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Référence : 2003CCI509

Date : 20030807

Dossier : 2002‑624(IT)G

 

ENTRE :

 

ROLAND PARENT,

 

appelant,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS MODIFIÉS DE LA REQUÊTE DE L’INTIMÉE

 

 

Le juge Mogan

 

[1]     L’intimée a déposé un Avis de requête afin d’obtenir une ordonnance de la Cour visant (i) à radier l’Avis d’appel en vertu de l’alinéa 53c) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) et (ii), à rejeter l’appel en vertu de l’alinéa 58(3)a) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale). Au début de l’audience, l’avocat de l’intimée a retiré sa requête présentée touchant l’alinéa 53c) des Règles, mais il a maintenu la requête touchant l’alinéa 58(3)a) des Règles. Techniquement, je pense qu’il s’agit soit d’une requête visant à faire rejeter l’appel conformément à l’alinéa 58(1)a) des Règles, soit d’une requête visant à faire rejeter l’appel conformément à l’alinéa 58(3)b) mais, étant donné que les avocats des deux parties s’entendaient quant au contenu de la requête de l’intimée, je prendrai ma décision en ce qui concerne la requête en me fondant sur les observations présentées par les avocats.

 

[2]     On trouvera les principaux faits dans les plaidoiries et dans l’affidavit de Marcel Dumas, déposé à l’appui de la requête de l’intimée.

 

1.       Le ministre du Revenu national a tout d’abord envoyé à l’appelant un Avis de cotisation daté du 12 mai 1997 pour l’année d’imposition 1996. On y indiquait que le revenu imposable était de 29 875 $ et que l’impôt fédéral dû était de 693,84 $.

 

2.       Le 18 mai 2000, le ministre a envoyé un Avis de nouvelle cotisation pour l’année 1996 indiquant un revenu imposable de 1 060 243 $ et un impôt fédéral de 321 865,30 $. Cette nouvelle cotisation augmentait le revenu imposable de l’appelant d’environ 1 030 000 $. L’augmentation du revenu imposable provenait principalement d’une transaction que les parties ont désignée sous le nom de « Villa Toyota ».

 

3.       L’appelant s’est opposé à la nouvelle cotisation du 18 mai 2000 et, le 14 décembre 2001, le ministre a envoyé un Avis de ratification relativement à cette nouvelle cotisation. En réponse à l’Avis de ratification du ministre, le 11 février 2002, l’appelant a déposé un Avis d’appel devant la Cour relativement à son année d’imposition 1996. La principale question en litige, dans cet Avis d’appel, est la transaction Villa Toyota. L’intimée a présenté une Réponse à l’avis d’appel le 19 avril 2002, et les parties ont procédé à un interrogatoire préalable.

 

4.       Le 26 mai 2003, le ministre a émis un document intitulé « Avis de nouvelle cotisation pour l’année 1996 » indiquant un revenu imposable de 1 236 140 $ et un impôt fédéral de 376 955,48 $. Cette cotisation ou nouvelle cotisation a augmenté le revenu imposable de l’appelant d’environ 176 000 $. L’augmentation du revenu imposable provenait principalement des montants que je décrirais comme des prétendues affectations en vertu de l’article 15 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Il s’agit de l’appel interjeté le 11 février 2002 (susmentionné) que l’intimée désire faire rejeter maintenant.  

 

[3]     La requête de l’intimée est fondée sur l’observation selon laquelle, lorsque le ministre établit une nouvelle cotisation valide à l’égard d’un contribuable en ce qui concerne une année d’imposition en particulier, toute cotisation antérieure relative à ladite année d’imposition devient nulle. Cette observation a tout d’abord été présentée par le président Jackett (tel était alors son titre) dans la décision Coleman C. Abrahams [No. 1] v. M.N.R., 66 DTC 5451, à la page 5452 :

 

[TRADUCTION]

                                                                                                              

En supposant que la deuxième nouvelle cotisation est valide, cela signifie, à mon avis, que la première nouvelle cotisation est remplacée et devient nulle. Le contribuable ne peut pas être responsable de la première cotisation et de la nouvelle cotisation. La situation serait différente si la cotisation pour une année était suivie d’une « cotisation supplémentaire » pour cette même année. Cependant, si la « nouvelle cotisation » prétend établir l’impôt total du contribuable pour l’année, et ne constitue pas seulement un montant d’impôt supplémentaire à celui qui a déjà été cotisé, la cotisation précédente doit automatiquement être annulée.

 

L’intimée prétend que le document du 26 mai 2003 constitue une nouvelle cotisation qui annule la nouvelle cotisation établie le 18 mai 2000. Dans l’Avis d’appel déposé le 11 février 2002, on a interjeté appel à l’encontre de la nouvelle cotisation du 18 mai 2000 (c.‑à‑d. une cotisation annulée). Par conséquent, l’appel devrait être annulé.  

 

[4]     L’appelant prétend que le document du 26 mai 2003 constitue une cotisation « supplémentaire » pour l’année 1996 comme l’avait envisagé le président Jackett dans le passage de la décision Abrahams précitée. Ainsi, la nouvelle cotisation établie le 18 mai 2000 constitue toujours un motif indépendant d’appel en ce qui concerne la transaction Villa Toyota. De plus, si Roland Parent le désire, il peut présenter une nouvelle objection et interjeter appel à l’encontre de la cotisation du 26 mai 2003 relativement aux prétendues affectations en vertu de l’article 15. 

 

[5]     Le véritable litige entre les parties en ce qui concerne la présente requête consiste à savoir si la cotisation établie par le ministre du Revenu national le 26 mai 2003 constitue une nouvelle cotisation valide qui annulerait toute cotisation antérieure pour l’année 1996, ou si la cotisation du ministre du 26 mai constitue une cotisation supplémentaire qui permettrait que toute cotisation antérieure pour l’année 1996 demeure un motif d’appel valide.

 

[6]     L’argument de l’appelant à l’appui d’une cotisation « supplémentaire » est fondé sur une comparaison des deux documents intitulés « Avis de nouvelle cotisation » datés du 18 mai 2000 et du 26 mai 2003 respectivement. Le document daté du 18 mai indique un revenu imposable de 1 060 243 $, un impôt fédéral net de 321 865 $ et un impôt provincial net (pour l’Ontario) de 220 344 $. Le document du 26 mai indique un revenu imposable révisé de 1 236 140 $, un impôt fédéral net de 376 955 $ et un impôt provincial net de 258 336 $. Si l’on compare les montants pertinents, on a augmenté, dans le document du 26 mai, le revenu imposable, l’impôt fédéral net et l’impôt provincial net qui sont ainsi présentés : 

 

 

Revenu imposable

Impôt fédéral

Impôt provincial

 

26 mai 2003

1 236 140 $

376 955 $

258 336 $

18 mai 2000

1 060 243 $

321 865 $

220 344 $

 

Augmentation

 175 897 $

55 090 $

37 992 $

 

 

[7]     Dans le tableau ci‑dessus, l’augmentation du revenu imposable (environ 175 000 $) provient des affectations présumées en vertu de l’article 15. De plus, l’augmentation totale (93 082 $) des impôts fédéral et provincial est d’environ 53 p. 100 de l’augmentation du revenu imposable. La proportion semble donc exacte. Sur le recto du document du 26 mai (à droite), il y a une colonne distincte intitulée [TRADUCTION] « Relevé de compte » qui contient six entrées qui sont rédigées de la manière suivante :

 

            [TRADUCTION]

 

Paiements reçus cette année

0,00 $

Nouveau montant cotisé

950 047,79 $

Moins : la cotisation précédente

812 778,88 $

 

Augmentation ou diminution

137 268,91 $ (Aug)

Ajustement des intérêts

93 039,98 $ (Dt)

 

Solde révisé

230 308,89 $

 

[8]     Afin de confirmer que le document du 26 mai constitue une cotisation « supplémentaire », l’avocat de l’appelant s’est fondé sur trois calculs. Premièrement, le « montant de la nouvelle cotisation » (950 047 $) dans le relevé de compte ci-dessus constitue le total des trois éléments suivants, clairement indiqués sur le recto du document :

 

Impôt fédéral net

 376 955 $

Impôt provincial net

258 336 $

Pénalités

314 756 $

 

Total

950 047 $

 

Deuxièmement, le montant soustrait (812 779 $) dans le relevé de compte constitue le total de trois éléments comparables indiqués clairement dans le document du 18 mai :

 

Impôt fédéral net

321 865 $

Impôt provincial net

220 344 $

Pénalités

270 569 $

 

Total

812 778 $

 

Et troisièmement, lorsqu’on ajoute la somme de 137 268 $ à l’ajustement des intérêts de 93 039 $, on obtient le solde révisé de 230 307 $ du relevé de compte.

 

[9]     L’avocat de l’appelant fait valoir que le « solde révisé » de 230 307 $ constitue le montant « supplémentaire » cotisé le 26 mai et que le montant soustrait (812 778 $) ou « retiré » est le montant cotisé dans le document du 18 mai et conservé à titre de montant dû séparé. L’appelant appuie cette position en faisant référence à la pièce R‑2 de l’intimée dans la présente requête, soit le relevé de compte envoyé à l’appelant par Revenu Canada pour la période du 18 mai 2000 (la première date de la nouvelle cotisation) au 27 juin 2003 (un mois après la date de la nouvelle cotisation du 26 mai).

 

[10]    Au début de la pièce R‑2, on indique l’impôt, l’intérêt et la pénalité (un total de 1 058 028 $) cotisés pour 1996, le 18 mai 2000. La seconde entrée sur la pièce R‑2 est un crédit accordé le 28 juillet 2000 (probablement la date de l’Avis d’opposition de l’appelant) pour exactement le même montant (1 058 028 $). Il y avait une annotation indiquant « montant faisant présentement l’objet d’un appel ». Cette entrée reflète probablement la politique de Revenu Canada qui consiste à ne pas essayer de percevoir des montants qui font l’objet d’un appel. J’établis présentement certaines hypothèses parce que l’auteur du document n’a offert à la Cour aucune explication quant à la pièce R‑2, soit dans un affidavit, soit par tout autre moyen. De toute façon, les autres montants inscrits à la pièce R‑2 représentent toutes les sommes cotisées pour les années 2000, 2001 et 2002 moins tout paiement ou remboursement, plus les nouveaux montants cotisés le 26 mai 2003 pour les années 1996, 1997, 1998 et 1999. Il est important de souligner que, pour le 20 juin 2003, on peut voir un débit de 1 357 185 $ portant une annotation « montant contesté et restauré ». Le « solde actuel » daté du 27 juin 2003, comme l’indique la pièce R‑2, semble représenter le total de tous les montants dus par l’appelant à Revenu Canada, qu’il fasse l’objet d’un appel ou non.

 

[11]    À mon avis, l’avocat de l’appelant a commis une erreur fondamentale en omettant d’établir une distinction entre une cotisation et un relevé de compte. Dans la décision Pure Spring Company Limited v. M.N.R., [1946] Ex. Cr. 471, le président Thorson[1] a décrit une cotisation de la manière suivante à la page 500 :

 

          [TRADUCTION]

 

       Il existe une différence entre une cotisation et un avis de cotisation. L’une est une mesure et l’autre est un document. La nature de la cotisation a été clairement expliquée par le juge en chef adjoint Isaacs d’Australie dans l’arrêt Federal Commissioner of Taxation v. Clarke ((1927) 40 C.L.R. 246 à la page 277) :

 

Une cotisation n’est qu’une constatation et l’établissement d’une obligation.

 

Il avait déjà expliqué cette définition dans la décision The King v. Deputy Federal Commissioner of Taxation (S.A.); ex parte Hooper ((1926) 37 C.L.R. 368, à la page 373) :

 

Une « cotisation » n’est pas un morceau de papier. Il s’agit d’une mesure officielle ou d’une exécution. Elle représente l’évaluation du commissaire, après avoir examiné toutes les circonstances pertinentes, y compris parfois sa propre opinion en ce qui concerne le montant d’impôt que doit régler un certain contribuable. Lorsqu’il a terminé son évaluation des montants, il envoie, par la poste, un avis appelé « Avis de cotisation » […] Toutefois, ni le document envoyé ni l’avis qu’il fournit ne constitue la « cotisation ». Cette dernière est et demeure une mesure prise par le commissaire.

 

C’est l’opinion que l’on s’est faite et non les documents sur lesquels elle est fondée qui constitue une des circonstances pertinentes de la cotisation. À mon avis, la cotisation constitue la conclusion finale de l’examen de tous les facteurs correspondant à l’obligation fiscale, évalués de différentes façons et l’établissement du résultat final lorsque tous les calculs nécessaires ont été effectués.

 

La Cour ne doit pas mal interpréter le droit d’appel permis par la Loi, qui est précisément un appel interjeté à l’encontre de la cotisation, comme se rapportant à une activité aussi différente que l’est le pouvoir discrétionnaire du ministre établi dans le paragraphe 6(2), s’il n’y a pas d’indication claire que c’était l’intention du Parlement […]

 

La description susmentionnée d’une cotisation a été citée favorablement à bien des reprises et constitue encore une bonne théorie. Seules certaines cotisations peuvent faire l’objet d’un appel. Dans ce sens, les dispositions suivantes de la Loi de l’impôt sur le revenu sont pertinentes :

 

151      Quiconque est tenu de produire une déclaration de revenu en vertu de l'article 150 doit, dans la déclaration, estimer le montant de l'impôt payable.

 

152(1)  Le ministre, avec diligence, examine la déclaration de revenu d'un contribuable pour une année d'imposition, fixe l'impôt pour l'année, ainsi que les intérêts et les pénalités éventuels payables et détermine :

 

a)         […]

 

165(1)  Le contribuable qui s'oppose à une cotisation prévue par la présente partie peut signifier au ministre, par écrit, un avis d'opposition […]

 

169(1)  Lorsqu'un contribuable a signifié un avis d'opposition à une cotisation, prévu à l'article 165, il peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l'impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation :

 

a)         après que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

 

b)         après l'expiration des 90 jours qui suivent la signification de l'avis d'opposition sans que le ministre ait notifié au contribuable le fait qu'il a annulé ou ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

 

toutefois, nul appel prévu au présent article ne peut être interjeté après l'expiration des 90 jours qui suivent la date où avis a été expédié par la poste au contribuable, en vertu de l'article 165, portant que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation.

 

 

171(1)  La Cour canadienne de l'impôt peut statuer sur un appel :

 

a)         en le rejetant;

 

b)          en l'admettant et en :

(i)          annulant la cotisation,

(ii)         modifiant la cotisation,

(iii)         déférant la cotisation au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

 

 

248(1)  Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

 

« cotisation » Est assimilée à la cotisation la nouvelle cotisation.

 

 

Il est clair, si l’on examine le paragraphe 152(1), que le ministre peut établir la cotisation d’impôt, les intérêts et les pénalités. Dans le jargon fiscal, nous disons souvent : [Traduction] « il a été cotisé » ou [Traduction] « sa déclaration a été cotisée », mais en pratique, on ne peut cotiser que l’impôt, l’intérêt et les pénalités en ce sens qu’une obligation fiscale est établie. Consultez le passage de la décision Pure Spring, précitée.

 

[12]    Le document du 26 mai indique un revenu imposable révisé de 1 236 140 $, un montant qui représente le total du (i) revenu imposable de 1 060 243 $ indiqué sur la nouvelle cotisation datée du 18 mai 2000, et (ii) la somme de 175 897 $ provenant des présumées appropriations en vertu de l’article 15. Le fait que le document du 26 mai indique le total de ces deux montants comme [Traduction] « revenu imposable révisé » est une bonne indication que, le 26 mai 2003, le ministre établissait une cotisation d’impôt pour l’année 1996 à partir de l’ensemble des revenus de l’appelant provenant de toutes sources. En d’autres termes, le document du 26 mai 2003 semble être une nouvelle cotisation d’impôt sur le revenu total de l’appelant pour l’année 1996. Cependant, il existe un motif plus important qui permet de conclure que le document du 26 mai constitue une nouvelle cotisation et non une cotisation supplémentaire.

 

[13]    Le document du 26 mai indique un impôt fédéral net dû de 376 955,48 $ et un impôt provincial dû de 258 336,14 $. Depuis un nombre incalculable d’années, on impose le revenu d’un contribuable canadien de façon graduelle et progressive, ce qui signifie qu’on impose le revenu plus faible dans une mesure moindre et le revenu plus élevé dans une mesure plus grande. Les taux d’imposition graduels ou progressifs sont précisés au paragraphe 117(2) de la Loi selon son application en 1996 :

 

117(2)  L'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour l'année d'imposition 1988 et les années d'imposition suivantes est calculé comme suit :

 

a)       au taux de 17 % sur, selon le cas, le revenu imposable ou le revenu imposable gagné au Canada du particulier pour l'année — appelé « montant imposable » à la présente sous‑section — si ce montant imposable n'excède pas 27 500 $;

 

b)         4 675 $ plus 26 % sur la partie du montant imposable qui excède 27 500 $, si celui‑ci excède 27 500 $ sans excéder 55 000 $;

 

c)         11 825 $ plus 29 % sur la partie du montant imposable qui excède 55 000 $, si celui­‑ci excède 55 000 $.

 

L’appelant est un résident de l’Ontario. En vertu d’une entente entre le gouvernement fédéral et le gouvernement de l’Ontario, le gouvernement fédéral perçoit un impôt sur le revenu au nom de l’Ontario. L’impôt sur le revenu provincial de l’Ontario établi pour une personne est environ 50 % de l’impôt fédéral, plus une surtaxe de l’Ontario également calculée à différents taux progressifs. Si le ministre voulait établir une cotisation d’impôt en vertu de la Partie I de la Loi sur un montant supplémentaire qui n’était pas compris antérieurement dans le calcul des revenus d’un contribuable pour une année d’imposition en particulier, il serait très embarrassant pour le ministre d’établir une cotisation « supplémentaire » parce que le taux ou les taux d’imposition relatifs à ces montants supplémentaires seraient calculés selon l’ensemble des revenus (et des nouveaux revenus imposables) pour lesquels un impôt avait déjà été cotisé.

 

[14]    Je suis convaincu, lorsque je regarde le recto du document du 26 mai (pièce « E » de l’affidavit de Marcel Dumas) que le ministre a établi la cotisation fiscale pour l’année 1996, le 26 mai 2003. Le relevé de compte qui apparaît à droite dans le document du 26 mai indique dans quelle mesure l’obligation fiscale de l’appelant envers Revenu Canada a changé (c.‑à‑d. a augmenté) après la nouvelle cotisation établie le 26 mai 2003. Toutefois, ce relevé de compte est le résultat de la cotisation du ministre en matière d’impôt, d’intérêts et de pénalités et n’a pas influencé ce dernier le 26 mai 2003. Je répète la déclaration du président Jackett dans le passage de la décision Abrahams citée au paragraphe 3 ci‑dessus et qui est formulée ainsi :

 

[TRADUCTION]

 

[…] Cependant, si la « nouvelle cotisation » prétend établir l’impôt total du contribuable pour l’année, et ne constitue pas seulement un montant d’impôt supplémentaire à celui qui a déjà été cotisé, la cotisation précédente doit automatiquement être annulée.

 

Il est évident, en examinant le document du 26 mai, que le ministre avait calculé [Traduction] « l’impôt total pour l’année » de l’appelant et qu’il n’avait pas simplement établi un montant d’impôt supplémentaire à celui déjà cotisé. C’est ce que je voulais dire lorsque j’ai indiqué que l’avocat de l’appelant avait omis d’établir la distinction entre une cotisation et un relevé de compte.

 

[15]    Ayant examiné les taux d’impôt progressifs de l’article 117, je ne peux pas concevoir que le ministre choisisse d’établir une cotisation « supplémentaire » pour un particulier en vertu de la Partie I de la Loi, si l’objectif du ministre est d’établir la cotisation d’impôt sur un [Traduction] « montant supplémentaire » qui n’a pas déjà été calculé dans les revenus. Un particulier peut également avoir un montant résiduel provenant d’une « perte autre qu’une perte en capital » d’une année d’imposition adjacente qui peut être déduite en vertu de l’article 111 de la Loi en effectuant le calcul du revenu imposable, et la déduction d’une telle perte peut compenser une partie ou tout le montant supplémentaire sur lequel le ministre prévoit cotiser un impôt. En pratique, il serait embarrassant et imprudent, pour le ministre, d’établir une cotisation « supplémentaire » pour un contribuable pour une année en particulier en vertu de la Partie I de la Loi. Je peux imaginer le ministre établissant une cotisation supplémentaire pour un particulier pour une année en particulier en vertu de la Partie XIII de la Loi relativement à un impôt que le particulier a omis de retenir sur les montants provenant de loyers, de redevances, etc., payés à une personne qui n’habite pas au Canada. On peut consulter le paragraphe 215(6) et l’alinéa 227(10)b). L’impôt calculé en vertu de la Partie XIII est établi à un taux fixe.

 

[16]    Dans une observation écrite après l’audition de la requête de l’intimée, l’avocat de l’appelant a fait la déclaration suivante : 

 

            [Traduction]

 

[…] une cotisation « supplémentaire » est, de par sa nature, un montant ajouté à une cotisation existante. Dans l’affaire qui nous occupe, la cotisation du 18 mai 2000 n’est associée qu’à la vente d’actions et de bien-fonds appartenant à Villa Toyota. La cotisation du 26 mai 2003 n’est liée qu’à des avantages conférés à un actionnaire (un montant d’environ 175 897,94 $) que l’on dit ne pas avoir été déclaré par le contribuable, M. Parent. Les détails de la cotisation du 26 mai 2003 ne sont pas différents de ceux de la cotisation établie le 18 mai 2000. On ne fait plutôt qu’« ajouter » un montant au revenu du contribuable pour des présumés avantages conférés à un actionnaire qui n’ont rien à voir avec l’appelant. Dans ce sens, on peut parler de la cotisation établie le 26 mai 2003 comme d’une cotisation « supplémentaire » […]

 

Il n’est pas exact de dire que [Traduction] « la cotisation du 18 mai 2000 n’est associée qu’à la vente d’actions et de bien‑fonds appartenant à Villa Toyota ». La cotisation fiscale établie le 18 mai était fondée sur l’ensemble des revenus imposables, y compris un montant provenant de la transaction Villa Toyota, qui n’avait peut‑être pas été déclarée ou calculé. Il n’est pas non plus approprié de dire que [Traduction] « la cotisation du 26 mai 2003 n’est liée qu’à des avantages conférés à un actionnaire (un montant d’environ 175 897,94 $) que l’on dit ne pas avoir été déclarés ». La cotisation fiscale du 26 mai était fondée sur l’ensemble des revenus imposables, y compris un montant provenant de présumés avantages conférés à un actionnaire, qui n’avait peut-être pas déjà été déclaré ou calculé. L’avocat de l’appelant semble croire que le ministre établit une cotisation pour une transaction en particulier. Je répète l’observation faite à la fin du paragraphe 11 ci‑dessus. Le ministre n’établit pas une cotisation relativement à une personne, à une déclaration de revenus, à une transaction ou même à un revenu. Théoriquement, en vertu du paragraphe 152(1), le ministre ne peut établir une cotisation que pour des impôts, des intérêts et des pénalités.

 

[17]    Lorsque le ministre a établi une cotisation fiscale le 26 mai 2003, il établissait une cotisation pour l’ensemble de tous les revenus provenant de toutes sources de l’appelant pour l’année 1996, y compris ceux provenant de la transaction Villa Toyota et les avantages présumés conférés à un actionnaire. En tant que telle, la cotisation établie par le ministre le 26 mai 2003 pour l’année 1996 constituait une nouvelle cotisation et, de ce fait, annulait toute cotisation établie antérieurement pour l’année  1996.

 

[18]    L’Avis d’appel, de la façon dont il est présenté, constitue un appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie le 18 mai 2000 pour l’année  1996. Il s’agissait d’une cotisation valide lorsqu’elle a été établie, mais la cotisation établie récemment le 26 mai 2003 pour l’année 1996 annule toute cotisation établie antérieurement pour l’année 1996. Par conséquent, l’Avis d’appel que vous me présentez constitue un appel interjeté à l’encontre d’une cotisation annulée et il doit être annulé à moins de n’être modifié. S’il n’en tenait qu’à moi, j’accueillerais la requête de l’intimée et j’annulerais l’appel. Toutefois, à la fin de l’audience, les avocats ont accepté que je n’émette pas d’ordonnance si j’accueillais la requête de l’intimée, pour donner à l’appelant le temps nécessaire pour présenter un Avis d’appel modifié.

 

[19]    L’appelant a jusqu’au 1er septembre 2003 pour déposer un Avis d’appel modifié afin d’interjeter appel à l’encontre de la cotisation établie le 26 mai 2003. Si, au 1er septembre 2003, l’appelant n’a pas déposé cet Avis d’appel modifié, l’appel présenté le 11 février 2002 sera annulé. On accordera à l’intimée les frais de cette requête quelle que soit l’issue de la cause.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour d’août 2003.

 

 

 

« M. A. Mogan »

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9jour de mars 2004.

 

 

 

 

Louise-Marie LeBlanc, traductrice



[1]           On peut dire que le président Thorson de la Cour de l’Échiquier du Canada est le père de la jurisprudence canadienne en matière d’impôt sur le revenu. Parmi les décisions qu’il a rendues de 1946 à 1963, il y a Pure Spring v. M.N.R. (1946), Simpson's Limited v. M.N.R. (1953), James Taylor v. M.N.R. (1956), Royal Trust v. M.N.R. (1957) et Beatrice Minden v. M.N.R. (1962) qui ont fourni des directives lorsque la procédure relative à l’impôt sur le revenu était en plein essor après la Deuxième Guerre mondiale et après l’entrée en vigueur de la « nouvelle » Loi en 1948.

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