêts ne dépendait pas du droit de forclusion du créancier hypothécaire. Il ne s'agit pas d'une obligation éventuelle.

QUESTION EN LITIGE : Les opérations de décembre 1995 constituent-elles un versement d'intérêt et un emprunt d'un montant égal de capital, de sorte que l'intérêt excédentaire en 1996 et 1997 serait de l'intérêt simple et non de l'intérêt composé?

[45]          Cette question dépend entièrement de la nature juridique véritable des opérations de décembre 1995. S'il s'agissait de versements d'intérêts excédentaires exigibles, alors l'intérêt exigible en 1996 et 1997 n'était pas de l'intérêt sur cet intérêt, mais plutôt de l'intérêt simple et donc déductible. S'il ne s'agissait pas de versements d'intérêts exigibles, alors les obligations relatives aux intérêts de 1996 et 1997 sont des intérêts composés qui ne sont déductibles qu'une fois versés.

[46]          Le point de départ de l'analyse est le libellé suivant de la convention hypothécaire :

                                                [TRADUCTION]

2.              Le débiteur hypothécaire verse au créancier hypothécaire le versement d'intérêt à chaque date de paiement pendant la durée de l'hypothèque. Cependant, si les frais d'intérêts au moment d'une date de paiement excèdent le solde des rentrées de fonds nettes payable au créancier hypothécaire, le montant dudit excédent est exigible et payable au créancier hypothécaire le 31 décembre de chaque année. Lors du versement par le débiteur hypothécaire de l'excédent susmentionné, celui-ci peut demander par écrit au créancier hypothécaire de lui avancer ledit excédent; le créancier hypothécaire avance alors sur-le-champ au débiteur hypothécaire le montant dudit excédent; tout montant ainsi avancé est ajouté au capital.

[47]          Il s'avère donc clairement que Postel s'est engagée à prêter à l'appelant, sur demande, un montant égal au montant de l'intérêt excédentaire versé par l'appelant à Postel. Le document envisage le versement de fonds de l'appelant à Postel, suivi d'un prêt supplémentaire.

[48]          L'appelant a fait des efforts considérables afin que l'opération de décembre 1995 prenne la forme du remboursement d'une dette et de l'engagement d'une autre dette. Il souhaitait s'assurer que les intérêts soient déductibles en contournant l'obstacle de l'intérêt composé[1]. Je suis persuadé que l'appelant et Postel ont pris des dispositions pour que les montants nécessaires (environ 60 000 000 $ canadiens ou 28,8 millions de livres) soient disponibles pour ce que les parties appellent [TRADUCTION] « l'échange de chèques » . L'appelant a obtenu ses fonds par le biais d'un prêt de la Banque CIBC. On ne sait pas où Postel a trouvé son montant de 60 000 000 $, mais il est clair qu'elle l'a fait.

[49]          L'intimée soutient que, puisque les étapes de cet « échange de chèques » dépendaient l'une de l'autre, aucune dette n'a été éteinte; or, il faut qu'une dette soit éteinte pour qu'il y ait un versement. J'ai du mal à voir à quel moment l'appelant ne devait pas exactement 60 000 000 $ à Postel. La dette de l'appelant envers Postel n'a jamais été de 120 000 000 $, non plus qu'elle a jamais été de 0 $. Il y avait une dette impayée continue de 60 000 000 $. Au moment précis où l'appelant a versé 60 000 000 $ à Postel, Postel a versé 60 000 000 $ à l'appelant. Dans l'affaire Cox, la Cour suprême du Canada a indiqué ceci :

L'échange simultané des chèques alors qu'aucun des deux ne devait être honoré, faute de provision suffisante, s'il n'avait été compensé par l'inscription de l'autre, ne peut être considéré que comme une seule opération.

(c'est moi qui souligne)

[50]          Toutefois, l'échange de chèques en l'espèce se distingue de ce cas-là puisque l'appelant et Postel avaient pris des dispositions pour qu'il y ait des provisions suffisantes afin que les chèques (virements télégraphiques) soient honorés, et ils ont effectivement été honorés. Il existe une somme clairement identifiable de 60 000 000 $ de chaque côté de l'opération : il ne s'agissait pas pour chaque partie de compter sur les fonds de l'autre pour honorer son chèque. Si les conditions sont remplies, c'est-à-dire que votre argent est prêt et que mon argent est prêt, l'échange peut avoir lieu. Cela est tout à fait différent de la situation où les parties admettent que ni l'une ni l'autre n'a réellement besoin d'avoir l'argent à sa disposition pour réaliser l'échange.

[51]          Je suis d'accord avec l'intimée que « versement » signifie l'acquittement d'une obligation ou d'une créance, et que dans ce cas il y avait une obligation continue de 60 000 000 $; pourtant, il s'est produit quelque chose pour modifier la nature de cette dette. Ce qui s'est produit, c'est la création de certains rapports juridiques. Dans la récente affaire Singleton, la Cour suprême du Canada a discuté comme suit de la question du rôle des rapports juridiques confrontés aux réalités économiques d'une situation :

Examinant l'argument du ministre selon lequel il faut tenir compte de la réalité économique entourant l'opération et ne pas se sentir lié par ses effets sur le strict plan juridique, le juge McLachlin a reconnu [dans l'affaire Shell Canada c. La Reine] que les tribunaux devaient effectivement tenir compte de la réalité économique entourant une opération. Elle a cependant affirmé ceci (aux par. 39 et 40) :

[N]otre Cour n'a jamais statué que la réalité économique d'une situation pouvait justifier une nouvelle qualification des rapports juridiques véritables établis par le contribuable. Au contraire, nous avons décidé qu'en l'absence d'une disposition expresse contraire de la Loi ou d'une conclusion selon laquelle l'opération en cause est un trompe-l'oeil, les rapports juridiques établis par le contribuable doivent être respectés en matière fiscale...

et, au paragraphe 32 :

Le juge de la Cour de l'impôt a conclu que l'argent avait été utilisé dans le but d'acheter une maison et que « l'échange de chèques » (par. 12) survenu le 27 octobre 1988 ne changeait rien à cet objectif. En toute déférence, je ne partage pas cet avis. C'est cet « échange de chèques » qui définit les rapports juridiques auxquels il faut donner effet.

[52]          Je me retrouve confronté à un dilemme similaire. Je comprends ce que lord Nicholl devait penser quand il a indiqué à la Chambre des lords dans l'affaire MacNiven v. Westmoreland Investments Ltd., [2001] 1 All E.R. 865, 2001 U.K.H.L. 6 :

                                [TRADUCTION]

Mes lords, j'avoue que cet appel m'a mené sur le chemin de Damas, tout comme le juge lord Peter Gibson. En effet, ma première impression, comme la sienne, et qui est restée inchangée pendant un bon moment, c'est qu'un versement composé d'un mouvement circulaire d'argent entre l'emprunteur et le prêteur, effectué sans objectif autre que d'obtenir un avantage fiscal, ne constituerait pas un versement au sens de l'article 338. Mais en fin de compte, j'ai dû me plier à la conclusion contraire.

[...]

Je dois m'expliquer davantage. Dans une situation ordinaire, la source des fonds utilisés par le débiteur pour régler sa dette n'importe pas aux fins de l'art. 338. Il n'est pas important de savoir si le débiteur a utilisé des fonds en caisse, s'il a vendu des biens pour réunir les fonds ou s'il a emprunté. Est-ce qu'il importe si le versement a été effectué grâce à des fonds empruntés de la personne même à qui les arrérages d'intérêts sont dus? En principe, je ne le pense pas. Sauf dans le cas d'opérations frauduleuses, il est possible pour une créance d'être réglée et remplacée par une autre même si les seules personnes qui interviennent dans l'opération sont le débiteur et le créancier.

[53]          L'intimée soutient que l'affaire MacNiven est différente de la nôtre parce que les faits ne démontrent pas qu'il y ait eu une seule opération, puisque le prêteur dans ce cas ne semblait pas rattacher de conditions au prêt. L'intimée affirme que l'échange entre appelant et Postel était [TRADUCTION] « une seule transaction en réalité » . Je crois que l'intimée tente d'invoquer le critère de la réalité économique, ce qui n'est pas approprié vu les observations du juge Major dans l'affaire Singleton. J'estime que ce qui s'est passé en décembre 1995 entre l'appelant et Postel constituait effectivement le versement de l'intérêt excédentaire exigible et donc que l'intérêt excédentaire en 1996 et 1997 n'était pas de l'intérêt composé.

QUESTION EN LITIGE : L'appelant avait-il une attente raisonnable de profit relativement au projet?

[54]          Je ne peux concevoir de meilleur exemple que la présente cause pour illustrer les faiblesses du critère souvent décrié de l'attente raisonnable de profit. En appliquant ce critère, l'intimée conclut que l'exploitation d'un immeuble de bureaux valant plusieurs millions de dollars pendant une longue période ne constitue pas une entreprise à des fins fiscales. Un examen de tous les signes possibles d'une entreprise produirait une réponse indéniablement affirmative : ce projet était bien une entreprise. Le temps que les copropriétaires y ont consacré, la durée de l'existence de l'immeuble, l'ampleur des capitaux investis, la tenue de comptes et de documents comptables, la structure organisationnelle, le comportement des copropriétaires montrant qu'ils exploitaient une entreprise, l'absence de tout élément personnel de l'appelant et l'encaissement par l'appelant d'environ 5 750 000 $ tirés du projet pendant une période de 25 ans : tout cela ne sont que quelques-uns des facteurs permettant de conclure qu'une entreprise existait effectivement. Et pourtant, l'affaire Moldowan montre le bout de son nez, on doit soumettre le projet au critère de l'attente raisonnable de profit, et l'intimée conclut qu'il n'y satisfait pas. Il m'est impossible de concevoir que le juge en chef Dickson ait pu avoir l'intention de dépouiller un tel projet de son caractère d'entreprise ou de son statut de « source » .

[55]          Toutefois, en attendant de nouvelles directives de la Cour suprême du Canada, je me vois forcé de me pencher sur les facteurs pouvant retirer une entreprise légitime de l'application des dispositions fiscales de la Loi de l'impôt sur le revenu parce qu'elle ne satisferait pas au critère de l'attente raisonnable de profit. Ces facteurs sont les pertes et profits antérieurs de l'appelant, les motifs de l'appelant, le potentiel du projet à gagner un profit, et la nature et le stade de développement de l'entreprise. Puisque le recours au critère de l'attente raisonnable de profit ne figurait pas dans la nouvelle cotisation et n'a été soulevé que dans les actes de procédure de l'intimée, il appartient à l'intimée de prouver que l'appelant n'avait aucune attente raisonnable de profit. L'appelant a plaidé, en citant l'affaire Kuhlmann, que l'intimée devait prouver que l'attente de profit était irrationnelle, absurde ou ridicule. Je suis d'accord avec l'analyse de l'arrêt Kuhlmann faite par le juge Bowman dans l'affaire Cober, [2001] 3 C.T.C. 2152, 2001 A.C.I. no 311, à l'effet que l'arrêt Kuhlmann n'établit pas un tel principe.

[56]          L'intimée n'a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que l'appelant n'avait pas d'attente raisonnable de profit. L'intimée affirme, dans ses observations écrites :

                                [TRADUCTION]

Le poids des facteurs qui montrent qu'il n'y avait pas d'attente raisonnable de profit (et même qu'il n'y avait pas d'intention de tirer de profit) suffit pour qu'on décide qu'il n'y avait pas d'attente raisonnable de profit.

Pourtant, les seuls facteurs soulevés dans l'argumentation de l'intimée sont les suivants :

1.                     Aucun profit n'a été déclaré depuis 1974.

2.                     Aucune démarche significative n'a été entreprise pour rentabiliser le projet.

Dans un projet dont on anticipe qu'il durera un siècle, l'absence de profit pendant le premier quart de l'existence du projet immobilier, compte tenu de la volatilité tant du marché immobilier en Alberta que des taux d'intérêt, ne peut être le seul facteur permettant de déterminer l'attente de profit d'un homme d'affaires. L'intimée n'a pas démontré que la motivation de l'appelant était autre que celle de tirer un profit au cours de la durée de vie du projet. D'après le témoignage de l'appelant lors de son interrogatoire préalable, il prévoyait rembourser l'hypothèque en une quinzaine d'années, bien qu'il ait ensuite affirmé, au cours de ce même interrogatoire préalable, que cela pourrait prendre jusqu'à 30 ans. Même si la période de remboursement a beaucoup augmenté, l'un dans l'autre la preuve reste compatible avec une attente de remboursement éventuel de l'hypothèque, accompagné d'une attente de profit.

[57]          En ce qui concerne l'affirmation de l'intimée qu'aucune démarche significative n'a été entreprise pour rentabiliser le projet, l'intimée n'a pas donné d'exemples de telles démarches. Au milieu des années 1990, l'appelant a pris quelques mesures en négociant un taux d'intérêt plus faible et en accroissant les rentrées de fonds nettes vers Postel. Cela pourrait être interprété comme une démarche pour assurer la survie du projet, mais c'est également une décision d'affaires de bon sens que ni l'intimée, ni moi-même ne devrions remettre en question. L'un des éléments de preuve présenté à l'audience était une prévision illustrant un remboursement de l'hypothèque au cours des 41 prochaines années. Je conviens que cette prévision était fondée sur un taux négocié de 4,25 pour cent, mais cela me donne tout de même à penser que contrairement à l'affirmation de l'intimée, l'appelant a pris des moyens en vue de sauver le projet et d'en tirer un profit.

[58]          La nature et l'évolution de l'entreprise du milieu à la fin des années 1990 étaient celles d'un immeuble de bureaux établi ayant du mal à survivre et d'un propriétaire qui ajustait ses attentes en vue d'une rentabilisation à plus long terme, tout en gardant une attente de profit. Je conclus que l'appelant exploitait une entreprise, et qu'à des fins fiscales, cette entreprise avait une attente raisonnable de profit.

QUESTION EN LITIGE : Les dispositions générales anti-évitement permettent-elles au ministre de ne pas tenir compte du versement prétendu d'intérêt en 1995 et de l'emprunt d'un montant égal à titre de capital?

[59]          Je me retrouve donc au seuil des DGAÉ dans une cause qui m'invite à ouvrir la porte et à appliquer ces dispositions en faveur de l'intimée. Toutefois, lorsqu'elles sont mises en application de la façon préconisée par le juge Rothstein dans l'affaire OSFC, le résultat n'est pas inévitable. En effet, quoique je ne puis échapper à la conclusion que ces opérations étaient des opérations d'évitement en vertu du paragraphe 245(3) de la Loi, elles échappent à l'application du paragraphe 245(2) par la grâce du paragraphe 245(4), puisque ce ne sont pas des opérations d'évitement qui entraînent des abus dans l'application de la Loi lue dans son ensemble. J'expose les raisons pour lesquelles j'arrive à cette conclusion.

[60]          Il n'est pas nécessaire de se soumettre aux premières étapes de l'analyse des DGAÉ tel qu'exposé par le juge Rothstein, puisque l'appelant reconnaît que le dispositif constituait une opération d'évitement. La seule question pertinente ici est celle de l'application du paragraphe 245(4). Le juge Rothstein propose l'analyse suivante :

J'estime donc que pour refuser un avantage fiscal, alors que la Loi a été rigoureusement respectée, pour le motif que l'opération d'évitement constitue un abus, il faut que la politique générale pertinente soit claire et non ambiguë.

et :

Si le Parlement n'a pas fait preuve de clarté et d'absence d'ambiguïté à l'égard de la politique générale qu'il envisageait, la Cour ne saurait décider qu'il y a eu abus [...]

et :

Le rôle de la Cour se limite à dégager une politique générale pertinente, claire et non ambiguë de manière qu'elle puisse alors décider si les opérations d'évitement en question sont contraires à cette politique, constituant alors un abus dans l'application des dispositions de la Loi lue dans son ensemble, compte non tenu de la RGAÉ.

et :

Si, par suite des règles et des exceptions prévues par la Loi, on ne peut dégager une politique générale pertinente claire et non ambiguë, j'accepterais l'argument de l'appelante selon lequel l'application des dispositions législatives doit l'emporter.

et :

À cette étape de l'analyse, aucun fardeau ne pèse sur l'une ou l'autre des parties. Toutefois, dans une perspective pratique, le ministre doit faire beaucoup plus que de citer simplement le texte du paragraphe 245(4), et d'alléguer qu'il y a eu abus. Le ministre doit énoncer la politique générale en mentionnant les dispositions de la Loi ou les moyens extrinsèques sur lesquels il s'appuie.

[61]          Quelle politique l'intimée a-t-elle dégagée, puisqu'il revient clairement au ministre d'énoncer une politique? Je cite les paragraphes 63 et 64 des observations écrites de l'intimée :

                                [TRADUCTION]

63.                  En outre, la politique de la Loi dans son ensemble relativement à la déductibilité des intérêts doit tenir compte des facteurs suivants. L'alinéa 20(1)c) permet de déduire, dans le calcul du revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien, l'intérêt payé ou payable au cours de l'année. Une disposition spécifique est requise à l'égard d'une telle déduction parce que les tribunaux ont affirmé que les paiements d'intérêts sont à titre de capital. En l'absence d'une disposition législative autorisant la déduction, les intérêts ne pourraient être déduits du revenu à cause de la limite générale concernant les dépenses en capital qui se trouve à l'alinéa 18(1)b) de la LIR. Les dispositions législatives édictées par le Parlement autorisent la déduction de l'intérêt simple selon la méthode de la comptabilité d'exercice et la déduction de l'intérêt composé après son versement seulement.

64.                  La politique de la LIR relativement aux intérêts peut également être dérivée d'un examen de l'article 80, qui porte sur les remises de dettes. L'alinéa 80(2)b) s'applique aux montants d'intérêt remis pour lesquels des déductions ont été faites mais aucun versement n'a été effectué. Étant donné que l'intérêt composé n'est pas déductible à moins d'avoir été versé, ces dispositions ne s'appliquent pas à l'intérêt composé remis mais impayé. La politique de la Loi est que l'intérêt composé doit être versé pour être déductible. Les opérations d'évitement en question constituent un abus de cette politique.

[62]          Il m'est impossible de dériver une politique identifiable de cet argument. Il s'agit tout simplement d'une répétition de ce que la Loi elle-même affirme, c'est-à-dire que l'intérêt simple peut être déduit qu'il soit payé ou payable, alors que l'intérêt composé doit être versé pour être déductible. Cela n'est pas un énoncé de la politique sous-jacente, mais un résumé de la Loi. L'intimée ne m'a pas renvoyé à des références pouvant m'aider à comprendre pourquoi le gouvernement a permis la déduction de l'intérêt simple payable alors que l'intérêt composé ne peut être déduit que s'il est versé. Quelle est la politique? Il ne m'appartient pas de faire des suppositions : il revient à l'intimée de m'exposer une politique claire et sans ambiguïté. Elle ne l'a pas fait. Il m'est donc impossible de déterminer qu'il y a eu un abus en vertu du paragraphe 245(4) de la Loi. Par conséquent, le paragraphe 245(2) ne s'applique pas aux opérations d'évitement de l'appelant.

[63]          L'appelant s'est délibérément appuyé sur le caractère sacré des rapports juridiques, lesquels ne peuvent être déjoués par les réalités économiques d'une situation, pour atteindre son but. J'estime que la législation soutient effectivement sa position, et quoique les DGAÉ puissent constituer l'arme ultime du gouvernement pour mettre en échec ces rapports juridiques, dans le cas présent, l'application des DGAÉ est tout simplement sans effet.

[64]          L'appel est admis et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelant peut déduire les intérêts aux montants de 1 455 089 $ et 1 388 612 $ à l'égard des années d'imposition 1996 et 1997 respectivement, et qu'il peut également déduire des pertes autres qu'en capital datant de 1992 et 1993 au montant de 631 402,63 $ à l'égard de l'année d'imposition 1996.

[65]          L'appelant a droit à des dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d'avril 2002.

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 10e jour de janvier 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-3636(IT)G

ENTRE :

FREDERICK W. HILL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 14 février 2002 à Winnipeg (Manitoba) par

l'honorable juge Campbell J. Miller.

Comparutions

Avocats de l'appelant :                        Me Ian Gamble

                                                                                Me Warren J. A. Mitchell

Avocats de l'intimée :                           Me Robert Gosman

                                                                                Me Jeff Pniowsky

JUGEMENT

                Les appels interjetés à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996 et 1997 sont admis et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci-joints.

                Les dépens sont accordés à l'appelant.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d'avril 2002.

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 10e jour de janvier 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1]           Dans sa note de service du 18 décembre 1995 à l'appelant, Bill Berezan affirme : [TRADUCTION] « Une autre idée que j'ai eue, ce serait d'échanger des chèques pour le montant total de l'intérêt (pas uniquement l'intérêt composé) afin d'éviter pour toujours la possibilité que Revenu Canada dise que c'était seulement à titre d'intérêt simple plutôt que d'intérêt composé » .

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