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Référence : 2005CCI651

Date : 20051025

Dossier : 2004-4528(IT)I

ENTRE :

LAWRENCE WATTS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Pour l'appelant : l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée : Me Michael Appavoo

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MOTIFS DU JUGEMENT

(Révisés à partir de la transcription des motifs du jugement

rendus oralement à l'audience à

Toronto (Ontario), le 15 septembre 2005.)

Le juge Sarchuk

[1]      Dans le calcul du revenu pour les années d'imposition 2000 et 2001, l'appelant a cherché à déduire les pertes de Mircom Business Services ( « Mircom » ), dont les principaux produits ou services étaient la consultation et la négociation. Les dépenses que l'appelant a initialement tenté de déduire pour les années en question totalisaient respectivement 76 107,38 $ et 61 469,03 $. Il a subséquemment porté ces montants à 83 724,94 $ et à 61 469,03 $. Les dépenses refusées par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) dans la détermination des pertes d'entreprise nettes subies pour les années en cause se chiffraient respectivement à 35 796,74 $ et à 27 475,61 $. Au début du procès, l'appelant a fait savoir qu'il ne contestait plus le refus des dépenses susmentionnées.

[2]      Dans la nouvelle cotisation, le ministre a aussi refusé d'accorder la déduction réclamée par l'appelant des dépenses suivantes : des [traduction] « traitements, salaires et prestations » d'un montant de 7 231 $ pour l'année d'imposition 2000 et des [traduction] « frais d'administration » d'un montant de 7 412 $ pour l'année d'imposition 2001, lesquels ont été refusés parce qu'ils avaient été payés au fils de l'appelant, qui avait 6 et 7 ans pendant les périodes visées. De plus, le ministre a ramené de 21 480,56 $ à 2 217,91 $ et de 21 382 $ à 2 505,97 $ les montants des frais afférents à un véhicule à moteur dont l'appelant a demandé la déduction pour les années en cause au motif qu'il s'agissait de frais personnels.

[3]      Je trancherai d'abord la question concernant le salaire de 7 231 $ et de 7 412 $ que l'appelant affirme avoir payé à son fils pendant les deux années d'imposition en cause. Dans son témoignage, l'appelant a affirmé :

[traduction]

« Le travail fait pendant cette période consistait à insérer des documents dans des enveloppes aux fins d'expédition, à collecter des documents servant à de la recherche, à effectuer du classement simple et à apposer de timbres sur des enveloppes. Ces tâches étaient accomplies régulièrement pendant l'année. Il s'agissait évidemment de travail qu'il était capable d'exécuter, et il le faisait à longueur d'année. Je n'ai rien d'autre à ajouter. »

Au cours du contre-interrogatoire, lorsqu'on a demandé à l'appelant quel type de classement son fils était capable de faire, il a affirmé :

[traduction]

« Il était capable d'effectuer du classement simple. J'avais différents types de dossiers. En fait, il ne mettait pas les documents dans les dossiers, mais il les classait, je ne suis pas certain du terme à employer, dans des paniers. Il rangeait différents documents dans des paniers sur le pupitre pour les classer. »

Interrogé au sujet de la nature de ces documents, il a répondu :

[traduction]

« Il s'agissait de différentes choses. Certaines d'entre elles étaient simplement des documents pour lesquels je lui donnais des consignes, que j'avais triés moi-même et qui devaient être mis de côté pour différentes raisons. Il ne faisait de classement complexe, comme du classement alphabétique, mais il déplaçait des documents complétés d'une zone à couleur indicative à une autre, une tâche assez simple. »

L'appelant a aussi affirmé que son fils lui apportait des documents dont il avait besoin pour effectuer de la recherche. Il a reconnu que son fils n'était pas capable de repérer un document précis, mais qu'il se contentait de [traduction] « ramener le panier afin que je puisse le retirer moi-même » .

[4]      À la question de savoir comment l'appelant établissait le salaire de son fils, il a répondu : [traduction] « Eh bien, je lui payais simplement une somme fixe d'environ 600 $ par mois » , qui :

[traduction]

« n'était pas établie en fonction d'un nombre précis d'heures de travail. Évidemment, s'il travaillait, en moyenne, quatre à cinq heures par semaine, cette somme était fondée sur environ vingt heures de travail par semaine, pardon, je veux dire vingt heures de travail par mois. »

Lorsqu'on a demandé à l'appelant comment son fils était payé pour les services qu'il fournissait, il a affirmé :

[traduction]

« Nous lui payions des sommes que nous mettions de côté pour lui dans des comptes de placement à différents moments »

et il a ajouté qu'il donnait [traduction] « toujours » à son fils de l'argent comptant, qui était utilisé pour :

[traduction]

« tout ce que les enfants achètent avec de l'argent comptant [...] Des jouets et des choses semblables. Qu'est-ce qu'un enfant de six ou sept ans fait avec de l'argent comptant? »

À la question de savoir si son fils touchait cet argent en plus de son [traduction] « salaire » , l'appelant a répondu :

[traduction]

« En général, tout finissait par s'arranger, l'argent finissait par être inclus »

et interrogé au sujet du sens de l'expression [traduction] « s'égalisait » , il a affirmé :

[traduction]

« Eh bien, je ne mettais pas de côté 600 $ pour lui tous les mois »

et il a reconnu qu'il établissait un montant rétroactivement à la fin de l'année. Aucun relevé des comptes mentionnés ci-dessus n'a été produit.

[5]      J'admets que le fils de l'appelant accomplissait quelques fonctions mineures pendant la période en cause, mais je constate aussi que même les tâches simples qu'il réalisait étaient exécutées selon les directives de son père et sous sa supervision. D'après le témoignage de l'appelant au sujet de la nature de l'emploi de son fils, celui-ci accomplissait quelques fonctions marginales dont l'appelant n'a tenu aucun registre. Que son employé fût son enfant, son conjoint ou sa conjointe, l'appelant aurait dû tenir pour lui un registre semblable à celui qu'il aurait tenu pour un employé avec lequel il n'aurait aucun lien de dépendance. L'absence de registre fait en sorte que la Cour ne peut qu'émettre des hypothèses au sujet de la quantité de travail réellement effectuée, du nombre d'heures travaillées ainsi que de la qualité et, surtout, de la valeur du travail exécuté. Compte tenu du témoignage de l'appelant et de l'absence totale de toute preuve à l'appui, je ne peux pas conclure que les sommes payées à son fils étaient proportionnées aux services que celui-ci avait censément fournis. En fait, bien que je ne sois pas certain de l'exactitude de mon calcul, la preuve présentée par l'appelant porte à croire que le [traduction] « salaire » que son fils touchait en contrepartie des services décrits ci-dessus correspondait à environ 25 $ l'heure. À mon avis, ce salaire ne cadrait pas avec la nature des services fournis par le fils de l'appelant et dépassait largement le montant du salaire qui lui aurait raisonnablement été payé si les parties n'avaient pas eu de lien de dépendance.

[6]      Je me pencherai maintenant sur la demande de déduction des frais afférents à un véhicule à moteur. L'appelant a témoigné que le véhicule était utilisé [traduction] « à des fins commerciales » dans une proportion de 87 p. 100 du temps. Il a aussi expliqué comment il avait établi ce pourcentage :

[traduction]

« Habituellement, je me déplace en voiture pendant la semaine, lorsque je travaille, et non la fin de semaine, lorsque je ne travaille pas. »

Il a mentionné que le nombre de kilomètres parcourus pendant la semaine était presque nul parce qu'il utilisait un autre « véhicule familial » , et, par conséquent,

[traduction]

« j'ai simplement tenu compte du temps de conduite et je me suis servi d'un chiffre qui correspondait selon moi à un pourcentage raisonnable du nombre de kilomètres parcourus pour affaires. »

[7]      Bien que l'appelant ait allégué qu'il s'est servi du véhicule pour visiter des clients dans une proportion de 87 p. 100 du temps, il n'a pas produit de liste des clients visités, de carnet de route quotidien ou de registre semblable pour appuyer son affirmation. Il a aussi reconnu que le revenu qu'il a tiré de cette source pour 2000 se chiffrait à environ 2 500 $, et, au cours du contre-interrogatoire, l'échange suivant a eu lieu :

[traduction]

Q.     « Alors, M. Watts, vous affirmez que vous vous déplaciez pour visiter des clients trois ou quatre fois par jour, cinq jours par semaine, que vous étiez payé en fonction des services rendus et que vous ne faisiez que 2 500,00 $ par année? »

R.     « J'affirme que ce temps était consacré à la recherche de nouveaux clients, et pas nécessairement à l'exécution de services pour les clients, mais, en fait, à la recherche de nouveaux clients. »

Q.     « Et vous avez travaillé pour combien de clients en 2000? »

R.     « Je crois avoir eu environ deux clients. »

Q.     « Et en 2001, c'était le même nombre? »

       

R.     « Environ, je pense. Oui. »

[8]      Je ne crois pas que ce soit une tâche particulièrement onéreuse pour un particulier qui réclame la déduction des frais afférents à un véhicule à moteur ou des dépenses d'emploi de tenir un registre de ses déplacements d'affaires et du nombre de kilomètres parcourus, ainsi que de garder des reçus ou un carnet de route. Les articles pertinents de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) sont explicites et énoncent la formule qui doit être employée par les contribuables qui souhaitent demander la déduction de tels frais. Et, très franchement, lorsque cette formule n'est pas respectée, il est évidemment difficile pour un contribuable de se souvenir du nombre de kilomètres parcourus au cours de ses déplacements d'affaires et du nombre de fois que l'automobile a servi à d'autres fins, ainsi que de fournir à la Cour une ventilation qui repose sur un élément de preuve quelconque. L'appelant n'a pas pris ces mesures, et la preuve qui m'est présentée, même si j'adoptais une attitude ouverte et libérale, ne me permet pas de trancher en sa faveur. L'appelant a affirmé que la seule manière dont il pouvait répondre à la question au sujet de l'usage de l'automobile était [traduction] « de vous donner ma parole que les dépenses ont été engagées à de telles fins. Je ne dispose pas de preuve documentaire. » Ceci est insuffisant.

[9]      Quant à l'absence de preuve documentaire à l'appui de la cause d'un appelant, la Cour a renvoyé à plusieurs reprises au paragraphe 230(1) de la Loi, qui stipule :

230(1) Quiconque exploite une entreprise et quiconque est obligé, par ou selon la présente loi, de payer ou de percevoir des impôts ou autres montants doit tenir des registres et des livres de comptes [...] dans la forme et renfermant les renseignements qui permettent d'établir le montant des impôts payables en vertu de la présente loi [...]

Le non-respect de cette disposition ne constitue pas un motif suffisant pour rejeter un appel, mais il est susceptible de nuire à la capacité de l'appelant de s'acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe, c'est-à-dire d'établir que, selon la prépondérance de la preuve, la nouvelle cotisation est erronée. Il en est ainsi en particulier dans le cas des frais afférents à un véhicule à moteur, puisque la Loi comprend nombre de dispositions portant sur différents usages, sur ce qui est nécessaire et ce qui ne l'est pas, et même sur l'usage d'une automobile mise à la disposition d'un contribuable par un employeur à la fois à des fins commerciales et personnelles. Les articles en question font partie de la Loi et ils établissent clairement les obligations du contribuable. Si le contribuable décide de ne pas observer le paragraphe 230(1) de la Loi et, subséquemment, s'appuie uniquement sur sa mémoire pour déterminer dans quelle proportion l'automobile a servi à des fins commerciales, c'est insuffisant. Ça n'a jamais été suffisant et ça ne changera pas. Si un contribuable ne tient pas compte des exigences de la Loi, il se retrouvera dans la même position que M. Watts aujourd'hui. La seule conclusion à laquelle on puisse arriver est que la preuve à l'égard des deux points en litige est loin d'être adéquate et ne permet pas d'établir le droit de l'appelant aux déductions qu'il réclame.

[10]     Par conséquent, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour d'octobre 2005.

« A.A. Sarchuk »

Juge Sarchuk

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de mai 2006

Jean David Robert, traducteur


RÉFÉRENCE :

2005CCI651

N º DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-4528(IT)I

INTITULÉ :

Lawrence Watts et

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 15 septembre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge A.A. Sarchuk

DATE DU JUGEMENT :

Le 23 septembre 2005

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Michael Appavoo

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

s.o.

Cabinet :

s.o.

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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