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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2002-158(IT)I

ENTRE :

KAREN BOLT,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 4 juillet 2002, à Belleville (Ontario), par

l'honorable juge Terrence O'Connor

Comparutions

Pour l'appelante :                                 L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :                          Me Marlyse Dumel

JUGEMENT

          L'appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

         


Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour d'août 2002.

« T. O'Connor »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de juillet 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20020801

Dossier: 2002-158(IT)I

ENTRE :

KAREN BOLT,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1]      Le présent appel vise à déterminer si l'appelante doit inclure dans son revenu imposable un montant de 17 683 $ pour l'année d'imposition 1999, montant représentant des versements de pensions alimentaires pour enfants qui lui ont été faits par son ancien conjoint, Robert Brian Campbell (l' « ancien conjoint » ).

[2]      On a cité l'avis d'appel et la réponse à l'avis d'appel pour les années d'imposition 1997 et 1998 qui portaient sur la même question. Toutefois, la Cour n'est pas saisie de ces années pour les motifs suivants.

[3]      Pour 1997, l'appelante avait demandé à cette cour de proroger le délai de production de l'avis d'appel, mais cette demande a été rejetée car elle a été produite trop tard. L'ordonnance de cette cour qui rejetait cette demande a été signée le 15 juillet 2002.

[4]      En 1998, la cotisation portait qu'aucun impôt n'était payable et, puisque la règle générale veut qu'il n'y ait aucun appel devant cette cour d'une cotisation portant qu'aucun impôt n'est payable, la Cour n'est pas saisie de l'année 1998.

[5]      La réponse à l'avis d'appel pose, au paragraphe 14, les hypothèses de fait suivantes :

[traduction]

a)          l'appelante et son ancien conjoint, Robert Brian Campbell (l' « ancien conjoint » ), se sont mariés le 1er octobre 1977 et se sont séparés le ou vers le 7 novembre 1991;

b)          pendant la période pertinente, l'appelante et l'ancien conjoint vivaient séparément;

c)          pendant la période pertinente, l'appelante et l'ancien conjoint avaient deux enfants, soit Brian John Campbell, né le 22 avril 1980, et Jennifer Ellen Campbell, née le 18 avril 1982;

d)          en application de l'accord de séparation daté du 23 mars 1995 (l' « accord » ), l'ancien conjoint devait payer 600 $ à l'appelante pour les enfants à toutes les deux semaines, somme indexée au salaire de l'ancien conjoint; lesdits paiements ont débuté le 1er mai 1995;

e)          le 5 mai 1997, l'appelante a comparu devant la Cour de l'Ontario (Division provinciale) et a déposé l'accord au bureau du directeur du Régime des obligations alimentaires envers la famille du ministère du Procureur général de l'Ontario;

f)           le montant de la pension alimentaire pour enfants payable par l'ancien conjoint a été retenu de son salaire et remis à l'appelante en application du Régime des obligations alimentaires envers la famille mentionné à l'alinéa 14e) des présentes;

g)          l'appelante et l'ancien conjoint n'ont pas rempli, signé ni déposé le formulaire T1157 - CHOIX À L'ÉGARD DE LA PENSION ALIMENTAIRE POUR ENFANTS;

h)          l'objectif du formulaire mentionné à l'alinéa 14g) des présentes est de permettre le choix que les paiements de pension alimentaire pour enfants versés en application d'une ordonnance d'un tribunal rendue avant le 1er mai 1997 ou en vertu d'un accord de séparation conclu avant le 1er mai 1997 ne soient pas imposables pour le bénéficiaire ni déductibles pour le payeur;

i)           l'action prise par l'appelante mentionnée à l'alinéa 14e) des présentes n'a pas causé ni autrement représenté une modification du montant de pension alimentaire payé en vertu de l'accord; et

j)           l'ancien conjoint a payé et l'appelante a reçu une pension alimentaire pour enfant au montant de [...] 17 683 $ pour l'année d'imposition 1999.

ANALYSE

[6]      Les principaux motifs d'appel de l'appelante sont énoncés dans l'avis d'appel comme suit :

[traduction]

Le principal motif de mon appel est que les lois portant sur l'imposition des pensions alimentaires ont été modifiées le 1er mai 1997. J'avais compris, et je comprends toujours que, puisque j'avais déjà conclu un accord écrit avec mon ancien mari à l'égard de la pension alimentaire pour enfants, la seule manière d'appliquer les nouvelles règles à ma situation serait d'aller devant un tribunal et de faire modifier l'accord.

J'ai demandé à un tribunal une telle modification. Je me suis présentée au tribunal le jour de l'audition, et le juge m'a dit que, puisque mon ancien mari avait été avisé et avait décidé de ne pas comparaître, mon accord actuel était en règle et que les nouvelles règles s'y appliqueraient. Il a dit que, puisqu'il y avait un accord écrit entre nous deux et que celui-ci n'avait jamais été déposé auprès d'un tribunal, tout ce que j'avais à faire pour faire appliquer les nouvelles règles était de déposer l'accord auprès de la Cour. Il a dit que, une fois l'accord déposé auprès du tribunal, il serait traité comme un « nouvel accord » et que les nouvelles règles d'imposition des pensions alimentaires pour enfants s'y appliqueraient. C'est ce que j'ai compris, et j'y ai cru.

J'ai déposé l'accord auprès du tribunal le 5 mai 1997, et je croyais que c'en était fini.

[7]      L'accord de séparation entre l'appelante et l'ancien conjoint a été daté du 23 mars 1995 et a été déposé comme pièce R-1. La principale disposition pertinente aux fins du présent appel est le paragraphe 5, lequel se lit comme suit :

[traduction]

            À compter du 1er mai 1995, Bob paiera à Karen comme pension alimentaire pour les enfants une somme de 300 $ par enfant toutes les deux semaines (pour un total de 600 $ par deux semaines) payable pour chaque enfant jusqu'à la première des occurrences suivantes :

a)          l'enfant atteint l'âge de 18 ans et cesse d'être étudiant à temps plein dans un établissement d'éducation (les vacances normales et les périodes de travail liées à l'école sont réputées ne pas être une cessation d'études à temps plein);

b)          l'enfant atteint l'âge de 24 ans;

c)          l'enfant obtient son premier diplôme postsecondaire;

d)          l'enfant se marie;

e)          l'enfant meurt.

[8]      Le volume 2 de CCH Canadian Tax Reporter (à la page 9058 et ss.) présente un résumé succinct des dispositions applicables de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) :

[traduction]

Les paiements de pension alimentaire pour enfants et conjoint étaient auparavant inclus dans le revenu du bénéficiaire en application des anciens alinéas 56(1)b) ou c), et lesdits paiements étaient auparavant déductibles du revenu du payeur en application des alinéas 60b) ou 60c). Le système d' « inclusion/déduction » pour les paiements de pension alimentaire pour enfants a été contesté dans Thibaudeau c. Canada, [1995] 2 R.C.S 627. Dans cette affaire, la contribuable faisait valoir que le système violait son droit à l'égalité protégé par l'article 15 de la Charte des droits et libertés au motif qu'il imposait sur elle un fardeau qui n'était pas imposé sur d'autres personnes qui n'étaient pas les gardiens divorcés ou séparés de leurs enfants.

La Cour suprême du Canada a accueilli le pourvoi de la Couronne et confirmé la constitutionnalité du système d'inclusion/déduction pour les paiements de pension alimentaire pour enfants prévu par les anciens alinéas 56(1)b) et c) et 60b) et 60c). Toutefois, divers groupes ont exercé de fortes pressions et ont persuadé le gouvernement d'étudier la question en vue de modifier le système. Cette étude a culminé avec l'annonce dans le budget fédéral de 1996 que l'ancien système d'imposition des paiements de pension alimentaire pour enfant serait remplacé par un nouveau système de non-imposition. En vertu du nouveau système, les paiements de pension alimentaire pour enfant ne sont ni déductibles pour le payeur ni inclus dans le revenu du bénéficiaire.

Par conséquent, en vertu des règles actuelles des alinéas 56(1)b) et 60b), les paiements de pension alimentaire pour enfants ne sont ni inclus dans le revenu du bénéficiaire ni déductibles pour le payeur. Les règles actuelles s'appliquent après 1996 et touchent les montants de pensions alimentaires pour enfants payables après avril 1997. Les règles actuelles s'appliquent à tous les paiements de pension alimentaire pour enfants faits en vertu d'une ordonnance d'un tribunal rendue après le mois d'avril 1997 ou d'un accord écrit conclu après cette date. Pour les ordonnances ou les accords datant d'avant mai 1997, le système antérieur d'inclusion/déduction s'applique généralement, mais le système actuel s'applique si

1)          le payeur et le bénéficiaire déposent un choix commun que les règles actuelles s'appliquent aux paiements faits après une date désignée postérieure à avril 1997;

2)          l'ordonnance ou l'accord est modifié après avril 1997, ou une autre ordonnance ou un autre accord est fait après le 30 avril 1997, si cela a pour effet de changer le montant de pension alimentaire pour enfants prévu dans l'ordonnance ou dans l'accord original; ou

3)          l'ordonnance ou l'accord prévoit que les règles actuelles s'appliqueront aux paiements faits après une date déterminée postérieure à avril 1997.

[...]

L'expression « pension alimentaire » est définie au paragraphe 56.1(4). Elle désigne un montant payable à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

            a)          le bénéficiaire et le payeur sont des époux, des conjoints de fait, des ex-époux ou des anciens conjoints de fait vivant séparément pour cause d'échec de leur mariage ou union de fait, et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit; ou

[...]

« pension alimentaire pour enfants » est définie au paragraphe 56.1(4) et représente en fait toute pension qui, d'après l'accord ou l'ordonnance, n'est pas destinée uniquement à subvenir aux besoins de l'époux, du conjoint de fait ou d'un parent (le « bénéficiaire » ). Par conséquent, si une ordonnance ou un accord prévoit une pension à la fois pour le bénéficiaire et les enfants mais ne spécifie pas le montant destiné à subvenir aux besoins du bénéficiaire, la pension totale est considérée une pension alimentaire pour enfants.

[9]      Selon moi, il n'a pas été prouvé que les hypothèses de la réponse citées ci-dessus sont fausses, et l'analyse juridique qui s'y trouve est juste. L'accord de séparation date d'avant le 1er mai 1997 et aucune des trois conditions précitées qui feraient appliquer le système actuel ne s'applique. De plus, il est clair que les pensions alimentaires pour enfants prévues dans l'accord de séparation sont clairement couvertes par l'alinéa 56(1)b). Le dépôt de l'accord à la Cour de l'Ontario (Division provinciale) et auprès du bureau du directeur du Régime des obligations alimentaires envers la famille du ministère du Procureur général de l'Ontario n'a pas pour effet de changer la date de l'accord ni de faire s'appliquer les règles applicables après avril 1997.


[10]     Pour les motifs susmentionnés, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour d'août 2002.

« T. O'Connor »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de juillet 2003.

Mario Lagacé, réviseur

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