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Date: 20011207

Dossier: 2001-1538-GST-I

ENTRE :

DANIEL TESSIER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel par la voie de la procédure informelle concernant la cotisation dont l'avis est daté du 4 juillet 2000 et portant le numéro 001380007229G0001.

[2]            La question en litige concerne le remboursement du montant prévu à l'article 256 de la Loi sur la taxe d'accise (la " Loi ") relativement à un immeuble d'habitation à logement unique construit par un particulier. Il s'agit de déterminer, au sens du paragraphe 256(3) de la Loi, le premier en date des jours qui sont soit, le jour qui tombe deux ans après le jour où l'immeuble est occupé pour la première fois, ou soit, le jour où la construction de l'immeuble est achevé en grande partie.

[3]            Le paragraphe 256(3) de la Loi se lit comme suit :

256(3)      Demande de remboursement — Les remboursements prévus au présent article ne sont versés que si le particulier en fait la demande dans les deux ans suivant le premier en date des jours suivants :

a)             le jour qui tombe deux ans après le jour où l'immeuble est occupé pour la première fois de la manière prévue au sous-alinéa (2)d)(i);

a.1)          le jour du transfert de la propriété visé au sous-alinéa (2)d)(ii);

b)             le jour où la construction ou les rénovations majeures de l'immeuble sont achevées en grande partie.

[4]            Les faits admis par les parties sont les suivants :

a)              L'appelant est un particulier qui a construit un immeuble d'habitation pour qu'il lui serve de résidence habituelle. Ledit immeuble d'habitation est un duplex, soit un " immeuble d'habitation à logement unique " tel que défini au paragraphe 256(1) de la Loi.

b)             le 3 mai 2000, l'appelant a produit une demande de remboursement de la taxe sur les produits et services pour habitation neuve;

c)              la demande a été produite dans les deux ans à compter de la date qui tombe deux ans après le jour où, avec sa famille, il a commencé à habiter l'immeuble après le début des travaux;

d)             l'immeuble a commencé à être habité au mois de mai 1996;

e)              le logement situé à l'étage supérieur est loué depuis le 1er mai 1996 et a été habité dès les premiers jours de ce mois;

f)              l'appelant habite l'immeuble avec sa famille depuis le 11 mai 1996;

g)             plus de 90 p. 100 de la taxe sur les produits et services qui se rapporte à la demande de remboursement était payable le ou avant le 31 décembre 1997.

[5]            Le ministre du Revenu national (le " Ministre ") a établi qu'en date du 11 mai 1996, le jour où l'appelant a commencé à habiter l'immeuble, les travaux de construction étaient achevés en grande partie, soit dans une proportion d'au moins 90 p. 100 et que l'immeuble était raisonnablement habitable. Donc, selon le Ministre, l'appelant avait jusqu'au 11 mai 1998 pour demander un remboursement pour habitation neuve.

[6]            Il est admis par les parties que le montant de remboursement auquel l'appelant a droit, s'il y a droit, est de 2 051,26 $.

[7]            L'appelant a témoigné. Il a expliqué qu'il avait construit lui-même un duplex. Le logis de sa famille devait comprendre le rez-de-chaussée et le sous-sol. Le logis à louer était à l'étage supérieur. Ce logis a été prêt le 1er mai 1996. Lui-même a occupé le rez-de-chaussée de son logis le 11 mai 1996. Toutefois, il a toujours considéré que son logis n'était pas terminé parce le sous-sol n'était pas complété. Au cours de l'année 1996, il avait acheté les feuilles de placoplâtre et tout ce qui était nécessaire à l'achèvement du sous-sol. Tous ces matériaux se trouvaient dans le sous-sol.

[8]            Le plan de construction avait été approuvé par la ville, mais sujet à ce qu'il y ait un plafond ignifuge entre le rez-de-chaussée et le sous-sol ainsi que certains isolants ignifuges autour de certaines poutres du sous-sol.

[9]            L'appelant et sa conjointe avaient un enfant et ils en désiraient un autre. Le rez-de-chaussée comportait deux chambres à coucher et le sous-sol, deux autres. Dans la perspective de l'appelant, le sous-sol faisait partie intégrante du logis qu'ils occuperaient, et dès le départ le sous-sol devait être complété.

[10]          Le chauffage du logis loué était un chauffage électrique. Le chauffage du logis de l'appelant était à air chaud. En mai 1996, plusieurs conduits de ventilation n'avaient pas encore été posés de façon définitive. En 1997, l'appelant a fait le terrassement extérieur pour les besoins de son enfant. Les travaux extérieurs ont été terminés en mai 1998 à cause des exigences à cet égard des autorités municipales. C'est à l'été 1998, aidé de quelques amis, que l'appelant a complété les travaux du sous-sol. En ce qui concerne la salle d'eau du sous-sol, le tuyau d'égout et les tuyaux d'amenée d'eau avaient déjà été installés mais c'est en 1998 qu'elle a été terminée. C'est aussi à l'été 1998 que les cloisons ont été érigées.

Arguments

[11]          L'avocat de l'intimée fait valoir que le jour où la construction de l'immeuble était achevé en grande partie est le jour même de l'occupation, soit le 11 mai 1996. L'avocat de l'intimée s'est référé à la décision du juge Hamlyn de cette Cour dans Vallières v. The Queen, [2001] T.C.J. No. 528 (Q.L.), et plus particulièrement aux passages suivants :

[TRADUCTION]

[15]          Les termes " achevées en grande partie ", qui figurent à l'alinéa 256(3)b) de la Loi, ne sont pas définis de manière particulière dans la loi.

[16]          L'ADRC se sert du critère préliminaire du 90 p. 100 comme simple règle administrative. Toutefois, ce critère est très imprécis et il a constamment été critiqué. Il n'y a absolument aucun élément sur lequel fonder une telle estimation. Apparemment, l'ADRC peut considérer que les termes " achevées en grande partie " signifient un pourcentage inférieur à 90 p. 100. Cependant, il est improbable qu'un état d'achèvement inférieur à 70 p. 100 puisse correspondre à des travaux " achevés en grande partie " au sens où l'entend la Loi.

[17]          Les règles du 90 p. 100 ou plus doivent toujours être nuancées par le fait qu'il doit être raisonnable pour l'acheteur de pouvoir habiter les lieux. Dans une large mesure, il peut donc y avoir un élément subjectif et il faut tenir compte de l'acheteur en particulier, mais non jusqu'au point où les normes objectives peuvent être écartées.

[18]          Pour qu'un immeuble d'habitation soit achevé en grande partie, il doit pouvoir être utilisé pour les fins pour lesquelles il a été construit.

[19]          Afin de déterminer en quoi consistent des travaux " achevés en grande partie ", il faut procéder à une certaine évaluation fondée sur le sens commun de ce que, selon les faits de l'espèce, une personne raisonnable considérerait comme des travaux achevés en grande partie.

[12]          Il s'est également référé à une autre décision du juge Hamlyn de cette Cour dans Pickering v. La Reine, [2000] G.S.T.C. 1 (T.C.C.), et plus particulièrement aux passages suivants :

[TRADUCTION]

[5]            La construction de l'immeuble était achevée en grande partie vers le 3 septembre 1997. Les appelants ont toutefois soutenu que, le 3 septembre 1997, un appartement qu'ils projetaient d'installer au sous-sol n'était pas commencé et que l'aménagement paysagé n'était pas terminé.

...

[12]          En l'espèce, je conclus que la maison était achevée en grande partie au moment de l'occupation même si l'aménagement paysagé n'était pas terminé et que le sous-sol n'était pas fini pour ce qui est de l'installation d'un appartement. En fait, à la date de l'audience, les appelants n'avaient toujours pas donné suite à leur projet d'aménager un appartement au sous-sol.

[13]          Il s'est aussi référé au mémorandum 19.3.4 d'août 1998, intitulé : " Remboursement pour habitation construite par le propriétaire " explique bien, aux paragraphes 23 et 24, le régime de ce remboursement :

Délais pour présenter une demande de remboursement

23.            Les règles portant sur les délais pour présenter une demande de remboursement ont changé pour les demandes présentées le 23 avril 1996 ou après. En ce qui concerne ces demandes, le particulier peut demander un remboursement pour un immeuble d'habitation à logement unique construit par soi-même ou un logement en copropriété construits par soi-même dans les deux ans suivant le premier en date des jours suivants :

·          le jour qui tombe deux ans après le jour où l'immeuble est occupé pour la première fois par le particulier ou par un de ses proches après le début de la construction de l'immeuble ou des rénovations majeures;

·          le jour où la propriété est transférée en vertu d'une vente exonérée avant l'occupation de l'immeuble;

·          le jour où la construction ou les rénovations majeures sont achevées en grande partie.

24.            Dans le cas d'un immeuble d'habitation qui est occupé pendant qu'il est construit ou rénové en grande partie, le propriétaire peut demander le remboursement dans les deux ans suivant le jour où la construction ou les rénovations majeures sont achevées en grande partie, pourvu que la construction ou les rénovations majeures soient achevées en grande partie deux ans après la date d'occupation. S'il faut plus de temps au propriétaire pour compléter le travail, le délai pour présenter une demande demeure à quatre ans maximum suivant la date d'occupation, mais seule la taxe qui a été payée ou qui est devenue payable dans les deux ans suivant la date à laquelle l'habitation était occupée peut être incluse dans le calcul du montant du remboursement.

[14]          L'appelant a repris la décision du juge Hamlyn dans Vallières (supra), plus particulièrement le paragraphe 18 :

[18]          Pour qu'un immeuble d'habitation soit achevé en grande partie, il doit pouvoir être utilisé pour les fins pour lesquelles il a été construit.

L'appelant fait valoir que sa résidence n'a été achevée que lorsqu'elle a pu répondre au but pour laquelle elle avait été construite et cela a eu lieu lorsque le sous-sol a été achevé.

Analyse

[15]          Je suis d'avis que la preuve a révélé que le plan initial de l'appelant était de construire un logis familial à deux étages. Il ne s'agissait pas d'un plan à étapes chronologiques ou d'un plan éventuel dans un futur indéterminé. L'achèvement du sous-sol était un plan immédiat. Cet achèvement était nécessaire pour réaliser le but que l'appelant avait quand il a entrepris la construction de l'immeuble en question. Les faits qui constatent cet état des choses et cette intention sont l'achat des matériaux au cours des années 1996 et 1997 et le nombre de pièces jugées nécessaires par l'appelant pour les fins de sa famille. Tous les matériaux nécessaires à l'achèvement du sous-sol avaient été achetés avant la fin de l'année 1997 et étaient entreposés dans le sous-sol même. Si l'appelant a fait certains travaux comme le terrassement et le pavage avant de terminer le sous-sol, c'est que les autorités municipales exigeaient la finition immédiate de ces lieux.

[16]          Le jour qui tombe deux ans après le jour où l'immeuble a été occupé pour la première fois par le particulier serait le 11 mai 1998. Le jour où la construction a été achevée en grande partie est en juin ou juillet 1998. Le premier des deux jours est donc le 11 mai 1998. La demande devait être faite dans les deux ans suivant le premier des deux jours précédemment décrits soit le ou avant le 11 mai 2000. La demande de l'appelant a été faite le 3 mai 2000. Donc elle a été faite à l'intérieur du temps prescrit.

[17]          L'appel est accordé.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de décembre 2001.

" Louise Lamarre Proulx "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2001-1538(GST)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 Daniel Tessier et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 23 novembre 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'hon. juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                      le 7 décembre 2001

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                    l'appelant lui-même

Pour l'intimée :                       Me Benoit Denis

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimée :                       Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

2001-1538(GST)I

ENTRE :

DANIEL TESSIER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 23 novembre 2001 à Ottawa (Ontario) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Pour l'appelant :                                            l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                                     Me Benoit Denis

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation de la taxe sur les produits et services établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 4 juillet 2000 et qui porte le numéro 001380007229G0001, est admis, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, selon les motifs du jugement ci-joints.

          L'appelant a droit au remboursement de 2 051,26 $.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de décembre 2001.

" Louise Lamarre Proulx "

J.C.C.I.


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