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Dossier : 2001-3034(IT)I

ENTRE :

KAREN KENNEDY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Appels entendus le 18 juin 2002 à St. Catharines (Ontario)

par : l'honorable juge M. A. Mogan

Comparutions

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :

Me George Boyd Aitken

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JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des cotisations fiscales établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1998 et 1999 sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de mai 2003.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de mars 2004.

Nancy Bouchard, traductrice


Référence : 2003CCI338

Date : 20030515

Dossier : 2001-3034(IT)I

ENTRE :

KAREN KENNEDY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Mogan

[1]      En 1998 et en 1999, l'appelante a reçu certaines sommes de son ex-mari à titre de paiements de pension alimentaire pour enfants. La seule question en litige dans le présent appel est de savoir si l'appelante est tenue d'inclure ces montants dans le calcul de son revenu. L'appelante a choisi la procédure informelle.

[2]      L'appelante a épousé Colin Martin Kennedy ( « CMK » ) en 1979. Deux enfants sont nés de leur mariage : Jamie Colleen (née le 7 janvier 1981) et Jillian Breanne (née le 24 août 1987). L'appelante et CMK se sont séparés en décembre 1990. L'ordonnance du tribunal datée du 26 mars 1991 (déposée sous la cote « A-1 » ), a octroyé à l'appelante la garde des enfants, a accordé à CMK un droit de visite raisonnable à l'égard des enfants et a obligé CMK à payer à l'appelante 80 $ par semaine par enfant pour l'entretien des enfants à partir du 27 février 1991. L'appelante et CMK ont signé, en décembre 1991, un procès-verbal de transaction (déposé sous la cote « A-2 » ) qui, en confirmant les conditions établies dans l'ordonnance du tribunal précédente (déposée sous la cote « A-1 » ), était rédigé de cette façon au paragraphe 4 :

[traduction]

4.          Le montant de la pension alimentaire pour enfants payable en vertu de la présente entente sera augmenté le 26e jour de mars 1992 et chaque année par la suite, selon le facteur d'indexation défini dans la Loi sur le droit de la famille, à savoir l'augmentation proportionnelle de l'Indice des prix à la consommation du Canada pour les prix d'ensemble, tel qu'il est publié par Statistique Canada depuis mars de l'année précédente.

[3]      En septembre 1997, l'appelante a adressé une demande de jugement à la Cour de l'Ontario (Division générale) concernant certaines conditions contenues dans le procès-verbal de transaction (pièce « A-2 » ) qui avait été signé en décembre 1991. Le 24 septembre 1997, la Cour de l'Ontario (Division générale) a rendu un jugement qui, à toutes fins pratiques, contenait les mêmes conditions que le procès-verbal de transaction. Ce jugement de la Cour de l'Ontario est déposé sous la cote « A-3 » en l'espèce. Puisque le jugement a été rendu après le 30 avril 1997 et qu'il exigeait le versement d'une pension alimentaire exclusive aux enfants, l'appelante a conclu qu'elle n'était pas tenue d'inclure, dans son revenu, les sommes reçues de CMK pour l'entretien de ses enfants.

[4]      Lorsque l'appelante a produit sa déclaration de revenus de 1997, elle n'y a pas inclus les montants de la pension alimentaire pour enfants reçus après le 30 avril 1997. En outre, en produisant les déclarations de revenus de 1998 et de 1999, elle n'y a inclus aucun paiement de pension alimentaire pour enfants. Par Avis de nouvelle cotisation, le ministre du Revenu national a ajouté au revenu déclaré de l'appelante les montants de 8 473 $ pour 1998 et de 12 514 $ pour 1999, ce qui représentait l'ensemble des montants de la pension alimentaire pour enfants que l'appelante avait reçue de CMK pendant les deux années d'imposition respectives. L'appelante a interjeté appel à l'encontre de ces deux Avis de nouvelle cotisation. Les montants ne sont pas contestés. Comme il est indiqué plus haut, la seule question en litige est de savoir si l'appelante est tenue d'inclure les montants reçus comme pension alimentaire pour enfants dans le calcul de son revenu.

[5]      L'appelante a présenté certains documents de Revenu Canada (déposés sous les cotes « A-5 » et « A-7 » ) qui indiquent des points de vue divergents parmi certains employés de Revenu Canada quant à savoir si les montants de la pension alimentaire pour enfants reçus par l'appelante après le 30 avril 1997 devaient être inclus dans son revenu. De plus, déposée sous la cote « R-1 » , une lettre de l'avocat en droit de la famille de l'appelante, datée du 7 octobre 1997, à Niagara Falls, en Ontario, confirme les conseils offerts précédemment selon lesquels la pension alimentaire pour enfants reçue après le jugement (pièce « A-3 » ) daté du 24 septembre 1997 ne serait plus imposable entre les mains de l'appelante.

[6]      Je suis convaincu de la sincérité de l'appelante, lorsqu'elle croyait que les paiements de pension alimentaire pour enfants qu'elle a reçues après le 30 avril 1997 ou le 24 septembre 1997 n'étaient pas imposables. Cependant, la question en litige dans le présent appel n'est pas de savoir ce que croyait sincèrement l'appelante en produisant ses déclarations de revenus de 1998 et de 1999, mais bien ce que la loi exige en l'occurrence dans sa situation.

[7]      En ce qui concerne la pension alimentaire, l'entretien, et les paiements de pension alimentaire pour enfants, la loi relative à l'impôt sur le revenu était, jusqu'à tout récemment, simple et facile à comprendre pour toute personne raisonnable. Les dispositions pertinentes résidaient dans quelques alinéas du paragraphe 56(1) et de l'article 60 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Après la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Thibaudeau, [1995] 2 R.C.S. 627 (95 DTC 5273), certains députés ont décidé, vers 1997 que la simplicité n'était pas un mérite. Par conséquent, la Loi qui se rapporte à la pension alimentaire, à l'entretien et à la pension alimentaire pour enfants a été modifiée de telle sorte qu'elle est devenue compliquée et n'est plus facilement comprise par toute personne raisonnable. Le texte sacré de la modification visait à avantager le bénéficiaire de la pension alimentaire pour enfants en n'incluant pas ces sommes dans le calcul de son revenu et, parallèlement, à augmenter le poids des impôts pour le payeur en n'admettant pas la déduction de ces sommes dans le calcul de son revenu. Les nouvelles dispositions se trouvent aux alinéas 56(1)b) et 60b), ainsi qu'aux articles 56.1 et 60.1. Pour ce qui est de la compréhension, les définitions du paragraphe 56.1(4) et la formule [A-(B+C)] demeurent ardues.

[8]      Les nouvelles dispositions atteignent leur but principal dans les définitions de « pension alimentaire pour enfants » et de « pension alimentaire » au paragraphe 56.1(4).

56.1(4) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et à l'article 56.

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a)          le bénéficiaire est le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b)          le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

« pension alimentaire pour enfants » Pension alimentaire qui, d'après l'accord ou l'ordonnance aux termes duquel elle est à recevoir, n'est pas destinée uniquement à subvenir aux besoins d'un bénéficiaire qui est soit le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur, soit le père ou la mère d'un enfant dont le payeur est le père naturel ou la mère naturelle.

L'alinéa 56(1)b) décrit le genre de paiement de pension alimentaire qui doit être inclus dans le calcul du revenu :

56(1)     Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

            a)          [...]

b)          le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

                               A - (B + C)

où :

A représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue après 1996 et avant la fin de l'année d'une personne donnée dont il vivait séparé au moment de la réception de la pension,

B le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants que la personne donnée était tenue de verser au contribuable aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue de la personne donnée après 1996 et qu'il a incluse dans son revenu pour une année d'imposition antérieure;

[9]      La définition générale de « pension alimentaire pour enfants » (c.-à-d. toute pension alimentaire qui n'est pas destinée uniquement à subvenir aux besoins d'un bénéficiaire adulte) permet une réduction plus généreuse des montants qui doivent être inclus dans le revenu, conformément à la formule de l'alinéa 56(1)b), parce que « B » représente, dans cette formule, le total des paiements de pension alimentaire pour enfants. Ce nouveau régime s'applique à n'importe quel couple qui se sépare et qui, après avril 1997, conclut un accord de séparation ou obtient une ordonnance d'un tribunal. Le nouveau régime peut aussi s'appliquer dans des circonstances particulières à un couple séparé qui, avant mai 1997, a conclu un accord de séparation ou a obtenu une ordonnance d'un tribunal. Ces circonstances particulières sont expliquées dans la définition de « date d'exécution » au paragraphe 56.1(4) :

« date d'exécution » Quant à un accord ou une ordonnance :

a)         si l'accord ou l'ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

b)         si l'accord ou l'ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

(i)          le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l'accord ou de l'ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

(ii)         si l'accord ou l'ordonnance fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

(iii)        si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d'exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

(iv)        le jour précisé dans l'accord ou l'ordonnance, ou dans toute modification s'y rapportant, pour l'application de la présente loi.

[10]     La pièce « A-3 » est le jugement du juge M. P. Forestell de la Cour de l'Ontario (Division générale), daté du 27 septembre 1997, rendu à la suite de la requête de l'appelante conformément aux conditions du procès-verbal de transaction (pièce « A-2 » ). La pièce « R-1 » est une copie de la lettre datée du 7 octobre 1997, adressée à l'appelante par son avocate (Me Wendy L. MacPherson) et rédigée de cette façon :

          [traduction]

À la suite de notre entrevue, en août 1997, et selon vos instructions, nous confirmons que nous avons déposé le procès-verbal de transaction à la Cour de l'Ontario (Division générale) à Welland et que les conditions du procès-verbal de transaction ont été incorporées dans un jugement.

Nous vous faisons parvenir ci-joint la copie du jugement rendu par M. le juge Forestell, le 24 septembre 1997.

Comme nous vous l'avons indiqué précédemment, ce jugement est automatiquement enregistré au Bureau des obligations familiales, qui se chargera d'effectuer le calcul habituel concernant l'indexation des paiements de la pension alimentaire.

Nous confirmons également vous avoir informée précédemment que le jugement, ayant été rendu après le 1er mai 1997, tout paiement de pension alimentaire versé ne sera plus imposable entre vos mains, ni déductible par M. Kennedy.

[11]     Le procès-verbal de transaction (pièce « A-2 » ) a été signé par l'appelante et par CMK en décembre 1991. Je suis convaincu que l'appelante a obtenu le jugement de la Cour de l'Ontario (Division générale) en septembre 1997 (pièce « A-3 » ) en pensant que, la date du jugement se situant après le 1er mai 1997, les paiements subséquents de la pension alimentaire pour enfants seraient libres d'impôt entre ses mains. L'avocate de l'appelante (Me MacPherson) croyait manifestement que ces paiements seraient libres d'impôt, vu le quatrième paragraphe de la lettre citée au paragraphe 10 ci-dessus.

[12]     La pension alimentaire pour enfants que l'appelante a reçue de CMK en 1998 et en 1999 fait l'objet du présent appel. Le jugement de la Cour de l'Ontario daté du 24 septembre 1997 (pièce « A-3 » ) peut-il être admis comme « date d'exécution » concernant ces paiements? La réponse se trouve dans la définition de « date d'exécution » fournie au paragraphe 9 ci-dessus. L'allocation de base de 80 $ par enfant par semaine, plus le rajustement de vie chère du 26 mars 1992 (et de chaque année par la suite) sont déterminés dans le procès-verbal de transaction (pièce « A-2 » ) signé en décembre 1991. Puisque ce procès-verbal a été signé bien avant mai 1997, et que les paiements en question ont été versés conformément au procès-verbal de transaction, le jugement de septembre 1997 (pièce « A-3 » ), étant unique, n'est pas admissible en vertu de l'alinéa a) de la définition de « date d'exécution » .

[13]     En vertu de l'alinéa b) de la définition de « date d'exécution » , il existe quatre conditions pouvant servir à l'établissement d'une date d'exécution pour l'appelante après avril 1997. L'appelante et CMK n'ont jamais présenté de choix conjoint au ministre, de sorte que la condition du sous-alinéa (i) ne peut pas être remplie. La pièce « A-3 » ne modifie pas les montants de la pension alimentaire pour enfants payables à l'appelante, de sorte que la condition du sous-alinéa (ii) ne peut pas être remplie. Aucune entente ou ordonnance subséquente établie après avril 1997 ne modifie le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables, de sorte que la condition du sous-alinéa (iii) ne peut pas être remplie. Aucune entente ou ordonnance ne précise de jour particulier comme la « date d'exécution » aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu, de sorte que la condition du sous-alinéa (iv) ne peut pas être remplie.

[14]     Dans la décision Kovarik c. La Reine, C.C.I., no 2000-4906(IT)I, 27 mars 2001 (2001 DTC 3716), le juge en chef adjoint Bowman tient compte de l'ancien système et du nouveau système de pension alimentaire pour enfants et s'exprime ainsi :

[8]         En vertu de ce que je pourrais décrire comme l'ancien régime (antérieur à mai 1997), les conjoints effectuant des paiements à leurs conjoints dont ils étaient séparés ou à leurs anciens conjoints à titre d'aliments pour les enfants pouvaient déduire ces paiements et les bénéficiaires devaient les inclure dans leur revenu. À la suite de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Thibaudeau c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 627, la loi a changé. Tant qu'un accord antérieur à mai 1997 demeurait inchangé, le système de déduction et d'inclusion en vertu de l'ancien régime prévalait.

[9]         Si un nouvel accord était conclu ou si un ancien accord était modifié d'une manière particulière, le régime de déduction et d'inclusion cessait, et seuls les paiements effectués à la « date d'exécution » , ainsi qu'elle est définie, étaient déductibles par le payeur et devaient être inclus par le bénéficiaire dans son revenu.

[15]     La déclaration ci-dessus décrit succinctement la façon dont la Loi a changé, en 1997, quant à la pension alimentaire pour enfants. En l'espèce, il n'y a eu aucun changement après avril 1997 concernant les sommes reçues par l'appelante à titre de pension alimentaire pour enfants conformément au procès-verbal de transaction signé en décembre 1991 (pièce « A-2 » ). Par conséquent, l'ancien régime a continué de s'appliquer à la pension alimentaire pour enfants que l'appelante a reçue en 1998 et en 1999. Les appels pour les années 1998 et 1999 sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de mai 2003.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de mars 2004.

Nancy Bouchard, traductrice

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