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Dossier : 2001-3563(IT)G

ENTRE :

WILLIAM G. PEDDLE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 15 janvier 2004 à Fredericton (Nouveau-Brunswick)

devant : l'honorable Diane Campbell

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Marcel Prevost

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

JUGEMENT

          L'appel relatif à la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu et visant l'année d'imposition 1998 est admis. La cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour révision et pour l'établissement d'une nouvelle cotisation au motif que le montant de 7 000 $ n'avait pas été inclus dans le revenu de l'appelant. À tous autres égards, l'appel est rejeté pour les motifs exposés ci-après, avec dépens en faveur de l'intimée.


Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de mars 2004.

« Diane Campbell »

La juge Campbell

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de juin 2005

Joanne Robert, traductrice


Référence : 2004CCI226

Date : 20040319

Dossier : 2001-3563(IT)G

ENTRE :

WILLIAM G. PEDDLE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Campbell

[1]      Cet appel se rapporte à l'année d'imposition 1998 de l'appelant. Pour cette année-là, l'appelant a déclaré un revenu total de 19 375 $. Lorsque le ministre du Revenu national ( « le ministre » ) a établi une nouvelle cotisation, il a inclus dans le revenu de l'appelant un montant de 46 000 $ au titre d'un avantage conféré à un actionnaire non déclaré ainsi qu'un montant de 3 600 $ de revenus en intérêts non déclarés. À cette nouvelle cotisation s'ajoutaient aussi des pénalités totalisant 5 805,25 $. Le ministre invoque les paragraphes 15(1), 56(2) et 163(2) ainsi que l'alinéa 12(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

La preuve

[2]      L'appelant avait une participation dans plusieurs sociétés et sociétés de personnes. Il détenait, comme son beau-frère Michael Hennick, 50 % des actions de 058541 New Brunswick Ltd. Cette entreprise exerçait ses activités sous la dénomination commerciale Riverside Estates ( « Riverside » ). Dans son témoignage, l'appelant a mentionné qu'il était un des principaux décideurs dans les affaires de cette entreprise, laquelle était une entreprise générale qui construisait des routes et des habitations. L'appelant a aussi affirmé, dans son témoignage, avoir abandonné ses fonctions auprès de cette entreprise et avoir cessé d'en faire partie à compter du 19 janvier 1998 en raison d'une mésentente avec l'autre actionnaire, Michael Hennick. Il a produit une copie certifiée conforme du formulaire Avis de changement d'administrateurs (pièce A-3) qui avait été déposé auprès du ministère de la Consommation et des Affaires commerciales du Nouveau-Brunswick le 15 janvier 1998. Malgré qu'il ait témoigné avoir l'intention de mettre fin à sa participation en tant qu'actionnaire, il n'a fourni aucune preuve attestant ce fait, si ce n'est cet avis de changement d'administrateurs.

[3]      L'appelant avait aussi à ce moment-là une participation dans une autre entreprise du Nouveau-Brunswick, 504897 New Brunswick Ltd. Il a témoigné qu'il était actionnaire de cette entreprise avec sa femme. Il a mentionné que Michael Hennick y jouait un rôle [TRADUCTION] « dans une certaine mesure » mais qu'il était lui-même l'unique décideur ainsi que la seule personne autorisée à signer des chèques pour le compte de l'entreprise. Celle-ci exerçait ses activités sous deux noms : Brunswick Auto Mart ( « Brunswick » ) et River Road Auto Sales ( « River Road » ). L'entreprise Brunswick vendait des véhicules utilitaires. L'appelant a, dans ce cas également, témoigné être le seul qui contrôlait l'entreprise Brunswick.

[4]      Le 15 septembre 1997, Riverside était censée acquérir auprès de Big 'D' Farm Machinery ( « Big D » ) une excavatrice au coût de 310 000 $, le financement nécessaire devant être obtenu et un chèque certifié remis au moment de la livraison. La facture relative à l'excavatrice (onglet 7 de la pièce R-1) a été établie manuellement par Dana Atkinson, une employée de Big D. L'appelant a témoigné que Dana Atkinson travaillait aussi à temps partiel pour Brunswick, comme vendeuse d'automobiles à commission. Cette facture indiquait un montant de TVH de 46 500 $ et un dépôt de 5 000 $, de même qu'un solde dû erroné de 341 500 $ au lieu de 351 500 $. L'appelant s'est dit surpris de cet écart de 10 000 $ dans le montant inscrit au bas de la facture et a affirmé ne pas avoir vu celle-ci auparavant. Il semblerait qu'aucune des personnes ayant participé à l'opération n'ait relevé l'erreur et si quelqu'un l'a constatée, personne ne l'a portée à l'attention de l'appelant.

[5]      L'appelant a signé et produit la déclaration de TVH de Riverside le 1er octobre 1997, déclaration dans laquelle il demandait un crédit de taxe sur les intrants de 46 500 $ relatif à l'achat de cette excavatrice.

[6]      Selon la preuve déposée par le vérificateur, ce dernier avait constaté lors de ses enquêtes que l'excavatrice, dont le numéro de série correspondait à celui figurant sur la facture, avait été vendue ailleurs au Massachusetts en octobre 1997.

[7]      L'appelant a effectivement confirmé, au moment où il a témoigné avoir quitté l'entreprise, qu'il était au courant que Riverside n'avait pas acheté l'excavatrice avant janvier 1998. Il a également confirmé qu'il n'avait jamais organisé le financement pour l'achat de cette excavatrice.

[8]      Le 2 janvier 1998, se basant sur la déclaration de TVH produite par M. Peddel pour le compte de Riverside, le gouvernement a émis à l'ordre de 058541 N.B. Ltd., a/s de William Peddle, un chèque de remboursement de 45 359,85 $. La différence entre le montant demandé et le montant remboursé était attribuable à des retenues sur la paie non encore versées ainsi qu'à un montant de taxe dû par Riverside. L'appelant a endossé ce chèque de remboursement, qui a été déposé au compte bancaire de Riverside le 12 janvier 1998.

[9]      Aux dires de l'appelant, le 19 janvier 1998, il avait rompu avec Riverside. Il a témoigné qu'il savait que Eagle Auto Sales ( « Eagle » ), une entreprise avec laquelle Brunswick faisait affaire pour la vente et l'achat de véhicules, voulait acquérir ses actions. Il a décidé de simplement les lui transférer, sans contrepartie, à un moment où Riverside possédait trois terrains ainsi qu'une excavatrice plus ancienne et, dormant dans son compte, le montant du remboursement de 45 359,85 $. L'appelant n'a produit aucun registre d'entreprise ni aucune autre preuve attestant que ce transfert des actions avait effectivement eu lieu.

[10]     Le 26 janvier 1998, l'appelant a émis un chèque de 46 000 $ de Riverside à Eagle Auto Sales, même si selon son témoignage, il n'était plus alors actionnaire de Riverside. Il a dit avoir émis ce chèque à Eagle parce qu'il avait négligé d'effectuer le transfert du compte d'entreprise de Riverside à Eagle au moment de la vente de ses actions.

[11]     Une autre opération à laquelle l'appelant a participé a eu lieu ce même jour, le 26 janvier 1998, lorsque Eagle a émis à Brunswick un chèque de 39 000 $. Ce chèque a ensuite été déposé au compte de Brunswick le 26 janvier 1998. Afin de justifier cette opération, l'appelant a inscrit une facture (pièce A-5) datée du 26 janvier 1998, délivrée par Brunswick à Eagle pour l'achat d'une automobile Toyota de 1990, d'un bateau, d'un monte-charge et d'outils. L'intimée allègue que Eagle a retenu la différence de 7 000 $ entre le chèque de 46 000 $ émis par Riverside à Eagle et le chèque de 39 000 $ émis par Eagle à Brunswick en compensation d'une somme que Brunwick devait à Eagle relativement à l'achat d'une voiture Ford Escort. L'appelant a témoigné qu'il ne savait rien au sujet de ce véhicule particulier, car Brunwick et Eagle étaient parties prenantes de plusieurs opérations d'achat et de vente de véhicules.

[12]     À la suite des opérations mettant en cause les chèques de 46 000 $ et de 39 000 $, opérations effectuées le même jour, c'est-à-dire le 26 janvier 1998, Brunswick a émis à l'appelant un chèque de 9 000 $. Brunswick a émis à l'appelant, le 22 février 1998 et le 22 mars 1998, deux chèques supplémentaires de 3 000 $ chacun. Un autre chèque de 1 000 $ a été émis le 18 avril 1998. Dans les documents de travail de Brunswick (onglet 4 de la pièce R-1), ces quatre chèques étaient indiqués comme étant [TRADUCTION] « pour prêts aux actionnaires » . Ces documents de travail donnent des précisions sur les chèques faits à l'ordre de l'appelant an 1998. Les autres chèques n'ont pas été indiqués comme des prêts aux actionnaires. L'appelant a témoigné qu'il versait de l'argent dans l'entreprise Brunswick et que la plupart des chèques indiqués dans les documents de travail correspondaient à des remboursement de prêts. Il n'a présenté aucune preuve corroborant cette affirmation, à l'exception de son témoignage.

[13]     En 1998, Brunswick a passé en charges une somme de 3 600 $ en intérêts sur des prêts à des actionnaires. La déclaration de revenus de 1998 de l'entreprise fait état de ce montant comme dépense d'exploitation (onglet 14, pièce R-1) mais l'appelant n'a pas déclaré ce revenu en intérêts.

Questions en litige

[14]     Voici les quatre questions en litige qu'il faut trancher dans cet appel :

1)    L'appelant a-t-il omis de déclarer un avantage de 39 000 $ reçu de Riverside et, dans l'affirmative, le paragraphe 15(1) s'applique-t-il de manière à inclure cette somme dans le calcul du revenu de l'appelant?

2) L'appelant a-t-il omis de déclarer un avantage de 7 000 $ conféré à Brunswick et, dans l'affirmative, cette somme est-elle à inclure dans le calcul de son revenu aux termes du paragraphe 15(1) ou, si cela n'est pas possible, peut-elle être incluse dans le calcul en vertu du paragraphe 56(2)?

3)    L'appelant a-t-il omis de déclarer les 3 600 $ de revenus en intérêts et, dans l'affirmative, cette somme est-elle à inclure dans le calcul de son revenu aux termes de l'alinéa 12(1)c)?

4)    Les pénalités prévues au paragraphe 163(2) ont-elles été imposées à bon droit?

Analyse

          Première question en litige

[15]     Le paragraphe 15(1) dit ceci :

15. (1) La valeur de l'avantage qu'une société confère, à un moment donné d'une année d'imposition, à un actionnaire ou à une personne en passe de le devenir est incluse dans le calcul du revenu de l'actionnaire pour l'année - sauf dans la mesure où cette valeur est réputée par l'article 84 constituer un dividende - si cet avantage est conféré autrement que :

a)          par la réduction du capital versé, le rachat, l'annulation ou l'acquisition, par la société, d'actions de son capital-actions ou à l'occasion de la liquidation, cessation ou réorganisation de son entreprise, ou par une opération à laquelle l'article 88 s'applique;

b)          par le paiement d'un dividende ou d'un dividende en actions;

c)          par l'octroi à tous les propriétaires d'actions ordinaires du capital-actions de la société à ce moment d'un droit, relatif à chaque action ordinaire et identique à chacun des autres droits conférés à ce moment relativement à chacune des autres semblables actions, d'acquérir d'autres actions du capital-actions de la société, pour l'application du présent alinéa :

(i)        les actions ordinaires d'une catégorie donnée du capital-actions d'une société sont réputées être identiques aux actions ordinaires d'une autre catégorie du capital-actions de la société dans le cas où, à la fois :

(A)           les droits de vote rattachés à la catégorie donnée d'actions diffèrent de ceux rattachés à l'autre catégorie d'actions,

(B)                  les modalités des catégories d'actions ne présentent pas d'autres différences qui pourraient donner lieu à un important écart entre la juste valeur marchande d'une action de la catégorie donnée et la juste valeur marchande d'une action de l'autre catégorie,

(ii)       des droits ne sont pas considérés comme identiques si leur coût d'acquisition diffère;

d)        par une opération visée à l'alinéa 84(1)c.1), c.2) ou c.3).

[16]     Le ministre souhaite recourir à ce paragraphe en vue d'inclure dans le calcul du revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 1998 la somme de 39 000 $ que Brunswick a reçue de Eagle le 26 janvier 1998. Aucune des conditions ni aucune des exceptions prévues à ce paragraphe ne s'appliquent en l'espèce.

[17]     L'assujettissement à la taxe confirmé par le ministre se fonde sur une chaîne d'événements qui a comme point de départ le soi-disant achat d'une excavatrice par Riverside. J'accepte comme un fait que Riverside n'a jamais acquis cette excavatrice. Les enquêtes du vérificateur ont révélé que cette machine avait été vendue aux États-Unis et non au Canada. L'appelant lui-même a témoigné que Riverside n'avait toujours pas acheté l'excavatrice en janvier 1998. Étant donné qu'aucune excavatrice n'a été acquise, Riverside n'est jamais devenue passible de la taxe à payer aux termes de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise. Par conséquent, l'entreprise n'a jamais eu droit au crédit de taxe sur les intrants de 46 000 $ qu'elle a demandé en octobre 1997 et qu'elle a reçu en janvier 1998. La seule explication donnée par l'appelant pour justifier la production le 1er octobre 1998 d'une déclaration où est demandé ce crédit de taxe sur les intrants relatif à une excavatrice qui n'avait pas été achetée est qu'il croyait que l'usage était ainsi et que c'était une bonne pratique que de le demander avant que la taxe ne soit payée.

[18]     L'appelant détenait 50 % des actions de Riverside et a témoigné avoir participé à part entière à toutes les prises de décision de cette entreprise. Plusieurs semaines après la réception du remboursement du gouvernement et de son dépôt au compte de société de Riverside, l'appelant, le 26 janvier 1998, a donné à Riverside l'instruction d'émettre un chèque de 46 000 $ à Eagle, chèque qu'il a autorisé et signé.

[19]     Aucun document ni aucune autre forme de preuve n'ont été produits au cours de l'audience qui permettraient d'établir un lien entre l'émission de ce chèque et une opération commerciale ou un genre quelconque d'opération entre ces sociétés, si ce n'est les allégations vagues, inacceptables et non étayées de la vente des actions de l'appelant à Eagle.

[20]     Dans son témoignage, l'appelant a affirmé avoir rompu avec Riverside vers la mi-janvier 1998 et que la seule raison pour laquelle il a pu signer ce chèque est que le compte de société n'avait pas été transféré à Eagle, qui était censée avoir acheté ses actions. Selon les dires de l'appelant, en émettant ce chèque, il ne faisait que vider le compte de société en faveur de la nouvelle entreprise propriétaire, Eagle. Toutefois, je ne peux absolument pas accepter ce témoignage. L'appelant n'a rien apporté à la Cour qui prouverait le bien-fondé de son allégation, si n'est l'avis de changement d'administrateurs. Cet avis ne parle nullement de son statut d'actionnaire de Riverside en janvier 1998. Je lui ai bien fourni au cours de l'audience la possibilité de trouver d'autres preuves documentaires mais il n'a rien soumis de plus. Il me semble que c'est une façon bien étrange de faire des affaires, même si on assure de manière informelle la direction de sa propre entreprise.

[21]     Lorsque Eagle a reçu les 46 000 $, elle a sur-le-champ, le jour même, émis un chèque de 39 000 $ à Brunswick, une autre entité constituée dont, selon son propre aveu, l'appelant était l'âme dirigeante et le seul décideur. Brunswick a porté cette somme au crédit de l'appelant en tant que prêt remboursable. Subséquemment, à partir du même jour, le 26 janvier 1998, l'émission de chèques à l'appelant a commencé, comme l'attestent les documents de travail, « pour prêts à des actionnaires » .

[22]     Je n'ai devant moi aucun élément de preuve corroborant les allégations de l'appelant. La facture manuscrite (pièce A-5), qu'il a soumise pour étayer l'échange des 39 000 $ entre Eagle et Brunswick, énumère les articles vendus par Brunswick à Eagle, cela fait d'une manière très différente et particulière, contraire à ce que les pratiques commerciales habituelles dicteraient. Par exemple, l'article le moins coûteux (l'automobile Toyota) valant 9 000 $ a été inscrit en regard de la mention [TRADUCTION] « prix de vente total » tandis que les autres articles (monte-charge, outils et bateau), évalués à 30 000 $, figuraient dans la partie de la facture réservée aux remarques. En soi, cela ne suffit pas à invalider cette facture, mais selon le témoignage du vérificateur, que j'accepte, une recherche dans les registres de la société Eagle n'a pas permis de repérer de tels achats. Les dossiers d'entreprise de l'appelant n'ont jamais été mis à la disposition du vérificateur ou de la Cour pour examen. Il n'y avait aucune autre documentation, autre que la facture produite par l'appelant, susceptible de démontrer que Eagle avait effectivement acquis ces articles. Et selon le vérificateur, les livres de Eagle n'en faisaient pas du tout mention.

[23]     Une fois que Eagle a eu transféré les 39 000 $ à Brunswick, celle-ci a émis à l'appelant, entre le 29 janvier 1998 et le 18 avril 1998, quatre chèques totalisant 16 000 $ qui ont été portés aux livres comme des prêts à des actionnaires. Les documents de travail font état d'autres chèques de divers montants émis à l'appelant en 1998 mais non comptabilisés comme prêts à des actionnaires. De plus, la preuve soumise n'était pas claire quant à l'objet de ces chèques. Si tous les chèques qui ont été émis à Bill Peddle au cours de cette période devaient servir à rembourser des prêts à des actionnaires comme l'appelant le prétend, ils auraient tous dû alors être mentionnés.

[24]     Il n'y a aucun doute que les 16 000 $ que l'appelant a reçus de Brunswick en quatre chèques sont, en vertu du paragraphe 15(1), imposables entre ses mains en tant qu'avantage conféré. Peu importe la manière dont le stratagème s'est déroulé, les 39 000 $ ont été manifestement acheminés jusqu'au compte de société de Brunswick et, de ce fait, cette somme constitue pour l'appelant un avantage conféré à un actionnaire. À défaut d'une pièce justificative soumise par l'appelant, j'accepte l'hypothèse avancée par le ministre selon laquelle l'origine des fonds peut être retracée à Riverside. Bien qu'il n'existe pas de preuve claire qu'une somme additionnelle de 23 000 $ ait été versée par Brunswick à l'appelant, c'est manifestement une dette créée, sans contrepartie, par l'entreprise envers l'appelant et, par conséquent, le paragraphe 15(1) entre en cause et l'avantage est considéré comme ayant été conféré.

[25]     La cotisation établie par le ministre relativement à l'avantage conféré à un actionnaire selon le paragraphe 15(1) se fonde sur l'hypothèse que l'appelant a conçu un stratagème selon lequel un crédit de taxe sur les intrants basé sur la demande fallacieuse soumise par Riverside a été transféré de celle-ci à Brunswick par l'intermédiaire de Eagle et, avec le temps, a abouti entre les mains de l'appelant sous forme d'un remboursement de prêts à des actionnaires. Je pense que l'origine des 46 000 $ importe très peu, bien que toute la preuve laisse supposer que cette somme ait pris naissance avec le crédit de taxe sur les intrants demandé par Riverside. Il m'apparaît de façon suffisante, en l'espèce, que les fonds ont été acheminés, étayés d'écritures ou de documents totalement inadéquats, voire d'absolument aucune pièce justificative quelconque, à Eagle et que de là, ils ont été acheminés jusqu'au compte de Brunswick puis, finalement, en partie, sinon en totalité, jusqu'à l'appelant.

[26]     Avant d'aborder la question en litige suivante, quelques remarques, à mon avis, s'imposent concernant les deux hypothèses de l'intimée formulées aux alinéas 8m) et n). En voici la teneur :

[TRADUCTION]

8.          En procédant ainsi à l'établissement de la nouvelle cotisation de l'appelant, le ministre s'est fondé, entre autres choses, sur les hypothèses suivantes :

           

            [...]

            m)         Dana Atkinson a reçu un chèque daté du 30 septembre 1997 émis par Riverside et signé par l'appelant au montant de 5 000 $, montant censé être un acompte pour l'excavatrice;

n)          Dana Atkinson a émis un chèque daté du 27 septembre 1997, fait à l'ordre de l'appelant et de Brunswick, au montant de 4 400 $ à titre de remboursement de l'acompte versé pour l'excavatrice;

[27]     Les preuves que l'intimée a elle-même soumises à l'audience ont réduit à néant ces hypothèses. Le chèque dont il est fait mention à l'alinéa m) avait en réalité été émis par River Road Auto (onglet 9, pièce R-1) et non par Riverside. Quant à celui mentionné à l'alinéa n), il était fait à l'ordre de l'appelant et de River Road Auto (onglet 8, pièce R-1) et non à l'appelant et à Brunswick. Ces hypothèses avaient pour but de faire valoir le rôle joué par Dana Atkinson dans l'établissement de la facture trompeuse relative à la vente de l'excavatrice censée avoir été effectuée entre Riverside et Big D Machinery. Bien que ces deux hypothèses particulières n'aient pas été retenues, je ne crois pas que cela ait pour effet d'invalider les autres hypothèses du ministre. Même si Dana Atkinson n'avait jamais été mise en cause et même si les 39 000 $ avaient abouti dans les coffres de Brunswick par des voies plus légitimes que celles auxquelles on a eu recours en l'espèce, l'appelant, en touchant cet argent, serait allé à l'encontre des dispositions du paragraphe 15(1).

[28]     L'appel sera rejeté en ce qui regarde cette première question en litige.

          Deuxième question en litige

[29]     Cette question devient litigieuse lorsque le chèque de 46 000 $ émis par Riverside est déposé au compte de Eagle et que Eagle utilise une partie de cette somme pour compenser les 7 000 $ que Brunswick lui devait relativement à une automobile Ford Escort. Le ministre a fait valoir que, suivant l'instruction donnée par l'appelant, Riverside avait payé 46 000 $ à Eagle puis que l'appelant avait demandé à Eagle de déduire de ce montant le solde de la dette que Brunswick avait envers Eagle relativement à l'achat d'une Ford Escort et de verser les 39 000 $ restants à Brunswick. L'intimée a soutenu qu'en raison du remboursement à Eagle de la somme que Brunswick lui devait, le paragraphe 15(1) s'appliquait de manière à ce que l'appelant inclue, comme il se doit, les 7 000 $ dans le calcul de son revenu.

[30]     Le paragraphe 15(1) ne s'applique pas en l'espèce. Je conclus qu'il ne s'agissait pas d'un avantage conféré à un actionnaire parce que Brunswick a reçu l'avantage, non l'appelant, et que Brunswick n'était pas un actionnaire de Riverside.

[31]     Accessoirement, l'intimée a fait valoir que le paragraphe 56(2) s'appliquait de manière à tenir compte de ces 7 000 $ et que de ce fait l'appelant devait l'inclure dans le calcul de son revenu.

[32]     Le paragraphe 56(2) dit ceci :

56. (2) Tout paiement ou transfert de biens fait, suivant les instructions ou avec l'accord d'un contribuable, à toute autre personne au profit du contribuable ou à titre d'avantage que le contribuable désirait voir accorder à l'autre personne - sauf la cession d'une partie d'une pension de retraite conformément à l'article 65.1 du Régime de pensions du Canada ou à une disposition comparable d'un régime provincial de pensions au sens de l'article 3 de cette loi ou d'un régime provincial de pensions visé par règlement - doit être inclus dans le calcul du revenu du contribuable dans la mesure où il le serait si ce paiement ou transfert avait été fait au contribuable.

Dans la note technique du ministère des Finances concernant ce paragraphe, il est clairement précisé qu'il n'a pas pour but de rendre imposable une somme qui par ailleurs ne le serait pas. En voici l'énoncé :

NT de 1987 : Selon le paragraphe 56(2) de la loi, un montant qui est payé à une personne suivant les instructions ou avec l'accord d'un contribuable est à inclure dans le revenu du contribuable dans le cas où ce montant aurait été ainsi inclus s'il avait été payé au contribuable. [...]

En d'autres termes, le paragraphe 56(2) est censé s'appliquer dans les cas où le contribuable tente d'éviter le paiement de l'impôt sur une somme qui serait pas ailleurs imposable entre ses mains en vertu d'une autre disposition de la Loi en demandant que la somme soit versée plutôt à un autre contribuable. Lorsqu'un contribuable ordonne qu'une somme imposable pour lui soit transférée à une autre personne, il ne peut échapper à l'obligation de payer l'impôt exigible sur cette somme, car ce paragraphe entrera alors en jeu. Toutefois, la somme ainsi conférée doit avoir été imposable aux termes d'une autre disposition de la Loi avant que le paragraphe 56(2) ne s'applique.

[33]     Le juge Cattanach, dans l'arrêt Fraser Companies Ltd. v. The Queen, 81 DTC 5051, énumère les quatre éléments essentiels suivants qui doivent être présents pour que le paragraphe 56(2) s'applique :

1.          il doit y avoir paiement ou transfert de biens à une personne autre que le contribuable;

2.          le paiement ou transfert est fait suivant ou avec l'accord du contribuable;

3.          le paiement ou transfert doit être fait au profit du contribuable lui-même ou à titre d'avantage que le contribuable désirait voir accorder à l'autre personne; et

4.          le paiement ou transfert aurait été inclus dans le calcul du revenu du contribuable s'il avait été fait à lui-même plutôt qu'à l'autre personne.

[34]     Les quatre éléments, sans exception, sont présents en l'espèce, car :

1)        les biens ont été transférés de Riverside à Brunswick en passant par Eagle Auto Sales;

2)        le paiement a été fait suivant les instructions de l'appelant ou avec son accord;

3)        le paiement a été effectué au profit de Brunswick;

4)        le paiement aurait été imposable entre les mains de l'appelant s'il l'avait reçu.

[35]     Toutefois, puisqu'il n'y a pas obligation qu'un contribuable reçoive le paiement ou y ait droit pour qu'il soit tenu de verser l'impôt y afférent en vertu du paragraphe 56(2), la Cour d'appel fédérale a ajouté à ce critère un cinquième élément afin d'éviter que le ministre ne recoure à ce paragraphe pour imposer deux fois le même montant. [M.N.R. v. Bronfman, [1965] C.T.C. 378, au paragraphe 15] Dans l'arrêt Smith c. Canada, [1993] A.C.F. no 740 au paragraphe 22, le juge Mahoney, a cité, en les approuvant, les remarques suivantes du juge Marceau formulées dans l'arrêt Winter v. R. :

[...] la validité d'une cotisation établie en vertu du paragraphe 56(2) de la Loi, dans le cas où le contribuable lui-même n'avait aucun droit au versement effectué ou au bien transféré, est assujettie à une condition implicite, soit celle que le bénéficiaire ou le cessionnaire n'ait pas été assujetti à l'impôt sur l'avantage qu'il a reçu.

Et celle-ci :

[...] Il me semble cependant que lorsque la doctrine de la « recette présumée » n'est pas clairement en cause, parce que le contribuable n'avait aucun droit au versement effectué ou au bien transféré, il n'est que juste d'inférer que le paragraphe 56(2) ne peut recevoir application que si l'avantage accordé n'est pas directement imposable entre les mains du cessionnaire. En effet, selon moi, une disposition en matière d'évitement fiscal revêt un caractère essentiellement subsidiaire, sa raison d'être est d'empêcher l'évitement de l'impôt payable sur une opération donnée, et non de doubler l'impôt normalement payable ni d'accorder aux autorités fiscales une discrétion administrative qui leur permettrait de choisir entre deux contribuables possibles. [Outerbridge Estate v. Canada (sub nomine Winter v. R.), [1991] C.T.C. 113 à 117-118.]

[36]     En d'autres termes, le paragraphe 56(2) ne devrait pas s'appliquer s'il devait en résulter une double imposition. Les possibilités d'application de ce qu'on appelle le cinquième élément ont été confirmées tant dans l'arrêt de la Cour suprême Neuman v. The Queen, 98 DTC 6297 (CSC) que dans celui de la Cour fédérale The Queen v. Ferrel, 99 DTC 5111 (CAF).

[37]     Je n'ai eu sous les yeux aucune preuve qui permettrait de savoir si Brunswick a ou non payé de l'impôt sur l'avantage de 7 000 $ qu'elle a reçu lorsque sa dette envers Eagle a été éteinte sans contrepartie. Il est improbable que Brunswick ait payé de l'impôt. Mais si elle en avait payé, il résulterait de l'application du paragraphe 56(2) la double imposition indue dont parlait la Cour fédérale.

[38]     J'admettrais l'appel en ce qui regarde cette question en litige puisque l'intimée a tout simplement omis de faire valoir tous les éléments qui doivent être présents pour justifier l'application du paragraphe 56(2), et surtout de démontrer qu'ils l'étaient.

          Troisième question en litige

[39]     Le ministre allègue que Brunswick a versé à l'appelant 3 600 $ à titre d'intérêts sur un prêt à un actionnaire et que l'appelant a omis d'inclure cette somme dans le calcul de son revenu.

[40]     L'alinéa 12(1)c) dit ceci :

12. (1) Sont à inclure dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien, au cours d'une année d'imposition, celles des sommes suivantes qui sont applicables :

[...]

c) Intérêts - sous réserve des paragraphes (3) et (4.1), les sommes reçues ou à recevoir par le contribuable au cours de l'année (selon la méthode qu'il suit normalement pour le calcul de son revenu) à titre ou en paiement intégral ou partiel d'intérêts, dans la mesure où ces intérêts n'ont pas été inclus dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition antérieure;

[41]     À la page 3 de l'onglet 14 de la pièce R-1, selon la déclaration de revenus de 504897 New Brunswick Ltd., Brunswick a indiqué comme dépense la somme de 3 600 $ en intérêts sur un prêt à un actionnaire. L'appelant a soutenu que même si cette somme figurait dans ses livres en tant que dépense en intérêts payable à lui-même, il s'agissait d'une erreur comptable et par conséquent cette somme ne lui a jamais été versée.

[42]     C'est à l'appelant que revient le fardeau de réfuter les hypothèses et il ne l'a pas fait en l'espèce. De simples allégations sans la présentation des livres et registres appropriés pour étayer ses dires ne peuvent pas être acceptées quand les circonstances et les faits comme ceux en l'espèce avaient pour but de tromper.

[43]     Puisque l'appelant ne s'est pas acquitté de l'obligation qui était sienne, l'appel, dans la mesure où il s'agit de cette question en litige, sera rejeté.

          Quatrième question en litige

[44]     Le ministre a imposé ici des pénalités parce que tout au long du déroulement d'une série d'événements, l'appelant, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, a détourné des fonds de Riverside pour son propre profit et pour celui de Brunswick, qu'il contrôlait.

[45]     En l'espèce, il y a déplacement du fardeau de la preuve, qui manifestement incombe à l'intimée.

[46]     Le paragraphe 163(2) dit ceci :

163. (2) Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelée « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition pour l'application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité[...]

[47]     La fausse déclaration faite relativement à l'achat de l'excavatrice avait pour but d'obtenir un crédit de taxe sur les intrants en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, et n'est donc pas pertinente en ce qui regarde l'imposition des pénalités aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Toutefois, l'appelant a aussi, manifestement et sciemment, participé, consenti et acquiescé à la présentation d'une fausse déclaration concernant les fonds qu'il a détournés de Riverside pour son propre profit et celui de Brunswick. Selon la manière dont l'appelant s'y est pris pour faire savoir à Brunswick de quelle façon elle devrait traiter le montant de 7 000 $ dont il est question par rapport à la troisième question en litige, il se peut qu'à cet égard il ait également participé à la présentation d'une fausse déclaration. Il n'y a tout simplement pas de preuve en ce sens.

[48]     La façon de procéder de l'appelant va largement au-delà de la simple méprise ou de l'omission d'être raisonnablement diligent. Il jouait un rôle dans les activités de plusieurs sociétés et entreprises. Il n'a produit aucune documentation raisonnable pour étayer ses allégations. Il y a ici beaucoup plus qu'une simple inadvertance. Il a fait preuve d'une conduite à la fois insouciante et intentionnelle. Le ministre était donc justifié d'établir pour l'année d'imposition 1998 les pénalités prévues au paragraphe 163(2).

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de mars 2004.

« Diane Campbell »

La juge Campbell

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de juin 2005.

Joanne Robert, traductrice

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