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Référence : 2004CCI626

Date : 20040928

Dossier : 2004-193(IT)I

ENTRE :

ROBERT LECERF,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience

à Edmonton (Alberta), le 18 mai 2004)

[1]      Cet appel, qui a été interjeté sous le régime de la procédure informelle, a été entendu à Edmonton (Alberta) le 18 mai 2004. L'appelant a été la seule personne à témoigner.

[2]      Les faits concernant le litige sont énoncés au paragraphe 4 ainsi qu'aux paragraphes 8 à 16 de la réponse à l'avis d'appel, lesquels sont rédigés comme suit :

[traduction]

4.          À l'égard du paragraphe 7 de l'avis d'appel :

a)          il admet que Rhoda Smith (ci-après « Rhoda » ) a reçu 34 000 $ en l'an 2000;

b)          il nie que Rhoda ait reçu 23 600 $ en 2001;

c)          il déclare que les montants versés à Rhoda Smith provenaient d'un compte bancaire de RDL Equipment Services;

d)          il n'a pas connaissance des faits énoncés dans le reste du paragraphe et il conteste ces faits;

[...]

8.          Dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 2000 et 2001, l'appelant a déduit des pertes locatives de 40 365,46 $ et de 25 182,33 $ respectivement, ce qui comprenait des montants de 34 000 $ et de 23 600 $ à titre dépenses locatives respectivement pour les montants versés à Rhoda à l'égard de frais de gestion (ci-après les « frais de gestion » ). Des renseignements concernant les pertes locatives sont donnés à l'annexe A jointe aux présentes, laquelle fait partie de la réponse à l'avis d'appel (ci-après l' « annexe A » ).

9.          Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 2000 et 2001 en vue de refuser les frais de gestion et de réduire les pertes locatives s'élevant à 6 365,46 $ et à 1 582,33 $ respectivement, étant donné que les frais de gestion n'avaient pas été engagés en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien et qu'ils n'étaient pas raisonnables dans les circonstances. Les avis de nouvelle cotisation étaient datés du 2 juin 2003.

10.        L'appelant a déposé un avis d'opposition daté du 7 juillet 2003 à l'encontre de ces nouvelles cotisations.

11.        Le ministre a ratifié les nouvelles cotisations au moyen d'un avis de ratification daté du 22 octobre 2003 pour le motif :

a)          qu'il n'avait pas été établi que les frais de gestion avaient été engagés à titre de dépenses engagées en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien; et

b)          que dans les circonstances, les frais de gestion n'étaient pas raisonnables.

12.        En établissant ainsi de nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 2000 et 2001 et en ratifiant ainsi ces nouvelles cotisations, le ministre a supposé que les faits étaient les suivants :

a)          l'appelant est l'unique actionnaire de 774638 Alberta Ltd (la « société » );

b)          la société possédait la propriété située au 4932 - 50e rue, à Rocky Mountain House (la « propriété » );

c)          la société a loué la propriété à l'appelant pour la somme de 8 470 $ dans l'année d'imposition 2000;

d)          pendant l'année d'imposition 2000, l'appelant a sous-loué la propriété à Astro-Tech Electronics pour un loyer mensuel de 1 070 $, du mois de janvier au mois de mai 2000;

e)          le loyer total que l'appelant a reçu d'Astro-Tech Electronics en l'an 2000 était de 5 350 $;

f)           Astro-Tech Electronics appartenait à Rhoda et elle était exploitée par Rhoda;

g)          l'appelant n'a pas loué la propriété après le mois de mai 2000;

h)          l'appelant a déduit des pertes locatives de 40 365,46 $ et de 25 182,33 $ dans les années d'imposition 2000 et 2001 respectivement;

i)           les dépenses relatives aux frais de gestion étaient incluses dans les pertes locatives;

j)           les frais de gestion ont été versés à Rhoda;

k)          l'appelant et Rhoda n'avaient pas conclu de contrat écrit au sujet des frais de gestion;

l)           Rhoda a touché un montant de 34 000 $ le 29 décembre 2000 au moyen d'un chèque émis par RDL Equipment Services;

m)         Rhoda a touché un montant de 600 $ le 8 avril 2001;

n)          Rhoda a touché un montant de 23 000 $ le 1er février 2002 au moyen d'un chèque émis par RDL Equipment Services;

o)          l'appelant a déduit des frais d'intérêt de 1 274,25 $ à titre de dépense locative dans l'année d'imposition 2000 pour les intérêts exigés à l'égard de ses deux lignes de crédit personnelles;

p)          l'appelant a déduit des frais de téléphone à titre de dépenses locatives dans les années d'imposition 2000 et 2001 pour la location de la ligne de son téléphone personnel;

q)          l'appelant a déduit, à titre de dépenses locatives, dans les années d'imposition 2000 et 2001 à l'égard de son bureau à domicile, des frais représentant 1/8 des frais des services publics applicables à sa résidence personnelle; et

r)           Rhoda n'a pas fourni de services à l'appelant à l'égard de la propriété.

B.         QUESTIONS À TRANCHER

13.        Les questions en litige sont les suivantes :

a)          Les frais de gestion ont-ils été engagés par l'appelant en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien?

b)          Si la Cour conclut que les frais de gestion ont été engagés par l'appelant en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien, ce qui n'est pas admis mais qui est nié, les montants étaient-ils raisonnables dans les circonstances?

C.         DISPOSITIONS LÉGISLATIVES, MOTIFS INVOQUÉS ET RÉPARATION DEMANDÉE

14.        Il se fonde sur les articles 3, 9 et 67 ainsi que sur le paragraphe 248(1) et sur l'alinéa 18(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi » ), dans sa forme modifiée, pour les années d'imposition 2000 et 2001.

15.        Il soutient qu'étant donné que les frais de gestion n'ont pas été engagés en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien au sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi, les montants ne sont pas déductibles à titre de dépenses locatives dans les années d'imposition 2000 et 2001.

16.        Il soutient en outre que si la Cour conclut que les frais de gestion ont été engagés par l'appelant en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien, ce qui n'est pas admis mais est nié, les montants n'étaient pas raisonnables dans les circonstances, selon les exigences de l'article 67 de la Loi.

[3]      Les hypothèses énoncées aux alinéas 12a) à q) inclusivement n'ont pas été réfutées.

[4]      Compte tenu de l'arrêt Stewart c. La Reine, [2002] 2 R.C.S. 645, la Cour conclut qu'il n'est pas établi que M. Lecerf ait eu un intérêt personnel dans la série d'opérations qui sont ici décrites. Par conséquent, il n'y a pas lieu d'examiner la notion d'expectative raisonnable de profit.

[5]      Il reste la question de la cotisation, par laquelle les dépenses qui ont été déduites ont été refusées pour le motif qu'elles n'étaient pas raisonnables conformément à l'article 67 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[6]      En examinant la question du caractère raisonnable, la preuve établissait ce qui suit :

1.        M. Lecerf a acheté la propriété en question le 4 avril 1997 pour la somme de 75 000 $. Il a vendu la propriété à sa « société » le 11 mai 1998 pour la somme de 75 000 $ et la société a vendu la propriété à un tiers le 19 décembre 2000 pour la somme de 95 000 $.

2.        M. Lecerf et Rhoda Smith ont le même numéro de téléphone, à la résidence de M. Lecerf, et les frais y afférents ont été déduits par M. Lecerf à titre de dépenses d'entreprise en l'an 2000 et en 2001, de même que les frais de gestion de Rhoda Smith.

3.        La pièce A-1 est une photo de la propriété, qui est située au centre de la ville de Rocky Mountain House. Il s'agit d'un immeuble commercial d'un étage, ayant une dizaine de mètres de façade, dont l'état semble acceptable. Rocky Mountain House est une petite ville située dans le piémont de l'Alberta à peu près à mi-chemin entre Edmonton et Calgary.

4.        Lorsque M. Lecerf a acheté la propriété, elle avait été louée à la même entreprise pendant près de 20 ans.

5.        M. Lecerf travaillait dans le domaine de la construction depuis Rocky Mountain House en 1999, lorsque les arrangements relatifs à la gestion ont été pris avec Rhoda Smith.

6.        En ce qui concerne l'année 2001, le reçu de 600 $ du 8 avril 2001 qui a été remis par Rhoda Smith indique qu'il se rapporte au [traduction] « salaire » et le chèque de 2 300 $ daté du 1er février 2002 de M. Lecerf indique que le montant se rapporte au [traduction] « salaire » . La présumée facture au montant de 2 300 $ que Rhoda Smith a remise à M. Lecerf est datée du 31 décembre 2001 et une inscription faite de la même main indique que le montant a été [traduction] « payé au moyen du chèque no 0185 » , c'est-à-dire le chèque du 1er février 2002. (Pièce A-5).

7.        M. Lecerf a témoigné que des travaux avaient été exécutés sur la propriété sous la direction de Mme Smith en l'an 2000 et en 2001. Cependant, il n'a pas déduit de dépenses à l'égard de ces travaux dans ces années-là. Il n'avait pas non plus de documents ou de reçus à ce sujet lorsqu'on les lui a demandés pendant le contre-interrogatoire. La Cour ne reconnaît pas l'exactitude de ces allégations.

[7]      De l'avis de la Cour :

1.        Les présumés frais de gestion sont incroyablement élevés pour une propriété de 75 000 $ située dans une petite ville rurale de l'Alberta. Les frais de gestion normaux pour un bien locatif, à la connaissance du public, sont des frais conditionnels représentant environ 5 p. 100 du loyer qui a été reçu. En l'espèce, le seul loyer que M. Lecerf a reçu dans l'une ou l'autre année s'élevait à 5 350 $, montant provenant de la firme de Rhoda Smith, pour une période de cinq mois, en l'an 2000.

2.        Les présumés contrats de gestion n'ont pas été conclus par écrit. Ils ne semblent pas représenter les conditions ordinaires ou habituelles du marché et les mentions d'un [traduction] « salaire » à l'égard de l'année 2001 sont anormales. En outre, le « gérant » en l'an 2000 possédait également l'entreprise qui louait la propriété ou il était lui-même locataire de la propriété. Par conséquent, pour les deux années, certains éléments suscitent des soupçons et confirment la thèse selon laquelle les frais de gestion semblent anormaux et déraisonnables.

3.        M. Lecerf a déduit des frais de téléphone en plus des frais de gestion pour les deux années. Dans un contrat de gestion d'immeuble ordinaire, le gérant paierait les frais de téléphone à Rocky Mountain House dans le cas où le propriétaire serait à l'extérieur de la ville. Si le propriétaire se trouvait dans la ville, il n'y aurait pas lieu de déduire des frais de téléphone pour des raisons associées à l'entreprise.

[8]      De l'avis de la Cour, les frais de gestion en question n'étaient pas raisonnables dans les circonstances, selon les exigences de l'article 67 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[9]      L'appel est rejeté.

Signé à Kamloops (Colombie-Britannique), ce 28e jour de septembre 2004.

« D.W. Beaubier »

Juge Beaubier

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de juin 2005.

Sara Tasset


RÉFÉRENCE :

2004CCI626

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-193(IT)I

INTITULÉ:

Robert Lecerf c. La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 18 mai 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable D.W. Beaubier

DATE DES MOTIFS ORAUX :

Le 24 septembre 2004

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

Me Gordon D. Beck

Avocate de l'intimée :

Me Susan Jantz

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Gordon D. Beck

Cabinet :

Avocat en droit fiscal

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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