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Dossier : 2001-2505(IT)G

ENTRE :

GUY TREMBLAY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appels entendus le 18 mars 2005 à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Marc Bouchard

Avocat de l'intimée :

Me Martin Gentile

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JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1991, 1992, 1993, 1994 et 1995 sont rejetés, avec dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d'octobre 2005.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


Référence : 2005CCI277

Date : 20051024

Dossier : 2001-2505(IT)G

ENTRE :

GUY TREMBLAY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bédard

[1]      Dans ces appels, interjetés selon la procédure générale, il s'agit de déterminer :

i)         si le ministre du Revenu national (le « ministre » ) était en droit d'établir une nouvelle cotisation à l'encontre de l'appelant pour chacune des années d'imposition 1991 à 1995, malgré l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation;

ii)        si l'imposition d'une pénalité à l'encontre de l'appelant pour ces mêmes années d'imposition à l'égard d'une déduction à titre de pension alimentaire pour les années en cause était justifiée. Je tiens à souligner que l'appelant ne conteste pas qu'il n'avait pas droit à des déductions à titre de pension alimentaire pour les années en cause.

[2]      Les faits sur lesquels le ministre s'est fondé pour établir les cotisations pour les années en cause sont énumérés au paragraphe 10 de la Réponse à l'avis d'appel :

a)          Une enquête interne concernant certains employés du Centre fiscal de Jonquière a révélé que ceux-ci avaient mis sur pied un stratagème qui consistait à faire bénéficier à certaines personnes, dont l'appelant, de remboursements d'impôt frauduleux;

b)          Avec l'aide d'un complice d'un employé du Centre fiscal de Jonquière, l'appelant a bénéficié au cours des années en litige de remboursements d'impôt auxquels il n'avait pas droit;

c)          L'appelant a bénéficié de déductions à titre de pension alimentaire de 13 500 $ pour les années d'imposition 1991, 1992, 1993 et 1994 et de 7 500 $ pour l'année d'imposition 1995;

d)          L'appelant n'a pas versé de pension alimentaire au cours des années d'imposition 1991, 1992, 1993, 1994 et 1995;

e)          À l'égard des années d'imposition en litige, l'appelant a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire ou a commis une fraude en produisant ses déclarations de revenus ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu;

f)           À l'égard des déductions refusées pour les années d'imposition en litige, l'appelant a fait sciemment, ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de revenus pour les années d'imposition en litige, ou y a participé, consenti ou acquiescé.

Témoignage de l'appelant

[3]      L'appelant a relaté qu'il oeuvrait en informatique en 1997. Il préparait et produisait lui-même ses déclarations fiscales. Vers le début du mois de février 1997, il a rencontré son frère, Jean Tremblay, qui lui aurait alors fait part qu'un de ses confrères de travail, Guy Joncas, connaissait des fonctionnaires du ministère du Revenu du Canada à Jonquière qui offraient aux particuliers un service de révision de déclarations fiscales. Jean Tremblay aurait alors dit à son frère qu'il avait bénéficié lui-même de ces services de révision quelques mois auparavant et qu'il suffisait tout simplement de donner son numéro d'assurance sociale. Voulant bénéficier de ce service, l'appelant a alors donné à son frère son numéro d'assurance sociale. L'appelant a témoigné qu'il avait avisé son frère qu'il ne voulait pas que ces déclarations fiscales soient modifiées avant d'avoir eu des explications. Il a ajouté qu'il ne connaissait pas Guy Joncas et les fonctionnaires du ministère du Revenu du Canada, qu'il ne les avait jamais rencontrés et enfin qu'il n'avait jamais communiqué avec ces derniers. De plus, l'appelant a ajouté qu'avant de recevoir le chèque de remboursement de 17 254,05 $, son frère Jean ne l'avait absolument pas informé de la contrepartie qu'il devait verser à ces fonctionnaires pour les services de révision. Le témoignage de Jean Tremblay, auquel j'accorde peu de valeur probante en l'espèce, a aussi corroboré le témoignage de l'appelant à cet égard.

[4]      C'est ainsi que, sans avoir signé de document ou de déclaration modifiée, l'appelant recevait, à peine deux semaines plus tard, un chèque de remboursement d'impôt de 17 254,05 $ du gouvernement du Canada. L'appelant a affirmé que ce chèque n'était pas accompagné d'un avis de nouvelle cotisation qui, rappelons-le, indique habituellement la nature des modifications qui donnent lieu à un remboursement. L'appelant s'est dit très surpris de recevoir un chèque d'une telle ampleur non accompagné d'un avis de nouvelle cotisation, d'autant plus qu'il n'avait pas signé de document et de déclaration modifiée.

[5]      Il savait dès lors qu'il y avait anguille sous roche. Il relate qu'à la suite de la réception de ce chèque, il avait immédiatement communiqué avec son frère Jean pour qu'il transmette à Guy Joncas le message qu'il n'encaisserait pas le chèque et qu'il voulait que toutes les démarches et tous les gestes posés dans son dossier fiscal soient annulés. Son frère Jean l'aurait alors rappelé pour lui dire qu'il était trop tard pour faire marche arrière et que s'il insistait trop, « ça pourrait être dangereux » . À la même occasion, son frère Jean lui aurait alors appris que les fonctionnaires qui avaient révisé ses déclarations fiscales exigeaient une ristourne égale à deux tiers du remboursement d'impôt qu'il avait obtenu. Apeuré, l'appelant a encaissé le chèque de remboursement le 26 février 1997 et a transféré 11 000 $ au compte en banque de son frère pour que ce dernier verse la ristourne ainsi exigée.

Analyse

[6]      Àmon avis, il ressort de la preuve et du témoignage de l'appelant que celui-ci, dès la réception du chèque de remboursement, avait des soupçons très sérieux, si ce n'est de la certitude, quant à l'illégalité de l'opération. L'appelant n'était-il pas surpris de recevoir un chèque d'un montant si élevé, non accompagné d'un avis de nouvelle cotisation, d'autant plus qu'il n'avait pas signé de document ou de déclaration modifiée? Les menaces à peine voilées proférées à son égard et l'exigence d'une ristourne d'un montant qui n'avait aucune commune mesure avec le montant normalement exigé pour de tels services avaient, à mon avis, dissipé tout doute qu'il pouvait avoir quant à la légalité de l'opération. En fait, deux questions se posent. Premièrement, est-ce que la version des faits donnée par l'appelant est crédible? Deuxièmement, si tel est le cas, est-ce que l'appelant peut être passible d'une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » )? Autrement dit, est-ce qu'un contribuable qui a fait l'objet de menaces sérieuses peut être considéré comme une personne qui, sciemment, a participé ou consenti à un faux énoncé dans sa déclaration fiscale? Est-ce qu'il doit y avoir une action délibérée du contribuable pour qu'il soit passible d'une telle pénalité?

[7]      D'abord, je souligne le fait qu'un juge n'est pas tenu de croire un témoin qui n'est pas contredit. Sur ce point, je me réfère à la décision de la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Légaré v. The Shawinigan Water and Power Co. Ltd., [1972] C.A. 372. Dans cette affaire, le tribunal énonçait ce qui suit aux pages 373 et 374 :

[...] Mais, les tribunaux ne sont pas tenus de croire les témoins, même s'ils ne sont pas contredits par d'autres témoins. Leur version peut être invraisemblable par suite de circonstances révélées par la preuve ou par suite des règles du simple bon sens. [...]

[8]      La version des faits donnée par l'appelant et par son frère Jean m'a paru tout simplement invraisemblable. D'abord, je tiens à souligner que l'appelant m'a semblé être une personne intelligente, instruite et raisonnable. Pour cette raison, j'ai beaucoup de difficulté à me convaincre que l'appelant ne s'était pas informé auprès de son frère Jean lors de leur première rencontre du coût des services de révision. J'ai encore plus de difficulté à me persuader que monsieur Jean Tremblay, en bon frère, n'avait pas cru bon d'aviser l'appelant notamment du coût astronomique des services de révision offerts par les employés de Revenu Canada. En effet, il ne faut pas oublier que la preuve a révélé que le frère de l'appelant avait bénéficié de tels services de révision quelques mois auparavant et qu'il avait ainsi payé la ristourne astronomique normalement exigée par les maîtres d'oeuvre de ce stratagème. Il m'apparaît possible en théorie mais fort improbable que le chèque de remboursement n'était pas accompagné d'un avis de nouvelle cotisation qui, rappelons-le, indique la nature des modifications qui donnent lieu à un remboursement.

[9]      Enfin, le fait que l'appelant n'ait pas invoqué préalablement (que ce soit dans les avis d'opposition ou dans les avis d'appel) qu'il avait perçu, dans les menaces prétendument proférées par les auteurs du stratagème, des menaces à son intégrité physique n'a qu'ajouté à mes doutes quant à la crédibilité de l'appelant.

[10]     Est-ce que l'appelant était sincère quand il a témoigné qu'il avait voulu que toutes les démarches et tous les gestes pris dans son dossier soient annulés? Est-ce qu'il voulait vraiment se sortir du pétrin dans lequel il était? Pourquoi alors n'a-t-il pas tout au moins consulté un avocat, un fiscaliste, s'il tenait vraiment à se sortir du pétrin dans lequel il était? Pourquoi a-t-il encaissé le remboursement d'impôt auquel il n'avait pas droit? Ces questions sont demeurées sans réponse et ont jeté un sérieux doute sur les véritables intentions de l'appelant.

[11]     Je suis d'avis qu'il ne s'agit même pas d'un cas semblable aux affaires Canada (Procureur général) c. Villeneuve, [2004] CAF 20, 2004 DTC 6077, et Canada (Procureur général) c. Savard, [2004] CAF 150, 2004 DTC 6383, dans lesquelles la Cour d'appel fédérale avait confirmé les pénalités imposées (sur la base de l'aveuglement volontaire des contribuables) à d'autres contribuables ayant participé au même stratagème que l'appelant en l'espèce.

[12]     Je suis plutôt d'avis que l'appelant a tout simplement fait sciemment de faux énoncés dans ses déclarations fiscales et a participé, consenti et acquiescé à ces faux énoncés et je ne vois donc pas l'utilité d'aborder la deuxième question, à savoir s'il doit y avoir une action délibérée du contribuable pour qu'il soit passible d'une telle pénalité.

[13]     Donc, je suis convaincu que l'intimée a établi, selon la prépondérance des probabilités, qu'elle était justifiée d'imposer à l'appelant une pénalité pour chacune des années en cause.

[14]     Les appels sont donc rejetés avec dépens.

Signé a Ottawa, Canada, ce 24e jour d'octobre 2005.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


RÉFÉRENCE :                                   2005CCI277

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2001-2505(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :               GUY TREMBLAY ET SA MAJESTÉ LA REINE

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 18 mars 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Paul Bédard

DATE DU JUGEMENT :                    Le 24 octobre 2005

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

Me Marc Bouchard

Avocat de l'intimée :

Me Martin Gentile

AVOCATE INSCRITE AU DOSSIER :

       Pour l'appelant:

                   Nom :                              Me Marc Bouchard

                   Étude :                             Pouliot L'Écuyer

                                                          Sainte-Foy (Québec)

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario

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