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Dossier: 2002-3136(IT)I

ENTRE :

OMAR H. GRINBLATS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 11 avril 2003 à Nelson (Colombie-Britannique) par

l'honorable juge E. A. Bowie

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me David K. Simpkin

Avocate de l'intimée :

Me Amy Francis

____________________________________________________________________

JUGEMENT

                Les appels interjetés à l'égard des cotisations établies en application de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1998, 1999 et 2000 sont admis, et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations, en tenant compte du fait que, pour chaque année d'imposition 1998, 1999 et 2000, l'appelant se servait du véhicule pour un total de 11 086 kilomètres, dont 10 620 kilomètres représentent l'usage à des fins commerciales et 466 kilomètres représentent l'usage personnel, et que pour chaque année toutes les conditions mentionnées au paragraphe 6(2) de la Loi ont été satisfaites. L'appelant a droit à ses frais.


Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour d'août 2003.

« E. A. Bowie »

Le juge Bowie

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de juin 2005.

Sophie Debbané, réviseure


Référence: 2003CCI564

Date: 20030812

Dossier: 2002-3136(IT)I

ENTRE :

OMAR H. GRINBLATS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bowie

[1]      M. Grinblats interjette appel à l'encontre de nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) pour les années d'imposition 1998, 1999 et 2000. Les nouvelles cotisations ont été établies à la suite des avis d'opposition qu'il a déposés à l'égard de nouvelles cotisations antérieures par lesquelles des montants avaient été ajoutés à son revenu à titre d'avantages conférés à un actionnaire relativement à son utilisation personnelle d'un camion appartenant à Bartley Developments Ltd. (Bartley). Les montants ajoutés à son revenu par les nouvelles cotisations initiales et par les nouvelles cotisations subséquentes sont les suivants :

[traduction]

                                                1998                             1999                             2000

Nouvelle cotisation initiale

Frais pour droit d'usage             7 595 $                         7 595 $                         7 595 $

   d'une automobile

Frais d'utilisation                        1 045 $                            975 $                            975 $

Total                                         8 640 $                         8 570 $                         8 570 $

Après opposition

Frais pour droit d'usage             7 595 $                         7 595 $                         7 595 $

   d'une automobile

Frais d'utilisation                           480 $                            448 $                            448 $

Total                                         8 075 $                         8 043 $                         8 043 $

[2]      Un certain nombre de faits ne sont pas contestés. Le véhicule en question est un camion à cabine allongée de modèle Ford F250 1992. Il était neuf lorsque Bartley l'a acheté en 1991. L'appelant est le seul actionnaire et le seul employé de Bartley. Il occupe un poste à temps plein chez Korpack Cement Products Co. Ltd. à Trail (Colombie-Britannique). Il exploite également l'entreprise Bartley, qui possède et loue trois machines d'extraction de modèle Bobcat. Il utilise le camion pour le transport de ces machines chez les clients, qui les louent habituellement pendant de courtes périodes. Il se sert également du véhicule pour aller chez ses clients lorsque les machines Bobcat s'y trouvent pour y faire le plein, vérifier l'équipement et effectuer les réparations nécessaires. M. Grinblats admet qu'il a utilisé le camion à des fins personnelles au cours des années en question, mais il soutient que cette utilisation était minimale et certainement beaucoup moins importante que ne l'indiquent les cotisations. La seule question que je dois trancher en l'espèce est celle de l'usage personnel du véhicule.

[3]      Les alinéas 6(1)e) et k) prévoient l'inclusion dans le revenu comme avantage au titre d'un emploi, des frais pour droits d'usage d'une automobile et des frais d'utilisation relatifs à un véhicule fourni par un employeur à un employé pour usage personnel. Le paragraphe 15(5) rend ces dispositions applicables lorsqu'une société met un véhicule à la disposition d'un actionnaire pour son usage personnel. Le paragraphe 6(2) contient des dispositions complexes pour le calcul des frais pour droits d'usage d'une automobile mais, aux fins des présentes, il suffit de dire que les frais pour droits d'usage d'une automobile sont grandement diminués lorsque trois conditions sont remplies :

(i)       si l'employeur exige du contribuable qu'il utilise l'automobile pour l'entreprise de l'employeur;

(ii)       si la totalité, ou presque, de la distance parcourue par l'automobile est parcourue dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi; et

(iii)      l'usage personnel n'a pas excédé 12 000 kilomètres (km) au cours de l'année.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la première et la troisième de ces conditions ont été respectées. L'appelant soutient qu'il satisfait également à la deuxième condition, ce qui est nié par l'intimée. Je souligne que les parties ont procédé au présent appel en présumant que le camion était visé par la définition d' « automobile » qui se trouve au paragraphe 248(1) de la Loi et, par conséquent, je rendrai ma décision sur ce fondement.

[4]      Il est regrettable que M. Grinblats n'ait pas conservé de registre pour consigner son utilisation personnelle du camion au cours des années en question, car cela aurait permis d'éviter le présent appel. Cela n'entraîne pas en soi le rejet de sa position, mais a pour effet d'alourdir le fardeau qui lui incombe de prouver que les hypothèses du ministre relatives à l'utilisation du véhicule sont erronées, comme l'a souligné la Cour d'appel fédérale à plusieurs reprises.[1] En l'espèce, le contribuable et le ministre ont tous deux fait des estimations du pourcentage d'utilisation du véhicule attribuable à l'entreprise de Bartley et du pourcentage attribuable à l'usage personnel de l'appelant. Après avoir considéré la preuve, je crois que le témoignage et les estimations de l'appelant sont plus fiables.

[5]      Julia Jennex est la vérificatrice du ministre qui a établi les nouvelles cotisations initiales. Elle ne disposait que de très peu de temps pour réaliser la vérification de Bartley et elle a principalement vérifié les avantages conférés à un actionnaire et, en particulier, l'utilisation par M. Grinblats du véhicule de la société. Après avoir établi, lors d'une entrevue avec l'appelant, qu'il utilisait le camion à des fins personnelles, et qu'il ne conservait aucun registre pour consigner son utilisation personnelle, elle a entrepris d'en faire une estimation. Elle a débuté en se fondant sur l'hypothèse, qui était fondée sur des conversations avec des vendeurs d'automobiles, qu'une personne moyenne parcourait environ 15 000 km par année. À cela, elle a ajouté 10 000 km pour l'utilisation aux fins de l'entreprise. Elle semble également avoir décidé que le véhicule avait été utilisé davantage au cours des dernières années. Ainsi, elle a estimé que le camion avait parcouru au total environ 21 000 km en 1998, 23 000 km en 1999 et 25 000 km en 2000. Afin d'estimer l'usage personnel de l'appelant, elle a examiné ses relevés bancaires sur une période de six mois et a présumé que tous les achats effectués au moyen de la carte de débit apparaissant sur les relevés avaient été effectués par l'appelant. Elle a mesuré le kilométrage à partir de la résidence de l'appelant jusqu'aux divers commerces où les achats avaient été effectués. Selon ces calculs, elle a tiré une conclusion quant à la distance qu'il avait parcourue pour effectuer ces achats. Ensuite, elle a fait des estimations similaires en se fondant sur le compte conjoint de M. Grinblats et de son épouse, et a divisé le montant en deux, présumant qu'ils avaient chacun effectué un montant égal d'achats avec cette carte de débit. Elle a extrapolé à partir de ces chiffres sur toute la période de trois ans faisant l'objet de la vérification et les a ensuite multipliés par quatre, sur l'hypothèse que le résultat représenterait les achats effectués par carte de crédit et en argent comptant. À cela, elle a ajouté un montant pour des déplacements qu'elle a présumés que l'appelant avait faits de sa résidence aux magasins de matériaux de construction relativement à des rénovations qu'il a effectuées à sa résidence en 1999. Cela était fondé sur de l'information obtenue du compte de prêts aux actionnaires de Bartley, qu'il a utilisé pour acheter des matériaux pour les travaux de rénovation. Elle a également inclus dans l'estimation du kilométrage annuel à des fins personnelles un montant de 1 500 km pour les déplacements entre sa résidence et les lieux de travail, des montants arbitraires pour des rendez-vous chez le médecin, le dentiste, des amis et la famille, ainsi qu'un montant de 2 000 km pour des déplacements au cours des vacances. Elle a présenté ces estimations à l'appelant et a ensuite effectué certains rajustements arbitraires à la baisse pour tenir compte de sa réponse à cet égard. Elle a divisé en deux l'estimation des déplacements au cours des vacances; elle a réduit le facteur des achats personnels effectués au comptant et par carte de crédit de quatre à deux, et elle a soustrait un montant pour tenir compte du fait que la famille possédait une camionnette de modèle Oldsmobile et une voiture que l'appelant pouvait utiliser. Après avoir effectué ces rajustements, les estimations ont été réduites à 11 692 km pour l'usage à des fins commerciales et à 6 964 km pour l'usage personnel, soit un total de 18 656 km pour chacune des trois années.

[6]      Selon ce qui précède, il est évident que Mme Jennex a fondé son estimation de l'usage personnel du camion de l'appelant sur de nombreuses hypothèses arbitraires. Par exemple : M. Grinblats s'est déplacé pour faire des courses personnelles en utilisant seulement le camion de Bartley; il a utilisé le camion pour effectuer la majorité des courses pour sa famille et, ce faisant, il a toujours fait des déplacements séparés pour chacune des courses; il a utilisé le camion trois fois par semaine pour se déplacer de sa résidence au travail; il a travaillé dans l'édifice Korpack situé sur l'avenue Wellington, qui est à 5 km de sa résidence; et il a utilisé le camion pour les vacances familiales chaque été, parcourant 1 000 km.

[7]      L'agent des appels, dont les cotisations font l'objet du présent appel, a diminué les frais d'utilisation inclus dans la cotisation de la façon indiquée au paragraphe 1 ci-dessus. Le document devant moi n'indique aucunement pourquoi ces modifications ont été effectuées. Toutefois, la deuxième série de nouvelles cotisations doit avoir été établie en tenant compte, dans une large mesure, des hypothèses de Mme Jennex. Les répartiteurs du ministre peuvent, de toute évidence, se fonder sur des hypothèses arbitraires dans l'établissement des cotisations, et ils n'ont souvent pas d'autre choix. En l'espèce, Mme Jennex n'avait pas vraiment le choix en l'absence d'un registre indiquant l'usage commercial et l'usage personnel. Les hypothèses ne sont que des hypothèses. Toutefois, comme je l'ai souligné, l'appelant peut les réfuter.

[8]      Avant de discuter de la preuve déposée par l'appelant, je formulerai quelques commentaires à l'égard de la réponse déposée par le sous-procureur général du Canada. Le sous-procureur général a l'obligation, dans tout appel relatif à l'impôt sur le revenu, d'énoncer honnêtement et intégralement les hypothèses sur lesquelles le ministre s'est fondé en établissant la cotisation. Il s'agit d'un principe élémentaire du droit, qui découle du statut spécial accordé à ces hypothèses par les tribunaux depuis le début du siècle dernier[2] et des Règles[3] promulguées par le Comité des règles en vertu de l'article 20 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt[4]. Je ne peux que citer ce que le juge en chef adjoint Bowman a récemment affirmé à ce sujet dans la décision Shaughnessy c. Sa Majesté la Reine :[5]

12       Les alinéas f), g), h) et i) renferment les formules types habituelles représentant une partie connue mais essentiellement inutile de la plupart des appels relatifs à l'attente raisonnable de profit. On appuie sur le bouton approprié de l'ordinateur et celui-ci sort sur imprimante les alinéas f) à i).

13       Les alinéas m), n) et o) renferment d'autres formules constituant la même sorte de verbiage. L'alinéa m) est évidemment l'obligatoire incantation rituelle du mantra de l'attente raisonnable de profit. Les alinéas n) et o) sont simplement ajoutés en prime. Ils ne trouvent aucun fondement dans la preuve et n'ont pas été allégués au cours de l'argumentation. Ils sont tellement forcés qu'il n'est pas possible qu'ils aient été la base des cotisations. Je présume qu'appuyer sur un bouton de l'ordinateur pour produire les alinéas n) et o) exige à peu près le même degré de réflexion et de délibération qui a été nécessaire pour produire les alinéas f) à i). Le fait est simplement que ces mêmes alinéas figurent dans les réponses aux avis d'appel dans pratiquement toutes les causes relatives à l'attente raisonnable de profit soumises à notre cour. Il est inacceptable que ce genre de régurgitation irréfléchie de formules verbales stéréotypées se retrouve dans toutes les réponses aux avis d'appel dans les causes relatives à l'attente raisonnable de profit. La formulation d'hypothèses dans la réponse à l'avis d'appel comporte une sérieuse obligation, pour la Couronne, d'énoncer honnêtement et intégralement les hypothèses effectives sur lesquelles le ministre s'est fondé en établissant la cotisation, qu'elles appuient ou non la cotisation. Le fait d'alléguer dans la réponse à l'avis d'appel que le ministre s'est fondé sur des hypothèses qu'il ne peut avoir formulées n'est pas une façon de satisfaire à cette obligation. Le tribunal et la partie appelante devraient pouvoir compter sur l'exactitude et l'exhaustivité des hypothèses alléguées dans la réponse à l'avis d'appel. Malheureusement, cela devient de plus en plus difficile. L'ensemble du système élaboré dans nos tribunaux quant aux hypothèses et quant au fardeau de la preuve est menacé si la partie intimée n'énonce pas les hypothèses effectives sur lesquelles se fonde la cotisation, et ce, avec une franchise, une impartialité et une honnêteté totales.

En l'espèce, les seules hypothèses plaidées relativement à l'unique question en litige sont énoncées aux alinéas 10 g) et h) de la réponse :

[traduction]

10.        En établissant les nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

[...]

g)          le camion n'a pas été utilisé par l'appelant pour la presque totalité des déplacements aux fins de l'entreprise de Bartley au cours des années d'imposition 1998, 1999 et 2000;

h)          l'appelant a utilisé le camion à des fins personnelles pour un total de 3 200 kilomètres au cours de chacune des années d'imposition 1998, 1999 et 2000; et ...

Il est impossible d'imaginer que ces deux affirmations, la première étant une conclusion de droit plutôt qu'un énoncé de faits, puissent satisfaire l'obligation qui incombe au sous-procureur général d'énoncer honnêtement équitablement et intégralement les hypothèses sur lesquelles le ministre s'est fondé en établissant les cotisations.

[8]      M. Grinblats et sa conjointe, Samantha Grinblats, ont tous deux témoigné. J'ai été impressionné par leur témoignage direct et sincère. Il diffère de façon importante de celui de Mme Jennex à l'égard de plusieurs éléments essentiels; où il diverge, je retiens le témoignage de M. et de Mme Grinblats. Je ne suggère pas que Mme Jennex était un témoin malhonnête. Il ne fait aucun doute qu'elle a dit ce qu'elle croyait être la vérité telle qu'elle la comprenait. Toutefois, il semble évident qu'elle ait disposé de très peu de temps pour effectuer cette vérification, comme je l'ai mentionné précédemment, et je crois qu'elle a tiré des conclusions des conversations qu'elle a eues avec l'appelant qui n'étaient tout simplement pas fondées. Je crois qu'il y avait un problème de communication entre elle et l'appelant qui tenait en partie de la langue et en partie de la tendance de Mme Jennex à ne pas prêter suffisamment d'attention à ce que lui disent les gens. Mme Jennex a témoigné que M. Grinblats lui avait dit que sa famille et lui étaient allés en vacances avec le camion de Bartley. M. et Mme Grinblats ont tous deux insisté, dans leur témoignage, qu'ils avaient utilisé leur camionnette Oldsmobile Silhouette au cours de leurs vacances. Mme Jennex a soutenu que M. Grinblats lui avait dit que leur camionnette Oldsmobile fonctionnait au carburant diesel et que le camion fonctionnait à l'essence; en fait, c'était le contraire. Mme Jennex a soutenu que M. Grinblats lui avait dit qu'il faisait la moitié des courses et des achats pour la famille, tandis que l'appelant et son épouse ont tous deux témoigné sans équivoque que l'appelant ne faisait pratiquement aucune course ni aucun achat pour la maison. Non seulement les témoignages offerts par M. et Mme Grinblats se rejoignaient, mais lorsqu'ils différaient de celui de Mme Jennex, leur version des événements et des conversations était plus probable en soi. Par exemple, il est peu probable qu'ils partiraient en vacances en famille avec deux jeunes enfants dans un camion fonctionnant au carburant diesel avec un réservoir de carburant à diesel de 100 gallons et un gros coffre à outils à l'arrière, alors qu'ils pouvaient utiliser leur nouvelle camionnette Oldsmobile.

[9]      Un exemple des hypothèses non fondées de Mme Jennex est celle relative au kilométrage que M. Grinblats aurait parcouru pour se rendre au travail avec le camion. Elle a présumé qu'il travaillait à l'édifice Korpack, qu'elle avait vu sur l'avenue Wellington lorsqu'elle se rendait à Trail; elle a donc calculé la distance de cet endroit à la résidence de l'appelant et a décidé qu'il parcourait 10 km avec le camion, du travail à la maison, trois fois par semaine et 50 semaines par année. En fait, M. Grinblats travaillait à la centrale de dosage de Korpack, un endroit complètement différent situé à moins de 2,5 kilomètres de sa résidence, et il a témoigné qu'il ne se servait du camion pour se rendre au travail qu'à l'occasion, par exemple, lorsqu'il devait l'utiliser après le travail pour l'entreprise. Il lui arrivait plus fréquemment d'utiliser la camionnette de son épouse, ou parfois sa Chevelle, pour aller travailler. Bien que plusieurs de ces écarts, pris individuellement, sont relativement mineurs, leur effet cumulé représente une erreur importante. Sur un plan plus fondamental, ils démontrent que Mme Jennex était bien disposée à faire des hypothèses non fondées que les faits ne justifiaient tout simplement pas.

[10]     L'appelant a réussi à démolir les hypothèses sur lesquelles les cotisations sont fondées. Il a également présenté une preuve convaincante afin d'établir l'utilisation totale réelle et l'usage aux fins de l'entreprise du camion au cours des trois années en litige. Cette preuve est double. La distance totale parcourue par le camion au cours de ces trois années peut être établie avec une grande exactitude à partir de certains registres que l'on trouve à l'onglet 14 de la pièce A-1. Il s'agit de copies de pages d'un carnet dans lequel l'appelant consignait les dates et les lectures d'odomètre lorsque son beau-père et lui-même effectuaient certaines réparations sur le camion, d'une facture d'un garage datée du 13 novembre 1997, et d'un acte de vente daté du 20 janvier 2001 lorsque le camion a été échangé. Puisque les nouvelles cotisations couvrent la période allant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000, les deux derniers documents indiquent l'utilisation du camion pour une période qui n'est que de 37 jours plus longue. Les dates et les lectures d'odomètre indiquées dans ces documents sont les suivantes :

[traduction]

8 mars 1997                              102 166 km

24 juillet 1997                           106 905 km

26 octobre 1997                       110 355 km

13 novembre 1997                    111 420 km

20 janvier 2001                         146 758 km

Ces données indiquent que l'utilisation du camion était relativement stable pendant toute la période. Elles indiquent également que, pour les trois années en litige, la distance totale parcourue par le camion était de (146 758 - 111 420) ÷ 38,25 × 36 = 33 259 km, ou 11 086 km par année.

[11]     Un autre élément de preuve est un chiffrier que M. Grinblats a préparé peu avant l'instance à partir d'un agenda qu'il conservait des nombreuses visites qu'il effectuait chez des clients et des déplacements à d'autres endroits relativement à l'entreprise des machines Bobcat. Le chiffrier a été préparé ultérieurement, et il ne contient pas de données sur les distances parcourues. Néanmoins, je suis convaincu qu'il est fiable. Il a été préparé à partir de documents contemporains aux événements, et M. Grinblats a décrit dans son témoignage la méthode qu'il a utilisée pour établir la distance de chaque déplacement. Me Francis a mené un contre-interrogatoire serré à propos de ce document, mais elle n'a pas réussi à affaiblir son témoignage. De plus, Mme Jennex a affirmé par deux fois, pendant sa vérification et dans son témoignage en l'instance, qu'elle acceptait l'exactitude du calcul de l'appelant de l'usage du véhicule à des fins commerciales. Pour ce motif, je n'examinerai pas en détail la méthodologie utilisée. Les chiffriers indiquent que l'usage commercial du camion au cours de la période du 24 juillet 1997 au 20 janvier 2001 s'élevait à 38 177,9 km. L'utilisation totale au cours de la même période était de 146 758 - 106 905 = 39 853 km. Par conséquent, l'usage commercial équivalait à 38 177,9 ÷ 39 853 x 100 = 95,8 % de l'utilisation totale. Il est raisonnable de conclure de ces données que l'utilisation du véhicule tant à des fins personnelles que commerciales était la même au cours de chacune des trois années en question.

[12]     Les appels sont admis et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations, en tenant compte du fait que, pour chaque année d'imposition 1998, 1999 et 2000, l'appelant se servait du véhicule pour un total de 11 086 kilomètres, dont 10 620 kilomètres représentent l'usage commercial et 466 kilomètres représentent l'usage personnel, et que pour chaque année toutes les conditions mentionnées au paragraphe 6(2) de la Loi ont été satisfaites. L'appelant a droit à ses frais.


Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour d'août 2003.

« E. A. Bowie »

Le juge Bowie

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de juin 2005.

Sophie Debbané, réviseure



[1]           Sidhu c. M.R.N., [1993] A.C.F. no 937, au paragraphe 5 (93 DTC 5453, aux pages 5454-5); Schwarz c. Sa Majesté la Reine, C.F. 1er inst., n ° T-3048-81, 25 mai 1997, au paragraphe 6 (87 DTC 5274, à la page 5275). Voir aussi Kay c. Canada, [1994] A.C.I. 487 au paragraphe 9, et Keating c. Canada, [2001] A.C.I. 466, aux paragraphes 14-5.

[2]           AndersonLogging v. The King, [1925] S.C.R. 45; Johnstonv. M.N.R. [1948] S.C.R. 486.

[3]            Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure informelle) art. 6; voir aussi Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) art. 49.

[4]           L.R. 1985 c. T-2 dans sa version modifiée, art. 20.

[5]           C.C.I., n ° 2000-178(IT)G, 9 janvier 2002, à la page 4 (2002 DTC 1272, aux pages 1274-75) paragraphes 12 et 13.

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