Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 96-2573(IT)G

ENTRE :

PAT HAYES,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

______________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Philip Hayes (96-2737(IT)G), (99-2414(IT)G), de Stephen Stephens (97-653(IT)G), (97-749(IT)G), de Gordon Rezek (98-806(IT)G) et de Muriel Scott (98-2507(IT)G) les 28, 29, 30 et 31 octobre, ainsi que les 4, 5, 6, 7, 18, 19, 20, 21, 25, 26 et 27 novembre 2002, à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions :

Avocats de l'appelante :

Mes Geoffrey B. Shaw et Stevan Novoselac

Avocats de l'intimée :

Mes Henry Gluch, David Chodikoff

et James Rhodes

___________________________________________________________________

JUGEMENT

Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1992 et 1993 sont admis, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon les tableaux annexés aux présentes.

L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi pour l'année d'imposition 1989 est rejeté car l'application des conclusions exposées dans les motifs du jugement ci-joints donnerait lieu à une cotisation supérieure à celle qui a été établie à l'égard de l'appelante, comme il est indiqué dans les tableaux annexés aux présentes.

L'intimée a droit à 75 % de ses frais, établis en conformité avec le tarif.

         

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de septembre 2003.

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de décembre 2003.

Mario Lagacé, réviseur


Dernière cotisation

Décision de la Cour

152(7)

Patricia Hayes

Patricia

Patricia

1989

1989

Emploi

     20 165,14

    20 165,14

Revenu de dividende :

Abitibi

Alcan

Gulf

Placer

Trilon

Westar

Dividendes comp. :

Abitibi

Alcan

Gulf

Hees

Laidlaw

        (0,12)

Placer

Trilon

Westcoast

Inconnu

Total des dividendes

          -   

Majoration @ 1,25

          -   

Revenu d'intérêt :

Banque TD

       352,27

La Mutuelle, Compagnie d'assurance sur la vie

State Farm

Merrill Lynch

879,33

RBC Dominion Valeurs mobilières

Autres revenus

     4 528

Revenu (perte) d'entreprise :

Consultation

Haylon Inc.

Titres :

Westcoast

Alcan

Revenu total

     20 165,14

    25 924,74


Dernière cotisation

Décision de la Cour

152(7)

Patricia Hayes

Patricia

Patricia

1989

1989

Revenu total

     20 165,14

    25 924,74

Frais de couverture :

Frais de location :

Hees

Westcoast

Trilon

      (600)

Dividendes payés :

Abitibi

Alcan

Gulf

Hees

Laidlaw

        (0,12)

Placer

Trilon

Frais de gestion

Frais comptables

      (480)

Revenu net

     20 165,14

    24 844,62

Pertes autres qu'en capital

Revenu imposable

     20 165,14

    24 844,62


Crédits d'impôt non remboursables

Personnels

     (6 066)

    (6 066)

Personne mariée

RPC

       (366,77)

      (366,77)

A.-C.

       (393,22)

      (393,22)

     (6 825,99)

    (6 825,99)

x 17 %

     (1 160,42)

    (1 160,42)


Dernière cotisation

Décision de la Cour

152(7)

Pat Hayes

Patricia

Patricia

1992

1992

Emploi

     17 405

17 405

Revenu de dividende :

Abitibi

Alcan

Gulf

Placer

Trilon

Dividendes comp. :

Abitibi

Alcan

Gulf

Dofasco

Laidlaw

     (0,16)

Placer

Trilon

Total des dividendes

Majoration @ 1,25

Revenu d'intérêt :

Banque TD

      1 869,41

2 078,54

La Mutuelle, Compagnie d'assurance sur la vie

Canada-Vie

T452 - remboursement ind.

         28,59

     28,59

Ivaco - WG

Wood Gundy

RBC Dominion Valeurs mobilières

Gains en capital imposables (pertes en capital admissibles) :

Abitibi

Gulf

Revenu (perte) d'entreprise :

Titres :

Walker

Abitibi

Revenu total

     19 303

19 512,13

Frais de couverture :

Frais de location :

Trilon

   (600)

Dofasco

Frais comptables

Frais comptables - payés en 1992

   (963)

Revenu net

     19 303

17 949,13

Pertes autres qu'en capital

Déd. au titre des gains en capital

Revenu imposable

     19 303

17 949,13

Crédits d'impôt non remboursables

Dernière cotisation

Décision de la Cour

152(7)

Pat Hayes

Patricia

Patricia

1992

1992

Personnels

     (6 456)

(6 456)

Personne mariée

RPC

       (340,76)

   (340,76)

A.-C.

       (518,25)

   (518,25)

     (7 315,01)

(7 315,01)

x 17 %

     (1 243,55)

(1 243,55)


Dernière cotisation

Décision de la Cour

152(7)

Patricia Hayes

Patricia

Patricia

1993

1993

Emploi

     20 662

   20 662

Revenu de dividende :

Alcan

Placer

Trilon

Dividendes comp. :

Alcan

Laidlaw

       (0,16)

Placer

Trilon

Total des dividendes

         -   

Majoration @ 1,25

         -   

Revenu d'intérêt :

Banque TD

      1 360

    1 486,29

La Mutuelle, Compagnie d'assurance sur la vie

Bons du Trésor

First Marathon

Ivaco

Wood Gundy

RBC Dominion Valeurs mobilières

Revenu (perte) d'entreprise :

Titres :

Inconnus

Évaluation à la valeur du marché 10(1)

Rajustement fondé sur la JVM

Revenu total

     22 022

   22 148,29

Frais de couverture :

Intérêts payés :

Horsham 20(14)

First Marathon

     (172,16)

Merrill Lynch

Frais de location :

Trilon

     (600)

Dofasco

Revenu net

     22 022

   21 376,13

Pertes autres qu'en capital

Revenu imposable

     22 022

   21 376,13

Crédits d'impôt non remboursables

Dernière cotisation

Décision de la Cour

152(7)

Patricia Hayes

Patricia

Patricia

1993

1993

Personnels

       (6 456)

   (6 456)

RPC

       (432,37)

    (432,37)

A.-C.

       (619,86)

     (619,86)

     (7 508,23)

   (7 508,23)

x 17 %

     (1 276,40)

   (1 276,40)


Référence : 2003CCI93

Date : 20030909

Dossiers : 96-2573(IT)G, 96-2737(IT)G,

97-653(IT)G, 97-749(IT)G, 98-806(IT)G,

98-2507(IT)G, 99-2414(IT)G

ENTRE :

PAT HAYES, PHILIP HAYES, STEPHEN STEPHENS, GORDON REZEK ET MURIEL SCOTT,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Miller

[1]      Du début des années 1980 jusqu'au milieu des années 1990, un certain nombre de résidents du sud de l'Ontario ont pris part à une forme de placement désignée sous l'appellation d'opérations de couverture sur des titres convertibles. Ils ont en commun d'avoir tous été conseillés par Maguire & Associates, un cabinet de services de consultation financière et fiscale. Les appelants, dont certains comprenaient mieux que d'autres cette stratégie de placement complexe, s'étaient laissés dire que les opérations de couverture sur des titres convertibles étaient une stratégie de placement gagnante à tous égards. Ils ont compris qu'ils allaient être gagnants à cause des rentrées de trésorerie générées et de l'augmentation de la valeur de leur placement, d'une part, ainsi que des remboursements d'impôt auxquels ils auraient droit en cas de perte, d'autre part. Les affaires dont je suis saisi en l'espèce visent à déterminer de quelle manière les opérations de couverture sur des titres convertibles doivent être traitées sur le plan fiscal.

[2]      D'entrée de jeu, je juge nécessaire de mentionner que le noeud du problème, en ce qui concerne l'application des règles fiscales à la stratégie financièrement innovatrice des opérations de couverture sur des titres convertibles, c'est que les lois fiscales accusent généralement du retard sur l'ingéniosité des milieux financiers. Il convient dès lors, quand on examine les opérations à la loupe des règles fiscales, de garder suffisamment de distance pour envisager l'application de nos lois fiscales dans une optique globale, sensée, mais en même temps innovatrice. On peut effectivement faire appliquer nos lois fiscales à de telles opérations si la portée de ces lois est suffisamment grande.

[3]      Même si je préfère habituellement définir en détail les questions à trancher dès le début de l'audience, dans l'affaire qui nous occupe je crois qu'il serait préférable de comprendre d'abord la nature des opérations en cause et la situation particulière de chaque appelant. J'entends donc structurer la présente décision de la manière suivante. Je décrirai d'abord ce qu'est une opération de couverture sur des titres convertibles en m'appuyant principalement sur le témoignage d'expert du professeur Eric Kirzner et de M. Richard Norman Croft, de même que sur les renseignements fournis par l'un des conseillers de Maguire, M. Harry Johannes Sildva. Cela me permettra de définir clairement le concept d'opération de couverture, ainsi que les notions de marge obligatoire et d'évaluation d'un portefeuille à la valeur du marché. Je passerai aussi en revue quelques opérations de couverture réelles. Il n'est pas nécessaire de donner des exemples de toutes les opérations de couverture de chaque appelant, bien qu'ils aient tous témoigné à l'audience. J'examinerai la situation de chaque appelant en m'appuyant principalement sur sa preuve. J'enchaînerai ensuite avec les questions à trancher et les conclusions auxquelles je suis arrivé.

[4]      La nature des questions à trancher s'est quelque peu modifiée au fil des mois et des années où les appels ont été en instance. En conséquence, les thèses fiscales de chacune des parties sont quelque peu différentes de ce qu'elles étaient au moment où les cotisations initiales ont été établies. Je suis convaincu qu'aucun des changements n'a eu pour effet d'inciter l'intimée à modifier à la hausse quelque cotisation que ce soit. Il y a toutefois un appelant qui a demandé que soit inclus dans son revenu pour une année d'imposition particulière un montant supérieur à celui proposé par l'intimée. Dans ce cas particulier, l'appelant serait disposé à ce que l'appel soit rejeté.

Contexte des opérations de couverture sur des titres convertibles

[5]      Les appelants ont appelé deux experts : le professeur Kirzner, spécialiste du financement des entreprises et des investissements, et M. Croft, spécialiste des conseils en placement et de la gestion de portefeuille, notamment des opérations de couverture sur des titres convertibles. C'est en m'appuyant principalement sur le témoignage de ces experts que j'entends décrire de manière générale la stratégie conçue par M. Maguire.

[6]      Les opérations de couverture sur des titres convertibles comportent deux positions, à savoir une position à découvert et une position à couvert. On prend une position à découvert quand on vend des actions ordinaires qu'on a empruntées. Même si c'est un concept qui force quelque peu l'imagination pour un juriste, on considère que c'est un moyen acceptable, dans le milieu financier, d'effectuer des ventes à découvert. Le cabinet de courtage détient des actions ordinaires immatriculées à son nom pour ses clients; ces actions ne sont pas identifiées comme étant détenues par un client particulier. Ainsi, quand un investisseur souhaite vendre à découvert, le courtier utilise des actions ordinaires immatriculées au nom du cabinet pour effectuer une vente pour le compte de son client. C'est pourquoi on dit que le client « emprunte des actions » pour vendre. Le client est tenu de couvrir cette position à découvert ou, autrement dit, à rendre les actions à une date ultérieure. Le bon côté de cette formule, dans le cas d'une opération de couverture sur des titres convertibles, c'est que l'investisseur peut utiliser le produit de la vente à découvert pour financer l'acquisition d'une position à couvert et, dès lors, pour gagner un revenu, par exemple, un dividende versé aux titulaires d'un type quelconque d'action privilégiée.

[7]      Cela m'amène au deuxième aspect d'une opération de couverture sur des titres convertibles, à savoir l'acquisition de la position à couvert. L'investisseur qui prend une position à couvert achète un titre qui peut être converti en actions du même genre que celles qui ont été vendues à découvert. Si le titre est convertible en un nombre d'actions égal au nombre vendu à découvert, on dit alors que la position est entièrement couverte ou que c'est une position un pour un. Cela ne veut pas nécessairement dire que le titre convertible est toujours convertible en un nombre égal d'actions, car le taux de conversion veut varier. Par exemple, une vente à découvert de 10 000 actions peut être entièrement couverte par un achat de 5 000 actions privilégiées sur des titres convertibles dans une proportion de deux pour un.

[8]      Il y a plusieurs types de titres convertibles qu'on peut utiliser aux fins d'une opération de couverture sur des titres convertibles, soit des actions privilégiées convertibles, des obligations non garanties convertibles, des bons de souscription et des droits de souscription. Leur principale caractéristique, c'est qu'ils comportent tous deux éléments, soit une option sur le titre sous-jacent et une possibilité de revenu. Par exemple, une obligation non garantie convertible est assortie à la fois de l'option de convertir cette obligation en actions ordinaires et de la possibilité d'accumuler de l'intérêt. Dans le cas d'une action privilégiée convertible, l'option de conversion est toujours présente, mais elle est assortie cette fois d'une source de revenu, à savoir le dividende versé sur l'action privilégiée. Dans le cas d'un bon ou d'un droit de souscription, le revenu provient de l'intérêt couru sur un bon du Trésor acheté avec le produit de la vente à découvert du titre sous-jacent.

[9]      Les coûts liés à une opération de couverture sur des titres convertibles (ou les « coûts frictionnels » , selon le professeur    Kirzner) sont les frais de location payés sur les actions empruntées qui sont vendues à découvert, les dividendes compensatoires versés sur les actions empruntées (ces dividendes s'entendent de tous les dividendes versés sur les actions empruntées pour lesquelles le vendeur à découvert doit verser une compensation au prêteur ) et les commissions ou frais. Il y a deux moyens de gagner un revenu ou de réaliser un profit dans le cadre d'une opération de couverture sur des titres convertibles : le premier, ce sont les rentrées de trésorerie positives, soit la différence entre le revenu (d'intérêt ou de dividende) d'une part, et les coûts que je viens de mentionner, d'autre part; le second, c'est l'accroissement de la valeur de l'opération de couverture sur des titres convertibles elle-même suivant l'évolution du marché. Dans un marché à la baisse, quand le titre sous-jacent diminue de valeur, l'opération de couverture sur des titres convertibles se solde par un profit. C'est parce que la valeur des actions ordinaires sous-jacentes diminue plus rapidement que celle du titre convertible, en raison de ses caractéristiques. Aucun des témoins experts n'a indiqué qu'un remboursement d'impôt résultant de la déductibilité éventuelle des pertes subies à la liquidation d'une position à découvert ou d'une position à couvert était compris de quelque manière que ce soit dans le profit ou le revenu tiré d'une opération de couverture sur des titres convertibles.

[10]     L'opération de couverture sur des titres convertibles est généralement amorcée au moyen d'un ordre à cours limité. Cela signifie que l'achat d'un titre et la vente d'un titre distinct sont tributaires de l'exécution des deux volets de l'opération à un prix limite. Le prix correspond à la différence entre la valeur des deux titres. Les titres ne peuvent pas être identiques pour constituer un ordre à cours limité. Le courtier accepte ces ordres dans la mesure du possible, de sorte que, s'il est incapable d'établir la position au complet du premier coup, il peut quand même établir quelque chose pour autant qu'il s'en tienne au prix stipulé. Ce n'est pas la même chose qu'un ordre du tout ou rien, où aucune partie d'une position ne peut être établie si la position n'est pas établie au complet; cette approche est moins probable. L'une des raisons pour lesquelles le courtier ne peut établir complètement une position, c'est que le titre à découvert ne satisfait pas à la règle de négociation à un cours supérieur. Selon cette règle, imposée par toutes les bourses, le prix de vente des actions qu'on projette de vendre à découvert doit être supérieur à celui de l'avant dernière vente. Autrement dit, pour vendre des actions à découvert, il faut que le marché soit à la hausse. Si le courtier n'établit pas la position du premier coup, l'exécution de l'ordre peut être étalée, c'est-à-dire que la position peut être établie progressivement. Pour illustrer son propos, M. Croft s'est servi de l'opération de couverture de M. Hayes sur des titres de Trilon établie de manière progressive.

[11]     Les témoins ont beaucoup insisté sur les risques associés aux opérations de couverture sur des titres convertibles. Il est évident que ni le courtier ni l'investisseur ne veulent être exposés et, à vrai dire, la stratégie permet de limiter au maximum l'exposition au risque pour ce qui est de la valeur des actions ordinaires sous-jacentes. Cependant, ainsi que M. Croft l'a fait observer, le risque pour l'investisseur demeure élevé, même si l'on pourrait croire le contraire. C'est parce que les quelques milliers de dollars qui sont déboursés dans les faits pour acquérir une position à couvert sur des actions valant bien davantage sont considérés comme étant à risque. Par exemple, M. Rezek a versé 3 000 $ pour vendre à découvert des actions ordinaires de Laidlaw d'une valeur approximative de 613 000 $ et acheter à couvert des actions privilégiées convertibles de Laidlaw d'une valeur de 616 000 $. Le montant maximal à risque, c'était la dépense de 3 000 $, c'est-à-dire la totalité du placement, en faisant abstraction pour le moment de l'incidence des rentrées de trésorerie positives résultant de l'opération de couverture sur des titres convertibles.

[12]     Pour en revenir à l'opération de couverture sur des titres convertibles étalée, il y aura nécessairement des moments où l'investisseur prendra une position non assurée, c'est-à-dire que l'un des volets de la couverture ne sera pas complètement couvert. Le professeur Kirzner a utilisé l'expression risque temporel pour décrire cette situation. Si, durant cette période, il se produit un événement ayant une incidence significative sur le titre, la perte ou le profit pourraient bien être supérieurs à la dépense initiale de l'investisseur. Le professeur    Kirzner a indiqué que le temps n'avait pas d'incidence sur le niveau de risque car l'événement imprévu peut se produire n'importe quand. Par contre, il est évident que, plus un investisseur conserve longtemps une position non assurée, plus son exposition au risque s'accroît. On ne m'a donné aucun exemple, dans les affaires dont je suis saisi, d'un événement imprévu qui serait survenu et, en fait, le professeur Kirzner n'a pu se remémorer que deux ou trois cas, au cours des quarante à cinquante dernières années, où des investisseurs détenant une position à découvert ont été contraints de liquider leurs titres; voilà le genre d'événement qui pourrait exposer la personne qui investit dans une opération de couverture sur des titres convertibles à un risque.

[13]     On ne peut discuter du risque lié à ce type de placement sans comprendre d'abord ce qu'est une marge obligatoire. Les règles régissant ces marges sont établies par l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières et les bourses et font également l'objet d'un examen par la Commission des valeurs mobilières. On peut comparer la marge à un prêt garanti. Le courtier avance à l'investisseur une partie de la somme nécessaire pour effectuer un achat. Pour ce faire, il inscrit habituellement un solde débiteur dans le compte de l'investisseur. La marge obligatoire est le moyen utilisé pour protéger le capital du courtier. Les positions à découvert sont toujours portées sur marge. Pour satisfaire aux exigences de marge, dans le cas d'une position à découvert, l'investisseur doit généralement avoir dans son compte un montant équivalant à 150 % de la valeur marchande du titre sous-jacent vendu à découvert dans son compte d'investisseur. Par exemple, l'investisseur qui vend à découvert 1 000 actions d'Alcan à 8 $ chacune (pour un produit de 8 000 $) doit verser un montant supplémentaire de 4 000 $ pour satisfaire à l'exigence de couverture de 150 %. Si le prix de l'action chute à 5 $, et que la marge obligatoire passe dès lors de 12 000 $, ce qu'elle était à l'origine, à 7 500 $ seulement, l'investisseur pourrait retirer 4 500 $ du compte. En général, les positions à découvert sont évaluées à la valeur du marché quotidiennement aux fins d'établir la marge obligatoire. Cela signifie tout simplement que les courtiers établissent chaque jour la juste valeur marchande des actions vendues à découvert.

[14]     Lors de l'acquisition d'une position à couvert, les règles de marge limitent le débours à 50 % du prix du titre. Donc, pour en revenir à l'exemple des 1 000 actions d'Alcan à 8 $ chacune, l'investisseur a juste besoin de remettre un chèque de 4 000 $. Il a dans son compte des actions évaluées à 8 000 $ plus un prêt de 4 000 $ consenti au courtier - la marge est suffisante pour couvrir entièrement la position. Encore une fois, des fluctuations de la valeur des actions auraient une incidence sur la marge obligatoire.

[15]     Lorsqu'on met ensemble une position à découvert et une position à couvert dans le cadre d'une opération de couverture sur des titres convertibles, la combinaison des deux revêt des caractéristiques différentes eu égard à la marge obligatoire, qui est alors beaucoup moins élevée. Quand une position à découvert est complètement couverte par la possession du titre sous-jacent, aucune marge supplémentaire n'est exigée. C'est la même chose quand la position à couvert est détenue dans le compte d'un autre particulier, si ce compte a servi à garantir celui de l'investisseur qui a pris une position à découvert. Si la marge d'un compte est insuffisante, le courtier peut adresser une demande de marge supplémentaire à l'investisseur afin qu'il comble la différence. Il est rare que cela arrive dans le cadre d'une opération de couverture sur des titres convertibles car l'investisseur doit toujours fournir le capital nécessaire sous la forme de titres convertibles pour parer à la pire des éventualités.

[16]     L'exposé qui précède portait principalement sur les opérations de couverture sur des titres convertibles acquises par une seule personne. Bon nombre des opérations de couverture sur des titres convertibles dont il est question en l'espèce font intervenir une autre partie. Celle-ci, un parent, a offert une garantie dans tous les cas. Dans l'éventualité où un investisseur liquide l'un des volets de l'opération de couverture sur des titres convertibles, c'est la garantie qui permet au courtier de continuer à ne pas insister pour qu'il satisfasse aux exigences de marge plus strictes que je viens de décrire. C'est cette souplesse par rapport aux exigences de marge, ainsi que l'autorisation donnée par le courtier d'utiliser le produit d'une vente à découvert pour acquérir un titre convertible qui font la particularité des opérations de couverture sur des titres convertibles, selon M. Croft. À propos de l'autre partie (les « garantes » ou, individuellement, la « garante » - Gloria Fahrngruber, Patricia Hayes, Terry Stephens et Patricia Scott), le professeur Kirzner a dit qu'elles détenaient des positions non assurées, c'est-à-dire que leurs positions n'étaient pas couvertes, bien qu'il ait admis par la suite que, si les deux parties à l'opération étaient considérées comme une seule entité, la position qui en résulterait serait une opération de couverture sur des titres convertibles. Le professeur Kirzner a ensuite confirmé le témoignage de M. Sildva selon lequel les opérations, dans le cadre desquelles la garante s'est substituée à l'investisseur en faisant l'acquisition d'un des volets, avaient pour but de créer un avantage fiscal. Cet avantage, c'est le remboursement d'impôt résultant de la déduction de la perte subie par l'investisseur à la liquidation de l'un des volets de l'opération de couverture sur des titres convertibles.

[17]     Le moment est maintenant venu d'examiner une première opération de couverture sur des titres convertibles, dont on trouve les détails à l'appendice « A » ci-joint.

[18]     Il s'agit d'une opération de couverture sur des titres convertibles de Laidlaw effectuée par Gordon Rezek. Si l'on se reporte à l'appendice « A » , les parties grisées représentent les positions à l'issue des transactions. Le 27 avril 1988, M. Rezek a vendu à découvert 30 704 actions ordinaires de Laidlaw et a acheté simultanément 10 100 actions privilégiées de Laidlaw. Le 20 mai 1988, M. Rezek a vendu les 10 100 actions privilégiées convertibles et Mme Fahrngruber a acheté 10 100 actions privilégiées convertibles de Laidlaw. M. Rezek détenait alors une position à découvert sur des actions ordinaires de Laidlaw et Mme Fahrngruber, une position à couvert sur des actions privilégiées convertibles de Laidlaw en 37 709 actions ordinaires. En examinant les deux volets séparément, on constate que la vente des actions de M. Rezek lui a causé une perte de 138 431 $ - autrement dit, l'avantage fiscal mentionné par le professeur Kirzner. En août 1988, Mme Fahrngruber a converti les actions privilégiées convertibles en 30 709 actions ordinaires de Laidlaw (à noter qu'il y avait une différence de cinq actions avec celles de M. Rezek; Mme Fahrngruber a donc vendu les cinq actions, tout simplement). À l'issue de cette transaction, M. Rezek et Mme Fahrngruber détenaient des positions parfaitement symétriques. Les experts ont convenu que la combinaison de ces deux positions ne leur procurait aucun avantage économique. Il est évident qu'on ne peut détenir dans un même compte une position à couvert et une position à découvert en même temps - c'est-à-dire des positions parfaitement symétriques - parce qu'elles s'annuleraient mutuellement.

[19]     Avant d'examiner la preuve de chacun des appelants, il convient de se pencher sur le témoignage de l'un des associés de Maguire, Harry Sildva, et d'un des courtiers qui a réalisé les opérations de couverture sur des titres convertibles à la demande de M. Maguire, Peter W. McCrodon.


Témoignage de Harry Sildva

[20]     Le témoignage de M. Harry Sildva vaut pour tous les appels dont je suis saisi. M. Sildva a travaillé dans le cabinet de M. Maguire du mois de janvier 1986 au mois de décembre 1989 et il a été capable de décrire comment les opérations de couverture sur des titres convertibles en cause ont été effectuées par Maguire & Associates. M. Sildva est titulaire d'un MBA de l'Université de Toronto; il a aussi suivi des cours spécialisés en finances et en comptabilité publique, de même que sur les options et les titres. Chez Maguire & Associates, ses fonctions consistaient à conseiller les clients sur les opérations de couverture possibles; il a aussi joué un rôle-clé dans la conception des rapports que Maguire envoie à ses clients. C'est lui qui a établi les projections de rentrées de trésorerie pour les diverses opérations de couverture recommandées par M. Maguire. Il a déclaré que c'est M. Maguire qui conseillait les clients sur les aspects fiscaux des opérations de couverture. Pour sa part, il s'occupait des aspects administratifs; il est en plus devenu habile par la suite à dénicher des occasions grâce, surtout, à ses connaissances en informatique. En 1989, il a accepté un poste de courtier chez Richardson Greenshields et certains clients l'ont suivi. En 1992, il est passé chez First Marathon, comme courtier toujours, et il a continué d'effectuer des opérations de couverture et de fournir des conseils en matière de placement.

[21]     L'exposé de M. Sildva sur les opérations de couverture sur des titres convertibles concorde avec les explications fournies précédemment par les experts, bien qu'il ait davantage insisté sur les avantages de l'atténuation fiscale d'une perte résultant d'une position à découvert. Il considérait que ses clients voulaient qu'on leur propose des stratégies de placement audacieuses et qu'ils cherchaient des moyens de réduire leurs impôts. En contre-interrogatoire, il a admis que la stratégie en elle-même n'est pas audacieuse, mais que la cristallisation de la perte sur la position « en déficit » l'est. Pour ce qui est des autres objectifs de placement, il laissait les courtiers en discuter eux-mêmes avec les clients.

[22]     M. Sildva s'est souvenu d'une rencontre avec M. Rezek au cours de laquelle ils ont discuté de planification et de stratégies fiscales ainsi que du marché des opérations de couverture sur des titres convertibles. Il a indiqué qu'il avait probablement mis M. Rezek en rapport avec un courtier pour ouvrir un compte de couverture. Il admet avoir dit que les opérations de couverture étaient une stratégie gagnante à tous égards, ce qui, pour lui, voulait dire qu'on pouvait réaliser un bénéfice dans un marché à la baisse et obtenir des rentrées de trésorerie positives ouvrant droit à une atténuation fiscale dans un marché à la hausse.

[23]     En examinant l'opération de couverture sur des titres convertibles de M. Rezek sur les titres de Laidlaw, M. Sildva a admis avoir recommandé à son client de signer des contre-garanties avec Gloria Fahrngruber afin de cristalliser une perte sur l'un des volets de l'opération de couverture, perte dont M. Rezek pourrait demander la déduction dans sa déclaration de revenu, croyait-il. Selon M. Sildva, ils avaient déjà commencé la planification fiscale de fin d'année (décembre). Il a présenté cela comme un projet comportant un risque de perte commerciale. M. Sildva a admis que l'une des raisons pour lesquelles il exerçait des activités dans ce secteur, c'était à cause de la possibilité de subir une perte déductible de 138 000 $ sur un placement de quelques milliers de dollars seulement.

[24]     M. Sildva a rencontré Gloria Fahrngruber pour discuter de la stratégie d'opérations de couverture sur des titres convertibles et des garanties exigées et il lui a expliqué de quelle manière les garanties lui permettraient d'utiliser la marge d'un compte pour couvrir les transactions effectuées dans l'autre. Il l'a également mise en rapport avec un courtier. À cause de la position à couvert de Gloria sur des titres de Laidlaw et de sa garantie, d'expliquer M. Sildva, M. Rezek s'est trouvé exposé à un risque sur sa position à découvert, autrement dit, il spéculait à la baisse. Gloria spéculait pour sa part à la hausse sans avoir investi quelque montant que ce soit, en raison de la marge excédentaire dans le compte de M. Rezek. Aux dires de M. Sildva :

          [TRADUCTION]

[...] il y a le client A, d'une part, et le client B, d'autre part. L'un d'eux s'en tirera bien dans un scénario donné. L'autre aura plus de succès dans l'autre, et seulement l'un des deux scénarios possibles peut se réaliser à la fois, si l'on examine la situation du strict point de vue analytique.

Donc, j'avais toujours un client qui était content.

[Transcription page 1278, lignes 7-13]

[25]     M. Sildva a confirmé que Gloria n'appréciait pas d'être assujettie à l'impôt sur des dividendes qu'elle ne pouvait pas toucher. Il a finalement fait le nécessaire pour mettre un terme à l'activité de Gloria Fahrngruber dans le marché car il sentait qu'elle avait peut-être changé d'avis. Elle n'a pris part qu'à une seule opération de couverture sur des titres convertibles, soit celle sur des titres de Laidlaw.

[26]     Même si Mme Fahrngruber n'a pas investi quelque montant personnel dans les deux autres opérations de couverture de M. Rezek sur des titres de la Banque Royale et de Westcoast, il est possible, selon M. Sildva, qu'on se soit servi de son compte quand la marge n'était pas suffisante dans celui de M. Rezek.

[27]     M. Sildva a préparé les déclarations de revenu de M. Rezek pour les années 1988 et 1989. Dans l'état des revenus et des dépenses d'une entreprise établi pour chaque année, M. Sildva a indiqué que l'entreprise était de type « spéculative » en précisant que M. Rezek prenait part à un projet comportant un risque de caractère commercial. En 1992, il a indiqué que le profit réalisé par M. Rezek à la liquidation d'une partie de sa position à découvert sur des titres de Laidlaw était un gain en capital. Les titres détenus par M. Rezek n'étaient pas indiqués dans sa déclaration de revenu comme des biens figurant à l'inventaire. Une copie d'un choix exercé en vertu du paragraphe 39(4) pour l'année 1992 et signé par M. Rezek en avril 1993 a été produite en preuve.

[28]     C'est après avoir quitté Maguire & Associates, c'est-à-dire quand il travaillait comme courtier pour First Marathon en 1993, que M. Sildva a effectué des transactions pour M. Hayes. Il s'est occupé des opérations de couverture sur des titres convertibles d'Ivaco et de Dofasco, mais il a confirmé qu'il traitait toujours avec M. Hayes, jamais avec Mme Hayes.

[29]     Il a aussi confirmé qu'il préparait les sommaires d'opérations de couverture sur des titres convertibles que Maguire & Associates envoyait à ses clients. Ces sommaires fournissaient les renseignements suivants :

-         une description de la position à découvert avec le prix;

-         une description de la position à couvert avec le prix;

-         le taux de conversion;

-         les frais de couverture;

-         la commission;

-         le rendement des bons du Trésor, le cas échéant;

-         l'écart;

-         les rentrées de trésorerie projetées sur plusieurs mois.

Par exemple, concernant l'opération de couverture sur des titres de Laidlaw, les projections de M. Sildva indiquaient qu'un investissement de 8 349 $ pour acquérir les positions à découvert et à couvert sur des titres de Laidlaw générerait, sur une période de huit mois, des rentrées de trésorerie de 6 190 $, ce qui correspond à peu près à un rendement de 75 % sur le capital investi. Les sommaires envoyés aux investisseurs étaient généralement accompagnés d'une lettre de Maguire & Associates, dont le texte est reproduit ci-après[1] :

          [TRADUCTION]

Le sommaire ci-joint vous donne un aperçu des transactions que vous avez effectuées récemment dans le cadre de l'opération de couverture sur des titres convertibles, soit des actions privilégiées de catégorie B de Laidlaw Transport, et vous présente des projections des rentrées de trésorerie possibles pour autant que la position soit maintenue et que les paramètres de revenu et de dépense demeurent essentiellement inchangés. Bien entendu, nous chercherons des occasions de dénouer cette position à profit dès que les conditions seront favorables.

J'espère que vous trouverez ces renseignements utiles et que la note des frais déductibles d'impôt no 20858 ci-joint a été établie à votre satisfaction.

La preuve indique que tous les appelants, hormis Mme Hayes, ont reçu des lettres semblables de Maguire & Associates.

[30]     M. Sildva a aussi tenu à préciser que c'est l'élément de conversion qui était l'aspect crucial des opérations de couverture sur des titres convertibles :

          [TRADUCTION]

R.          C'est la convertibilité qui est l'aspect le plus important.

Q.         L'élément crucial?

R.          Oui, parce qu'il a une incidence sur la marge à maintenir dans le compte, et une fois cet élément disparu, la marge change radicalement.


Q.         Il n'y a pas d'opération de couverture?

R.          C'est bien ça.

[Transcription, page 1383, lignes 18 à 25]

Témoignage de M. McCrodon, le courtier

[31]     Venons-en maintenant au témoignage de M. McCrodon. Même s'il a eu peu de contacts avec les appelants, ne s'étant occupé que d'une opération de couverture pour chacun des Hayes, d'un transfert de comptes pour Mme Scott et de l'ouverture de comptes pour les Stephens, il a effectué un grand nombre d'autres opérations de couverture sur des titres convertibles pour Maguire & Associates durant les années visées par l'appel. M. McCrodon a travaillé comme courtier pour Nesbitt Thomson de 1979 à 1989. Il a révélé qu'il tirait 90 % de son revenu dans les années 1983 à 1989 des opérations de couverture sur des titres convertibles effectuées pour les clients de Maguire.

[32]     La façon de procéder était généralement la même, dans le cas des clients de Maguire, c'est-à-dire que M. McCrodon recevait instruction de M. Maguire d'ouvrir un compte pour un nouveau client. La plupart de ses contacts avec les clients se faisaient par téléphone ou par la poste. Après chaque opération, il envoyait un double de la transaction à M. Maguire. Les opérations de couverture étaient amorcées soit par M. McCrodon, qui suggérait certaines opérations à M. Maguire en fonction des paramètres établis par ce dernier, ou par M. Maguire, qui communiquait avec M. McCrodon pour voir si les opérations qu'il avait relevées étaient réalisables. Après avoir effectué un assez grand nombre d'opérations de genre, M. McCrodon est devenu habile à en déterminer la viabilité possible.

[33]     M. McCrodon a passé en revue l'opération de couverture qu'il a effectuée pour compte des Hayes et dont on trouve les détails à l'appendice « B » . C'est la deuxième opération de couverture sur des titres convertibles que je souhaite examiner.

[34]     M. McCrodon a décrit la position initiale de M. et Mme Hayes de la manière suivante :

         

         


[TRADUCTION]

Q.         En jetant un coup d'oeil aux deux états que vous avez devant vous, pouvez-vous me dire si c'est le genre d'opération de couverture sur des titres convertibles que vous auriez effectuée?

R.          Oui. Ça m'en a tout l'air, parce que, en premier lieu, elles se rapportent au même mois. L'une montre une position à couvert sur des titres de Hiram Walker Resources, c'est-à-dire une obligation non garantie à 8,5 %, une obligation convertible, et un solde débiteur élevé dans le - il y a un solde net dans le compte.

            Et l'autre - l'autre montre une position à découvert sur des actions ordinaires de Hiram Walker Resources et un solde créditeur important dans le compte.

En outre, comme ce sont des positions de compensation sur des titres convertibles en actions ordinaires, je dirais qu'il s'agit d'une opération de couverture sur des titres convertibles.

Q.         Maintenant, vous avez aussi devant vous le document 2.3. C'est un document qui résume simplement une bonne partie des renseignements que l'on retrouve dans les états de courtage.

Au milieu, sous le nom de Philip Hayes, il y a la liste des opérations effectuées dans le compte de M. Hayes et, dans la partie de droite, sous le nom de Patsy Hayes, celles effectuées dans le compte de Mme Hayes.

            Voyez-vous cela, monsieur?

R.          Oui, je le vois.

Q.         Donc, si vous examinez les deux premières lignes non grisées en date du 30 juillet 1985, vous voyez que ce sont les deux opérations que vous avez examinées dans les états de courtage?

R.          Oui, je les vois.

Q.         Maintenant, pouvez-vous nous décrire de quelle manière ces opérations auraient été effectuées?

R.          Nous aurions procédé de la même manière que pour n'importe quelle autre opération de couverture sur des titres convertibles. Nous aurions déterminé que l'obligation non garantie de Hiram Walker Resources était offerte à un prix net intéressant par rapport aux actions ordinaires et qu'elle constituait un bon choix pour une opération de couverture sur des titres convertibles. Nous aurions alors entrepris d'établir la position à couvert et, en contrepartie, la position à découvert.

Q.         Vous avez entendu l'expression « ordres à cours limité » . Cette notion vous est-elle familière?

R.          Oui.

Q.         Et pouvez-vous me dire de quelle manière elle s'applique, le cas échéant, dans les circonstances?

R.          Je ne me rappelle pas avec certitude si, dans ce cas particulier, nous avons utilisé un ordre à cours limité. Je procédais généralement de cette manière, chaque fois que c'était possible, parce qu'on limite ainsi le risque de l'opération.

Il arrive qu'on ne puisse utiliser un ordre à cours limité, parce que la position à couvert porte sur une nouvelle émission, par exemple. Même si on connaît le prix, on peut s'être engagé à l'achat avant d'être en possession des titres et de pouvoir vendre les actions ordinaires à découvert pour contrebalancer.

            Je ne sais pas quelles étaient les circonstances particulières dans ce dossier, mais la plupart du temps nous étions capables de passer un ordre à cours limité.

[Transcription, page 2114, ligne 18, page 2116, ligne 23]

[35]     M. McCrodon a aussi déclaré que, lorsqu'il y a une opération de couverture, on attache ensemble les avis de vente et d'achat avec un trombone en indiquant le montant de l'écart, avant de les envoyer au pupitre de courtage. Au mois d'août, les bons de souscription acquis dans le cadre de l'opération de couverture sur des titres convertibles des Hayes ont été détachés de l'obligation non garantie afin d'être négociés séparément, mais la position est demeurée entièrement couverte. Les transactions effectuées durant la période du 11 au 18 février ont consisté à remplacer l'obligation non garantie ainsi que les droits de souscription par des actions privilégiées convertibles, de sorte qu'au 18 février, les positions étaient toujours entièrement couvertes. Le 22 avril 1986, M. McCrodon a passé un contre-ordre, c'est-à-dire une seule transaction du même cabinet, en vue de l'achat de 4 650 actions ordinaires par Philip Hayes, afin de couvrir sa position à découvert, et de la vente de 4 650 actions ordinaires par Patricia Hayes, au prix du marché dans les deux cas. Le 30 avril, Philip Hayes a échangé ses actions privilégiées convertibles contre 4 650 actions ordinaires. Les Hayes détenaient alors des positions de compensation parfaitement symétriques.

Témoignage de Gordon et Gloria Rezek

[36]     M. Rezek a travaillé pendant 27 ans comme représentant commercial. Il exerçait toujours ce métier dans les années 1988 et 1989 visées par l'appel. Il a fait la connaissance de Gloria Fahrngruber en 1987. À la fin du printemps de 1988, ils ont emménagé ensemble dans la maison de M. Rezek. Mme Fahrngruber lui versait un loyer mensuel de 500 $ représentant environ le tiers des dépenses du ménage. M. Rezek a vendu sa maison en 1992 et ils se sont installés dans une nouvelle demeure en conservant le même arrangement, jusqu'à ce qu'ils se marient en février 1993. Durant les années 1988 à 1992, M. Rezek et Mme Fahrngruber n'avaient pas de compte bancaire conjoint ni d'éléments d'actif en commun; ils ne se sont transférés aucun bien mutuellement; ils avaient chacun leur voiture et leur ligne téléphonique et ils payaient chacun leurs dépenses quant ils allaient en vacances.

[37]     C'est par un collègue, M. Larry Hillman, que M. Rezek a entendu parler d'un conseiller financier du nom de Harry Sildva, en 1987. M. Rezek a rencontré M. Sildva pour qu'il lui explique comment faire pour gagner de l'argent. Il est ressorti de cette rencontre convaincu qu'il existait une stratégie de placement gagnante à tous égards, c'est-à-dire une stratégie qui, selon lui, pouvait lui rapporter un revenu ou un avantage fiscal, ou les deux. C'est tout ce qu'il avait compris de la stratégie de placement. Il possédait un diplôme d'études secondaires et ses connaissances en matière de placement étaient limitées.

[38]     M. Rezek croyait qu'il pouvait accéder au marché en investissant aussi peu que 3 000 $. Il savait qu'il lui fallait ouvrir un compte de courtage, ce qu'il a fait au printemps de 1988, chez Walwyn Stodgell. C'est M. Sildva qui a fait les démarches nécessaires à cette fin. À ce moment-là, soit le 3 mai 1988, personne d'autre ne détenait une autorisation sur le compte de M. Rezek et il n'y avait pas non plus de garant.

[39]     Le 27 avril 1988, M. Rezek a effectué deux transactions par l'entremise de M. Sildva pour lesquelles il a déboursé 3 000 $, toujours par le biais de M. Sildva; il a vendu à découvert 30 704 actions ordinaires de Laidlaw, pour un montant de 612 925 $ et a acheté simultanément 10 100 actions privilégiées convertibles de Laidlaw, qu'il a payées 615 506 $. C'est l'opération de couverture sur des titres convertibles même que j'ai décrite précédemment dans mon exposé sur les opérations de couverture sur des titres convertibles. M. Rezek a effectué ces transactions sans même en discuter avec Mme Fahrngruber. Il croyait que c'était ça la stratégie gagnante à tous égards. Il ne savait pas ce qu'était une vente à découvert ni de quelle manière fonctionnait une opération de couverture sur des titres convertibles. Ce qu'il voulait, a-t-il dit, c'était juste gagner de l'argent. Il a payé une commission de 600 $ pour ces transactions.

[40]     Après ces quelques transactions, M. Rezek a discuté avec Mme Fahrngruber de la possibilité qu'elle lui accorde une garantie sur son compte. C'est M. Sildva qui lui avait fait une recommandation en ce sens afin d'accroître ses possibilités de placement. Ayant entendu parler de M. Sildva par M. Rezek et M. Hillman, et parce qu'elle y était encouragée par M. Rezek, Mme Fahrngruber a communiqué avec M. Sildva et pris rendez-vous avec lui en mai 1988. Elle est elle aussi ressortie de la rencontre convaincue qu'il existait une stratégie gagnante à tous égards, c'est-à-dire une stratégie permettant de réaliser un bénéfice et d'obtenir en même temps une réduction d'impôt. M. Sildva lui avait conseillé d'ouvrir un compte chez Walwyn, ce qu'elle a fait le 17 mai 1988, après avoir effectué des vérifications sur M. Maguire et M. Sildva auprès du Bureau d'éthique commerciale et de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Le 17 mai, Mme Fahrngruber a signé une demande d'ouverture de compte. Par la même occasion, M. Rezek et elle ont signé des garanties, pour garantir mutuellement leur compte au courtier. Ni l'un ni l'autre ne comprenait très bien quelle était la nature de la garantie donnée. Mme Fahrngruber a signé le document après avoir été informé par M. Sildva qu'elle aurait ainsi de meilleures possibilités de placement.

[41]     Le 20 mai 1988, M. Rezek a vendu ses 10 100 actions privilégiées de Laidlaw, pour un montant de 477 075 $, sans en discuter avec Mme Fahrngruber. La vente a causé une perte de 138 000 $ à la liquidation, comme il a été indiqué précédemment, et M. Rezek en a demandé la déduction dans sa déclaration de revenu pour l'année 1988, ce qui lui a valu un remboursement d'impôt de 80 000 $ environ au début de 1990. M. Rezek a admis que les subtilités fiscales de la situation lui échappaient. C'est M. Sildva qui avait préparé sa déclaration de revenu. À ce moment-là, c'est-à-dire en mai 1988, M. Rezek détenait seulement une position à découvert sur des titres de Laidlaw. Bien qu'il eût vendu des actions privilégiées, pour un montant de 477 075 $, il comprenait qu'il ne pouvait pas retirer les fonds de son compte parce que, a-t-il dit, « le compte de Gloria compensait pour ça » .

[42]     Le 20 mai, Gloria Fahrngruber a acquis 10 100 actions privilégiées convertibles de Laidlaw, sans débourser un sou. Elle a indiqué qu'elle avait cru comprendre que c'est sa garantie qui lui permettait cela. En recevant un état de courtage, elle a constaté qu'elle devait 477 375 $ pour les actions. C'est M. Sildva qui s'occupait de tout. En août 1988, Mme Fahrngruber a converti les actions privilégiées en actions ordinaires. Elle a aussi vendu cinq actions, sans savoir pourquoi. Elle faisait entièrement confiance à M. Sildva.

[43]     M. Rezek a admis qu'il avait été informé des risques en prenant connaissance de l'entente de couverture conclue avec le courtier. Les risques y étaient décrits de la manière suivante[2]:

          [TRADUCTION]

0            Les ordres à cours limité peuvent être acceptés dans la mesure du possible seulement. Il peut y avoir des problèmes de liquidation.

0            Les conversions forcées peuvent causer une diminution du prix net. Les rachats forcés entraînent nécessairement des commissions supplémentaires.

0            Une offre publique d'achat peut avoir une incidence sur l'offre d'actions.

0            Les conversions peuvent prendre du temps et causer des rachats forcés pour couvrir une position à découvert.

0            Les dividendes imputés au titre des positions à découvert peuvent subir une augmentation imprévue.

M. Rezek comme Mme Fahrngruber se sont laissés convaincre que rien de tout cela ne pouvait arriver.

[44]     À cause du placement qu'elle avait effectué, Mme Fahrngruber a été assujettie à l'impôt sur les dividendes crédités à son compte au titre des actions privilégiées convertibles de Laidlaw. Mme Fahrngruber s'est plaint à M. Rezek de ce fardeau fiscal supplémentaire et lui a demandé de lui rembourser tout impôt payé en supplément. Elle lui a dit que c'était de sa faute si elle avait fait ce placement qui ne faisait rien d'autre que lui créer des obligations fiscales supplémentaires. Elle ne pouvait pas avoir accès aux dividendes, qui avaient été crédités dans son compte et dont elle n'avait pas reçu un seul sou. M. Rezek a alors communiqué avec le bureau de M. Sildva pour savoir à combien s'élevait l'obligation fiscale supplémentaire de Mme Fahrngruber et il lui a en remboursé le montant.

[45]     En novembre 1988, Mme Fahrngruber a signé une demande d'ouverture d'un compte d'options, en y indiquant qu'elle ne faisait pas partie d'une société de personnes, qu'elle ne possédait pas de compte conjoint avec quiconque et que personne d'autre n'avait de pouvoir de signature sur le compte. Elle a aussi indiqué que le compte devait servir exclusivement à des opérations de couverture sur des titres convertibles.

[46]     M. Rezek a ultérieurement fait effectuer deux autres opérations de couverture sur des titres convertibles de Westcoast et de la Banque Royale à titre particulier, sans la participation de Mme Fahrngruber. Il ne savait si elle effectuait des transactions semblables de son côté. En réalité, elle ne faisait rien. Elle n'a pris part à aucune des opérations de couverture sur des titres convertibles de Westcoast ou de la Banque Royale. Le seul titre qu'elle a détenu est celui de Laidlaw, acquis à couvert. M. Rezek croyait que les opérations de couverture sur des titres convertibles de la Banque Royale et de Westcoast n'étaient pas différentes du placement dans des titres de Laidlaw.

[47]     Quand M. Sildva a quitté Maguire & Associates pour aller travailler chez Richardson Greenshields, M. Rezek l'a suivi. En février 1992, M. Rezek a acquis 1 000 actions supplémentaires de Laidlaw, sans savoir pourquoi. Simultanément, Mme Fahrngruber a vendu 1 000 actions, sans savoir pourquoi elle non plus. Il y a divergence de vues sur la question de savoir si l'opération suivante a été effectuée en février 1995 ou en février 1994, mais à ce moment-là, le titre de Laidlaw que détenait Mme Fahrngruber a été transféré à M. Rezek sans qu'il n'ait à débourser un sou. M. Rezek ne comprenait pas pourquoi il y avait eu un transfert; il a admis que le solde de son compte, qui était négatif, a ainsi été ramené à zéro. Un montant équivalent a été porté en déduction du compte de Mme Fahrngruber. Celle-ci a témoigné qu'elle avait insisté auprès de M. Sildva pour qu'il fasse quelque chose au sujet de son placement qui lui occasionnait une succession de pertes car elle avait l'impression que tout ce qu'elle en retirait, c'était un fardeau fiscal supplémentaire. La stratégie n'était pas du tout gagnante à tous égards.

[48]     Durant les années 1988 à 1994, M. Rezek et Mme Fahrngruber ont fait préparer leurs déclarations de revenu par M. Sildva. Mme Fahrngruber s'est souvenue qu'elle avait reçu une facture pour ce service, mais elle a été incapable de se rappeler si M. Sildva avait exigé d'autres frais. Elle a déclaré qu'elle n'était pas au courant des factures que M. Rezek recevait de M. Sildva, que ça ne regardait que lui. Elle ne se mêlait absolument pas des affaires de M. Rezek.

[49]     L'impression générale qui se dégage, selon moi, du témoignage de M. Rezek et de Mme Fahrngruber, c'est qu'ils ont participé à une stratégie de placement que ni l'un ni l'autre ne comprenait très bien. Ils étaient naïfs. Ils voulaient gagner de l'argent et payer moins d'impôt. D'autres le faisaient et ils voulaient bénéficier à leur tour des mêmes avantages. Ils se sont donnés beaucoup de mal pour me convaincre qu'ils investissaient chacun de leur côté, indépendamment l'un de l'autre, au point de témoigner tous les deux qu'ils discutaient rarement ensemble de leurs placements.

[50]     Les appels de M. Rezek visent les années 1988 et 1989. Il soutient qu'il a agi indépendamment de Mme Fahrngruber durant ces deux années, qu'il avait le droit de déduire les pertes résultant de la liquidation de l'un des volets d'une opération de couverture sur des titres convertibles ainsi que d'évaluer les biens figurant à l'inventaire à la valeur du marché.

Témoignage de Philip et Patricia Hayes

[51]     M. Hayes est machiniste de formation, mais, au fil des ans, il en est venu à acquérir un savoir-faire considérable dans le domaine des applications informatiques dans un contexte industriel, au point où il ne faisait pas qu'offrir des services de vente et d'appui, il concevait aussi des logiciels. Il donnait également des cours à des étudiants et à des enseignants. Ce n'est toutefois qu'à la fin des années 1980 qu'il s'est lancé en affaires à son compte en devenant copropriétaire d'un atelier de moulage (Protech), qui fournissait du matériel à l'industrie automobile. Son revenu annuel, qui se situait entre 20 000 $ et 50 000 $ quand il était salarié dans les années 1970 et 1980, a fait un bond considérable, passant à plus de 200 000 $ par année après qu'il fut devenu copropriétaire de Protech.

[52]     M. Hayes portait un vif intérêt aux questions de placement. Il avait commencé à explorer le marché boursier à la fin des années 1970, lisant avidement sur les titres miniers, les actions cotées en cents, les obligations à court terme, les options et le reste, en plus de suivre des cours à distance offerts par Money Lender. Il lisait le Northern Miner, le Financial Post et le Globe and Mail pour recueillir le plus d'information possible sur le secteur financier. Il a fait un exposé détaillé sur les options, tel qu'il comprenait cette notion. Il a aussi indiqué comment il évaluait les titres en établissant des ratios (cours/bénéfice, cours/chiffre d'affaires, cours/valeur comptable), en tenant compte du marché actuel et en examinant l'évolution et le rendement antérieur d'une société.

[53]     En 1968, M. Hayes a épousé Patricia Hayes. Elle travaillait comme secrétaire, agente d'administration et préposée à la tenue des livres. Elle avait suivi un cours de secrétariat de quatre ans et était retournée prendre des cours de perfectionnement en 1985. Elle a travaillé pendant 14 ans dans le secteur de la vente au détail avant de devenir agente d'administration. Elle n'avait jamais effectué de placement avant les opérations en litige en l'espèce. Pour ce qui est des opérations de couverture, elle savait que son époux s'en occupait pour elle, ce qui explique qu'elle se soit tenue à l'écart. Selon Mme Hayes, M. Hayes se documentait sur les placements et il prenait des décisions en fonction de ce qui était le mieux pour les deux.

[54]     Les Hayes ont expliqué qu'ils géraient leurs finances ensemble et qu'ils possédaient des comptes de chèques et d'épargne conjoints. Le revenu de Mme Hayes servait à payer les dépenses familiales quotidiennes et celui de M. Hayes, les charges importantes comme l'hypothèque. C'est Mme Hayes qui libellait la plupart des chèques et qui s'occupait des questions bancaires.

[55]     M. Hayes a appris l'existence de Jack Maguire par son frère qui travaillait chez Eaton, où M. Maguire avait aussi travaillé au début des années 1980, au service des finances. M. Hayes était à la recherche d'un comptable pour la préparation de ses déclarations de revenu, mais il tenait à ce que ce soit quelqu'un qui avait une connaissance du marché. À sa première rencontre avec M. Maguire en 1981, il l'a informé que son objectif était de se constituer un fonds de retraite. Même si Mme Hayes n'a jamais rencontré M. Maguire, elle a confirmé que son objectif était aussi de se constituer un fonds de retraite pour elle et son époux. M. Hayes a été impressionné par l'étendue des connaissances de M. Maguire pour ce qui touchait les placements. Ils ont discuté ensemble du concept des opérations de couverture sur des titres convertibles.

[56]     M. Hayes a expliqué ce qu'était une position à découvert et ce qui la différenciait d'une option. Il estimait que la stratégie des opérations de couverture sur des titres convertibles était celle qui était la plus susceptible, à son point de vue, de lui faire réaliser son objectif, c'est-à-dire se constituer un portefeuille et bénéficier de rentrées de trésorerie positives, sans trop de risques. On pouvait difficilement se tromper, a-t-il dit. Pour effectuer une opération à découvert, il appelait généralement M. Maguire pour vérifier les données que ce dernier lui avait fournies; il faisait ensuite la même chose avec le courtier avant de l'autoriser ou non à effectuer l'opération, selon les renseignements qu'il avait recueillis sur la compagnie, les mouvements de trésorerie projetés et la liquidité. Vérifier la liquidité, ça voulait dire pour M. Hayes déterminer si le titre faisait l'objet de nombreuses transactions. Il croyait que, plus le volume des transactions était élevé, meilleures étaient les possibilités de liquider ou de dénouer l'opération de couverture. M. Hayes a admis qu'il n'évaluait pas une opération de couverture de la même manière qu'il évaluait un placement ordinaire, en raison, surtout, du risque minime inhérent à ce genre d'opération. Selon lui, l'opération de couverture était « toujours en position d'équilibre » . Il est revenu plusieurs fois sur le risque minime et les rentrées de trésorerie positives liés aux opérations de couverture.

[57]     M. Hayes a indiqué que, même s'il comprenait que M. Maguire insistait surtout sur les avantages fiscaux que pouvaient rapporter les opérations de couverture sur des titres convertibles, ce n'est pas la perspective d'obtenir des déductions fiscales qui avait retenu son attention, car cela ne faisait pas partie de sa stratégie. Vu qu'il avait pas mal de connaissances dans le domaine, je suis convaincu qu'il comprenait les concepts de perte d'entreprise et de gain en capital, mais j'accepte aussi son témoignage le plus crédible selon lequel il n'était pas motivé par la promesse d'avantages fiscaux.

[58]     M. et Mme Hayes ont rempli un certain nombre de formulaires pour ouvrir des comptes de courtage, notamment des demandes d'inscription comme nouveau client, des garanties, des demandes d'ouverture de comptes et de comptes de marge. La caractéristique commune de ces formulaires, c'est qu'ils avaient déjà été remplis presque au complet par un employé du cabinet de courtage quand les Hayes les recevait. Mme Hayes les lisait ou les parcourait rapidement, le cas échéant, car elle croyait que ce n'était que des documents types. Elle a admis qu'elle ne comprenait pas la plupart des documents qu'elle signait. Voici comment elle a décrit la garantie accordée sur le compte de son époux chez First Marathon : « S'il disparaissait, c'est vers moi qu'on se tournerait. »

[59]     M. Hayes a examiné les formulaires un peu plus longuement mais, à l'instar de son épouse, il s'en est tenu à une analyse superficielle. Il comprenait que les contre-garanties permettaient d'exercer des effets de levier et servaient aussi de sécurité dans l'éventualité d'une catastrophe financière. Les titres de son épouse pourraient servir à éponger le passif de son compte. Sur les formulaires en question, M. et Mme Hayes ont tous deux répondu par la négative à la question de savoir s'ils faisaient partie d'une société, d'une fiducie ou d'une société de personnes. Ils ont aussi répondu par la négative à la question de savoir si une autre personne détenait une délégation de pouvoir sur leurs comptes personnels.

[60]     M. Hayes a passé en revue certaines de ses opérations de couverture, en commençant par celle sur des titres de Laidlaw. M. Maguire lui fournissait des données sur les rentrées de trésorerie projetées avant qu'il approuve une opération donnée. Par la suite, M. Maguire lui faisait parvenir un sommaire des transactions effectuées. L'opération de couverture sur des titres de Laidlaw a consisté en la vente à découvert d'actions ordinaires de Laidlaw et l'achat de bons de souscription de la même société. M. Hayes a vérifié le taux de conversion, la date d'expiration des bons de souscription, le prix d'exercice, le taux de rendement du bon du Trésor dans lequel il entendait investir le produit de la vente à découvert (après avoir déduit le coût du bon de souscription), le taux des dividendes qu'il aurait à rembourser sur la position à découvert et les frais de location (ces deux derniers montants représentant les frais liés au maintien de la position). Le résultat net de l'opération de couverture sur des titres de Laidlaw se présente de la façon suivante : une dépense de 8 349 $, un revenu de 10 098 $ tiré des bons du Trésor, ainsi que des dépenses de 1 800 $ au titre des dividendes et de 2 100 $ au titre des frais de location. Le placement initial de 8 349 $ s'est soldé par des rentrées nettes de trésorerie de 6 150 $ sur une période de huit mois. Voilà pour les rentrées de trésorerie, mais M. Hayes a aussi admis avoir subi une perte de 76 450 $, si ses souvenirs sont bons, lorsqu'il a renoncé aux bons de souscription de Laidlaw en août 1987. En outre, l'achat effectué pour couvrir sa position à découvert de février 1987 lui a causé une perte de 46 200 $.

[61]     L'achat de M. Hayes pour couvrir sa position à découvert a coïncidé avec la vente par Mme Hayes de titres à découvert au même prix, plus la commission. Mme Hayes a effectué deux autres ventes à découvert de bons de souscription de Laidlaw et trois achats d'actions privilégiées convertibles de la même société le 22 avril 1987. À cette date, M. Hayes avait une position à couvert sur 10 000 bons de souscription de Laidlaw, Mme Hayes détenait, pour sa part, une position à découvert sur 10 000 bons de souscription de Laidlaw, une position à découvert sur 15 000 actions ordinaires de Laidlaw et une position à couvert sur 7 400 actions privilégiées convertibles de Laidlaw. Mme Hayes a elle aussi renoncé à ses bons de souscription en août 1987, ce qui lui a occasionné un profit ou un revenu de 178 175 $, en même temps que M. Hayes a renoncé aux bons de souscription relativement auxquels il a subi une perte de 76 450 $. En août 1988, Mme Hayes a liquidé sa position au complet, ce qui a donné lieu à une perte de 60 875 $. Le revenu ou le profit net de Mme Hayes à l'issue de l'opération de couverture sur des titres de Laidlaw s'établissait à 117 299 $ et la perte globale de M. Hayes, à 122 650 $.

[62]     M. Hayes a passé en revue d'autres opérations de couverture sur des titres convertibles, mais celles-ci portaient sur des obligations ou des actions privilégiées convertibles plutôt que sur des bons de souscription. Sur les 16 opérations de couverture de M. Hayes décrites dans les documents produits à l'audience, il y en a sept où M. et Mme Hayes ont détenu des positions identiques. Six d'entre elles (Trans World, Walker, Trilon, Guardian, Placer et Alcan), sont devenues inactives, c'est-à-dire que l'un détenait une position à découvert sur des titres ordinaires et l'autre, une position à couvert sur des titres ordinaires. Cela correspond à la situation parfaitement symétrique décrite précédemment étant donné qu'un dividende dans un compte est compensé par un dividende compensatoire dans l'autre et que l'augmentation de valeur de l'un des volets est compensée par la diminution de valeur de l'autre. M. Hayes a soutenu que son objectif était toujours demeuré le même, avec ou sans la participation de son épouse - ça ne faisait aucune différence. Il s'agissait pour lui d'un placement visant à produire des rentrées de trésorerie, et l'argent gagné n'était jamais encaissé mais toujours réinvesti.

[63]     Au sujet des factures de Maguire, M. Hayes a précisé que le cabinet de courtage lui en adressait pour trois types de frais : en premier lieu, des frais uniques de 600 $ pour effectuer une opération de couverture; en deuxième lieu, des frais de liquidation de 15 % sur le rendement du placement calculés non pas sur le rendement sous forme de rentrées de trésorerie mais sur l'augmentation de valeur réalisée à la liquidation; et troisièmement, des frais de 15 % à la fin de l'année sur les économies d'impôt découlant d'une perte, le cas échéant. Le cabinet exigeait aussi des frais pour la préparation des déclarations de revenu. Comme c'est Mme Hayes qui payait la plupart des factures, elle a admis que c'est elle qui aurait libellé les chèques pour acquitter les notes de frais de Maguire.

[64]     M. et Mme Hayes ont tous les deux fait préparer leurs déclarations de revenu par M. Maguire. Ils ont indiqué qu'ils ne comprenaient pas les subtilités fiscales mais qu'ils faisaient confiance à M. Maguire. Mme Hayes ne savait pas ce qu'était ce choix exercé à la disposition de titres de sociétés canadiennes que M. Maguire remplissait et signait pour elle. Ils lui faisaient confiance, même si M. Hayes a indiqué qu'au début des années 1990, il commençait à être excédé de ne pas être tenu au courant de leur situation fiscale par M. Maguire. Ses déclarations de revenu n'étaient pas produites à temps parce que, soupçonnait-il, M. Maguire et Revenu Canada étaient engagés dans des négociations. Il s'est même adressé aux comptables de sa société pour régler le différend avec Revenu Canada. La frustration et l'émotion de M. Hayes étaient évidents pendant qu'il faisait le récit de cet épisode de l'affaire - il se sentait harcelé et menacé et il ne savait pas quoi faire pour prendre le contrôle de la situation. Ces problèmes survenaient au moment où son entreprise était en plein essor. Il était désespéré.

[65]     Même si chacune des opérations de couverture de M. Hayes a été examinée durant le contre-interrogatoire de l'appelant, il n'est pas nécessaire que j'en reproduise tous les détails dans les présents motifs. Les principaux points qui ressortent de son témoignage sont les suivants : M. Maguire effectuait des transactions dans le cadre d'opérations de couverture pour le compte de M. et de Mme Hayes, dans la mesure où les paramètres établis par M. Hayes étaient respectés; Mme Hayes n'a eu aucun contact avec M. Maguire; celui-ci s'occupait de la gestion des comptes en effectuant des virements de soldes créditeurs d'un compte à l'autre; tous les montants investis provenaient des comptes bancaires conjoints des Hayes; certaines opérations de couverture ont été un succès, d'autres non; M. Maguire a effectué des transferts sans en aviser M. Hayes au préalable; le courtier a effectué des transferts entre les comptes de M. et Mme Hayes pour défaut de paiement de certains frais.

[66]     M. Hayes interjette appel des cotisations établies à son égard pour les années 1984, 1985, 1986, 1991, 1992, 1993 et 1994, au motif qu'il a agi indépendamment de Mme Hayes, qu'il a le droit de déduire les pertes subies à la liquidation d'un des volets de l'opération de couverture sur des titres convertibles et qu'il a le droit d'évaluer les biens figurant à l'inventaire à la valeur du marché. Mme Hayes interjette appel des cotisations établies à son égard pour les années 1989, 1992 et 1993, au motif qu'elle a agi indépendamment de M. Hayes et qu'elle a droit à ce que ses profits soient imposés comme un gain en capital plutôt qu'un revenu.

Témoignage de Stephen Stephens et de Terry Stephens

[67]     M. Stephens a décrit en détail son cheminement professionnel de 1977 à aujourd'hui. En plus d'un diplôme en génie mécanique, il possède quantité de certificats dans diverses applications informatiques. Il a surtout fait carrière comme ingénieur de projet, un travail qui l'amène à faire de nombreux et longs déplacements. Il a travaillé à divers moments comme directeur d'usine, directeur de la qualité de la production et directeur des opérations. Il a tâté des affaires à titre personnel dans quelques entreprises, en particulier une société de personnes, en 1981, avec sa petite amie de l'époque, devenue son épouse, Terry Taylor. Il s'agissait d'une entreprise Amway. M. Stephens y a investi 700 $ et Mme Taylor, 300 $, mais ils ont tous les deux affirmé que c'était une société de personnes à parts égales. L'entreprise a fermé ses portes au bout d'un an. M. Stephens et Mme Taylor se sont épousés en 1983.

[68]     M. Stephens avait peu de connaissances en finances. Il savait ce qu'étaient des obligations d'épargne du Canada, des REEL et des REER. Mme Stephens a travaillé longtemps comme caissière, mais elle aussi était novice en matière de placement. M. et Mme Stephens avaient chacun un compte bancaire personnel, auquel s'ajoutait un compte conjoint pour les dépenses mensuelles courantes. Ils avaient aussi dans un compte un petit coussin, au nom de Mme Stephens.

[69]     C'est en suivant les conseils de sa soeur que M. Stephens a rencontré M. Maguire au début de 1982 pour la préparation de sa déclaration de revenu pour l'année 1981. Il a été impressionné par les connaissances fiscales de M. Maguire, de même que par l'expertise qu'il possédait en matière de placements lucratifs. M. Maguire a éveillé l'intérêt de M. Stephens pour les opérations de couverture sur des titres convertibles en lui disant que c'était une stratégie de placement gagnante à tous égards. M. Stephens a admis qu'il avait compris le concept quand M. Maguire le lui avait expliqué mais, qu'une heure après, il était bien incapable de le décrire lui-même. Ce qu'il avait retenu de la stratégie gagnante à tous égards, c'est qu'il était possible de réaliser un bénéfice, et que, s'il y avait une perte, il était possible de la déduire dans le calcul du revenu imposable. Mme Stephens a indiqué que M. Stephens lui avait expliqué en quoi les opérations de couverture sur des titres convertibles étaient une stratégie gagnante à tous égards de la manière suivante : on peut investir sans rien débourser; on peut investir dans des compagnies canadiennes; s'il y a une perte, on peut obtenir un avantage fiscal.

[70]     Mme Stephens était à l'aise avec l'idée de faire affaire avec M. Maguire car son époux avait clairement confiance en lui. Elle n'a jamais rencontré M. Maguire personnellement et elle s'est souvenue ne s'être entretenue qu'une seule fois avec un courtier. M. et Mme Stephens considéraient tous les deux la stratégie des opérations de couverture sur des titres convertibles comme un moyen de gagner de l'argent, M. Stephens étant sensible au risque limité de perte.

[71]     M. Stephens a indiqué que c'est généralement M. Maguire qui communiquait avec lui pour lui proposer une opération de couverture sur des titres convertibles, mais qu'il arrivait que M. Maguire agisse sans lui demander son avis. M. Stephens recevait alors un appel du courtier, auquel il disait que, si c'était M. Maguire qui avait passé l'ordre, il n'avait aucune objection à ce qu'il soit exécuté.

[72]     M. et Mme Stephens ont signé un certain nombre de formulaires aux fins des opérations de couverture. Au nombre de ces formulaires figuraient des demandes d'inscription comme nouveau client, d'ouverture de compte, des contre-garanties et une autorisation de négocier. Dans les demandes d'inscription comme nouveau client, il était stipulé que le compte n'appartenait pas à une société ou une société de personnes. M. Stephens comprenait que donner une garantie, c'était comme cosigner un prêt. Mme Stephens le comprenait aussi et elle admettait que, si son compte était garni et que celui de M. Stephens était vide, c'est son compte à elle qui allait servir à garantir le sien. Aucun des deux n'a compris quoi que ce soit aux formulaires d'ouverture de comptes de marge, mais ils ont considéré que c'était juste une formalité. Ils ont signé tous les deux les formulaires d'autorisation de négocier au moyen desquels chacun désignait l'autre comme son mandataire. Mme Stephens a précisé que M. Stephens avait une délégation de pouvoir en sa qualité de mandataire.

[73]     M. Stephens a emprunté 10 000 $ aux fins du placement initial effectué par l'entremise de M. Maguire. Il a versé 10 500 $ à RBC Dominion Valeurs mobilières aux fins de l'opération de couverture sur des titres de Falconbridge en octobre 1985. Il a versé 600 $ à M. Maguire pour effectuer cette opération de couverture. Les fonds provenaient de son compte personnel. En prenant connaissance du rapport envoyé par M. Maguire relativement à l'opération de couverture sur des titres de Falconbridge, il est resté surpris de l'ordre de grandeur des montants en cause. Le 8 octobre, il a vendu à découvert 7 500 actions ordinaires de Falconbridge, pour un montant de 129 618 $, et a acheté à couvert 1 500 bons de souscription de Falconbridge, qu'il a payés 41 393 $. Le 15 octobre, il a acheté un bon du Trésor de 100 055 $. Toutes ces opérations ont été effectuées par M. Maguire. Le prix net de cette opération de couverture pour M. Stephens s'établissait à 12 000 $ environ, soit la différence entre le produit de la vente à découvert et les coûts combinés de la position à couvert et du bon du Trésor. Le 23 décembre 1985, M. Stephens a acheté 7 500 actions ordinaires de Falconbridge, qu'il a payées 446 365 $, pour couvrir sa position à découvert, ce qui lui causé une perte de 16 746 $. Le même jour, Mme Stephens a vendu à découvert les actions ordinaires de Falconbridge, pour un produit de 146 135 $. Elle comprenait que cette transaction avait pour but de faciliter l'opération de M. Stephens. Elle s'est inquiétée en voyant les montants indiqués sur son bordereau d'opération. Concernant la perte de 16 000 $, M. Maguire a écrit à M. Stephens pour l'informer qu'elle pourrait lui valoir une réduction d'impôt de quelque 6 500 $.

[74]     L'opération suivante a été effectuée le 11 novembre 1986, quand M. Stephens a rétabli sa position à découvert sur les 7 500 actions ordinaires de Falconbridge, pour un montant de 132 087 $. Le même jour, Mme Stephens a couvert sa position à découvert, pour un montant de 132 287 $, réalisant ainsi un profit de 13 847 $. M. Stephens prenait à nouveau une position entièrement couverte. Le 5 février 1987, M. Stephens a vendu ses 1 500 bons de souscription de Falconbridge, pour un montant de 31 750 $, ce qui lui a causé une perte de 9 643 $. Mme Stephens a acheté 1 500 bons de souscription de Falconbridge, qu'elle a payés 32 000 $, et les a immédiatement convertis en 7 500 actions ordinaires de Falconbridge, de sorte qu'elle-même et M. Stephens se sont trouvés à détenir des positions parfaitement symétriques. Cette situation a duré jusqu'au 30 décembre 1988, quand chacun a liquidé sa position, ce qui a donné lieu à une perte de 78 037 $ pour M. Stephens, et à un profit de 79 625 $ pour Mme Stephens. Je suis convaincu que ni l'un ni l'autre n'a exercé quelque contrôle sur ces opérations.

[75]     Sur les cinq opérations de couverture sur des titres convertibles effectuées pour le compte de M. Stephens, il y en a seulement une (Ivaco) à laquelle Mme Stephens n'a pas participé. Dans le cas des quatre autres opérations, M. et Mme Stephens ont pris en bout de ligne des positions parfaitement symétriques.

[76]     M. Stephens recevait de temps à autre des lettres de courtiers qui lui demandaient une marge supplémentaire. Il ne comprenait jamais très bien ce qu'ils voulaient et il transmettait généralement les demandes à M. Maguire. Il lui arrivait d'appeler directement le courtier, qui l'informait parfois que le problème allait être réglé le lendemain au moyen d'une transaction. M. Stephens n'a jamais eu l'intention de répondre à ces demandes de marge supplémentaire. En prenant connaissance d'une lettre de Burns Fry datée du 29 mars 1990, M. Stephens a cru comprendre que le cabinet envisageait d'engager une poursuite contre lui; il a donc essayé de communiquer avec M. Maguire, mais sans succès.

[77]     L'affaire a connu son aboutissement en 1993 quand Burns Fry a menacé de fermer les comptes, y compris ceux des garants, si certains frais n'étaient pas acquittés. M. Stephens a payé les frais trop tard et leurs comptes ont de fait été fermés. Cette mesure a entraîné la liquidation des positions détenues par les Stephens sur les titres de Falconbridge et de Placer. La liquidation par M. Stephens des actions ordinaires de Placer, pour un montant de 379 556 $, lui a causé une perte de 129 376 $, tandis que la liquidation de la position à couvert de Mme Stephens, pour un montant de 379 556 $, lui a occasionné un profit de 162 392 $.

[78]     M. Stephens a soutenu qu'il n'avait nullement l'intention de faire participer Mme Stephens aux opérations de couverture à titre d'associée. Ils n'avaient conclu aucune entente en vue de partager les profits - tous les profits réalisés étaient réinvestis par M. Maguire. Il a conclu l'opération de couverture sur des titres de Ivaco sans son épouse. Il considérait que cette opération n'était pas différente de celles pour lesquelles il avait utilisé le compte de son épouse en garantie.

[79]     En mars 1989, RBC a demandé le transfert d'un montant de 176 922 $ du compte de Mme Stephens au compte de M. Stephens. Mme Stephens a signé une lettre autorisant cette opération parce que, a-t-elle dit, elle était la partenaire de son époux dans un mariage, plutôt que son associée dans une entreprise.

[80]     En ce qui concerne les déclarations de revenu préparées par M. Maguire, il est manifeste que les Stephens ne savaient pas comment M. Maguire s'occupait de leurs affaires. M. Stephens a constaté que ses déclarations de revenu pour les années 1987 et 1988 étaient en retard, mais M. Maguire lui a dit de ne pas se tourmenter car il avait droit à un remboursement. Dans la déclaration de revenu de M. Stephens pour l'année 1987, notamment dans l'état des revenus et des dépenses, il est indiqué que l'entreprise est de type « spéculative » et que l'appelant a subi une perte nette de 73 904 $. La partie réservée aux biens figurant à l'inventaire a été laissée en blanc. Pour l'année 1988, la perte est de 230 188 $, et un gain en capital de 79 615 $ est attribué à Mme Stephens au titre de la liquidation des titres de Falconbridge. Il est inutile de passer en revue les déclarations de revenu pour les autres années visées par l'appel car les questions sont identiques.

[81]     La thèse que M. Stephens fait valoir à l'audience diffère à certains égards de celle qu'il a soumise lors du dépôt des appels. Dans la thèse qu'il défend devant la Cour, M. Stephens soutient avoir le droit de rajuster les biens figurant à l'inventaire à la valeur du marché ainsi qu'en fonction de leur juste valeur marchande pour les années visées par l'appel. En outre, le montant du revenu ou des pertes d'entreprise a été modifié dans les appels pour certaines années. De même, la thèse de l'intimée a quelque peu changé entre le moment où la cotisation a été établie et celui où l'appel a été entendu. La situation assez inhabituelle qui en résulte pour l'année 1990, c'est que le revenu imposable de M. Stephens à la date du dépôt de son appel est beaucoup moins élevé qu'il l'est à la date de sa comparution devant la Cour. L'intimée a aussi modifié à la hausse le montant du revenu imposable établi initialement, mais l'augmentation n'est pas aussi considérable.

Témoignage de Muriel et Patricia Scott

[82]     Mme Muriel Scott a obtenu un diplôme en sciences infirmières de l'Université McGill en 1950. Elle a travaillé à temps partiel comme infirmière jusqu'en 1970, quand elle a accepté un emploi à temps plein à l'hôpital de North York. Elle a ouvert une agence de soins infirmiers (Carecor) en 1982 à Toronto, où elle a travaillé jusqu'à sa retraite en 1994. En 1980, Mme Scott a suivi un cours de 16 heures en planification financière, mais ni les opérations de couverture, ni les bons de souscription ni les options ne faisaient partie de la matière enseignée. L'appelante a indiqué qu'elle était séparée et qu'elle devait planifier son avenir.

[83]     Mme Scott a rencontré M. Maguire en 1982. Elle a fait appel à ses services pour préparer sa déclaration de revenu pour l'année 1981. À la fin de 1983, M. Maguire lui a conseillé d'investir dans des opérations de couverture sur des titres convertibles. Pour son premier placement en décembre 1983, elle a acquis des titres de Husky Oil au moyen d'un emprunt de 10 000 $. Elle a toujours eu suffisamment de fonds par la suite dans son compte pour couvrir ses placements. Elle a démontré qu'elle avait une bonne connaissance élémentaire de la stratégie des opérations de couverture et, surtout, qu'elle savait que les opérations avaient pour but de générer des rentrées de trésorerie positives, ce qui était son objectif. Elle comprenait que les coûts en cause étaient constitués des frais de location et autres, de l'intérêt sur les fonds empruntés et des dividendes compensatoires, et que le revenu provenait des dividendes. Elle ne se rappelle pas qu'on lui ait fait valoir les avantages fiscaux de la stratégie. Même si l'appelante en est venue à comprendre, durant l'audience, qu'en plus de gagner de l'argent grâce aux rentrées de trésorerie, on pouvait aussi réaliser un bénéfice ou subir une perte au dénouement de l'opération de couverture, elle n'était pas vraiment au courant de ces éventualités à l'époque où elle prenait part aux opérations de couverture sur des titres convertibles.

[84]     La façon de faire habituelle pour établir une opération de couverture sur des titres convertibles dans le cas de Mme Scott, c'était que M. Maguire communiquait avec elle pour lui expliquer l'opération proposée et passer en revue les données sur les rentrées de trésorerie projetées. Mme Scott prenait ensuite sa décision, en se fondant sur le prix net, et, a-t-elle dit, sur le résultat final. Elle n'a jamais discuté de ses placements avec sa fille, Patricia. Elle ne se rappelle pas avoir eu quelque discussion au sujet du risque. M. Maguire communiquait ensuite avec le courtier, qui appelait Mme Scott pour prendre les dispositions nécessaires.

[85]     Aux dires de Mme Scott, le courtier lui a demandé de signer un certain nombre de formulaires, y compris une demande d'inscription comme nouvelle cliente, une garantie, une demande d'ouverture d'un compte sur marge, une convention d'option type (dont elle a ultérieurement demandé l'annulation) et une autorisation de négocier désignant sa fille, Pat, comme mandataire. De façon générale, Mme Scott considérait que les formulaires, qu'elle parcourait tout de même rapidement pour vérifier les données, faisaient simplement partie des exigences habituelles des courtiers. En ce qui concerne la garantie, elle comprenait que Pat garantissait ses obligations, mais elle avait obtenu l'assurance, en discutant avec M. Maguire, que cela ne poserait jamais de problème - ce qui s'est avéré juste. Mme Scott a toujours cru que les demandes d'ouverture de compte, même si elles étaient faites au nom de Pat, se rapportaient seulement à ses comptes et à ses placements personnels.

[86]     Les parties ont résumé 16 des placements effectués par Mme Scott dans un tableau et l'appelante a été appelée à fournir des précisions sur chacun d'eux. Les placements ont été effectués dans les années 1983 à 1992. La fille de Mme Scott, Patricia, a pris part à cinq des opérations de couverture sur des titres convertibles seulement, toutes en 1987 ou avant (Husky, Cambridge, Alcan, Placer Developments et Falconbridge).

[87]     Il ressort clairement du témoignage de Mme Scott que, si Patricia Scott s'est portée garante du compte de sa mère, c'était juste pour faciliter les placements de cette dernière. Patricia croyait qu'elle ne courait aucun risque, qu'il n'y avait aucune possibilité de profit ou de perte et qu'elle n'aurait rien à débourser. Elle a tenu pour acquis que les diverses demandes d'ouverture de compte qu'on lui faisait signer étaient juste une exigence du courtier. Même si elle a pris connaissance des formulaires et qu'elle comprenait qu'ils avaient force d'exécutoire, elle les a signés seulement pour rendre service à sa mère. De même, en ce qui a trait aux lettres adressées aux courtiers, elle faisait juste signer ce que Mme Scott lui soumettait. Elle envoyait à sa mère toute la correspondance qui lui était adressée concernant les placements et elle a fini par donner son adresse postale pour les fins de la correspondance. En fait, elle n'a même pas vu la plupart des envois postaux. Elle n'a jamais reçu quelque paiement au titre des placements qu'elle considérait comme étant les siens. Elle a inclus un revenu de dividende dans le calcul de son revenu imposable jusqu'à ce qu'il soit déterminé que c'était une erreur et, par la suite, tous les dividendes ont été inclus dans le revenu de sa mère.

[88]     Pour ce qui est des opérations de couverture sur des titres convertibles particulières, Mme Scott a investi dans des opérations sur des actions privilégiées convertibles, sur des bons de souscription et sur des obligations non garanties convertibles. Par exemple, pour la première opération de couverture sur des titres de Husky en 1983, il y a eu simultanément achat à couvert d'actions privilégiées convertibles et vente à découvert d'actions ordinaires de Husky pour un prix net d'environ 12 000 $. M. Maguire projetait des rentrées de trésorerie d'environ 3 300 $ pour cette opération de couverture en 1984. En juin 1985, Mme Scott a vendu les 3 000 actions privilégiées convertibles et Patricia Scott a acquis 3 000 actions privilégiées convertibles au même prix; deux jours plus tard, ces actions ont été converties en actions ordinaires. Mme Scott et sa fille ont maintenu cette position parfaitement symétrique jusqu'en 1987, quand Mme Scott a couvert sa position à découvert et Patricia a liquidé sa position à couvert. Selon Mme Scott, une opération devient inactive quand les deux positions sont parfaitement symétriques. Les transactions ont donné lieu à une perte combinée de 12 500 $ environ. Mme Scott a admis que ce n'était pas une bonne opération de couverture.

[89]     En décembre 1986, Mme Scott a effectué une opération de couverture sur des bons de souscription en vendant à découvert 10 000 actions ordinaires de Cambridge Shopping Centre et en faisant l'acquisition de 10 000 bons de souscription de Cambridge. En janvier 1987, il y a eu un achat de couverture dans le compte de Mme Scott et, en même temps, une vente à découvert de 10 000 actions dans le compte de Patricia Scott. À partir de ce moment-là et jusqu'en 1992, Mme Scott et sa fille ont détenu des positions parfaitement symétriques, ce qui voulait dire, selon Mme Scott, que l'opération de couverture sur des titres convertibles était devenue inactive. Mme Scott a déclaré la totalité des dividendes et des dépenses résultant de ces positions, indiquant dans sa déclaration de revenu que Patricia était sa mandataire.

[90]     En juillet 1987, Mme Scott a effectué une opération de couverture sur des droits de souscription en faisant l'acquisition de 10 000 droits de souscription de Falconbridge, pour un montant de 61 850 $, et en vendant simultanément à découvert 10 000 actions ordinaires de Falconbridge, pour un montant de 250 630 $. En octobre 1987, c'est Patricia qui a pris la position à couvert du fait de la vente, par Mme Scott, de 10 000 droits de souscription, pour un montant de 27 956 $, et de l'acquisition, par Patricia, de 10 000 actions ordinaires de Falconbridge, payées 191 850 $. Elles ont maintenu cette position parfaitement symétrique jusqu'à la fin de 1989, quand Mme Scott a couvert sa position à découvert et Patricia Scott a liquidé sa position à couvert, pour un montant de 370 000 $ dans les deux cas.

[91]     Mme Scott a maintenu un compte de marge réservé aux opérations à découvert ainsi qu'un compte de marge. L'examen de l'opération de couverture sur des titres de Laidlaw effectuée en 1988 et qui n'a duré que quelques mois montre que seul le compte de marge réservé aux opérations à découvert a été utilisé aux fins des opérations de couverture sur des titres convertibles étant donné que des bons de souscription de Laidlaw acquis en dehors du cadre de l'opération de couverture sur des titres convertibles étaient détenus dans l'autre compte.

[92]     Il est inutile d'examiner en détail les autres opérations de couverture sur des titres convertibles, si ce n'est pour mettre en relief un certain nombre de faits :

-         Mme Scott a demandé la déduction d'une perte de 31 650 $ résultant de la vente de 10 000 bons de souscription d'Alcan en novembre 1986. Le même mois, Patricia a fait l'acquisition de 10 000 actions ordinaires d'Alcan. M. Maguire a facturé à Mme Scott des frais supplémentaires de 15 % sur l'économie d'impôt réalisée du fait de la perte de 31 650 $.

-         Dans le cas de l'opération de couverture sur des titres de Minnova, il a fallu trois mois et demi de préparation en 1988 pour que la position soit entièrement couverte et cette position a ensuite été maintenue pendant cinq ans avant d'être liquidée et d'occasionner un profit de 3 688 $; pendant cette période, l'opération de couverture a aussi généré des rentrées de trésorerie positives.

-         L'opération de couverture sur des obligations non garanties de Federal Industries a été effectuée en novembre 1989. En octobre 1991, Mme Scott a substitué une obligation non garantie convertible à une autre. Elle a réalisé un profit sur sa position à découvert et un profit global de 10 245 $ à la liquidation de l'opération de couverture. Elle a été incapable de dire si les profits résultaient de façon générale de sa position à couvert ou de sa position à découvert car, a-t-elle soutenu, c'était surtout les rentrées de trésorerie qui retenaient son attention.

-         Dans le cas de l'opération de couverture sur des titres de Placer, Mme Scott et Patricia Scott ont détenu des positions parfaitement symétriques de 1987 à 1999. Selon Mme Scott, c'est parce qu'on ne savait pas comment traiter cette opération aux fins d'établissement de l'impôt.

[93]     Mme Scott a confié la préparation de ses déclarations de revenu à M. Maguire. Elle n'avait aucune idée de la manière dont les dividendes ou les gains en capital étaient déterminés. Dans sa déclaration pour l'année 1989, notamment dans l'état des revenus et des dépenses d'une entreprise, elle a indiqué que l'entreprise était de la « spéculation boursière » . L'annexe prévue pour dresser la liste des biens figurant à l'inventaire a été laissée en blanc.

[94]     Mme Scott interjette appel des cotisations établies à son égard pour les années d'imposition 1984, 1985, 1986, 1987, 1988, 1990, 1991, 1992 et 1993, au motif qu'elle n'était pas associée dans une société de personnes avec sa fille, que les pertes résultant de chaque volet des opérations de couverture sur des titres convertibles étaient déductibles et qu'elle avait le droit d'évaluer les biens figurant à l'inventaire à la valeur du marché.

[95]     Questions à trancher et conclusions

a)       Les profits ou les pertes résultant des placements des appelants constituaient-ils une immobilisation ou un revenu d'entreprise découlant soit d'un projet comportant un risque de caractère commercial, soit de l'exploitation d'une entreprise?

Dans tous les cas, les profits ou les pertes résultant des « placements » , sur lesquels je fournirai plus de précisions ci-après, constituaient un revenu d'entreprise tiré d'un projet comportant un risque de caractère commercial.

b)       De quoi était constituée l'entreprise, le projet comportant un risque de caractère commercial - de transactions boursières ou d'opérations de couverture sur des titres convertibles?

Le projet comportant un risque auquel les appelants ont pris part était un projet d'investissement dans des opérations de couverture sur des titres convertibles, lesquelles, je conclus, constituent un bien pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu.

           c)       Les projets comportant un risque étaient-ils réalisés avec un associé ou par l'entremise d'un mandataire?

Les projets comportant un risque n'étaient réalisés ni avec un associé ni par l'entremise d'un mandataire, sauf dans le cas de Mme Scott. Ils étaient entrepris soit à titre individuel par un appelant, dans lequel cas l'opération de couverture sur des titres convertibles était établie dans un seul compte, soit conjointement par l'appelant et la garante, dans lequel cas l'opération de couverture sur des titres convertibles était établie dans deux comptes. Hormis Mme Scott et sa fille, qui avaient entre elles une relation de mandant et mandataire, les autres appelants ont pris part aux projets comportant un risque conjointement avec leur garante respective.

           d)      Quel traitement fiscal faut-il réserver aux opérations de couverture sur des titres convertibles : notamment, quand donnent-elles lieu à un revenu ou à une perte et à qui faut-il les attribuer? Quel traitement fiscal faut-il réserver aux rentrées de trésorerie qui constituent l'un des éléments de l'opération de couverture sur des titres convertibles? Quel traitement fiscal faut-il réserver aux positions des appelants à l'issue du dénouement d'une opération de couverture sur des titres convertibles? Peut-on utiliser la méthode d'évaluation à la valeur du marché aux fins de l'évaluation des biens figurant à l'inventaire?

         

Le revenu ou la perte résultant de la liquidation d'une opération de couverture sur des titres convertibles établie dans deux comptes se produit au moment de l'événement à l'issue duquel ni l'appelant ni la garante ne détiennent une position convertible. Le profit ou la perte doit être pris en compte dans le revenu et attribué à parts égales à chacun des participants au projet comportant un risque. Avant la liquidation de l'opération de couverture sur des titres convertibles, la disposition d'un de ses volets ne constitue en aucun cas la disposition d'un bien pour les fins fiscales.

Dans le cas des Hayes et des Stephens, le revenu et les dépenses résultant de l'opération de couverture sur des titres convertibles (les rentrées de trésorerie) doivent être attribués à celui des co-opérateurs en couverture qui détient le volet auquel ils sont imputables à des fins fiscales. Dans le cas de M. Rezek et de Mme Scott, les rentrées nettes de trésorerie doivent être incluses dans leur revenu personnel respectif seulement.

Vu que j'ai conclu que l'opération de couverture sur des titres convertibles est un bien, c'est l'opération de couverture elle-même qui est le bien figurant à l'inventaire, plutôt que chacun des volets particuliers. Si l'on applique le paragraphe 10(1) à ces projets comportant un risque de caractère commercial, on constate qu'aucun des appelants n'a établi son revenu dans les années antérieures au 20 décembre 1995 en évaluant les biens figurant à l'inventaire, c'est-à-dire l'opération de couverture sur des titres convertibles, au moindre du coût d'acquisition et de la juste valeur marchande. En conséquence, l'application du paragraphe 10(1) a pour effet d'empêcher les appelants d'utiliser la méthode d'évaluation des biens figurant à l'inventaire au moindre du coût d'acquisition et de la juste valeur marchande aux fins de l'évaluation d'une opération de couverture sur des titres convertibles. En outre, aucun des appelants n'a le droit de réduire la valeur des titres figurant à l'inventaire après le dénouement d'une opération de couverture sur des titres convertibles.

Après la liquidation de l'opération de couverture sur des titres convertibles, l'appelant et la garante qui ont des positions parfaitement symétriques détiennent une non-valeur. Les positions parfaitement symétriques établies dans deux comptes peuvent, en tant qu'opération de couverture sur des titres convertibles, être considérées comme un bien, mais elles ne sont pas une source aux fins d'établissement de l'impôt.

           e)       Quel est l'effet des choix exercés en vertu du paragraphe 39(4) par Mme Hayes et Mme Scott?

L'opération de couverture sur des titres convertibles elle-même, en tant que placement identifiable distinct, n'est pas comprise dans la définition de « titre » visée au paragraphe 39(4), de sorte que le choix exercé n'est d'aucune utilité aux fins de la détermination d'une immobilisation ou d'un revenu à la liquidation de l'opération de couverture sur des titres convertibles. Dans l'année visée par l'appel, Mme Hayes n'a liquidé aucun autre bien auquel le choix exercé pourrait s'appliquer.

           f) Quel traitement fiscal faut-il réserver aux dividendes compensatoires inutilisés?

Les dividendes compensatoires inutilisés ne peuvent être déduits ni considérés comme des immobilisations.

a)        Question

Les profits ou les pertes étaient-ils réalisés ou subis sur des immobilisations ou constituaient-ils un revenu d'entreprise découlant soit d'un projet comportant un risque de caractère commercial, soit de l'exploitation d'une entreprise?

Thèse des appelants

[96]     Les appelants soutiennent qu'ils se livraient à des opérations commerciales de l'une des trois manières suivantes : d'abord, comme Gordon Rezek, en tant que spéculateur ou participant à un projet comportant un risque de caractère commercial; ensuite, comme Philip Hayes, Stephen Stephens et Muriel Scott, en tant que commerçants; puis, comme Patricia Hayes, en tant que personne effectuant des transactions sur des immobilisations. L'avocat des appelants a passé en revue les divers critères qui sont généralement appliqués pour faire la distinction entre un revenu et une immobilisation : la durée de possession, la nature du bien, la fréquence des transactions, les connaissances du particulier, le niveau de financement et l'intention de prendre part à un plan visant la réalisation d'un bénéfice. Il a fait référence à une chaîne évolutive, plaçant M. Rezek au début de celle-ci, en tant que spéculateur, et M. Hayes un peu plus loin, en tant que commerçant, en raison, surtout, du volume des transactions. Mme Hayes est exclue de cette chaîne car, aux dires de Me Shaw, elle a détenu ses positions à des fins de placement plutôt que dans le cadre d'un plan visant la réalisation d'un bénéfice.

[97]     Pour établir la distinction entre le commerçant et le spéculateur, Me Shaw s'appuie sur le volume des transactions et la « manière de faire » , autrement dit, la « cohérence de la méthode, le moyen utilisé pour obtenir le volume » .

Thèse de l'intimée

[98]     Concernant les autres aspects des appels dont je suis saisi en l'espèce, l'intimée a fait valoir que les décisions rendues dans les affaires Schultz c. Canada[3] et Carter c. Canada[4] étaient des précédents d'application obligatoire qui confirmaient certaines propositions. Dans ces deux affaires, que j'examinerai plus en détail dans mon analyse, il a été statué que les profits résultant des opérations de couverture sur des titres convertibles constituaient un revenu. L'intimée a en effet soutenu pendant toute la durée des appels qu'il convenait de considérer les profits comme un revenu. Cependant, étant donné que j'ai demandé aux parties de me présenter leurs arguments sur la question des immobilisations, l'intimée affirme maintenant qu'il m'est loisible, s'agissant d'une question de droit, de considérer, en m'appuyant sur la preuve, que les appelants avaient seulement l'intention d'acquérir des immobilisations.

[99]     M. Hayes souhaitait se constituer un portefeuille d'opérations de couverture, un objectif qu'on ne saurait considérer comme une intention de réaliser un bénéfice grâce à une succession rapide de placements. Mme Scott, aux dires de Me Gluch, considérait clairement les opérations de couverture comme un placement et, à l'instar de M. Hayes, ce qui l'intéressait surtout, c'était les rentrées de trésorerie. M. Stephens poursuivait un objectif semblable, quoique dans une moindre mesure.

Analyse

[100] Pour établir la nature du revenu dans les appels en l'instance, il est nécessaire de procéder en deux étapes. La première consiste à faire la distinction entre un revenu et une immobilisation. Pour passer à la deuxième étape, je dois d'abord conclure que les opérations ont occasionné un revenu. La deuxième étape consiste à déterminer si le revenu tiré d'une entreprise résulte de la participation à un projet comportant un risque de caractère commercial (spéculation) ou de l'exploitation d'une entreprise (commerce). La réponse à cette seconde étape a une incidence sur la question de la société de personnes et celle de l'évaluation des biens figurant à l'inventaire.

[101] Ainsi que je l'ai déjà mentionné, si les parties ont présenté des arguments sur la question de savoir si les profits constituaient un gain en capital ou un revenu dans le cas de M. Rezek, M. Hayes, M. Stephens et Mme Scott, c'est uniquement parce que je le leur ai demandé. Aucune des parties aux appels ne prétendait, si l'on exclut l'application possible du paragraphe 39(4), que les profits que ces appelants ont réalisés au moyen des opérations de couverture sur des titres convertibles étaient un gain en capital. L'analyse m'apparaissait incomplète sans cette détermination fondamentale, et bien que je sois désormais convaincu que les profits résultant des opérations de couverture sur des titres convertibles ne sont pas des gains en capital, je crois que l'examen de cette question nous a été utile. S'agissant d'une question de droit, il m'était loisible d'en tenir compte. Je ne présenterai toutefois qu'un résumé succinct de mes motifs sur cette première étape.

[102] La définition d' « entreprise » que l'on trouve à l'article 248 est la suivante :

« entreprise » Sont compris parmi les entreprises les professions, métiers, commerces, industries ou activités de quelque genre que ce soit et, sauf pour l'application de l'alinéa 18(2)c), de l'article 54.2, du paragraphe 95(1) et de l'alinéa 110.6(14)f), les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial, à l'exclusion toutefois d'une charge ou d'un emploi.

Dans l'arrêt Friesen c. Canada[5], la Cour suprême du Canada passe en revue les facteurs dont tiennent compte les tribunaux pour déterminer si un contribuable participe à un projet comportant un risque de caractère commercial ou effectue une opération en capital. Le critère primordial pour conclure à l'existence d'un projet comportant un risque de caractère commercial, c'est qu'il y a un plan visant la réalisation d'un bénéfice. Les autres facteurs mentionnés dans la décision majoritaire sont les suivants :

(i)       l'intention au moment de l'acquisition du bien;

(ii)       la nature de l'entreprise du contribuable par rapport au projet en cause;

(iii)      la nature du bien et l'utilisation qui en est faite;

(iv)      le recours à un emprunt.

Un autre facteur, tiré cette fois de l'opinion dissidente du juge Iacobucci, qui souscrivait à l'opinion de la majorité sur cette question, c'est la conduite du contribuable par rapport à celle d'une personne faisant le négoce de ce genre de biens.

[103] Même si certains éléments de preuve indiquent, comme l'a fait observer Me Gluch, que quelques-uns des appelants ont investi dans l'optique de placements à long terme, leur conduite et la nature du bien révèlent une toute autre intention. La stratégie des opérations de couverture sur des titres convertibles était un plan visant la réalisation d'un bénéfice.

[104] Pour convaincre les appelants d'adhérer à la stratégie, on la leur a présentée comme une formule gagnante à tous égards. Le premier élément de l'équation, ce sont les économies d'impôt, lesquelles, a-t-il été statué dans des affaires antérieures, ne constituent pas à proprement dit une entreprise (voir, par exemple, les arrêts Moloney c. Canada[6], Loewen c. La Reine[7] et Whent c. Canada[8]); l'autre élément, par contre, comporte deux aspects. Le premier, ce sont les rentrées de trésorerie générées pendant que les positions sont détenues dans le cadre des opérations de couverture sur des titres convertibles et le second, la plus-value réalisée sur l'opération de couverture à son dénouement. Cette plus-value est en grande partie subordonnée aux fluctuations du marché, mais il ressort très clairement du témoignage tant des experts que des appelants, que c'était l'aspect primordial du projet comportant un risque. Ce point de vue est on ne peut mieux résumé dans les documents types[9] que M. Maguire faisait parvenir à ses clients après l'établissement d'une opération de couverture sur des titres convertibles :

          [TRADUCTION]

[...] Bien entendu, nous chercherons des occasions de dénouer cette position à profit dès que les conditions seront favorables.

C'est l'accroissement de l'écart qui est le bénéfice tiré de l'entreprise. Les appelants, à l'exception, peut-être, de Mme Hayes, étaient tous suffisamment bien informés pour être au courant de ce fait au moment où ils ont acquis les opérations de couverture sur des titres convertibles.

[105] M. Hayes, qui était mieux renseigné que tous les autres appelants sur le fonctionnement de ce genre de stratégie, peut dire qu'il visait à se constituer un portefeuille d'opérations de couverture, mais cela ne concerne que le volume, non pas le fait de détenir un grand nombre d'opérations de couverture à long terme de la même manière qu'un investisseur type ayant une position à couvert détiendrait un portefeuille d'actions ordinaires. Sur les huit opérations de couverture sur des titres convertibles que détenait M. Hayes et auxquelles Mme Hayes a pris part, six ont été liquidées en moins d'un an et deux dans l'année suivant celle de leur acquisition. Parmi les nombreuses opérations de couverture sur des titres convertibles auxquelles M. Hayes a pris part à titre individuel, une seule a été détenue pendant plus que quelques mois. Ce genre d'activité est révélateur d'une intention de participer à un plan visant la réalisation d'un bénéfice, non pas d'investir à long terme.

[106] De même, Mme Scott, à qui importaient surtout les rentrées de trésorerie, n'a guère conservé longtemps ses positions, sauf dans le cas de l'opération de couverture sur des titres convertibles de Minnova. Il n'y a rien de surprenant à cela, car la nature des opérations de couverture sur des titres convertibles est telle que, dès leur acquisition, on commence à surveiller le marché afin de trouver des occasions de les dénouer à profit. C'est ainsi qu'ont procédé tous les appelants qui ont acquis des opérations de couverture sur des titres convertibles. C'est ce que Maguire & Associates faisait pour eux.

[107] Même si aucun des appelants ne travaillait dans un secteur d'activité connexe, c'est un facteur qui revêt peu d'importance aux fins de la détermination globale. En ce qui concerne le financement des projets, certains des appelants ont effectivement contracté un emprunt pour faire le versement initial, mais, fait plus révélateur encore, tous les appelants se sont appuyés sur les marges obligatoires plus généreuses pour établir les opérations de couverture sur des titres convertibles. C'est sur l'utilisation de cette marge que reposait essentiellement le succès des opérations de couverture sur des titres convertibles à un point tel que les garantes en sont venues à croire qu'elles pouvaient « investir » sans débourser un sou.

[108] Dans l'ensemble, les intentions des appelants au moment où ils ont acquis les positions dans le cadre des opérations de couverture sur des titres convertibles, leur conduite, le mode de financement utilisé et la nature même des opérations de couverture sur des titres convertibles confirment sans conteste qu'il y avait un plan visant la réalisation d'un bénéfice, un projet comportant un risque de caractère commercial et, dès lors, un revenu d'entreprise.

[109] L'étape suivante pose davantage de difficultés, bien que les deux parties ne s'y soient guère attardées. À quel stade de la chaîne évolutive, pour reprendre l'argument de Me Shaw, celui ou celle qui prend part à un projet comportant un risque, un spéculateur, devient-il un commerçant, l'exploitant d'une entreprise? Par définition, quelqu'un qui participe à un projet comportant un risque de caractère commercial n'exploite pas une entreprise, bien que le revenu qu'il en tire soit considéré comme un revenu d'entreprise en raison de la définition que l'on trouve dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Cette distinction a été clairement établie par le président Jackett dans l'arrêt Tara Exploration and Development Co. Ltd. v. M.N.R.[10] :


[TRADUCTION]

J'ai conclu [...] que la meilleure interprétation est que l'expression « a exploité » n'est pas une expression que l'on peut utiliser convenablement avec le terme « projet comportant un risque » . Exploiter quelque chose implique une continuité dans le temps ou dans les opérations, comme celle qu'implique le sens ordinaire du mot « entreprise » . Un projet comportant un risque est un événement isolé. On « participe » à un projet comportant un risque et on « exploite » une entreprise.

Le juge Major confirme ce point de vue dans l'arrêt Friesen lorsqu'il indique : « par définition, un spéculateur n'est pas un marchand d'articles de commerce et n' « exploite » pas une entreprise » .

[110] Selon Me Shaw, ce n'est pas juste le nombre de projets qui distingue les deux. Je partage son point de vue à cet égard, mais je continue quand même de me demander ce qu'il a voulu dire exactement quand il a fait référence à la manière de faire du commerçant. Je ne vois aucune différence entre la façon de procéder de M. Hayes et de M. Rezek dans le cadre des opérations. Les deux ont fait appel à Maguire & Associates et à un courtier pour mettre en oeuvre, contrôler, rajuster et, au bout du compte, dénouer les opérations de couverture sur des titres convertibles. Certes, M. Hayes étant mieux renseigné, il était plus à l'aise que M. Rezek pour discuter de l'opération de couverture sur des titres convertibles avec M. Maguire et le courtier, mais il n'en contrôlait pas plus les aspects pratiques à proprement dit que M. Rezek. M. Hayes a aussi tenu des registres plus détaillés, notamment des tableaux sur les opérations de couverture sur des titres convertibles, mais cette comptabilité personnelle n'a eu aucune incidence sur le fonctionnement de l'opération de couverture sur des titres convertibles en elle-même.

[111] Aucun des appelants n'a tiré sa subsistance des opérations de couverture sur des titres convertibles; ce n'est donc pas un facteur sur lequel on peut s'appuyer pour conclure que l'un ou l'autre exploitait une entreprise. Aucun ne s'affichait comme un commerçant dans le milieu financier. Aucun n'avait de plan d'affaires, de locaux commerciaux réservés aux opérations, de signes extérieurs comme des lignes téléphoniques dédiées ou des cartes de visite. Aucun ne tenait les états financiers caractéristiques d'une entreprise, ne faisait de publicité ni n'employait de personnel. Aucun n'avait des frais d'exploitation, hormis ceux se rapportant directement aux opérations de couverture sur des titres convertibles. Aucun n'a conclu de contrats avec des tiers autres que ceux qu'un investisseur ordinaire conclurait, exception faite peut-être des garanties. Je le redis encore une fois, ces facteurs concernent essentiellement la nature des opérations de couverture sur des titres convertibles, non pas la question de savoir si les appelants exploitaient une entreprise. Il faut un autre élément commercial en plus du volume pour que celui ou celle qui prend part à un projet comportant un risque de caractère commercial passe du statut de spéculateur à celui d'exploitant d'une entreprise. Je ne relève aucun élément commercial du genre chez l'un ou l'autre des appelants. Même si cette constatation est probablement suffisante pour conclure qu'aucun des appelants n'était un commerçant, je souhaite formuler des observations sur le nombre de projets comportant un risque auxquels les appelants ont pris part et préciser aussi de quelle manière cela influe aussi sur mes conclusions.

[112] M. Rezek a pris part à trois opérations de couverture sur des titres convertibles sur une période de deux ans, M. Hayes, à 16 sur une période de neuf ans. Dans le cas de M. Stephens, on parle de six opérations de couverture sur des titres convertibles sur une période de trois ans et, dans le cas de Mme Scott, de 16 sur une période de 10 ans. Tous les appelants ont témoigné que les opérations de couverture sur des titres convertibles commençaient par un échange téléphonique avec Maguire & Associates suivi d'un autre échange avec un courtier. Il pouvait y avoir une certaine activité durant l'existence de l'opération de couverture sur des titres convertibles, c'est-à-dire des changements dans les positions ou la liquidation de positions. Finalement, il y avait un entretien téléphonique avec Maguire & Associates de même qu'avec le courtier au dénouement de l'opération de couverture sur des titres convertibles, quoiqu'on a aussi établi que le dénouement pouvait se produire sans aucune intervention de la part de l'appelant. Cette description ne correspond pas à ma définition de ce qu'est une activité commerciale intensive dans le cadre d'une opération de couverture sur des titres convertibles particulière. On est aussi bien loin du compte en ce qui concerne le volume quand on examine le nombre total des opérations de couverture sur des titres convertibles effectuées par un appelant durant la période où il a pris part à la stratégie de couverture sur des titres convertibles. Même si on acceptait que c'est le volume seul qui permet de déterminer quand un projet comportant un risque devient une opération commerciale, il n'existe aucun nombre magique à partir duquel on peut tenir pour acquis qu'une personne participant à un projet comportant un risque est devenu un commerçant. Mais le gros bons sens me fait dire que ni M. Hayes, ni Mme Scott n'ont effectué suffisamment d'opérations de couverture sur des titres convertibles pour qu'on considère qu'ils exploitaient une entreprise. Lorsque j'établis un parallèle avec le récent phénomène des spéculateurs à très court terme, je trouve qu'ils ne font pas le poids. Un spéculateur à très court terme peut effectuer des douzaines d'opérations sur titres dans une journée; pas juste une poignée en quelques années. Non, il aurait fallu que les appelants soient bien plus actifs pour que j'en arrive à la conclusion qu'ils exploitaient une entreprise. Ils participaient à un projet visant la réalisation d'un bénéfice et ils sont englobés dans la définition générale d' « entreprise » énoncée dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Cependant, aucun d'entre eux n'exploitait une entreprise.

b)        Question     

De quoi était constituée l'entreprise, le projet comportant un risque de caractère commercial - de transactions boursières ou d'opérations de couverture sur des titres convertibles?

Thèse des appelants

[113]              L'avocat des appelants a mentionné plusieurs fois que je devais me laisser guider par la réalité. Comme il m'a renvoyé aux arrêts Shell Canada Limited c. La Reine[11] et Canada c. Singleton[12], sans nul doute que c'est à la réalité juridique qu'il faisait référence plutôt qu'à la réalité économique. Il faut respecter les actes juridiques. On ne doit pas les caractériser différemment pour des raisons d'ordre fiscal. Les appelants ont conclu leur argumentation sur la question de la réalité juridique en faisant valoir que le fait qu'une transaction produise un résultat jugé répugnant n'est pas en soi un motif suffisant pour que la Cour en fasse abstraction.

[114] Les appelants attirent l'attention sur les divers documents et transactions et insistent sur le fait que ce sont des garanties et des obligations juridiques ayant force obligatoire. Par exemple, une garantie est un contrat qui lie un garant en conformité avec ses modalités. C'est une réalité dont on ne peut faire abstraction. Dans le même ordre d'idées, la liquidation d'un titre est une transaction. Il en résulte des conséquences pour la personne qui liquide le titre. Il y a des ramifications. On ne peut prétendre qu'il n'y en a pas.

[115] Ainsi donc, l'avocat des appelants décompose l'opération de couverture sur des titres convertibles en ses éléments constituants et conclut que les appelants effectuaient des transactions boursières distinctes et identifiables ayant chacune des conséquences juridiques et fiscales particulières et que conclure autrement, c'est faire abstraction de la réalité juridique.

Thèse de l'intimée

[116] L'intimée soutient que l'opération de couverture sur des titres convertibles, qu'elle soit établie dans un ou deux comptes, est liquidée seulement à son dénouement. Par exemple, quand Gloria Fahrngruber a acquis des actions privilégiées convertibles de Laidlaw en même temps que M. Rezek a liquidé ses actions privilégiées convertibles de Laidlaw, l'opération de couverture sur des titres convertibles s'est poursuivie dans les deux comptes. Ils étaient intégrés ensemble et ne pouvaient être séparés. Les rentrées de trésorerie étaient déterminées pour l'ensemble de l'opération de couverture sur des titres convertibles. Dans le même ordre d'idées, les profits ou la perte ne doivent pas être déterminés quand il y a un changement dans les positions; le passage d'un compte à un autre ne devrait pas avoir d'incidence fiscale. C'est quand il y a dénouement de l'opération de couverture sur des titres convertibles, de la chose que les appelants ont acheté initialement, qu'il y a une incidence.

[117] L'intimée a indiqué que l'opération de couverture sur des titres convertibles pourrait être considérée comme une immobilisation ayant généré un revenu. Dans les faits, l'intimée a poussé son raisonnement jusqu'à dire que cette opération pourrait être englobée dans la définition de « biens » énoncée au paragraphe 248(1) de la Loi. Sans admettre qu'une position à découvert, en soi, est un droit qui constitue un bien, la combinaison des positions à découvert et à couvert constitue effectivement un bien. Et c'est ce bien qui était l'objet des projets comportant un risque des appelants.

Analyse

[118] C'est ici qu'il faut adapter les principes fiscaux à l'innovation financière; en d'autres termes, on doit éviter d'interpréter la réalité juridique de manière si restrictive qu'on en vient à nier un résultat qui confond les réalités économiques et juridiques. La Loi de l'impôt sur le revenu offre cette possibilité vu la manière dont la notion de « biens » y est définie :

« biens » signifie des biens de toute nature, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels et comprend, sans restreindre la portée générale de ce qui précède,

a) un droit de quelque nature qu'il soit [...]

Cette définition, en plus d'être la plus générale de toutes, ouvre la porte à l'application d'une approche non restrictive - un bien, un droit, de quelque nature qu'il soit. Il n'est pas surprenant de trouver une définition de ce genre dans une loi fiscale qui assujettit à l'impôt le revenu tiré d'un bien et le produit de la liquidation de ce bien. C'est une disposition d'une très grande portée.

[119] Quelles sont dès lors les caractéristiques d'une opération de couverture sur des titres convertibles? Je dirais que ce sont les droits qui y sont inhérents. En plus de la définition du terme « biens » dans la Loi de l'impôt sur le revenu, il est intéressant d'examiner celle [de son équivalent anglais « property » ] que l'on trouve dans le Black's Law Dictionary :

          [TRADUCTION]

1.          Le droit de posséder, d'utiliser un chose déterminée et d'en jouir;

2.          Toute chose externe sur laquelle des droits de possession, d'utilisation et de jouissance sont exercés.

Le mot « chose » [thing] est pour sa part défini de la même suivante : [TRADUCTION] « tout objet de possession dans la sphère des droits de propriété ou de valeur » . Les caractéristiques d'une opération de couverture sur des titres convertibles qu'englobent dès lors ces définitions très générales de ce qu'est un bien sont celles qui se rattachent à la possession de droits. Dans le Black's Law Dictionary, toujours, le mot « droit » [right] est défini de la façon suivante :

          [TRADUCTION]

1.          Ce qui est dû à une personne à juste titre, en vertu d'une garantie légale, ou par principe moral.

2.          Un pouvoir, un privilège ou une immunité légalement accordés à une personne;

3.          Ce sur quoi est fondée une demande ayant force exécutoire de faire ou de ne pas faire que doit respecter un tiers;

4.          L'intérêt, la prétention sur un bien corporel ou incorporel ou encore la propriété de ce bien.

[120] Le droit ou les droits doivent découler de l'opération de couverture sur des titres convertibles elle-même, non pas juste de l'accumulation de droits indépendants des volets de l'opération. Le droit de conversion, pour prendre cet exemple, est un droit afférent au volet à couvert d'une opération de couverture sur des titres convertibles. Ce droit existe, que le volet constitue ou non un élément de l'opération de couverture sur des titres convertibles. Dans le même ordre d'idées, le droit de couvrir une position à découvert quand le résultat serait favorable existe indépendamment du fait que cette position est détenue dans le cadre d'une opération de couverture sur des titres convertibles. Ce sont deux droits qui font partie intégrante de l'opération de couverture sur des titres convertibles et on peut certainement considérer qu'ensemble, ils constituent un bien. En revanche, le droit qui découle uniquement de l'opération de couverture sur des titres convertibles elle-même, et qui me convainc que l'opération de couverture sur des titres convertibles est un bien, c'est le droit d'utiliser l'un des volets de l'opération pour satisfaire aux exigences de marge de l'autre, qu'il y ait un seul compte ou que ce droit s'exerce sous les auspices du compte du garant. Les explications fournies par les témoins experts au sujet des opérations de couverture sur des titres convertibles, ainsi que les témoignages de MM. Sildva et McCrodon m'ont confirmé que, dans les ententes conclues entre les cabinets de courtage et les appelants qui ont pris part à des opérations de couverture sur des titres convertibles, il y avait une disposition permettant de renoncer à l'application des exigences de marge habituelles jugées plus restrictives et reconnaissant qu'une position à couvert convertible était en soi une marge suffisante pour couvrir la position à découvert. Une telle disposition était indispensable au fonctionnement de l'opération de couverture sur des titres convertibles et l'investisseur pouvait compter sur son application dans le cadre de l'entente conclue avec le courtier. C'était selon moi une déclaration ayant force exécutoire par laquelle le courtier s'engageait à accorder la marge nécessaire à ces conditions. Bref, l'opération de couverture sur des titres convertibles est constituée d'éléments comportant des droits; elle crée aussi, de par sa nature, un droit qui lui est propre. L'opération de couverture sur des titres convertibles satisfait à la définition de « biens » que l'on trouve dans la Loi de l'impôt sur le revenu.

[121] Cela n'est pas suffisant en soi pour conclure que l'opération de couverture sur des titres convertibles est un « bien » constituant une source à des fins d'établissement de l'impôt. La caractérisation d'un bien doit cadrer avec l'esprit de la Loi pour qu'il soit assujetti aux règles fiscales. Il y a une multitude de droits qui pourraient être considérés comme des biens en vertu de la définition générale que l'on trouve dans la Loi, mais qu'on pourrait difficilement considérer comme une « source » en vertu de l'article 3. Le bien doit être examiné en tenant compte du contexte, lequel, dans le cas des opérations de couverture sur des titres convertibles, est celui d'un projet comportant un risque de caractère commercial, d'une entreprise. C'est l'entreprise qui est la source.

[122] Ayant déterminé que la loi nous permet de considérer l'opération de couverture sur des titres convertibles comme une chose identifiable distincte, un bien pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu, je veux vérifier si les témoins, les experts comme les profanes, voient les choses de la même manière. Je crois que oui. Tous les témoins ont fait référence à l'opération de couverture sur des titres convertibles comme si c'était une chose ayant une existence propre. Peut-être était-ce à cause d'un manque de vocabulaire, mais si je tiens compte en même temps des aspects décrits ci-après, j'en arrive à la conclusion que l'opération de couverture sur des titres convertibles était considérée comme un investissement indépendant constituant une entreprise, du fait que c'était un projet comportant un risque de caractère commercial.

[123] À l'exception peut-être de M. Rezek et de Mme Hayes, je suis convaincu que les appelants comprenaient tous que les profits résultant de l'opération de couverture sur des titres convertibles provenaient de deux sources, soit des rentrées de trésorerie durant l'opération de couverture sur des titres convertibles, et d'un accroissement de la valeur de l'écart entre le moment où l'appelant déboursait un montant pour établir l'opération de couverture sur des titres convertibles (l'écart) et le moment de son dénouement. Les experts ont confirmé que c'est ce qui faisait l'attrait des opérations de couverture sur des titres convertibles. C'est la raison pour laquelle on optait pour ce type de placement. M. Hayes, notamment, n'était pas attiré par les avantages fiscaux que M. Maguire faisait miroiter dans son baratin sur la stratégie gagnante à tous égards. Il s'attendait à ce que ce soit l'opération de couverture sur des titres convertibles elle-même qui lui fasse gagner de l'argent.

[124] Les appelants comprenaient aussi que les rentrées de trésorerie ne provenaient pas d'un seul volet, mais de l'intégration des deux. L'analyse fournie par M. Maguire indiquait le revenu pour le volet à couvert et les dépenses pour le volet à découvert. Les rentrées de trésorerie résultaient de l'opération de couverture sur des titres convertibles plutôt que de l'un de ses volets.

[125] Il est évident, vu la manière dont M. et Mme Stephens ont réagi en recevant les premiers bordereaux de négociation et les autres rapports, qu'ils se sont inquiétés à la vue des montants. M. Stephens n'avait investi que quelques milliers de dollars, mais il recevait confirmation de placements se chiffrant dans les centaines de milliers de dollars. Son investissement n'était, selon lui, que de quelques milliers de dollars, ce qui confirme que l'opération de couverture sur des titres convertibles en soi constituait le placement. Cette thèse a aussi été confirmée par l'expert, M. Croft, dans son exposé sur le risque. L'idée selon laquelle l'opération de couverture sur des titres convertibles était un placement à faible risque ne concorde pas avec le témoignage de M. Croft sur le sujet, car, a-t-il indiqué, l'investisseur paie quelques milliers de dollars et c'est ce montant, la totalité de son placement, qui peut être perdu. Voici comment il a décrit le risque :

          [TRADUCTION]

Q.         Et, selon vous, le risque auquel un investisseur s'exposait en acquérant une position dans le cadre d'une opération de couverture sur des titres convertibles, vu, notamment, la manière dont ces opérations étaient orchestrées, organisées, correspondait au mieux, ou au plus, au prix net?

R.          Vous avez tout à fait raison sur ce point, mais quand on parle de faible risque, je veux dire, en théorie, il y a risque de perdre la totalité du prix net, le montant qui a été déboursé.

            Cela veut donc dire, en théorie, qu'on peut perdre la totalité du montant qu'on a investi.

[Transcription, page 2010, lignes 7 à 13.]

[126] Le professeur Kirzner avait un point de vue quelque peu différent sur le sujet, faisant référence au risque temporel décrit précédemment. Cela semble vouloir dire que les deux volets d'une opération de couverture sur des titres convertibles sont considérés séparément aux fins de l'appréciation de ce risque temporel. Cependant, le risque existe seulement quand une position est établie en plusieurs phases laissant une position sans couverture en quelque sorte; la position n'est pas entièrement couverte - autrement dit, il n'existe pas encore d'opération de couverture sur des titres convertibles. Dès qu'une opération de couverture sur des titres convertibles est établie, le risque temporel disparaît. Je ne trouve pas que cette thèse soit très différente de celle voulant que l'opération de couverture sur des titres convertibles devienne, dès qu'elle est établie, un bien distinct ayant ses propres caractéristiques. Une chose est sûre, les investisseurs, eux, ont témoigné qu'ils n'avaient jamais pensé qu'ils pouvaient perdre autre chose que le montant investi dans l'opération de couverture sur des titres convertibles. En réalité, on ne relève aucun cas où un investisseur a même perdu la totalité de ce montant.

[127] Je conclus que, dans l'esprit de tous les appelants, c'est l'opération de couverture sur des titres convertibles elle-même qui était le placement. Cela concorde avec la conclusion selon laquelle l'opération de couverture sur des titres convertibles est un bien et que c'est ce bien qui est l'objet du projet des appelants, leur entreprise.

[128] Je souhaite rattacher brièvement cette dernière conclusion, à savoir qu'une opération de couverture sur des titres convertibles est un bien, à mon autre conclusion, celle selon laquelle les appelants doivent être considérés comme des personnes ayant participé à un projet comportant un risque, non pas comme des commerçants. En effet, comment fait-on le commerce d'opérations de couverture sur des titres convertibles? Dans quelle mesure ce bien est-il transférable? Il n'existe pas de bourse des opérations de couverture sur des titres convertibles. La liquidation se produit au dénouement. On ne trouve aucune mention dans la définition de « biens » qu'ils doivent être transférables. Il est difficile de se représenter des opérations de couverture sur des titres convertibles comme constituant une entreprise. Or, il est beaucoup plus facile de considérer les transactions effectuées dans le cadre de l'opération de couverture sur des titres convertibles comme un projet comportant un risque de caractère commercial. Ces transactions s'inscrivent dans le cadre d'opérations commerciales; en fait, elles en sont un produit financier, bien qu'on ne puisse en faire le commerce comme tel. De par leur nature, elles sont destinées à demeurer des projets comportant un risque de caractère commercial. Cette expression semble convenir parfaitement à cette application particulière.

c)        Question

Les projets comportant un risque étaient-ils réalisés avec un associé ou par l'entremise d'un mandataire?

[129] Compte tenu des décisions rendues par la Cour d'appel fédérale dans les affaires Schultz[13] et Carter[14], il n'y a rien de surprenant à ce que les avocats aient passé la majeure partie de leur temps à débattre de la question de la société de personnes. Ayant conclu que les projets comportant un risque auxquels les appelants ont pris part étaient essentiellement des opérations de couverture sur des titres convertibles et non pas des transactions boursières, la question de la société de personnes perd quelque peu de sa pertinence, ainsi que nous le verrons bientôt.

Thèse des appelants

[130] Les appelants soutiennent qu'en aucun cas on ne retrouve les éléments essentiels attestant l'existence d'une société de personnes. Le témoignage des appelants eux-mêmes, combiné à l'effet des documents qu'ils ont produits et aux points de vue exprimés par les tierces parties avec lesquelles ils ont traité, m'amène à la seule conclusion raisonnable possible, soit qu'il n'existait pas de société de personnes.

[131] Me Shaw soutient que la thèse de l'existence d'une société de personnes s'effondre quand on scrute attentivement les transactions constituant les opérations de couverture sur des titres convertibles. Il répartit ces opérations en plusieurs catégories, soit les transactions effectuées par un investisseur, qui ne s'appliquent pas dans les appels en l'instance; les transactions combinées, sans transactions subséquentes, que j'appellerai, en fait, les opérations de couverture sur des titres convertibles en solo (au nombre de 23); les transactions combinées avec transactions subséquentes, c'est-à-dire les opérations de couverture combinées avec la participation d'un garant (au nombre de 16); et les transactions non combinées à l'origine, les positions à découvert et à couvert étant établies dans deux comptes différents (deux des opérations de couverture sur des titres convertibles des Hayes). Aucune des opérations comprises dans les deux premières catégories n'a été considérée comme ayant été effectuée par une société de personnes. Ce fut la même chose pour les 16 opérations comprises dans la troisième catégorie. Dans ce dernier cas, 15 des opérations se sont soldées par des positions parfaitement symétriques, des positions combinées, qui, de par leur nature, ne peuvent occasionner un bénéfice.

[132] Au sujet des opérations de couverture sur des titres convertibles en solo, Me Shaw a soutenu que la garante, et il a utilisé le cas de Gloria Fahrngruber pour illustrer son propos, continuait d'apporter un appui financier; or, l'intimée n'a pas considéré que ces opérations avaient été effectuées par une société de personnes. Ainsi donc, Mme Fahrngruber utilise un bien appartenant prétendument à la société de personnes dans le cadre d'une opération de couverture sur des titres convertibles qui n'est pas considérée comme le fait d'une société de personnes. Cela va à l'encontre des dispositions de l'article 8 de la Loi sur les sociétés en nom collectif de l'Ontario, qui porte qu'un associé ne peut pas engager le crédit de la société à moins d'y avoir été spécialement autorisé par l'autre partie. En réalité, le moule de la société de personnes ne convient pas.

[133] Dans son argumentation sur les opérations de couverture sur des titres convertibles dans le cadre desquelles une transaction subséquente entraîne immédiatement des positions parfaitement symétriques, Me Shaw fait observer que, si la société de personnes commence à exister seulement quant la garante effectue une transaction subséquente et qu'il en résulte une position parfaitement symétrique, comment, dès lors, peut-on dire qu'il y a une intention commune de réaliser un bénéfice? Il n'y a en fait aucune possibilité de bénéfice de ce genre, ce qui veut donc dire qu'il n'y a pas de société de personnes.

[134] Me Shaw utilise aussi comme exemple l'opération de couverture sur des titres convertibles de Husky effectuée par Mme Scott, relativement à laquelle la Couronne a considéré que Mme Scott formait une société de personnes avec sa fille en 1984, alors que ce n'est qu'en 1985 que cette dernière a effectué une transaction subséquente. Jusqu'à ce moment-là, on ne peut prétendre que Mme Scott était associée dans une société de personnes car la Couronne n'a pas allégué qu'il existait une société de personnes quand les opérations de couverture sur des titres convertibles étaient effectuées par une seule personne. Or, dès l'instant où il y a une transaction subséquente avec Patricia Scott, la Couronne trouve le moyen de faire remonter l'existence d'une société de personnes à l'année précédente. Encore une fois, le moule de la société de personnes ne convient pas. Me Shaw soutient que c'est simplement une conclusion fondée sur les résultats. Il donne un autre exemple en utilisant l'opération de couverture sur des titres convertibles de Laidlaw effectuée par M. Rezek.

[135] Les appelants soutiennent que la société de personnes ne commence à exister que lorsqu'il y a une activité des associés et que, si l'activité qui crée la prétendue société de personnes a pour effet d'y mettre fin sur-le-champ, on ne peut dès lors prétendre qu'il y en a une. Tout ce que fait la garante, c'est fournir du financement.

[136] Les appelants considèrent que les efforts de l'intimée pour établir qu'un époux et une épouse forment une société commerciale ne sont autres qu'un moyen déguisé de contourner le refus du législateur d'assujettir le revenu familial à l'impôt. Nul ne conteste le fait qu'un époux et une épouse sont des partenaires dans un mariage, mais cela ne signifie d'aucune manière qu'ils forment une société commerciale.

[137] Les appelants ont passé en revue un très grand nombre de précédents, en commençant par l'arrêt Continental Bank Leasing Corp. c. Canada[15], qu'ils ont invoqué au soutien de la proposition selon laquelle il doit exister un contrat de société qui régit les affaires de la société de personnes, dont le partage des bénéfices. Les appelants soutiennent qu'il n'y a aucune preuve qu'un tel contrat existe. Ils invoquent aussi l'arrêt Continental Bank au soutien de la proposition selon laquelle, si la société de personnes est créée uniquement dans le but tirer un avantage d'une perte fiscale, ce n'est pas suffisant pour conclure qu'une société de personnes a été créée dans le but de réaliser un bénéfice.

[138] L'approche que Me Shaw me presse d'accepter est celle qui est décrite dans l'arrêt Backman c. Canada[16] :

[...] Pour déterminer si une telle société a été établie dans une affaire donnée, il faut analyser et soupeser les facteurs pertinents eu égard à toutes les circonstances.    Le fait que l'existence de la prétendue société de personnes doive être examinée au regard de l'ensemble des circonstances est incompatible avec l'application mécanique d'une liste de contrôle ou d'un critère comportant des paramètres définis de façon plus précise.

Les appelants invoquent les moyens de preuve suivants pour établir qu'il n'existait pas de société de personnes :

(i)       les appelants n'ont jamais eu l'intention de devenir des associés;

(ii)       ils n'ont jamais partagé les bénéfices;

(iii)      les documents, notamment les formulaires utilisés pour l'ouverture des comptes, niaient l'existence d'une société de personnes;

(iv)      les tiers, comme les courtiers, ne considéraient pas que les appelants étaient associés dans une société de personnes.

[139] Au sujet des garanties, les appelants font valoir qu'elles étaient juste un moyen de financement et qu'elles devront être qualifiées d'inutiles si j'en arrive à la conclusion qu'il existait une société de personnes.

[140] En dernier lieu, concernant la question de la société de personnes, les appelants ont dû formuler des observations sur les arrêts Schultz et Carter. L'argumentation de Me Shaw à cet égard comporte deux volets : le premier, c'est que ces décisions sont différentes eu égard aux faits, et le deuxième, c'est que ces décisions sont antérieures à celles qui ont été rendues dans les affaires Shell[17], Singleton[18], Stewart c. La Reine[19] et Walls and Buvyer c. La Reine[20], ayant énoncé le nouveau paradigme qui s'applique désormais. Ce paradigme contraint la Cour à se pencher sur les actes juridiques véritables des parties à une relation plutôt que sur la réalité économique. S'il existe plus d'une version des événements, la Cour ne devrait pas être incitée à accepter la version qui entraîne le refus des avantages fiscaux.

[141] Concernant les faits, l'une des principales différences, aux dires des appelants, c'est que dans les arrêts Schultz et Carter, la preuve établissait clairement que les transactions étaient effectuées en vue du fractionnement du revenu. Il n'y a aucune preuve du genre dans les appels en l'instance. Au surplus, ces affaires portaient sur des opérations de couverture sur des titres convertibles dans le cadre desquelles les positions initiales avaient été établies dans des comptes différents. Il n'y a que deux cas semblables parmi les nombreuses affaires dont je suis saisi. En outre, dans l'arrêt Schultz, il n'y avait aucune opération de couverture sur des titres convertibles en solo, ou, notamment, aucune opération en solo qui, à la suite d'une transaction subséquente d'un garant, se muait prétendument en société de personnes. Pour reprendre les paroles de Me Shaw [TRADUCTION] « vous demeurez un opérateur unique ou un opérateur autonome jusqu'à la milliseconde qui précède le prétendu changement dans les positions. »

[142] En dernier lieu, concernant la question de la relation de mandant et de mandataire, les appelants soutiennent que cette prétendue relation n'est, elle aussi, qu'un moyen de contourner l'application du principe fondamental voulant que le revenu familial ne soit pas assujetti à l'impôt. Les appelants affirment que je ne peux pas conclure à l'existence d'une relation de mandant et de mandataire quand les parties nient qu'il y en a une. Une conclusion du genre, hormis dans le cas de Muriel Scott, nierait les relations véritables avec les tierces parties et rendrait également les garanties inutiles.

Thèse de l'intimée

[143] L'avocat de l'intimée a divisé les opérations de couverture sur des titres convertibles en deux catégories, soit les opérations établies dans un compte et celles établies dans deux comptes; il n'a pas jugé nécessaire de créer de sous-catégories. Cependant, les opérations, qu'elles soient établies dans un ou deux comptes, doivent être considérées ensemble comme une immobilisation, dont la disposition produit un revenu.

[144] Compte tenu des décisions rendues dans les affaires Backman[21] et Spire Freezers Ltd. c. Canada[22], les trois éléments nécessaires pour conclure à l'existence d'une société de personnes sont les suivants : une entreprise, exploitée en commun, dans le but de réaliser un bénéfice. Dans l'arrêt Schultz, la Cour d'appel fédérale a statué que tous les éléments étaient présents dans l'opération de couverture sur des titres convertibles dont elle était saisie. C'est aussi le cas, selon Me Gluch, des opérations de couverture sur des titres convertibles sur lesquelles je suis appelé à me prononcer. Ces affaires ne sont pas tellement différentes des affaires Schultz et Carter.

[145] Les principes généraux que Me Gluch a invoqués au soutien de sa thèse sont les suivants :

(i)       un associé peut diriger les affaires d'une société de personnes pour le compte des autres associés : il n'est pas nécessaire que tous les associés jouent un rôle égal (Continental Bank);

(ii)       l'élément de l'intention est une question de fait (Spire Freezers);

(iii)      une société de personnes existe, non pas à cause du lien familial qui existe entre les deux époux, mais parce qu'ils prenaient part à l'opération de couverture sur des titres convertibles ensemble.

[146] Le fait que l'un des associés ait été plus actif que l'autre n'est pas un motif suffisant pour nier l'existence d'une société de personnes, surtout lorsque l'intention commune qui se dégage de leur conduite, c'est de réaliser un bénéfice.

Analyse

[147] Je conviens avec Me Shaw qu'on ne peut pas tenir compte de la réalité économique au détriment de la réalité juridique. Ce serait, affirme-t-il, la seule justification possible pour conclure à l'existence d'une société de personnes en common law - la situation cadre avec la réalité économique. Je propose d'ajouter un corollaire au nouveau paradigme de Me Shaw, soit que, lorsque la réalité juridique, en l'absence de toute combine, se prête à plusieurs interprétations et que l'une d'elles concorde avec la réalité économique, les décisions devraient dès lors être fondées sur l'interprétation qui confond les réalités juridiques et économiques. L'intimée soutient que, dans les faits, la réalité juridique, c'est que les opérations de couverture sur des titres convertibles étaient acquises par une société de personnes. Les appelants sont d'avis que la réalité juridique, c'est celle de deux investisseurs effectuant des transactions boursières chacun de leur côté tout en s'accordant mutuellement des garanties afin de s'épauler financièrement. Permettez-moi de dire que je crois que l'intimée et les appelants sont tous les deux en train d'essayer de concilier des choses incompatibles. C'est parce que, selon moi, on ne peut tout simplement pas s'appuyer sur des applications conventionnelles des principes juridiques quand on a devant soi des stratégies financières qui n'ont elles-mêmes rien de conventionnel. Assujettir toute l'affaire à l'application de principes fiscaux, régis par une loi qui n'a jamais été reconnue pour sa simplicité, c'est compliquer davantage une situation déjà complexe. À mon avis, l'opération de couverture sur des titres convertibles n'a pas été exercée par une société de personnes exploitant une entreprise en commun dans le but de réaliser un bénéfice. Je ne crois pas non plus qu'elle a été mise en oeuvre par deux investisseurs indépendants. La réalité, tant juridique qu'économique, c'est que M. Rezek, M. Hayes, M. Stephens et Mme Scott ont investi dans des opérations de couverture sur des titres convertibles, un instrument de placement identifiable et distinct, un plan. Les garantes leur sont venues en aide financièrement en leur fournissant des garanties, appuyées par les titres mêmes qui faisaient l'objet du projet comportant un risque : les garantes sont très certainement devenues parties à un plan visant la réalisation d'un bénéfice. À l'exception de Patricia Scott, les garantes étaient des coparticipantes au projet comportant un risque de caractère commercial et, pendant un laps de temps plus ou moins long selon le cas, elles ont détenu une participation dans l'opération de couverture sur des titres convertibles. Voici les motifs pour lesquels j'en arrive à cette conclusion.

[148] J'ai déjà conclu qu'aucun des appelants n'exploitait une entreprise, qu'ils tiraient plutôt un revenu d'entreprise de la liquidation des positions qu'ils détenaient dans le cadre des opérations de couverture sur des titres convertibles constituant un projet comportant un risque de caractère commercial. Une société de personnes s'entend de la relation qui subsiste entre des personnes exploitant une entreprise en commun dans le but de réaliser un bénéfice. Comme je l'ai déjà dit, il existe une différence, sur le plan fiscal, entre « exploiter une entreprise » et « participer à un projet comportant un risque de caractère commercial » . Même si ces projets n'étaient pas des opérations isolées, vu que la plupart des appelants ont pris part à plusieurs opérations de couverture sur des titres convertibles avec une autre personne, le fait de participer à une série de projets dans un laps de temps donné ne cadre pas, en l'espèce, avec l'action d'exploiter une entreprise pour les fins fiscales. Peut-on dire, par contre, qu'il y avait exploitation d'une entreprise en commun dans le but de réaliser un bénéfice pour l'application du droit des sociétés de personnes? Je ne le crois pas non plus.

[149] Le point de départ de notre analyse, c'est la définition d'une « entreprise » énoncée dans la Loi sur les sociétés en nom collectif de l'Ontario, soit un commerce, une occupation ou une profession. Il n'y a aucune mention d'un projet comportant un risque de caractère commercial. L'acquisition et la liquidation d'opérations de couverture sur des titres convertibles n'est ni une occupation ni une profession suivant le sens ordinaire de ces mots. Il reste donc à déterminer si une telle activité constitue un commerce. Chacun des volets de l'opération de couverture sur des titres convertibles suppose des opérations commerciales, et l'opération elle-même est acquise et liquidée dans un environnement commercial bien que, comme il a été établi plus tôt, elle ne fasse pas l'objet d'un commerce. Peut-il y avoir une entreprise quand le produit ne peut pas faire l'objet d'un commerce? Où est le marché des opérations de couverture sur des titres convertibles? Comment en fait-on la publicité? Que font les propriétaires de l'entreprise, si l'on exclut les quelques contacts avec un conseiller et un courtier? Si les réponses à ces questions peuvent nous faire considérer avec scepticisme l'idée que les opérations de couverture sur des titres convertibles constituent une entreprise, la Cour d'appel fédérale a donné, dans l'arrêt Schultz[23], une définition suffisamment générale du terme pour dissiper nos doutes, en indiquant ce qui suit :

[...] Dans l'ouvrage Lindley & Banks on Partnership [...] l'auteur conclut à la page 8 que [TRADUCTION] « presque toute activité ou entreprise à caractère commercial ... sera considérée comme une entreprise à cette fin » . Dans l'affaire Smith v. Anderson [...] exprimait l'opinion que:

[TRADUCTION] ... tout ce qui occupe le temps d'un homme tout ce qui retient son attention, tout ce à quoi il consacre son labeur en vue de réaliser des profits constitue une entreprise. Il s'agit d'un mot dont l'usage est largement répandu et dont la signification n'est pas définie.

À mon avis les opérations commerciales réalisées en l'espèce constituent une « entreprise » au sens de la loi ontarienne.

Il est évident que la Cour d'appel fédérale n'a pas considéré que l'opération de couverture sur des titres convertibles était un actif distinct, c'est-à-dire l'objet même de la prétendue « entreprise » , mais qu'elle a considéré que les « opérations commerciales » comme des éléments distincts qui satisfaisaient, dès lors, à la définition de « commerce » . À mon sens, la distinction ne concerne pas tant la question de l'existence de l'entreprise que celle de son exploitation.

[150] Si l'on tient dès lors pour acquis que le caractère commercial même de l'opération de couverture sur des titres convertibles, c'est-à-dire un produit du marché financier, suffit pour conclure à l'existence d'une entreprise, peut-on dire qu'elle est exploitée en commun dans le but de réaliser un bénéfice? Dans l'arrêt Continental Bank, malgré le fait que l'activité était minime, on a conclu qu'une entreprise était exploitée. En outre, dans cette affaire, l'entreprise était exploitée avant la création de la société de personnes et, bien qu'aucune nouvelle entreprise n'a été créée durant l'existence de la société de personnes, il suffisait que l'entreprise existante soit exploitée. Dans les affaires dont je suis saisi, je devrais en arriver à la conclusion que M. Rezek, M. Hayes, M. Stephens et Mme Scott exploitaient tous une entreprise qui a continué d'exister sous la forme d'une société de personnes au moment de l'entrée en scène de la garante. Comme je l'ai déjà mentionné, je n'ai pas conclu que l'un ou l'autre des appelants exploitait une entreprise à titre particulier, même si chacun d'eux prenait part à un plan visant la réalisation d'un bénéfice pour les fins fiscales.

[151] Du point de vue commercial, peut-on posséder une entreprise sans l'exploiter? Certainement, c'est exactement ce qu'on envisage sur le plan fiscal puisque la définition du terme « entreprise » que l'on trouve dans la Loi englobe les projets comportant un risque de caractère commercial. Il arrive, comme c'est le cas dans les appels dont je suis saisi en l'espèce, que l'entreprise ne doive pas son existence au fait qu'elle est exploitée, mais au fait que c'est un projet comportant un risque. Je suis d'avis que tous les facteurs dont j'ai tenu compte pour déterminer si les appelants étaient des commerçants ou des personnes qui participaient à un projet comportant un risque doivent aussi être pris en considération pour trancher la question commerciale de savoir ce que signifie exploiter une entreprise. Les éléments requis sont le temps et les efforts consacrés, la main-d'oeuvre employée, ainsi que les signes extérieurs d'une entreprise commerciale, tous éléments qui sont inexistants en l'espèce. Il n'y avait aucune entreprise exploitée qui devait continuer d'être exploitée sous la forme d'une société de personnes.

[152] Cela soulève un dilemme intéressant. S'il y avait une société de personnes, quand a-t-elle commencé? Je conviens avec les appelants qu'aucune société de personnes ne peut avoir existé avant que les garantes acquièrent l'un des volets de l'opération de couverture sur des titres convertibles. L'intimée affirme que la société de personnes a commencé à exister, dans tous les cas, quand les garantes ont ouvert des comptes et accordé des garanties. Or, l'intimée n'a pas considéré que les opérations de couverture sur des titres convertibles en solo auxquelles les appelants ont pris part après que les garantes eurent signé les formulaires nécessaires étaient le fait d'une société de personnes. C'est seulement quand la garante prend part à l'opération de couverture sur des titres convertibles en solo en en acquérant un volet que l'intimée considère qu'elle est le fait d'une société de personnes depuis le tout début. Les appelants ont témoigné qu'ils ne considéraient pas que leurs opérations de couverture sur des titres convertibles en solo étaient différentes de celles où une garante avait subséquemment acquis l'un des volets. Aucune de ces opérations n'a été effectuée par une société de personnes.

[153] Étant donné qu'il n'y avait pas de contrat de société et que les appelants avaient expressément indiqué ne pas être associés dans une société de personnes, pour que j'en arrive à la conclusion que la société de personnes a commencé à exister au moment suggéré par l'intimée, il faudrait que la conduite des parties me le confirme de manière incontestable. La conduite des parties m'incite bien davantage à conclure que, s'il existait une société de personnes, elle n'a commencé à exister qu'au moment où elle a fait l'acquisition d'un des volets de l'opération de couverture sur des titres convertibles. Avant cela, la seule conduite sur laquelle l'intimée pourrait s'appuyer serait la signature de la demande d'ouverture du compte et de la garantie. Or, dans les documents signés par les garantes, il était expressément stipulé qu'elles n'étaient pas des associées dans une société de personnes. La conduite des garantes à ce moment-là cadre avec la thèse selon laquelle elles établissaient des comptes indépendants appuyés par des garanties de leur parent respectif. Une autre interprétation tout aussi probable de leurs activités, et certainement la plus probable dans le cas de Pat Scott, c'est qu'elles ont simplement signé les documents exigés, non pas pour établir une société de personnes, mais pour fournir la marge nécessaire dont leur conjoint ou leur mère, selon le cas, avait besoin aux fins de son placement. Leur conduite subséquente n'est pas suffisante, dans les faits, pour considérer qu'une société de personnes a commencé à exister à une date antérieure où nulle société de personnes n'était envisagée ni ne peut être inférée. S'il y avait une société de personnes, celle-ci ne peut avoir commencé à exister que lorsque la garante a acquis l'un des volets de l'opération de couverture sur des titres convertibles.

[154] La conduite des appelants et des garantes au moment où ces dernières ont acquis l'un des volets de l'opération de couverture sur des titres convertibles ne permet pas non plus de conclure qu'il existait une société de personnes. Sauf dans le cas des deux opérations de couverture sur des titres convertibles que les Hayes ont détenues ensemble dans deux comptes différents, dans tous les autres cas où une garante est intervenue, l'acquisition d'un des volets de l'opération a coïncidé avec la liquidation d'une position par l'appelant, donnant lieu à une perte fiscale. M. Sildva a d'ailleurs été très franc dans son témoignage. C'est pour ça qu'ils avaient investi - c'est pour ça qu'il avait opté pour ce type de placement. M. Rezek, pour sa part, avait trouvé alléchante la perspective d'obtenir un remboursement d'impôt de 80 000 $ sur un placement de quelques milliers de dollars seulement. Mais comment est-ce possible que ce soit cet événement qui a créé la prétendue société de personnes? À ce propos, le juge Bastarache fait observer ce qui suit dans l'arrêt Continental Bank[24] :

L'observation suivante est faite [...] [dans] Lindley & Banks on Partnership:

[TRADUCTION] . . . lorsqu'une société est constituée dans quelque autre but dominant [autre qu'un but lucratif], notamment pour éviter l'impôt, mais qu'il existe aussi un élément véritable, bien qu'accessoire, de profit, il est possible d'en conclure que l'entreprise est exploitée « dans le but de réaliser un bénéfice » .    Cependant, lorsqu'il peut être établi que l'unique raison pour laquelle une société est mise sur pied est de conférer à un associé l' « avantage » , par exemple, d'une perte fiscale, alors que les parties n'envisagent nullement qu'un bénéfice [. . .] puisse être tiré de l'exploitation de l'entreprise en cause, la société ne peut véritablement être considérée comme ayant été créée « dans le but de réaliser un bénéfice » .

[155] En ce qui concerne l'argument selon lequel une société de personnes doit avoir pour but de réaliser un bénéfice, il est impossible que les garantes aient pensé qu'elles allaient tirer un bénéfice de l'entreprise qu'exploitaient prétendument les appelants, parce que, dans la plupart des cas où elles ont acquis l'un des volets de l'opération de couverture sur des titres convertibles, elles savaient d'entrée de jeu que l'opération devait être liquidée à perte dans un avenir rapproché. Au surplus, presque immédiatement après le début de l'existence de la prétendue société de personnes, les parties prenaient des positions parfaitement symétriques dont elles ne pouvaient retirer aucun avantage économique. Le fait que les garantes savaient que l'opération de couverture sur des titres convertibles était censée être liquidée à perte n'empêche pas de conclure qu'elles ont pris part à un plan visant la réalisation d'un bénéfice, un projet comportant un risque de caractère commercial. Car, contrairement aux règles de droit plus rigides qui en sont venues à être définies pour encadrer toute la question des sociétés de personnes pour les fins fiscales, les principes applicables aux plans visant la réalisation d'un bénéfice restent encore à définir pour la plupart. Lorsqu'une garante entrait en scène en acquérant l'un des volets de l'opération de couverture sur des titres convertibles et devenait dès lors copropriétaire de l'opération, elle s'associait à un plan déjà en cours. Son rôle, vu que la conduite était orchestrée par M. Maguire, c'était de maintenir l'opération de couverture sur des titres convertibles active. C'était nécessaire pour que le plan visant la réalisation d'un bénéfice réussisse, car il comportait trois éléments : des rentrées nettes de trésorerie, un profit sur l'écart et des remboursements d'impôt en cas de perte. La garante s'est associée à un plan, mais elle n'a pas créé une société de personnes.

[156] Voici quelques exemples qui permettront de mieux comprendre la synchronisation des actions des garantes. Commençons par examiner la seule opération de couverture sur des titres convertibles de M. Rezek qui a été établie dans deux comptes. Le 20 mai 1988, il a vendu sa position à couvert sur des titres de Laidlaw, ce qui lui a occasionné une perte de 138 431 $, et Mme Fahrngruber a acquis une position à couvert. Moins de trois mois plus tard, Mme Fahrngruber a converti sa position en actions ordinaires, de sorte que les deux avaient désormais des positions parfaitement symétriques. À ce moment-là, l'écart relatif à la dépense initiale de M. Rezek pour acquérir l'opération de couverture sur des titres convertibles s'était traduit par une baisse d'environ 2 600 $ - soit la perte subie au dénouement de l'opération de couverture sur des titres convertibles. Dans les faits, cette perte s'est cristallisée quand Mme Fahrngruber a acquis sa position à couvert. Il n'y avait aucune possibilité de tirer un profit de « l'entreprise » consistant à acquérir et à liquider des opérations de couverture sur des titres convertibles.

[157] C'est encore plus évident dans le cas de l'opération de couverture des Stephens sur des titres d'Alcan (voir l'appendice « C » ). Quand Terry Stephens a fait l'acquisition de 8 000 actions ordinaires d'Alcan et que Steven Stephens a vendu simultanément ses 8 000 bons de souscription d'Alcan en décembre 1986, les Stephens ont pris immédiatement des positions parfaitement symétriques dont ils n'avaient aucune possibilité de tirer un avantage économique. Quand Mme Stephens a acquis l'un des volets, l'opération de couverture sur des titres convertibles a pris fin sur-le-champ. Dans le contexte d'une prétendue société de personnes, l'action même de Mme Stephens de créer la société de personnes a provoqué simultanément la fin de celle-ci. Dans le contexte, cette fois, d'un projet comportant un risque, son action était l'ingrédient final nécessaire à la réalisation du projet de son époux et en faisant cette action, elle est devenue partie à ce projet, quoique pour une courte période. On trouve d'autres exemples semblables dans les opérations de couverture sur des titres convertibles de Mme Scott.

[158] Il y a aussi quelques cas (une minorité) où l'acquisition par la garante de l'un des volets de l'opération de couverture sur des titres convertibles donne lieu à un profit. (Il faut se rappeler que ce profit est toujours assorti de la prétendue perte de l'appelant qui liquide un volet de l'opération de couverture sur des titres convertibles.) Par exemple, dans le cas de l'opération de couverture sur des titres convertibles des Stephens sur des titres de Falconbridge, Mme Stephens a acquis 10 000 actions ordinaires de Falconbridge le 27 octobre 1987 et M. Stephens a vendu 10 000 droits de souscription de Falconbridge le 28 octobre, donnant lieu à une « perte » de 33 894 $ sur la vente de M. Stephens, mais aussi à un profit sur l'écart, eu égard à l'opération de couverture sur des titres convertibles car, à cause de ces transactions, les Stephens ont pris des positions parfaitement symétriques, ce qui a dès lors mis fin à l'opération. Ainsi, bien que, dans ce cas, l'opération de couverture sur des titres convertibles elle-même se soit soldée par un profit, l'effet simultané de la participation de Mme Stephens a été de faire prendre immédiatement aux époux des positions parfaitement symétriques ne leur apportant aucun avantage économique, n'offrant aucune possibilité de réaliser un bénéfice. Pas un seul instant n'y a-t-il existé une entreprise exploitée par une société de personnes dans le but de réaliser un bénéfice.

[159] J'ai exposé aux paragraphes précédents les grandes lignes des motifs pour lesquels je conclus qu'il n'existe pas de société de personnes dans les affaires dont je suis saisi. Il y a par ailleurs deux autres facteurs qui étayent ce point de vue. En premier lieu, l'un des éléments fondamentaux d'une société de personnes, c'est l'existence d'un contrat de société; or, la conduite des appelants ne me permet pas de conclure qu'il y en avait un. La conduite des appelants demeure encore trop nébuleuse pour que je puisse déterminer avec exactitude la date à laquelle la société de personnes a commencé à exister, l'apport de capital et l'entente conclue aux fins du partage des bénéfices. Pour conclure à l'existence d'un contrat de société, il faudrait que j'en arrive à la conclusion que le contrat de société n'était autre que les modalités mêmes de l'opération de couverture sur des titres convertibles à proprement dit. Autrement dit, si une opération de couverture est établie dans deux comptes, il y a dès lors un contrat de société. C'est probablement ce que l'intimée veut que je retienne des affaires Schultz et Carter. Je ne crois pas qu'on puisse tirer semblable conclusion de ces décisions et je formulerai d'autres observations à ce sujet un peu plus loin.

[160] Un autre facteur dont il faut tenir compte, c'est l'importance des contre-garanties. Sans les garanties, il ne pouvait pas y avoir d'opération de couverture sur des titres convertibles dans deux comptes, même si, de toute évidence, une opération en solo demeurait possible. Il y a deux manières de considérer les garanties. La première, qui correspond à la thèse de l'intimée, c'est que les appelants et les garantes étaient, en tant qu'associés, solidairement responsables des obligations de la société de personnes. L'autre, qui correspond à la thèse des appelants, c'est que les garanties ne sont pas une preuve qu'il existe une société de personnes, car les associés sont tenus d'assumer les obligations de la société de personnes sans avoir à fournir de garantie. Les garanties servaient à satisfaire aux exigences de marge et, en effet, elles ont permis de réduire considérablement la marge requise dans les comptes des appelants et des garantes. C'était un moyen d'apporter une aide financière. Tout compte fait, je ne considère pas que les garanties constituent une preuve suffisante pour conclure à l'existence d'une société de personnes exploitant une entreprise. Elles faisaient certainement partie intégrante de la stratégie des opérations de couverture sur des titres convertibles, mais elles cadrent davantage avec l'appui financier qu'une épouse apporte à son époux pour réaliser un projet comportant un risque de caractère financier, en tant que partenaire dans un mariage, et non pas en tant qu'associée dans une entreprise commerciale. Ainsi que le juge en chef adjoint Christie l'a fait observer dans la décision Succession de John Sedelnick c. M.R.N[25] :

[...] Lorsque l'existence d'une convention expresse entre les époux n'est pas établie et sauf dans certaines circonstances particulières, qu'il m'est ici impossible d'imaginer, l'existence de la société ne devrait pas être déduite du comportement des parties, s'il s'agit d'un comportement que les époux pourraient également adopter dans leur intérêt commun, du fait de leur mariage.

[161] J'en viens maintenant aux décisions rendues par la Cour d'appel fédérale dans les affaires Schultz et Carter, lesquelles, aux dires de l'intimée, concordent à tous égards avec les affaires dont je suis saisi, m'obligeant de ce fait à conclure à l'existence d'une société de personnes entraînant le traitement fiscal demandé par l'intimée. Ainsi que je l'ai déjà indiqué, la Cour d'appel fédérale a conclu que les opérations commerciales constituaient une entreprise, selon la définition la plus générale de ce terme, avant de statuer que l'entreprise était exploitée en commun dans le but de réaliser un bénéfice. Les opérations commerciales auxquelles la Cour d'appel fédérale faisait référence étaient les transactions boursières distinctes. Il ne m'apparaît pas qu'on ait fait valoir que les transactions de l'entreprise s'inscrivaient dans le cadre d'opérations de couverture sur des titres convertibles. À mon sens, cela jette un éclairage différent sur l'utilisation du terme « commerce » pour trancher la question de l'existence d'une entreprise. Il était dès lors inutile pour la Cour d'appel fédérale de faire la distinction entre « exploiter une entreprise » et « participer à un projet comportant un risque de nature commerciale » . Les faits que j'ai devant moi confirment le dernier point de vue.

[162] En comparant les faits établis dans l'affaire Schultz et ceux des appels dont je suis saisi, je relève des différences significatives :

           (i)      Les Schultz s'étaient entendus pour consulter M. Maguire au sujet du fractionnement de leur revenu. Dans toutes les affaires dont je suis saisi, les garantes ont traité avec M. Maguire, le cas échéant, indépendamment des appelants. Il n'y a aucune preuve que les discussions ont porté sur des stratégies de fractionnement du revenu. Les témoignages entendus, hormis celui de Pat Scott, indiquent que les garantes ont discuté de leurs propres placements. Leur conduite subséquente confirme qu'il y a eu coordination avec les placements de leur époux, mais cela n'exclut pas la possibilité qu'elles avaient l'intention de conserver les actions ordinaires à long terme.

           (ii)     L'affaire Schultz portait sur la question d'un club d'investissement, de même que sur celle de l'opération de couverture sur des titres convertibles. Dans les affaires dont je suis saisi, il n'y a pas de contexte semblable qui aurait pu me contraindre à conclure à l'existence d'une société de personnes.

           (iii)    Dans l'affaire Schultz, toutes les positions ont été établies de la même manière : l'époux vendait à découvert et l'épouse achetait à couvert. Seulement deux des nombreuses opérations de couverture dont je suis saisi ont été effectuées de cette manière. Dans la majorité des cas, les appelants ont effectué l'opération de couverture sur des titres convertibles seuls. C'est seulement à l'issue d'une « planification fiscale » que les garantes sont entrées en scène pour acquérir l'un des volets de l'opération de couverture sur des titres convertibles. Si ce n'était jamais arrivé, les appelants continueraient d'être traités séparément en tant qu'uniques propriétaires des opérations de couverture sur des titres convertibles.

           (iv)    Dans l'affaire Schultz, pas une seule fois Mme Schultz n'a effectué une vente à découvert - elle prenait toujours la position à couvert. On trouve plusieurs cas, dans les appels en l'espèce, où les garantes ont pris des positions à découvert, avec les dépenses qui en découlent.

           (v)     Dans l'affaire Schultz, tous les paiements effectués pour acquérir l'opération de couverture sur des titres convertibles provenaient d'un compte conjoint. Ce n'est pas le cas dans les appels dont je suis saisi. Certains des appelants ont dû emprunter pour faire le paiement initial, d'autres ont puisé dans leur compte personnel.

           (vi)    Dans l'affaire Schultz, il ne semblait pas y avoir de preuve que les opérations ont été faites indépendamment l'une de l'autre. En réalité, c'est Mme Schultz qui était l'âme dirigeante et M. Schultz ne faisait que se conformer à ses directives. Sauf dans le cas de Pat Scott, il a été établi que toutes les garantes avaient effectué des opérations indépendamment de celles des appelants.

           (vii) Dans l'affaire Schultz, il n'y avait aucune opération de couverture sur des titres convertibles en solo ni aucune preuve de placements à l'extérieur d'opérations de couverture. Il y a un grand nombre d'opérations de couverture en solo dans les appels dont je suis saisi et il a aussi été démontré que des placements ont été effectués de façon indépendante.

           (viii) Dans les affaires Schultz et Carter, il a été déterminé qu'aucun des appelants ne s'attendait raisonnablement à tirer un bénéfice de ses transactions, considérées indépendamment de celles du garant. Ce n'est pas le cas en l'espèce. M. Rezek, M. Hayes, M. Stephens et Mme Scott s'attendaient tous à tirer un bénéfice de leurs opérations de couverture sur des titres convertibles, qu'elles fussent établies dans un ou deux comptes. Il s'agit d'une différence clé. Dans les affaires Schultz et Carter, le projet n'était économiquement réalisable que s'il y avait une société de personnes, une entreprise exploitée conjointement. En l'espèce, les garantes n'ont pas introduit un élément de profit qui était complètement inexistant avant leur entrée en scène. L'intention des parties a toujours été de tirer un bénéfice de l'opération de couverture sur des titres convertibles.

           (ix)    Dans l'affaire Schultz, il est indiqué que le compte de Mme Schultz était utilisé pour éponger les pertes du Dr Schultz. Bien que la marge requise ait été fournie par les garantes en l'espèce, je n'ai aucune preuve qu'elles ont effectué des paiements pour éponger des pertes.

[163] Certes, les Schultz et les Carter prenaient part à des opérations de couverture sur des titres convertibles semblables orchestrées par Maguire & Associates, mais les circonstances me semblent être fort différentes de celles des affaires dont je suis saisi. C'est à cause de ces différences, bien plus que du nouveau paradigme proposé par Me Shaw, que je peux déroger aux décisions rendues dans les affaires Schultz et Carter. Il ne s'agit toutefois que d'une dérogation légaliste car je souscris à ces décisions, dans la mesure où je crois moi aussi qu'il y avait un plan visant la réalisation d'un bénéfice. C'est juste que je ne crois pas qu'il présente suffisamment de caractéristiques d'une société de personnes pour considérer que cela en était une. À mon point de vue, il s'agissait davantage d'un projet comportant un risque de nature commerciale réalisé par une seule personne et, lorsqu'il y avait lieu, avec l'appui d'une seconde personne.

[164] Pour les motifs que je viens d'exposer, je ne crois pas que les affaires Schultz et Carter m'obligent à conclure à l'existence d'une société de personnes dans tous les cas où il avait une opération de couverture sur des titres convertibles établie dans deux comptes. C'est seulement si les faits concordent, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

[165] Dans l'arrêt Backman, la Cour suprême du Canada énonce les directives suivantes pour aider les tribunaux à statuer sur la question des sociétés de personnes :

[26] Les tribunaux doivent se montrer pragmatiques dans l'examen des trois éléments essentiels d'une société de personnes.    Pour déterminer si une telle société a été établie dans une affaire donnée, il faut analyser et soupeser les facteurs pertinents eu égard à toutes les circonstances.    Le fait que l'existence de la prétendue société de personnes doive être examinée au regard de l'ensemble des circonstances est incompatible avec l'application mécanique d'une liste de contrôle ou d'un critère comportant des paramètres définis de façon plus précise.

En appliquant cette approche marquée au coin du bon sens, je suis convaincu que les circonstances des opérations de couverture sur des titres convertibles des appelants ne me permettent pas de conclure à l'existence d'une société de personnes.

[166] Compte tenu de la conclusion à laquelle j'en suis venu sur cette question, il ne m'est pas nécessaire de me pencher sur la question de la relation de mandant et mandataire. L'intimée et les appelants ont toutefois convenu que, dans le cas de Mme Scott, Patricia Scott a agi comme mandataire. La participation de Patricia Scott à l'opération de couverture sur des titres convertibles de sa mère était très différente de celle des autres parties. Je conviens avec les appelants et l'intimée qu'il existait véritablement une relation de mandant et de mandataire entre Mme Scott et sa fille. Pour ce qui touche toutes les autres opérations de couverture sur des titres convertibles établies dans deux comptes, les appelants et les garantes étaient des coparticipants à une opération de couverture sur des titres convertibles.

d)       Question

[167] Compte tenu de mes conclusions antérieures, quel traitement fiscal faut-il réserver aux opérations de couverture sur des titres convertibles, notamment :

           (i)      quand l'opération de couverture sur des titres convertibles donne-t-elle lieu à un revenu ou à une perte?

(ii)      à qui faut-il attribuer le revenu ou la perte aux fins d'établissement de l'impôt?

           (iii)    quel traitement fiscal faut-il réserver aux rentrées de trésorerie générées durant l'opération de couverture sur des titres convertibles?

           (iv)    quel traitement fiscal faut-il réserver à la position de l'appelant à l'issue du dénouement d'une opération de couverture sur des titres convertibles?

           (v)     peut-on utiliser la méthode du moindre du coût d'acquisition et de la juste valeur marchande pour évaluer le bien figurant à l'inventaire durant et après l'opération de couverture sur des titres convertibles?


Thèse des appelants

[168]    La thèse principale des appelants est que le traitement fiscal ne devrait pas être déterminé en fonction des résultats, qu'il devrait en fait présenter l'image la plus juste possible des bénéfices réalisés dans les années en cause, en conformité avec la situation juridique des appelants.

[169]    La capacité d'un contribuable de se prévaloir des dispositions du paragraphe 10(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu est fonction de la nature de l'entreprise qu'il exploitait. Les appelants font observer que les commerçants, c'est-à-dire les personnes qui exploitent une entreprise, ont le droit d'évaluer les biens figurant à l'inventaire au moindre du coût d'acquisition et de leur juste valeur marchande, de même que les participants à un projet comportant un risque, dans certaines circonstances particulières. Celles-ci sont décrites dans les dispositions modificatives du paragraphe 70(1) ch. 19, L.C. 1998, les « dispositions modificatives des règles d'évaluation des biens figurant à l'inventaire » reproduites ci-après :

Historique : Le paragraphe 10(1) a été modifié par L.C. 1998, ch. 19, par. 70(1) applicable :

a)          aux années d'imposition qui se terminent après le 20 décembre 1995;

b)          en ce qui a trait à une entreprise qui est un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial, aux années d'imposition d'un contribuable qui se terminent avant le 21 décembre 1995, sauf si, selon le cas:

           (i)           la date d'échéance de production applicable au contribuable pour l'année est postérieure au 20 décembre 1995,

           (ii)          en vue du calcul du revenu tiré de l'entreprise pour l'année, le contribuable a évalué les biens figurant à l'inventaire de l'entreprise à un montant inférieur à leur coût d'acquisition pour lui, laquelle évaluation a servi à établir une déclaration de revenu, un avis d'opposition ou un avis d'appel produit ou signifié en vertu de la même loi avant le 21 décembre 1995;

c)          en ce qui a trait à une entreprise qui est un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial, aux exercices d'une société de personnes qui se terminent avant le 21 décembre 1995, sauf si, selon le cas:

           (i)           les dates d'échéance de production applicables aux associés de la société de personnes pour leur année d'imposition qui comprend la fin de l'exercice sont postérieures au 20 décembre 1995,

           (ii)          en vue du calcul du revenu tiré de l'entreprise pour l'exercice, la société de personnes a évalué les biens figurant à l'inventaire de l'entreprise à un montant inférieur à leur coût d'acquisition pour elle, laquelle évaluation a servi à établir une déclaration de revenu, un avis d'opposition ou un avis d'appel produit ou signifié en vertu de la même loi avant le 21 décembre 1995 par un de ses associés.

[170]    Me Shaw admet que, si je devais conclure que les appelants n'exploitaient pas une entreprise et qu'ils participaient simplement à un projet comportant un risque de caractère commercial, alors, à l'exclusion de Mme Scott, qui pourrait avoir le droit d'utiliser la méthode d'évaluation des biens figurant à l'inventaire à la valeur du marché parce qu'elle satisfait aux exigences de la disposition que je viens tout juste de citer, les autres appelants ne pourraient pas le faire.

[171]    Les appelants soutiennent pour leur part que le bien figurant à l'inventaire est constitué de chacun des deux volets de l'opération de couverture sur des titres convertibles, c'est-à-dire que la position à couvert et la position à découvert peuvent être identifiées séparément comme un bien figurant à l'inventaire. Les appelants font valoir que la position à découvert et la position à couvert sur des titres détenus dans le cadre d'une entreprise qui effectue des opérations sur titres constituent dans les deux cas des biens figurant à l'inventaire. S'appuyant ensuite sur l'arrêt Canada c. Friedberg[26], ils font valoir que les deux positions ne perdent pas leur identité en tant que volets distincts, dans le marché à terme de marchandises à tout le moins.

[172]    Pour faire valoir que la position à découvert détenue dans le cadre d'une opération de couverture sur des titres convertibles est un bien figurant à l'inventaire, Me Shaw devait d'abord démontrer que la position à découvert constitue un bien. À cette fin, il a affirmé que la position à découvert comporte un droit inhérent, négatif peut-être, qui se prête quand même à évaluation. Il a utilisé la définition la plus générale possible d'un bien de manière à englober tous les types de participation qu'une personne peut avoir, y compris ce droit négatif.

[173]    Pour obtenir l'image la plus fidèle possible des bénéfices réalisés par les appelants, Me Shaw s'appuie sur les lignes directrices énoncées par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Canderel Limited c. Canada[27], notamment les suivantes :

[...] En général, les tribunaux sont libres, en l'absence de dispositions législatives ou de règles de droit établies à l'effet contraire, d'apprécier le calcul du revenu effectué par le contribuable conformément aux principes commerciaux reconnus.    Évidemment, il faut dans chaque cas évaluer lequel de ces principes s'applique aux circonstances particulières qui se présentent.    Cependant, il n'appartient pas aux tribunaux de décider qu'un principe prédomine ou s'applique de manière telle qu'il exclut leur application ou que celle-ci est subordonnée à la sienne en disant qu'il a été élevé au rang de règle de droit devant être appliquée dans tous les cas.    Ce pouvoir relève exclusivement de la compétence du législateur, et la volonté de ce dernier de l'exercer est illustrée par le par. 18(9) et par la codification dans la Loi d'une multitude d'autres règles qui autrement seraient vraisemblablement considérées comme des principes commerciaux reconnus:    voir Symes, précité, aux pp. 723 à 725.

[...]

[...] Cependant, dans le cas où aucune règle juridique précise n'a été élaborée, que ce soit dans la jurisprudence ou en vertu de la Loi, le contribuable est libre de calculer son revenu conformément aux principes commerciaux reconnus et d'adopter celui parmi ces principes qui convient dans les circonstances particulières, qui n'est pas incompatible avec le droit et qui, comme je vais l'expliquer en détail plus loin, donne une image fidèle de son bénéfice pour l'année. En outre le simple fait qu'un tribunal applique l'un ou l'autre des principes commerciaux reconnus à un ou plusieurs cas particuliers n'aura généralement pas pour effet d'ériger ce principe en « règle de droit » .    En général, le ministre n'a pas le droit d'insister pour qu'une méthode trouvant appui dans les principes commerciaux et la pratique des affaires soit employée de préférence à une autre méthode bénéficiant d'un appui égal, sauf si, comme je vais l'expliquer, la méthode choisie par le contribuable ne permet pas d'obtenir une image fidèle de son revenu pour l'année d'imposition visée.

Thèse de l'intimée

[174] La thèse de l'intimée, qui est fondée sur une analyse des sociétés de personne, laisse certaines questions sans réponse. Par contre, il est clair qu'elle n'a jamais considéré que les appelants et les garantes détenaient des positions distinctes. Les positions devraient toujours être intégrées. Seule cette approche permet d'obtenir l'image la plus juste des bénéfices possibles.

[175] L'intimée fait sienne l'analyse du paragraphe 10(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu présentée par les appelants pour ce qui est de son application aux commerçants ou, dans une certaine mesure, aux personnes participant à un projet comportant un risque de caractère commercial. L'intimée soutient que les appelants n'étaient pas des commerçants; et je lui ai déjà donné raison sur ce point. La seule personne qui, à titre de participante à un projet comportant un risque, pourrait être considérée comme un commerçant, c'est Mme Scott, parce que, dans les années 1989, 1990 et 1991, certains des biens figurant à l'inventaire ont été évalués à la valeur du marché. En dépit de cela, Me Rhodes invoque trois arguments : en premier lieu, il soutient que seuls certains biens figurant à l'inventaire ont été évalués à la valeur du marché dans ces années et, dès lors, que la méthode ne peut être appliquée à tout autre bien figurant à l'inventaire dans les années subséquentes. En deuxième lieu, dans le cas d'une opération de couverture sur des titres convertibles, c'est l'opération en elle-même qui est le bien figurant à l'inventaire, c'est-à-dire le bien qui doit être évalué à la valeur du marché, non pas ses volets constitutifs. En troisième lieu, en ce qui concerne les positions à découvert, il soutient qu'elles ne constituent pas un bien et, dès lors, qu'elles ne peuvent pas figurer à l'inventaire. Il s'appuie sur la thèse défendue dans l'arrêt La Reine c. Dresden Farm Equipment Ltd.[28], selon laquelle le contribuable doit avoir un droit de propriété sur le bien pour qu'il soit considéré comme un bien figurant à l'inventaire. Invoquant aussi la décision rendue dans l'affaire Tip Top Tailors Limited v. M.N.R.[29], Me Rhodes poursuit en disant que [TRADUCTION] « une dette n'est ni un actif ni un placement -, même si elle peut être exposée au risque de la variation de valeur » . La position à découvert n'est pas un droit négatif, même si Me Shaw soutient le contraire; il s'agit davantage d'une dette, d'une obligation de rendre le titre à celui qui l'a prêté. Même si les positions à découvert étaient considérées comme un bien, le paragraphe 10(1) de la Loi ne s'applique pas, car plutôt que d'être évalués au moindre du coût d'acquisition et de la juste valeur marchande, les prétendus biens sont évalués au plus élevé du coût d'acquisition et de la juste valeur marchande.


Analyse

(i)       Quand y a-t-il liquidation de la position détenue dans le cadre de l'opération de couverture sur des titres convertibles aux fins d'établir le revenu ou la perte résultant de l'opération?

[176] Le projet comportant un risque auquel les appelants ont pris part, l'entreprise, aux fins d'établissement de l'impôt, c'est l'opération de couverture sur des titres convertibles - l'acquisition et la liquidation de positions dans le cadre d'opérations de couverture sur des titres convertibles. Le coût d'acquisition de l'opération est l'écart au moment où l'opération de couverture sur des titres convertibles est entièrement établie. Le produit de la liquidation est déterminé au dénouement. Le moment choisi pour la liquidation est fonction de la nature des mesures prises à cette fin. Dans toutes les opérations de couverture sur des titres convertibles auxquelles des garantes ont pris part, le dénouement a été provoqué par la prise de positions de compensation parfaitement symétriques. Il y avait diverses façons d'arriver à ce résultat, soit par conversion ou souscription du titre convertible en actions ordinaires, soit par renonciation au titre convertible, soit par achat et vente simultanés de titres dans deux comptes distincts. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il y a survenance d'un événement qui occasionne des positions parfaitement symétriques et qui provoque le dénouement de l'opération de couverture sur des titres convertibles, sa liquidation dans les faits. À partir de ce moment-là, il n'existe plus de plan visant la réalisation d'un bénéfice; on reconnaît qu'il n'y a aucune possibilité de bénéfice. Il n'y a certainement aucun projet comportant un risque consistant en une opération de couverture sur des titres convertibles. Qu'y a-t-il ? Deux personnes détenant des positions de compensation identiques dans le cadre d'une opération de couverture sur des titres convertibles, des copropriétaires d'une opération de couverture si l'on veut.

[177] Le produit du dénouement peut-il être déterminé avec exactitude? Certainement. Il suffit de comparer l'écart à l'acquisition de l'opération de couverture sur des titres convertibles et celui au dénouement. Le calcul mathématique est effectué en comparant tous les produits de la liquidation des volets de l'opération de couverture sur des titres convertibles avec toutes les dépenses effectuées initialement pour acquérir les volets, durant la durée d'existence de l'opération de couverture sur des titres convertibles. On peut voir des exemples de ces calculs à l'appendice « D » , où est reproduite une partie de l'onglet 4 de la pièce 5.3.

[178] Si on additionne simplement tous les montants indiqués dans les colonnes G et L, qui représentent les dépenses et les rentrées de fonds pour chaque volet de l'opération de couverture sur des titres convertibles, on arrive à un montant positif de 6 971 $. Ce montant représente l'accroissement de l'écart ou le profit résultant de l'opération de couverture sur des titres convertibles. L'intimée a déclaré qu'une liquidation théorique était nécessaire pour déterminer ce montant car il n'y a pas de liquidation ultérieure des deux positions une fois qu'elles sont devenues parfaitement symétriques. À mon point de vue, il importe peu qu'il y ait liquidation ultérieure aux fins du calcul du profit ou de la perte résultant de l'opération de couverture sur des titres convertibles car ce calcul devrait être effectué à la liquidation réelle, c'est-à-dire, dans le cas des coparticipants aux opérations de couverture comportant un risque, au moment où les positions sont devenues parfaitement symétriques. Dans l'exemple que l'on trouve à l'appendice « D » , ce serait le 2 juillet 1987, et ce, même si Mme Scott et sa fille ont continué d'avoir des positions parfaitement symétriques par la suite.

[179] En ce qui concerne les opérations de couverture sur des titres convertibles établies dans un seul compte, dans tous les cas sauf deux, il y a eu dénouement à la suite d'actions ayant provoqué la liquidation complète des deux volets de l'opération. Encore une fois, il y a plusieurs moyens d'arriver à ce résultat, notamment la conversion ou l'achat de titres pour couvrir la position à découvert simultanément avec la vente de la position à couvert. Dans le cas des opérations de couverture sur des titres convertibles établies dans un seul compte, il est facile de déterminer l'événement qui a mis fin à l'opération et le moment où il s'est produit. La variation de l'écart est aussi déterminée de la même manière que pour les opérations de couverture sur des titres convertibles établies dans deux comptes.

[180] Il n'y a que deux cas - les titres de Hees détenus par M. Hayes et Mme Scott, où les appelants ont détenu une position à découvert sur des bons de souscription de Hees après la liquidation de l'opération de couverture sur des titres convertibles. Dans chacun des cas, il y a eu renonciation aux bons de souscription dans l'année suivant le dénouement de l'opération de couverture sur des titres convertibles. Cependant, il est quand même possible de déterminer le profit ou la perte résultant de l'opération, comme dans tous les autres cas, au dénouement, en appliquant la même formule mathématique. On ne doit pas effectuer ce calcul au moment où il y a renonciation aux bons de souscription dans les faits. Au moment où M. Hayes et Mme Scott renoncent aux bons de souscription, il n'y a aucun profit ni aucune perte qui leur est attribuable : le coût d'acquisition des bons de souscription au dénouement de l'opération de couverture sur des titres convertibles serait égal à zéro, à l'instar du produit à la renonciation.

[181] L'un des aspects de ces affaires qui revêt une importance cruciale pour les appelants, c'est la question de savoir si les prétendues pertes, subies durant l'existence de l'opération de couverture sur des titres convertibles, à la liquidation d'un volet particulier, peuvent être déduites dans le calcul de leur revenu. L'exemple le plus simple qu'on puisse examiner, c'est l'opération de couverture de M. Rezek sur des titres convertibles de Laidlaw. Si l'on se reporte encore une fois à l'appendice « A » , on peut voir que la perte résultant de l'opération de couverture sur des titres convertibles était de 2 880 $, en appliquant la méthode que j'ai décrite précédemment; c'est la différence entre le revenu et les dépenses des deux coparticipants à l'opération de couverture sur des titres convertibles jusqu'à la date de sa liquidation le 12 août 1988. Le 20 mai 1988, M. Rezek a demandé la déduction d'une perte résultant de la vente du volet à couvert de l'opération de couverture sur des titres convertibles. Or, il n'y a pas eu de dénouement dans les faits. L'opération s'est poursuivie dans deux comptes. Durant l'existence de cette opération, il n'y a pas eu de liquidation. Du point de vue fiscal, on pourrait dire que l'opération est transférée dans le cadre d'un « roulement » d'un seul compte à deux comptes. La coparticipante au projet comportant un risque, Gloria Rezek, participe désormais avec M. Rezek au projet de la nature d'une opération de couverture sur des titres convertibles. Le bien constituant essentiellement le projet, l'opération de couverture elle-même, n'a nullement fait l'objet d'une disposition. C'est simple, pour qu'il y ait disposition aux fins d'établissement de l'impôt, il faut qu'il y ait liquidation du projet comportant un risque. Ce point de vue ne fait pas abstraction de la réalité juridique, contrairement à ce que Me Shaw pourrait prétendre. Ce point de vue est en fait la réalité juridique.

[182] Les appelants prenaient part à un plan visant la réalisation d'un bénéfice, un projet d'opération de couverture sur des titres convertibles comportant un risque. Les documents qu'ils ont signés, leurs actions, et, sans contredit, la réalité économique, confirment tous cette conclusion. L'esprit de la Loi de l'impôt sur le revenu ne nous permet pas d'extraire un acte juridique du contexte du projet comportant un risque pour l'assujettir séparément à l'impôt. La question n'est pas de savoir si une méthode comptable est préférable à une autre, mais de déterminer ce qui doit être assujetti aux dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu - ce qui est soumis à l'impôt. Et ce qui est soumis à l'impôt, c'est l'objet du projet comportant un risque, c'est-à-dire l'opération de couverture sur des titres convertibles.

[183] Les paragraphes 3a) et 9(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu sont libellés comme suit :

3           Pour déterminer le revenu d'un contribuable pour une année d'imposition, pour l'application de la présente partie, les calculs suivants sont à effectuer :

a)          le calcul du total des sommes qui constituent chacune le revenu du contribuable pour l'année (autre qu'un gain en capital imposable résultant de la disposition d'un bien) dont la source se situe au Canada ou à l'étranger, y compris, sans que soit limitée la portée générale de ce qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien;

[...]

9(2)       Sous réserve de l'article 31, la perte subie par un contribuable au cours d'une année d'imposition relativement à une entreprise ou à un bien est le montant de sa perte subie au cours de l'année relativement à cette entreprise ou à ce bien, calculée par l'application, avec les adaptations nécessaires, des dispositions de la présente loi afférentes au calcul du revenu tiré de cette entreprise ou de ce bien.

[184] Il doit y avoir une source et la perte doit être subie relativement à cette source, cette entreprise ou ce bien. La source en l'espèce est le projet d'opération de couverture sur des titres convertibles comportant un risque, l'entreprise pour les fins d'établissement de l'impôt - ce n'est pas la spéculation boursière. Cette situation diffère à tous égards de celle décrite dans les affaires Ludco ou Singleton. Dans cette dernière affaire, il a été déterminé que des événements séparés doivent être considérés indépendamment l'un de l'autre pour appliquer judicieusement la Loi. Dans les affaires dont je suis saisi, les volets distincts doivent être considérés ensemble, car c'est seulement de cette manière qu'ils constituent l'entreprise, la source imposable. Je ne déroge d'aucune manière aux principes énoncés dans le nouveau paradigme de Me Shaw; en réalité, j'utilise ces principes pour déterminer la véritable réalité juridique dans les appels dont je suis saisi.

(ii)       À qui faut-il attribuer le profit ou la perte résultant de l'opération de couverture sur des titres convertibles établie dans deux comptes aux fins de l'établissement de l'impôt?

[185] J'ai déterminé que, dans le cas des opérations de couverture sur des titres convertibles établies dans deux comptes, les parties concernées étaient des coparticipants et que le profit ou la perte résultant de l'opération étaient déterminés à son dénouement. Celui-ci se produit quand les parties prennent des positions de compensation parfaitement symétriques. Le plan visant la réalisation d'un bénéfice, c'est-à-dire l'opération de couverture sur des titres convertibles, devient une opération de couverture qui n'offre aucune possibilité de bénéfice. Si l'une des positions monte, l'autre baisse d'autant. C'est le signe qu'il y a copropriété égale de l'opération de couverture sur des titres convertibles qui vient juste de prendre fin et de l'opération de couverture qui vient juste de commencer.

[186] N'ayant pas saisi les subtilités juridiques assez complexes de leurs positions, les appelants n'avaient pas déterminé d'un commun accord qui allait déclarer le revenu ou la perte résultant de la liquidation de l'opération de couverture sur des titres convertibles. Ils ont fait état des résultats de chaque volet séparément, une façon de faire que j'ai jugée fautive aux fins d'établissement de l'impôt. Je ne peux conclure à l'existence de quelque prétendue entente sur le partage, le cas échéant, du revenu ou de la perte résultant de la liquidation de l'opération de couverture sur des titres convertibles. Les appelants n'ont tout simplement pas songé à conclure ce genre d'entente. En conséquence, comme il n'existait aucune entente explicite entre les coparticipants quant à la répartition du revenu ou à la perte, la meilleure preuve que l'on puisse utiliser pour l'attribution du revenu ou de la perte au dénouement, c'est le résultat du dénouement lui-même, c'est-à-dire les positions parfaitement symétriques. Je détermine dès lors que le revenu ou la perte constatés au dénouement doivent aussi être attribués à parts égales aux deux coparticipants. C'est ce qui reflète le mieux l'entente implicite qui se dégage de leurs actions.

(iii)      Quel traitement fiscal faut-il réserver aux rentrées de trésorerie générées durant l'opération de couverture sur des titres convertibles?

[187] La question du traitement fiscal des rentrées de trésorerie (le revenu résultant de la position à couvert par rapport aux dépenses occasionnées par la position à découvert durant l'existence de l'opération de couverture sur des titres convertibles), concerne uniquement les opérations de couverture sur des titres convertibles acquises dans deux comptes. Est-ce que le raisonnement ayant permis de conclure à la nécessité d'attribuer à part égales le revenu ou la perte constatés au dénouement s'applique aussi aux rentrées de trésorerie? Faut-il établir les rentrées nettes de trésorerie et les attribuer à parts égales aux coparticipants au projet comportant un risque en tenant compte de leurs positions parfaitement symétriques au dénouement? Je dirais qu'il faut procéder de cette manière seulement en l'absence d'entente à l'effet du contraire. C'est une chose que de déterminer un droit de propriété sur un bien dans le cadre d'un projet comportant un risque de caractère commercial à la disposition de ce bien, en s'appuyant sur les positions des coparticipants à la liquidation; cela en est une autre que d'en conclure qu'ils ont convenu d'être traités de la même manière à tous égards durant l'existence de l'opération de couverture sur des titres convertibles, surtout lorsque le bien en cause a été acquis initialement par l'un seul des coparticipants. En réalité, exception faite de Gloria Fahrngruber, chacun des coparticipants considérait le revenu ou les dépenses attribuables au volet de l'opération de couverture sur des titres convertibles qu'il détenait comme étant les siens. Il n'y avait nul partage du revenu ou des dépenses de chacun. À la différence d'une société de personnes, qui est assujettie à des règles bien précises en ce qui a trait à l'attribution du revenu et des dépenses, le projet comportant un risque de caractère commercial reste encore nimbé d'incertitude, en particulier quand les coparticipants ne sont pas sûrs du statut ou de la nature juridique de celui-ci. Sans comprendre qu'ils détenaient chacun un bien distinct, ils ont convenu, par leurs actions, de déclarer séparément le revenu ou les dépenses se rapportant à leur volet respectif. Je ne suis au courant d'aucune règle qui empêche l'un des coparticipants de s'attribuer les dépenses et l'autre le revenu durant le projet comportant un risque et ensuite, à la liquidation du bien au dénouement de l'opération, de partager à parts égales les bénéfices ou les pertes résultant de la liquidation. Le seul fait qu'il y ait copropriété de l'opération de couverture sur des titres convertibles dans le cadre d'un projet comportant un risque de caractère commercial ne veut pas dire, nécessairement, que les rentrées nettes de trésorerie doivent être attribuées à parts égales, notamment lorsque les actions des coparticipants indiquent le contraire. Si l'on compare avec la situation au dénouement de l'opération de couverture sur des titres convertibles, quand les actions des participants indiquent qu'il y a des positions symétriques, les preuves ne sont pas suffisantes pour conclure de la même façon que les rentrées nettes de trésorerie doivent être attribuées à parts égales.

[188] Il existe toutefois une entente distincte concernant l'attribution des rentrées de trésorerie dans le cas de Gordon Rezek. Mme Fahrngruber trouvait inconcevable d'être assujettie à l'impôt sur des dividendes dont, à son point de vue, elle n'avait jamais reçu le moindre sou. M. Rezek a accepté de prendre en charge son obligation fiscale à cet égard. Cette entente indiquait que les coparticipants entendaient attribuer les rentrées nettes de trésorerie à M. Rezek seulement. En ce qui concerne l'appel de ce dernier, dès lors, les rentrées nettes de trésorerie doivent être incluses en totalité dans le calcul de son revenu imposable. Bien entendu, comme il existait une relation de mandant et mandataire entre Mme Scott et sa fille, seule Mme Scott doit inclure les rentrées nettes de trésorerie dans le calcul de son revenu imposable.

(iv)      Quel traitement fiscal faut-il réserver aux titres détenus par les appelants après le dénouement de l'opération de couverture sur des titres convertibles quand les positions sont devenues parfaitement symétriques?

[189] Pour répondre à cette question, il faut déterminer le statut des appelants après le dénouement. On pourrait difficilement dire, dans le cas d'un appelant qui conserve ses titres pendant un certain temps après le dénouement de l'opération de couverture sur des titres convertibles, qu'il a cessé de participer à un projet comportant un risque et qu'il est devenu un commerçant, pour reprendre l'exemple de la chaîne évolutive de Me Shaw. Bien sûr que non, au contraire, il a défié la loi de l'évolution en retournant en arrière pour redevenir propriétaire d'une immobilisation. Il n'y a aucune preuve qu'un ou plusieurs des appelants a multiplié les transactions boursières après le dénouement d'une opération de couverture sur des titres convertibles.

[190] Compte tenu de tous les indices examinés précédemment afin de faire la distinction entre une personne qui participe à un projet comportant un risque de caractère commercial et le propriétaire d'une immobilisation, les actions des appelants ne sont pas suffisantes, une fois que leurs positions sont devenues parfaitement symétriques, pour qu'on les considère ne serait-ce comme des participants à un projet comportant un risque. Il est clair que l'opération de couverture sur des titres convertibles comportant un risque a pris fin; est-ce qu'un autre projet semblable a commencé? La réponse à cette question est non. Il n'y a aucune preuve indiquant que l'un ou l'autre des appelants croyait, en prenant une position parfaitement symétrique, qu'il prenait part à un plan visant la réalisation d'un bénéfice. Le sentiment était unanime que cette position, de par sa nature même, ne pouvait pas leur procurer un avantage économique. Pour reprendre les propos de Mme Scott, c'était une opération de couverture sur des titres convertibles inactive. En outre, tous les appelants ont conservé la position parfaitement symétrique pendant un assez bon bout de temps. Rien ne les incitait à une liquidation rapide. Il n'y pas non plus de preuve d'une intention de fractionner le revenu au moment de la prise des positions parfaitement symétriques. En réalité, les quelques fois où les Hayes ont détenu des positions parfaitement symétriques, c'est M. Hayes qui avait la position à couvert générant un revenu et Mme Hayes la position à découvert occasionnant des dépenses. En fin de compte, aucun des appelants n'a détenu un grand nombre de positions parfaitement symétriques, et, les quelques fois où c'est arrivé, il y avait peu d'activité, si tant est qu'il y en avait. Les positions étaient tout simplement maintenues.

[191] Je conclus dès lors que, une fois que l'opération de couverture sur des titres convertibles a cessé d'exister parce que les positions des appelants sont devenues parfaitement symétriques, non seulement le projet comportant un risque a pris fin, mais aucun nouveau projet du même genre n'a commencé. Les appelants et les garantes détenaient une opération parfaitement symétrique à titre d'immobilisation.

[192] Me Shaw affirme que, à l'instar de l'opération de couverture sur des titres convertibles, l'opération parfaitement symétrique comprend deux positions distinctes identifiables, c'est-à-dire une position à couvert non assurée dans l'un des comptes et une position à découvert non assurée dans l'autre. Me Gluch soutient pour sa part que c'est faux, que les particuliers concernés demeurent des associés dans une société de personnes. Je rejette ces deux points de vue. Tout comme il n'existait pas de société de personnes dans le cas de l'opération de couverture sur des titres convertibles parce qu'il n'y avait pas d'entreprise qui était exploitée, il n'existe pas de société de personnes dans le cas de l'opération de couverture parfaitement symétrique. Il n'existe pas non plus de projet comportant un risque de caractère commercial. Comme je l'ai déjà clairement indiqué, il n'y a aucune possibilité d'obtenir un avantage économique. Ce qu'il reste, c'est la simple propriété d'une immobilisation. De la même manière que j'ai conclu que l'opération de couverture sur des titres convertibles était un bien, je conclus pareillement que l'opération de couverture parfaitement symétrique est un bien. Chaque personne ayant pris part à l'opération de couverture parfaitement symétrique a le droit de faire appel à l'autre quand il y a un appel de marge. La principale différence, bien entendu, par rapport à l'opération de couverture sur des titres convertibles, dont l'objectif est de réaliser un bénéfice, c'est qu'il n'existe pas de telle possibilité.

[193] Les détenteurs de l'opération de couverture parfaitement symétrique détiennent le bien, l'opération en question, à parts égales, non pas à titre d'associés ni de participants à un projet comportant un risque, mais simplement à titre de copropriétaires d'une immobilisation. L'opération, de par sa nature, ne peut pas être considérée comme une source de revenu. C'est une opération, aux dires des experts et du courtier, qui ne pourrait pas être détenue dans un seul compte car ses deux volets s'annuleraient mutuellement. Dans les cas où il y a deux comptes, elle devient effectivement une non-valeur. Que se passe-t-il sur le plan fiscal quand l'un ou l'autre des coparticipants prend quelque mesure que ce soit concernant le volet qu'il détient? Il ne se passe rien. Aucun des coparticipants ne peut « encaisser » sa position car le produit de la vente doit demeurer dans le compte pour continuer d'offrir la marge nécessaire à l'autre. Dans les faits, l'opération de couverture continue. À vrai dire, il est absurde d'imaginer, dans le cas de ces appelants, qu'une position soit liquidée sans qu'il y ait liquidation simultanée de l'autre. La réalité juridique d'une position parfaitement symétrique, c'est la copropriété d'une opération de couverture, quelque chose qui n'a aucune incidence fiscale. Cette réalité ne figure tout simplement pas dans la liste des sources mentionnées à l'article 3 de la Loi.

[194] S'il n'y a pas de source, il ne peut pas y avoir non plus de revenu imposable ni de dépenses déductibles relativement à la position parfaitement symétrique avant sa liquidation. Il n'y a pas de rentrées nettes de trésorerie. L'opération de couverture parfaitement symétrique détenue en copropriété donnera toujours un résultat égal à zéro. L'un des deux copropriétaires ne peut pas demander la déduction de dividendes compensatoires quand l'autre inclut des dividendes imposables dans le calcul de son revenu; ce serait faire fi de la réalité juridique et économique, car l'opération de couverture n'est pas une source et elle n'est pas visée par l'objet de la Loi.

(v)      Les appelants peuvent-ils appliquer la méthode du moindre du coût d'acquisition et de la juste valeur marchande pour évaluer le bien figurant à l'inventaire durant ou après l'opération de couverture sur des titres convertibles?

[195] Il y a deux aspects de la réduction de valeur d'un bien sur lesquels je dois me pencher en l'espèce; le premier, c'est l'évaluation du bien figurant à l'inventaire que constitue l'opération de couverture sur des titres convertibles comportant un risque; le second, c'est l'évaluation du bien figurant à l'inventaire en dehors de cette opération. J'ai examiné la situation de ceux qui ont pris part à des opérations de couverture sur des titres convertibles et j'ai conclu qu'ils participaient à un projet comportant un risque. J'ai également conclu que le bien détenu dans le cadre du projet est un bien distinct de l'opération de couverture sur des titres convertibles, c'est-à-dire que c'est le bien figurant à l'inventaire. J'ai aussi déterminé que, une fois que l'opération de couverture devient parfaitement symétrique, les appelants deviennent copropriétaires de cette opération considérée comme une immobilisation, mais non comme une source aux fins de l'établissement de l'impôt.

[196] Ce cadre étant établi, commençons d'abord par examiner le paragraphe 10(1) de la Loi et les dispositions modifiant les règles d'évaluation des biens figurant à l'inventaire[30]. Le paragraphe 10(1) est libellé comme suit :

10(1)     Pour le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition tiré d'une entreprise qui n'est pas un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial, les biens figurant à l'inventaire sont évalués à la fin de l'année soit à leur coût d'acquisition pour le contribuable ou, si elle est inférieure, à leur juste valeur marchande à la fin de l'année, soit selon les modalités réglementaires.

Mme Scott est la seule qui pourrait se prévaloir de la méthode d'évaluation à la valeur du marché, car elle seule a évalué les titres à un coût inférieur au coût d'acquisition et en a fait état dans les déclarations de revenu produites avant le 21 décembre 1995, c'est-à-dire les déclarations pour ses années d'imposition 1989, 1990 et 1991. Aucun des autres appelants ne peut invoquer un argument semblable. Même si M. Hayes a procédé de la même manière pour établir ses déclarations de revenu, c'était après la date limite du 21 décembre 1995.

[197] Je me pencherai donc en premier sur la manière dont Mme Scott a évalué les biens figurant à l'inventaire, c'est-à-dire les titres qu'elle détenait, durant l'opération de couverture sur des titres convertibles. La principale différence qui existe entre cette situation et celle dont il est question dans l'arrêt Friedberg[31], - qui portait sur des contrats à terme de marchandises - c'est que, bien que la Cour d'appel fédérale ait fait référence à l'écart sur les prix des marchandises, elle n'a pas considéré qu'il constituait en soi le bien en litige. Les éléments de l'écart ont été considérés comme des biens détenus séparément qui pouvaient dès lors être évalués séparément au moindre du coût d'acquisition et de la juste valeur marchande [dans la version française de cet arrêt on a utilisé l'expression « méthode de la valeur minimale » ]. Il convient de prendre note des observations que la Cour suprême du Canada a formulées dans cette affaire et dont le texte est reproduit ci-après :

[...] De même, bien que nous reconnaissions que la méthode de la « valeur minimale » préconisée par l'intimé donne à entendre que les pertes non subies peuvent être déduites dans le calcul du revenu, il ressort des faits de la présente affaire que l'intimé n'a déduit aucune perte non subie.    En conséquence, nous n'avons pas à déterminer la validité, sur le plan de l'impôt sur le revenu, de ces conséquences de la méthode de la « valeur minimale » en l'espèce.

[198] L'opération de couverture sur des titres convertibles diffère des contrats à terme normalisés de marchandises. C'est une immobilisation qui, de par sa nature, nécessite l'application de la méthode d'évaluation à la valeur du marché à l'ensemble, plutôt qu'à chacun des volets. Il ressort du témoignage des experts, du courtier et de l'associé de M. Maguire, que la valeur de l'écart peut être déterminée à n'importe quel moment. C'est cette valeur qui doit être comparée au coût initial de l'écart, le coût initial de l'opération de couverture, pour déterminer quels montants il convient d'inclure dans le revenu ou de déduire du revenu par rajustement du bien figurant à l'inventaire. Pour qu'on comprenne bien ce que je veux dire, je me reporte à l'opération de couverture sur des titres convertibles de Labatt que Mme Scott a acquise en 1992 et qu'elle a liquidée en 1993. Pour l'année 1992, l'appelante a demandé un rajustement fondé sur la juste valeur marchande de la position à découvert sur des titres de Labatt, de 16 828 $, soit la différence entre le produit de la vente à découvert et la juste valeur marchande des actions ordinaires de Labatt au 31 décembre 1992 (comme la valeur du titre augmentait, la plus-value représente une diminution de la valeur de la position à découvert lorsqu'on évalue la valeur du bien figurant à l'inventaire). Pour ce qui est du volet à couvert, la valeur des actions privilégiées convertibles de Labatt a augmenté de 10 000 $ par rapport à leur prix, de sorte que Mme Scott a utilisé le coût d'acquisition pour déterminer qu'il n'y avait pas eu de variation de la valeur du bien figurant à l'inventaire en ce qui concerne le volet à couvert. En faisant état de chaque position séparément, elle rend compte de la prétendue perte de 16 828 $ sur la position à découvert seulement. Or, il se trouve que cette méthode ne permet pas de tenir compte de la variation de valeur de l'opération de couverture sur des titres convertibles elle-même à titre de bien figurant à l'inventaire. Cette variation correspondrait à la différence entre l'écart d'ouverture (environ 12 000 $) et l'écart au 31 décembre 1992 (environ 4 500 $) -, soit 7 500 $ en réalité. C'est le montant réel de la variation de la valeur du bien.

[199] En continuant d'utiliser l'exemple des titres de Labatt, est-ce que Mme Scott a le droit de demander le rajustement approximatif de 7 500 $ si l'on tient compte du fait qu'elle a appliqué la méthode d'évaluation à la valeur du marché à certains de ses titres dans les années 1989, 1990 et 1991? À ce propos, permettez-moi de citer à nouveau le passage pertinent des dispositions modificatives des règles d'évaluation des biens figurant à l'inventaire, lesquelles s'appliquent, sauf dans le cas où :

[...] en vue du calcul du revenu tiré de l'entreprise pour l'année, le contribuable a évalué les biens figurant à l'inventaire de l'entreprise [...]

Dans les années 1989, 1990 ou 1991, Mme Scott n'a pas attribué une valeur inférieure au coût d'acquisition du bien figurant à l'inventaire, c'est-à-dire l'opération de couverture sur des titres convertibles considérée comme un bien distinct. Elle a bien évalué la valeur de certains volets distincts de l'opération, mais, comme on l'a vu, elle est arrivée à un résultat complètement différent que celui qu'elle aurait obtenu si c'est l'opération de couverture sur des titres convertibles à proprement dit qui avait été évaluée. Mme Scott n'a en aucun cas évalué la valeur du bien figurant à l'inventaire que constitue l'opération de couverture sur des titres convertibles comportant un risque de caractère commercial à un coût inférieur au coût d'acquisition. C'est parce qu'elle n'a pas compris quelle était la nature du bien figurant à l'inventaire en cause. Elle a évalué certains titres à la valeur du marché en 1989, 1990 et 1991 parce qu'elle effectuait des opérations distinctes sur des titres. Après les années 1989, 1990 et 1991, l'application du paragraphe 10(1) de la Loi doit dès lors se limiter aux activités se rapportant aux projets comportant un risque qui consistent en opérations distinctes sur des titres en excluant les activités reliées aux opérations de couverture sur des titres convertibles. Un projet comportant un risque qui consiste en une opération de couverture sur des titres convertibles complexe est différent d'un projet comportant un risque consistant en des transactions boursières.

[200] En examinant les demandes de rajustement de la valeur des biens figurant à l'inventaire soumises par Mme Scott, on relève que les rajustements suivants se rapportent à des titres qui étaient détenus à ce moment-là dans le cadre de l'opération de couverture sur des titres convertibles et qui, dès lors, pour les motifs exposés précédemment, ne peuvent pas faire l'objet d'un rajustement :

Titre

Année

Husky

1984

Cambridge

1986

Minnova

1988, 1990, 1991, 1992

Federal Industries

1990, 1991

Ivaco/Dofasco

1990, 1991, 1992, 1993

Memmotec

1991, 1992, 1993

Labatt

1992

[201] J'en viens maintenant aux titres concernant lesquels Mme Scott demande un rajustement de la valeur après le dénouement de l'opération de couverture sur des titres convertibles, c'est-à-dire :

Titre

Année

Husky

1985

Westar

1987, 1988

Falconbridge

1988

Hees

1990

Cambridge

1991

Canhorn

1993

Horsheim

1993

Cascades

1993

Placer

1993

Quatre des titres relativement auxquels Mme Scott demande un rajustement de la valeur (Husky, Falconbridge, Cambridge et Placer) étaient détenus de manière parfaitement symétrique avec sa fille, son mandataire. Vu que les parties ont admis que l'appelante avait une relation de mandant et de mandataire avec sa fille (au lieu d'être copropriétaire des positions parfaitement symétriques avec sa fille dans le cadre de l'opération de couverture sur des titres convertibles), c'est comme si Mme Scott détenait les deux volets en son nom. La preuve a établi de manière incontestable qu'un courtier ne permettrait pas au titulaire d'un compte de détenir des positions de compensation - car elles s'annuleraient mutuellement. Je crois que c'est exactement l'effet de la relation de mandant et de mandataire dans le cas de Mme Scott. Elle ne détient absolument rien sur le plan juridique; il n'y a rien dont on puisse réduire la valeur, rien à assujettir à l'impôt. Il reste les positions à couvert sur des titres de Westar, Hees, Canhorn et Horsham et la position à découvert sur des titres de Cascades. Comme j'ai conclu que, après le dénouement de l'opération de couverture sur des titres convertibles, plus aucun des appelants ne participait à un projet comportant un risque de caractère commercial, les positions à couvert que détenait Mme Scott étaient simplement des immobilisations : elle n'a donc pas droit au rajustement de la valeur des biens figurant à l'inventaire.

[202] Il ne reste donc plus que la position à découvert sur des titres de Cascades. Si une position à découvert n'est pas un bien, ce ne peut donc pas être un bien figurant à l'inventaire. Par contre, si une position à découvert est un bien, vu la conclusion à laquelle je suis arrivé concernant le statut de Mme Scott quand il n'y a pas d'opération de couverture sur des titres convertibles, soit qu'elle détient simplement une immobilisation, je conclurais dès lors que ce genre de bien est aussi une immobilisation et que, par conséquent, il ne peut pas être considéré comme un bien figurant à l'inventaire. Il n'est donc pas nécessaire que je m'emploie à déterminer si une position à découvert constitue un bien aux fins de l'établissement des biens figurant à l'inventaire, car, quelle que soit ma conclusion, Mme Scott n'aurait pas le droit de l'inclure dans les biens figurant à l'inventaire.

e)        Quel est l'effet des choix que Mme Hayes et Mme Scott auraient exercés en vertu du paragraphe 39(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu?

Thèse des appelants

[203] Les appelants soutiennent que Mme Hayes et Mme Scott ont toutes les deux exercé des choix valides en vertu du paragraphe 39(4) : Mme Hayes en juillet 1996, quand elle a produit sa déclaration de revenu pour l'année 1992, et Mme Scott, en mars 1991, pour son année d'imposition 1990. En conformité avec la thèse selon laquelle les volets d'une opération de couverture sur des titres convertibles et ceux d'une opération de couverture parfaitement symétrique doivent être examinés séparément, Me Shaw fait valoir que tout profit réalisé à la liquidation des titres de Mme Hayes ou de Mme Scott après les années 1992 et 1990 respectivement devrait être considéré comme un gain en capital. Les choix exercés tardivement dans ces cas ne constituent pas une planification fiscale rétroactive et sont parfaitement valides.

Thèse de l'intimée

[204] Me Rhodes déclare que les choix de Mme Hayes et de Mme Scott sont invalides car ils ont été exercés trop tard. Il n'est pas loisible à un contribuable de voir où le vent souffle ses titres avant d'exercer un choix en vertu du paragraphe 39(4) relativement aux années antérieures. Si une déclaration de revenu est produite en retard, quand bien même le choix est exercé en même temps, les deux sont en retard et il n'existe aucune disposition concernant les choix exercés tardivement. Me Rhodes a reconnu qu'était une présomption réfutable la thèse selon laquelle l'absence de disposition concernant les choix exercés tardivement empêchait tout simplement le contribuable d'exercer un choix.

Analyse

[205] En premier lieu, en ce qui concerne Mme Hayes, le seul bien auquel le choix exercé en vertu du paragraphe 39(4), pour autant qu'il soit valide, s'appliquerait dans les années d'imposition visées par l'appel, ce serait celui dont il y a eu disposition en 1992. À ce moment-là, ce bien n'était pas détenu dans le cadre d'une opération parfaitement symétrique, laquelle, comme on l'a vu précédemment, est un bien qui ne peut pas prendre de valeur et qui, par conséquent, n'est pas assujetti à l'impôt. Le choix exercé relativement à un tel bien est sans aucune valeur.

[206] J'arrive à une conclusion semblable en ce qui concerne la disposition des titres au dénouement des positions parfaitement symétriques détenues par Mme Scott et sa fille, en sa qualité de mandataire. J'ai déjà conclu que ces positions sont des non-valeurs. Il m'apparaît que les seuls titres dont il y a eu disposition dans l'une ou l'autre des années visées par les cotisations sont ceux de Cambridge, en 1992.

[207] Ayant conclu que la disposition de titres particuliers après le dénouement de l'opération de couverture sur des titres convertibles ne constitue pas une opération commerciale dans le cadre d'un projet comportant un risque de caractère commercial, mais plutôt la liquidation d'une immobilisation, il est inutile d'exercer un choix en vertu du paragraphe 39(4).

[208] Il reste dès lors à déterminer s'il y a lieu d'exercer un choix en vertu du paragraphe 39(4) au dénouement ou à la disposition de l'opération de couverture sur des titres convertibles à proprement dit. Je ne crois pas. Le paragraphe 39(4) est libellé comme suit :


Sauf dans les cas prévus au paragraphe (5), lorsqu'un contribuable dispose d'un titre canadien au cours d'une année d'imposition et qu'il exerce un choix, selon le formulaire prescrit, dans sa déclaration de revenu produite pour l'année en vertu de la présente partie:

a)         chacun des titres canadiens qu'il possède au cours de l'année ou de toute année d'imposition ultérieure est réputé avoir été une immobilisation qu'il possédait au cours de ces années;

b)         chaque disposition par le contribuable d'un tel titre canadien est réputée être une disposition par lui d'une immobilisation.

Cette disposition fait expressément référence à un titre canadien, lequel est défini de la façon suivante au paragraphe 39(6) :

Pour l'application du présent article, « titre canadien » s'entend d'un titre (à l'exclusion d'un titre visé par règlement) qui est une action du capital-actions d'une société qui réside au Canada, une unité d'une fiducie de fonds commun de placement ou quelque obligation, effet, billet, créance hypothécaire ou titre semblable émis par une personne qui réside au Canada.

[209] Bien entendu, on ne trouve aucune mention d'une opération de couverture sur des titres convertibles dans cette définition. Tout profit ou toute perte de Mme Scott résultant de la disposition des positions détenues dans le cadre d'une opération de couverture sur des titres convertibles prend valeur de revenu, rendant inutile l'exercice d'un choix en vertu du paragraphe 39(4). Il ne m'est donc pas nécessaire de statuer sur la question de la validité des choix exercés.

f)        Quel traitement fiscal faut-il réserver aux dividendes compensatoires inutilisés?

Thèse des appelants

[210] Les appelants font observer que le paragraphe 260(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu et l'alinéa 82(1)a) ont juste pour effet de permettre la déduction des dividendes compensatoires par un appelant jusqu'à concurrence du montant des dividendes imposables qu'il a reçus. Tout dividende compensatoire excédentaire devrait logiquement être ajouté au prix de base de la position à découvert. Me Shaw a soutenu, en effet, que c'était le seul résultat raisonnable, et il s'appuie sur les explications fournies par le professeur Kirzner au sujet des coûts frictionnels et des frais des opérations de couverture sur des titres convertibles pour démontrer qu'il existe un principe bien établi à cet effet.


Thèse de l'intimée

[211] L'intimée soutient que les règles énoncées à l'article 260 et à l'alinéa 82(1)a) sont exhaustives mais que, étant donné que l'alinéa 82(1)a) est muet sur la question des dividendes compensatoires excédentaires, on doit s'en remettre au paragraphe 260(6), qui interdit de façon générale la déduction des dividendes compensatoires et, donc, toute déduction directe ou indirecte des dividendes compensatoires inutilisés. Il n'existe pas de principes bien établis appuyant les thèses des appelants et le témoignage du professeur Kirzner ne peut certainement pas être interprété en ce sens.

Analyse

[212] Les dispositions pertinentes sont le sous-alinéa 82(1)a)(ii) et les paragraphes 260(5) et (6), qui sont libellés comme suit :

82(1)    Est inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année                                                                            d'imposition:

a) le total des montants suivants

[...]

(ii) l'excédent éventuel du total visé à la division (A) sur le total visé à la division (B):

(A)        le total des montants que le contribuable reçoit au cours de l'année de sociétés qui résident au Canada au titre ou en paiement intégral ou partiel de dividendes imposables, à l'exception de montants inclus dans le calcul de son revenu par l'effet des sous-alinéas (i) ou (i.1)

(B)         si le contribuable est un particulier, le total des montants qu'il a payés au cours de l'année et qui sont réputés par le paragraphe 260(5) reçus par une autre personne à titre de dividendes imposables,

majoré:

260(5)         Pour l'application de la présente loi, tout montant (sauf un montant reçu à titre de produit de disposition ou reçu par une société aux termes d'un mécanisme dans le cadre duquel il est raisonnable de considérer que l'un des principaux motifs de la participation de la société au mécanisme consiste à lui permettre de recevoir un montant qui autrement serait réputé par le présent paragraphe être un dividende) reçu:

a)         soit dans le cadre d'un mécanisme de prêt de valeurs mobilières d'une personne qui réside au Canada ou d'une personne qui n'y réside pas, si le montant est versé dans le cadre de l'exploitation d'une entreprise au Canada par l'entremise d'un établissement stable, au sens du règlement;

[...]

à titre de dividende imposable versé sur une action - qui est un titre admissible - du capital-actions d'une société publique est réputé reçu de celle-ci, à concurrence du montant de ce dividende, à titre de dividende imposable sur l'action.

260(6)        Dans le calcul, selon la partie I, du revenu d'un contribuable provenant d'une entreprise ou d'un bien, les règles suivantes s'appliquent:

a)         le contribuable -- autre qu'un courtier en valeurs mobilières inscrit -- ne peut déduire un montant qui, s'il était versé, serait réputé par le paragraphe (5) reçu par une autre personne à titre de dividende imposable;

b)         le contribuable, s'il est un courtier en valeurs mobilières inscrit, peut déduire jusqu'aux 2/3 du montant visé à l'alinéa a).

Avant juin 1989, le paragraphe 260(6) était libellé comme suit :

260(6) Dans le calcul, selon la partie I, du revenu d'un contribuable provenant d'une entreprise ou d'un bien, aucune déduction ne peut être faite pour un montant qui, s'il était versé, serait réputé par le paragraphe (5) reçu par une autre personne à titre de dividende imposable.

Selon moi, ces dispositions font en sorte qu'une personne qui emprunte des titres ne peut déduire des dividendes compensatoires que s'ils sont portés en déduction de dividendes imposables reçus. Il n'y a aucune mention de dividendes compensatoires excédentaires à la division 82(1)a)(ii)(B). Les appelants soutiennent que, en toute logique et selon un principe bien établi, la portion non utilisée doit être ajoutée au prix de base de la position à découvert. L'intimée affirme que les dividendes compensatoires inutilisés tombent tout simplement sous le coup du paragraphe 260(6) de la Loi et qu'ils ne sont donc pas déductibles. Je partage ce point de vue.

[213] Accepter la thèse des appelants voudrait dire faire fi des dispositions du paragraphe 260(6), car une augmentation du prix de base des actions vendues à découvert entraînerait une réduction du profit réalisé à la couverture. En effet, en considérant les dividendes compensatoires inutilisés comme une immobilisation, on se trouve à en reporter la déduction directe du revenu à une année ultérieure. C'est ce que le paragraphe 260(6) interdit expressément.

[214] De toute évidence, le problème ne se pose pas quand les appelants et les garantes prennent des positions parfaitement symétriques car les dividendes compensatoires correspondent toujours au montant des dividendes reçus sur le titre à couvert. Par conséquent, c'est seulement dans le scénario d'une opération de couverture sur des titres convertibles ou d'une position à découvert non assurée qu'il peut y avoir des dividendes compensatoires inutilisés. Je comprends que Me Shaw s'appuie sur ce qui peut sembler logique ou ce qui pourrait avoir le plus de bon sens. Mais ce n'est pas suffisant pour conclure qu'il existe un principe bien établi. Je ne suis pas convaincu qu'il en existe un, même si c'est de cette manière que M. Rezek a fait état des dividendes compensatoires inutilisés. Faute de pouvoir appliquer un tel principe, je dois m'en remettre au libellé clairement prohibitif du paragraphe 260(6). Dès lors, les dividendes compensatoires inutilisés ne peuvent ni être déduits ni être considérés comme une immobilisation.

Conclusions

[215] La difficulté à laquelle je me heurte dans les appels dont je suis saisi, c'est qu'il n'existe pas dans le droit commercial et le droit des biens de règles bien définies pour encadrer les stratégies financières de la fin du vingtième siècle. Ajoutons à cela des principes fiscaux qui nécessitent clarté et certitude pour être appliqués comme il se doit. C'est pourquoi Me Shaw a demandé, à plusieurs reprises, quelle était la réalité? Je me suis employé à répondre à cette question aux fins d'établissement de l'impôt. Quelle était la situation juridique des appelants? De quoi y a-t-il eu disposition? Quand? Quel traitement fiscal s'applique? Comme il y a 26 années d'imposition visées par les appels en l'instance, je juge opportun d'exposer tout simplement les conclusions auxquelles je suis arrivé relativement à ces questions. Je passerai ensuite en revue la situation de l'un des appelants, M. Rezek, pour illustrer l'effet de mes conclusions. Cela devrait permettre aux parties de remanier les tableaux de rapprochement des comptes pour tous les appelants. Voici donc mes conclusions :

1.        Une opération de couverture sur des titres convertibles est un bien identifiable distinct.

2.        Les opérations de couverture sur des titres convertibles des appelants étaient des projets comportant un risque de caractère commercial auxquels un appelant a pris part à titre individuel, dans le cas d'une opération de couverture sur des titres convertibles établie dans un seul compte et, sauf dans le cas de Mme Scott, auxquels un appelant a pris part conjointement avec une garante dans le cas des opérations de couverture sur des titres convertibles établies dans deux comptes - à titre de coparticipants plutôt que d'associés.

3.        Mme Scott et sa fille avaient une relation de mandant et de mandataire, et toutes les rentrées de trésorerie, ainsi que tout revenu ou perte résultant de la liquidation des opérations de couverture sur des titres convertibles devaient dès lors être attribués à Mme Scott. Étant donné qu'un particulier ne peut détenir une position parfaitement symétrique, les positions du genre entre Mme Scott et sa mandataire s'annulent mutuellement, à toutes fins utiles.

4.        Le seul profit ou la seule perte possible dans le cas d'une opération de couverture sur des titres convertibles, c'est l'augmentation ou la diminution de l'écart, lesquels sont établis en déterminant la différence entre le revenu total résultant des ventes à découvert et les dépenses liées aux achats à couvert durant l'existence de l'opération de couverture sur des titres convertibles.

5.        Il y a dénouement ou, dans le cas des opérations établies dans deux comptes, liquidation de l'opération de couverture sur des titres convertibles quand les deux comptes deviennent parfaitement symétriques pour la première fois plutôt que lorsqu'il y a liquidation d'une position parfaitement symétrique.

6.        La liquidation de l'opération de couverture sur des titres convertibles établie dans deux comptes donne lieu à un profit ou à une perte, qui doit être attribué à parts égales aux coparticipants au projet comportant un risque.

7.        Durant l'existence de l'opération de couverture sur des titres convertibles, il n'y a aucune disposition imposable d'une source quelconque donnant lieu à une perte déductible, à un revenu ou à un gain en capital. La seule source est l'opération de couverture sur des titres convertibles elle-même. Par souci de clarté, et à titre d'illustration, je précise que M. Rezek n'a pas subi une perte de 138 000 $ sur le titre de Laidlaw.

8.        À l'exclusion des appels de Mme Scott et de M. Rezek, le revenu gagné et les dépenses engagées durant l'existence de l'opération de couverture sur des titres convertibles (les rentrées nettes de trésorerie) sont attribuables à l'appelant ou à la garante, conformément à leurs positions à découvert et à couvert respectives. Les montants en question ne doivent pas être intégrés et divisés également, ni intégrés et attribués à l'un seul des coparticipants au projet comportant un risque, sauf dans le cas de M. Rezek, où ils doivent être intégrés et attribués à lui seul. Par souci d'exhaustivité, tout revenu ou toute dépense résultant du solde créditeur ou du solde débiteur d'un compte par suite de transactions effectuées dans le cadre de l'opération de couverture sur des titres convertibles, même s'ils surviennent après la liquidation de l'opération de couverture sur des titres convertibles, doivent aussi être considérés comme un revenu ou une dépense du titulaire du compte. Ce n'est pas la même chose que le revenu ou la dépense qui résultent d'une opération de couverture parfaitement symétrique.

9.        Une opération de couverture établie dans deux comptes est un bien appartenant à parts égales à deux personnes (qui ne sont ni des associés ni des participants à un projet comportant un risque de caractère commercial), qui ne peut ni générer un revenu ni diminuer de valeur - il demeure constamment à zéro, de sorte qu'il ne peut y avoir ni profit ou perte à la disposition, ni non plus de revenu ou de dépense pendant l'opération. Ce n'est pas une source aux fins d'établissement de l'impôt.

10.      Aucun des appelants n'a droit à une réduction de valeur du bien figurant à l'inventaire.

11.      Le paragraphe 39(4) ne s'applique ni aux opérations de couverture sur des titres convertibles ni aux opérations de couverture parfaitement symétriques.

12.      Les dividendes compensatoires inutilisés ne peuvent pas être ajoutés au prix de base des actions vendues à découvert aux fins de déterminer tout profit résultant de cette opération.

13.      Dans l'éventualité où l'une ou l'autre des conclusions qui précèdent :

(i)       cause une obligation fiscale supérieure au montant de la cotisation établie à l'égard d'un appelant dans une année d'imposition particulière, l'appel pour cette année-là est tout simplement rejeté;

(ii)       cause une obligation fiscale inférieure au montant de celle dont l'appelant demande l'établissement dans une année d'imposition particulière, l'appel est admis pour tenir compte de cette obligation fiscale moindre.

[216] Pour illustrer l'effet de ces conclusions, je les applique ci-après à l'appel de M. Rezek pour l'année 1988 :

(i)       M. Rezek a subi une perte d'entreprise à la liquidation de l'opération de couverture sur des titres convertibles de Laidlaw égale à la moitié de 2 880,48 $ (l'autre moitié est imputable à Mme Fahrngruber).

(ii)       Il n'a pas subi de perte déductible de 138 431 $ à la vente des 10 100 actions de Laidlaw.

(iii)      Le revenu de dividende attribuable à M. Rezek sur le titre de Laidlaw est celui des dividendes applicables quand il détenait des actions privilégiées de Laidlaw, du 27 avril au 20 mai, et quand Mme Fahrngruber détenait des actions privilégiées de Laidlaw, du 20 mai au 12 août.

(iv)      Les dividendes compensatoires résultant de la position à découvert sur le titre de Laidlaw sont attribuables à M. Rezek jusqu'au 12 août (le début de la position parfaitement symétrique).

(v)      Il n'y a aucun revenu de dividende ni aucune dépense résultant de l'opération de couverture parfaitement symétrique sur des titres de Laidlaw après l'établissement de cette opération le 12 août.

(vi)      M. Rezek a subi une perte d'entreprise de 1 300 $ à la liquidation de l'opération de couverture sur des titres convertibles de la Banque Royale.

[217] Les conséquences sont les suivantes en ce qui concerne l'appel de M. Rezek pour l'année 1989 :

(i)       Il n'y a aucun revenu de dividende ni aucune dépense résultant de l'opération de couverture parfaitement symétrique sur des titres de Laidlaw. Seuls les frais de gestion de 9 660 $ se rapportant à un prétendu avantage obtenu durant l'existence de l'opération de couverture sur des titres convertibles sont déductibles.

(ii)       M. Rezek a subi une perte d'entreprise de 3 789 $ à la liquidation de l'opération de couverture sur des titres convertibles de Westcoast.

(iii)      M. Rezek n'a pas droit à un rajustement de 193 054 $ de la valeur des biens figurant à l'inventaire fondé sur la juste valeur marchande.

[218] Cet exemple particulier illustre bien l'effet de mes conclusions. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de passer en revue les 24 autres années d'imposition visées par les appels. Les parties devraient être capables de s'y retrouver. L'exercice a toutefois ceci de bon qu'il a permis de mettre en relief les conséquences énormes qu'entraînent mes conclusions pour M. Rezek et les autres appelants. Je m'interroge en particulier sur les prétendus « frais de gestion » que M. Rezek a payés à M. Maguire dans le but d'obtenir des avantages fiscaux qui ne se sont pas matérialisés. L'appelant pourrait considérer, en rétrospective, qu'il n'a pas utilisé son argent à bon escient. La perspective alléchante, pour reprendre les propos de M. Sildva, d'obtenir des remboursements d'impôt substantiels tout en investissant un montant minimal est illusoire - des points de vue tant juridique qu'économique. Malheureusement, des investisseurs biens intentionnés, mais un peu naïfs, peut-être, ont cru que les opérations de couverture sur des titres convertibles étaient bien autre chose que ce qu'elles étaient en réalité. Ce qu'elles étaient, c'était un bien de placement offrant la possibilité de rentrées de trésorerie positives et d'un accroissement de la valeur en un laps de temps assez court. M. Hayes l'avait certainement compris. En revanche, elles n'étaient pas une formule garantie pour obtenir un remboursement d'impôt substantiel.

[219] Ainsi qu'il se dégage des observations que j'ai formulées dans les présents motifs du jugement, je suis d'avis que nos lois fiscales doivent être appliquées avec suffisamment de souplesse pour qu'on puisse les adapter aux stratégies financières innovatrices sans être contraints de s'appuyer entièrement sur la réalité économique ou de considérer comme avéré qu'il existe des relations juridiques qui n'existent pas en réalité. C'est pourquoi je me suis employé à déterminer ce qui constitue un bien et ce qui constitue une source en cherchant à établir la véritable nature juridique des opérations, d'une part, et à adapter les lois fiscales à la cible mobile de l'innovation financière, d'autre part.

[220] J'aimerais remercier les avocats pour leur diligence, leur esprit de collaboration et la minutie avec laquelle ils ont préparé et présenté leurs argumentations. Les affaires ont été plaidées de manière on ne peut plus compétente.


[221] Certains des appels sont rejetés en raison des circonstances décrites au point 13(i) du paragraphe 215. Les autres appels sont admis et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en conformité avec les présents motifs. Bien qu'on ait soulevé la possibilité, à l'issue de l'audience, de présenter des arguments sur la question des frais, je ne crois pas que cela sera nécessaire. L'intimée a droit à 75 % de ses frais, établis selon le tarif de la Cour. Même si l'intimée a obtenu gain de cause à maints égards en l'espèce, je n'ai pas accepté son argument principal concernant l'existence de sociétés de personnes. C'est pour cette raison que je lui accorde moins que le plein tarif.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de septembre 2003.

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de décembre 2003.

Mario Lagacé, réviseur


REZEK C. SMR

Analyse des opérations sur titres - Laidlaw [1]

COMPTE DE GORDON REZEK

COMPTE DE GLORIA FAHRNGRUBER (REZEK)

Date

Instrument de placement

Nbre d'unités

Prix unitaire ($)

Montant($)

Revenu(perte)

Nbre d'unités

Prix unitaire ($)

Montant($)

Revenu(perte)

Type d'opération

Position

Type d'opération

Position

A

C

D

E

F

G

H

I

J

K

L

M

27 avr. 88

Laidlaw Trans Ltd -ASDV B

Vente à découvert

30 704

20,012

612 925,52

27 avr. 88

Laidlaw Trans PR-1er rang F CV

[3]

Achat à couvert

10 100

60,891

(615 506,12)

27 avr. 88

Laidlaw Trans Ltd-ASDV B

Position à découvert

30 704

27 avr. 88

Laidlaw Trans PR-1er rang F CV

[3]

Position à couvert

10 100

20 mai 88

Laidlaw Trans PR-1er rang F[3] CV

[3]

Vente

10 100

47,250

477 075

(138 431,12)

Achat

10 100

47,250

(477 375)

20 mai 88

Laidlaw Trans Ltd-ASDV B

Position à découvert

30 704

20 mai 88

Laidlaw Trans PR-1er rang F CV

[3]

Position à couvert

10 100

12 août 88

Laidlaw Trans PR-1er rang F[3] CV

[3]

Actions priv. converties en 30 709 actions ord.

10 100

12 août 88

Laidlaw Trans Ltd-ASDV B

Actions priv. converties en actions ord.

30 709

12 août 88

               

Laidlaw Trans Ltd-ASDV B

Position à découvert

30 704

Position à couvert

30 709

25 août 88

Laidlaw Trans Ltd-ASDV B

Vente

5

14,875

24,37

(53,35)

25 août 88

Laidlaw Trans Ltd-ASDV B

Position à découvert

30 704

Position à couvert

30 704

20 févr. 92

Laidlaw Trans Ltd-ASDV B

Achat

1 000

11,000

(11 000)

8 962,40

25 févr. 92

Laidlaw Trans Ltd-ASDV B

Vente

1 000

11.250

11 185 $

(4 360,11)

25 févr. 92

Laidlaw Trans Ltd-ASDV B

Position à découvert

29 704

Position à couvert

29 704

22 févr. 95

Laidlaw Trans Ltd-ASDV B

Transfert du compte de Gloria

29 704

N.D.

(461 752,17)

131 210,95

Transfert au compte de Gordon

29 704

N.D.

461 752,17

                   

1 742,23 $

(4 413,46) $

Nota :

[1] Source : Divers relevés de courtage pour les dates indiquées.

[2] Le 22 mai 1991, Walwyn Stodgell Cochran Murray a fusionné avec Midland Walwyn.

Le cabinet de courtage a pris la raison sociale Richardson Greenshields à la même date.

Le cabinet de courtage a pris la raison sociale First Marathon le 9 sept. 1992.

[3] Durant l'année 1988, 4 460 583 actions privilégiées de premier rang de série F de Laidlaw ont été converties en 13 561 915 actions sans droit de vote de catégorie B (ratio de 1/3,040). Source : Rapport annuel de Laidlaw Transportation Ltd. pour 1988.

Sommaire de l'opération de couverture

                                                                  

Compte de Gordon Rezek    1 742,23 $

Compte de Gloria Rezek     (4 413,46)

Revenu(perte) net cumulatif (2 671,23)


HAYES c. SMR

Analyse des opérations sur titres - Walker Resources Inc. [1]

COMPTE DE PHILIP HAYES

COMPTE DE PATSY HAYES

Date

Instrument de placement

Type d'opération

Nbre

d'unités

Prix unitaire ($)

Montant($)

Revenu(perte)

Type d'opération

Nbre d'unités

Prix unitaire ($)

Montant($)

Revenu(perte)

Position

Position

A

C

D

E

F

G

H

I

J

K

L

M

30 juil. 85

Walker H Resources Ltd.

[4]

Vente à découvert

4 650

33,250

153 822,95

30 juil. 85

Hwalker Res- ONG 8.5 % 15 janv. 94

Achat à couvert

150 000

108,310

(162 988.97)

30 juil. 85

Walker H Resources Ltd

Position à découvert

4 650

30 juil. 85

Hwalker Res- ONG 8,5 % 15 janv. 94

[4]

Position à couvert

150 000

30 août 85

WT-H Walker Res-15 janv. 88

[5]

Reçu - Échange

4 650

30 août 85

Walker H Resources Ltd.

Position à découvert

4 650

30 août 85

Hwalker Res- ONG 8,5 % 15 janv. 94

[4]

Position à couvert

150 000

30 août 85

WT-H Walker Res-15 janv. 88

[5]

Position à couvert

4 650

11 févr. 86

Walker H Res-ADV CV 7,5 %

[9]

Achat à couvert

100

26,000

11 févr. 86

Walker H Res-ADV CV 7,5 %

[9]

Achat à couvert

2 500

26,125

(68 341,50)

11 févr. 86

WT-H Walker Res-15 janv. 88

[5]

Vente

100

2,800

11 févr. 86

WT-H Walker Res-15 janv. 88

[5]

Vente

45

2,850

398, 3

398,53

11 févr. 86

Walker H Resources Ltd

Position à découvert

4 650

11 févr. 86

Walker H Res-ADV CV 7,5 %

[9]

Position à couvert

2 600

11 févr. 86

Hwalker Res- ONG 8,5 % 15 janv.94

[4]

Position à couvert

150 000

11 févr. 86

WT-H Walker Re-15 janv. 88

[5]

   Position à couvert

4 505

12 févr. 86

Walker H Res- ADV CV 7,5 %

[9]

Achat à couvert

1 465

25,375

(37 416,11)

12 févr. 86

WT-H Walker Res-15 janv. 88

[5]

Vente

1 680

2,700

12 févr. 86

WT-H Walker Res-15 janv. 88

[5]

Vente

565

2,800

5 967,58

5 967,58

12 févr. 86

HWalker Res- ONG 8,5 % 15 janv. 94

[4]

Vente

150 000

89,750

135 603,09

(27 385,89)

12 févr. 86

Walker H Resources Ltd.

Position à découvert

4 650

12 févr. 86

Walker H Res-ADV CV 7,5 %

[9]

Position à couvert

4 065

12 févr.86

WT-H Walker Res-15 janv. 88

[5]

Position à couvert

2 260

Hayes c. SMR

Analyse des opérations sur titre - Walker Resources Inc. [1]

COMPTE DE PHILIP HAYES

COMPTE DE PATSY HAYES

Date

Instrument de placement

Type d'opération

Position

Nbre d'unités

Prix unitaire ($)

Montant($)

Revenu(perte)

Type d'opération

Position

Nbre d'unités

Prix unitaire ($)

Montant($)

Revenu(perte)

A

C

D

E

F

G

H

I

J

K

L

M

13 févr. 86

Walker H Res-ADV CV 7,5 %

[9]

Achat à couvert

25

25 625

13 févr. 86

Walker H Res-ADV CV 7,5 %

[9]

Achat à couvert

85

25 750

13 févr. 86

Walker H Res-ADV CV 7,5 %

[9]

Achat à couvert

20

25 875

13 févr. 86

Walker H Res-ADV CV 7,5 %

[9]

Achat à couvert

465

26 000

(15 535,06)

13 févr. 86

WT-H Walker Res-15 janv. 88

[5]

Vente

300

2,700

13 févr. 86

WT-H Walker Res-15 janv. 88

[5]

Vente

1 960

2,800

6 144,32

6 144,32

13 févr. 86

Walker H Resources Ltd

Position à découvert

4 650

13 févr. 86

W     Walker H Res- ADV CV                            7       7,5 %

[9]

Position à couvert

4 650

14 févr. 86

Walker H Res-ADV CV 7,5 %

[9]

Achat à couvert

265

26,000

(6 933,73)

18 févr. 86

Walker H Res-ADV CV 7,5 %

[9]

Achat à couvert

283

26,000

(7 404,70)

18 févr. 86

Walker H Resources Ltd

Position à découvert

4 650

18 févr. 86

Walker H Res- ADV CV 7,5 %

[9]

Position à couvert

5 208

22 avr. 86

Walker H Resources Ltd

Achat pour couvrir découvert

4 650

38,000

(176 800)

(22 977,05)

Vente à découvert

4 650

38,000

176 600

30 avr. 86

Walker H Res- ADV CV 7,5 %

[9]

Souscrit

ordinaire

5 208

30 avr. 86

Walker H Resources Ltd

Souscrit

ordinaire

4 650

30 avr. 86

Walker H Resources Ltd

Position à couvert

4 650

Position à découvert

4 650

28 oct. 86

Walker H Resources Ltd

Échange       [2]

4 650

    Échange [2]

4 650

28 oct. 86

Corporation Gulf Canada

Échange      [2]

12 090

Échange [2]

12 090

28 oct. 86

Corporation Gulf Canada

Position à couvert

12 090

Position à découvert

12 090


Hayes c. SMR

Analyse des opérations sur titres - Walker Resources Inc. [1]]

COMPTE DE PHILIP HAYES

COMPTE DE PATSY HAYES

Date

Instrument de placement

Nbre d'unités

Prix unitaire ($)

Montant($)

Revenu(perte)

Nbre d'unités

Prix unitaire ($)

Montant($)

Revenu(perte)

Type d'opération

Position

Type d'opération

Position

A

C

D

F

G

H

I

J

K

L

M

21 juil. 87

Corporation Gulf Canada

Échange

[3]

12 090

Échange

[3]

12 090

21 juil. 87

Gulf Canada Res-actions ord.

Échange

[3]

8 060

(62 543,41)[6]

Échange

[3]

8 060

81 053,99 [7]

21 juil. 87

Abitibi

Échange

[3]

3 554

(48 791,98)[6]

Échange

[3]

3 554

63 636,51 [7]

21 juil. 87

GW Utilities Res-ADV

Échange

[3]

2 418

(24 295,71)[6]

Échange

[3]

2 418

31 459,50 [7]

21 juil. 87

Gulf Canada Res-actions ord.

Position à couvert

8 060

Position à découvert

8 060

21 juil. 87

Abitibi

Position à couvert

3 554

Position à découvert

3 554

21 juil. 87

GW Utilities Res-ADV

Position à couvert

2 418

Position à découvert

2 418

9 janv. 91

GW Utilities Res-ADV

Vente

2 418

27,750

67 099,50

42 803,79

Achat pour couvrir le découvert

2 418

27,750

(67 249,50)

(35 790)

9 janv. 91

Gulf Canada Res-actions ord.

Position à couvert

8 060

Position à découvert

8 060

9 janv. 91

Abitibi

Position à couvert

3 554

Position à découvert

3 554

27 févr. 92

Gulf Canada Res-actions ord.

Transfert à Patsy

8 060

Reçu de Philip

8 060

18 960,58 [8]

27 févr.92

Abitibi

Transfert à Patsy

3 554

Reçu de Philip

3 554

14 844,53 [8]

19 826,74

(16 860,35)


Remarques :

[1]    Source : Divers états de courtage pour les dates indiquées.

[2]    Gulf et Hiram Walker ont conclu une entente pour fusionner les deux sociétés. En vertu du plan soumis aux actionnaires de Hiram Walker, chaque action ordinaire de Hiram était échangeable contre 2,6 actions ordinaires de Gulf ou un paiement comptant de 36 $ plus l'intérêt. Source : Financial Post Survey of Industrials, 1987.

[3]    En juillet 1987, pour chaque action de la Corporation Gulf Canada, les actionnaires ont reçu 0,666 action de Gulf Canada Resources Ltd., 0,29 action d'Abitibi et 0,2 action de GW Utilities Ltd. Source : Financial Post Survey-Predecessor and Defunct, 1999.

[4]    Chaque tranche de 1 000 $ du principal de l'obligation du 15 janvier 1995 est convertible en 31 actions ordinaires, au plus tard le 15 janvier 1998, par l'exercice simultané de 31 bons de souscription plus un paiement de 7,50 $. Source : Financial Post Survey of Industrials, 1985.

[5]    Trente et un bons de souscription étaient rattachés à chaque tranche de 1 000 $ du principal de l'obligation non garantie. Chaque bon de souscription permettait à son détenteur d'acheter une action ordinaire à 32,50 $ jusqu'au 15 janvier 1988. Source : Financial Post Survey of Industrials, 1985.

[6]    Le prix de ces actions est fondé sur le prix d'achat des actions convertibles à 7,5 % de Walker H Res en février 1986. La répartition des coûts entre les trois émissions est fondée sur les valeurs marchandes proportionnelles des actions combinées en juillet 1987.

[7]    Le prix de ces actions est fondé sur le prix des actions de Walker H Resources en avril 1986. La répartition des coûts entre les trois émissions est fondée sur les valeurs marchandes proportionnelles des actions combinées en juillet 1987.

[8]    Ces profits ont été établis en prenant le coût attribué aux actions selon la méthode décrite dans la note [6] et en les portant en compensation des ventes à découvert attribuées selon la méthode décrite dans la note [7].

[9]    Chaque action avec droit de vote convertible à 7,5 % permet à son détenteur de convertir celle-ci en une action ordinaire dont le prix unitaire est de 28 $ au 31 décembre 1989. Source : Financial Post Survey of Industrials, 1985.

Sommaire des opérations à découvert

Compte de Philip Hayes        19 826,74

Compte de Patsy Hayes         (16 860,35)

Revenu(perte) net cumulatif        2 966,39

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              


STEPHENS c. SMR

Analyse des opérations sur titres -

Alcan Aluminium [1]]

COMPTE DE STEPHEN STEPHENS

COMPTE DE TERRY STEPHENS

Date

Instrument de placement

Type d'opération

Nbre d'unités

Prix unitaire ($)

Montant($)

Revenu(perte)

Type d'opération

Nbre d'unités

Prix unitaire ($)

Montant($)

Revenu(perte)

Position

Position

A

C

D

E

F

G

H

I

J

K

L

M

10 nov. 86

Alcan Aluminium Ltée

Vente à découvert

8 000

43,750

349 520

10 nov. 86

BDS-Alcan Alum-31 déc. 86

[2]

Achat à couvert

8 000

7,750

(62 480)

10 nov. 86

Alcan Aluminium Ltée

Position à découvert

8 000

10 nov. 86

BDS-Alcan Alum-31 déc. 86

Position à couvert

8 000

11 déc. 86

BDS-Alcan Alum-31 déc. 86

[2]

Vente

8 000

5,625

44 520

(17 960)

11 déc. 86

Alcan Aluminium Ltée

Achat à couvert

8 000

41,000

(328 480)

11 déc. 86

Alcan Aluminium Ltée

Position à découvert

8 000

Position à couvert

8 000

...

...


Scott c. SMR

Analyse des opérations sur titres - Mines Placer (Placer Dome Inc) [1]

COMPTE DE MURIEL SCOTT

COMPTE DE PATRICIA SCOTT

Date

Instrument de placement

Type d'opération

Nbre d'unités

Prix unitaire ($)

Montant($)

   Revenu(perte)

Type d'opération

Nbre d'unités

Prix unitaire ($)

Montant($)

Revenu(perte)

Position

Position

A

C

D

E

F

G

H

I

J

K

L

M

20 mai 87

Mines Placer Ltée

Vente à découvert

1 500

49,750

20 mai 87

Mines Placer Ltée

Vente à découvert

3 500

49,875

20 mai 87

Mines Placer Ltée

Vente à découvert

500

50,125

249 012.50

20 mai 87

BDS-Mines Placer-30 sept. 88

[2]

Achat à couvert

1 500

20,625

20 mai 87

BDS-Mines Placer-30 sept. 88

[2]

Achat à couvert

3 000

20,750

20 mai 87

BDS-Mines Placer-30 sept.88

[2]

Achat à couvert

500

21,000

(103 98750)

20 mai 87

Mines Placer Ltée

Position à découvert

5 000

20 mai 87

BDS-Mines Placer-30 sept. 88

[2]

Position à couvert

5 000

10 juin 87

Mines Placer Ltée

fractionnement à 2 pour 1

5 000

10 juin 87

Mines Placer Ltée

Position à découvert

10 000

10 juin 87

BDS-Mines Placer-30 sept. 88

[2]

Position à couvert

5 000

29 juin 87

BDS-Mines Placer-30 sept. 88

[2]

Vente

250

11,500

2 860

(2 339,38)

29 juin 87

Mines Placer Ltée

Achat à couvert

600

     14 125US

(11 355,14)[5]

29 juin 87

Mines Placer Ltée

Achat à couvert

5 000

19,500

(97 650 )

29 juin 87

Mines Placer Ltée

Position à découvert

10 000

Position à couvert

5 600

29 juin 87

BDS-Mines Placer-30 sept. 88

[2]

Position à couvert

4 750

30 juin 87

BDS-Mines Placer-30 sept. 88

[2]

Vente

900

11,0000

9 846

(8 871,75)

30 juin 87

BDS-Mines Placer-30 sept. 88

[2]

Vente

250

11,125

2 766.25

(2 433,13)

30 juin 87

Mines Placer Ltée

Achat à couvert

1 400

14,125US

(26 485,42)[5]

30 juin 87

Mines Placer Ltée

Position à découvert

10 000

Position à couvert

7 000

30 juin 87

BDS-Mines Placer-30 sept. 88

[2]

Position à couvert

3 600


Scott c. SMR

Analyse des opérations sur titres - Placer Dome Inc. [1]

COMPTE DE MURIEL SCOTT

COMPTE DE PATRICIA SCOTT

Date

Instrument de placement

Type d'opération

Position

Nbre d'unités

Prix unitaire ($)

Montant($)

Revenu(perte)

Type d'opération

Position

Nbre d'unités

Prix unitaire ($)

Montant($)

Revenu(perte)

A

C

D

E

F

G

H

I

J

K

L

M

2 juil. 87

BDS-Mines Placer-30 sept. 88

[2]

Vente

1 500

10,750

16 080

(15 116,25)

2 juil. 87

BDS-Mines Placer-30 sept. 88

[2]

Vente

1 100

11,000

12 034

(10 843,25)

2 juil. 87

BDS-Mines Placer-30 sept. 88

[2]

Vente

1 000

11,375

11 315

(9 482,50)

2 juil. 87

Mines Placer Ltée

Achat à couvert

3 000

19,125

(57 465)

2 juil. 87

[3] Mines Placer Ltée

[4]

Position à découvert

10 000

[6]

(49 086,26)




[1]           Pièce 2.5, onglet 24.

[2]           Pièce 1.5B, onglet 2, page 2.

[3]           C.C.I., no 92-164(IT)G, 5 juillet 1997 (93 DTC 953), [1996] 1 C.F. 423 (C.A.).

[4]           C.C.I., no 97-628(IT)G, 18 mars 1994 (99 DTC 585), confirmé dans C.A.F., no A-6-99, 13 septembre 2001 (2001 DTC 5560).

[5]           [1995] 3 R.C.S. 103.

[6]            [1992] A.C.F. no 905.

[7]           [1994] 3 C.F. 83 (C.A.) (94 DTC 6265).

[8]            [1999] A.C.F. no 1874.

[9]           Pièce 2.5, onglet 28.

[10]          70 DTC 6370, à la page 6376.

[11]          99 DTC 5682 (C.S.C.).

[12]          [2001] 2 R.C.S. 1046 (2001 DTC 5533).

[13] Précitée, note 3.

[14] Précitée, note 4.

[15]          [1998] 2 R.C.S. 298.

[16]          [2001] 1 R.C.S. 367, à la page 382 (2001 DTC 5149).

[17]          Précitée, note 11.

[18]          Précitée, note 12.

[19]          2002 DTC 6983 (C.S.C.).

[20]          2002 DTC 6964 (C.S.C.).

[21]          Précitée, note 16.

[22]          [2001] 1 R.C.S. 391.

[23]          Précité, note 3, à la page 440.

[24]          Précité, note 15, paragraphe 43.

[25]          C.C.I., no 80-1266, 4 juillet 1986, aux pages 2 et 3 (86 DTC 1563, à la page 1564).

[26]           [1993] 4 R.C.S. 285 (93 DTC 5507).

[27]           [1998] 1 R.C.S. 147, aux pages 167 à 169 (98 DTC 6100, aux pages 6107 et 6108).

[28]          C.A.F., no A-158-86, 31 novembre 1988 (89 DTC 5019).

[29]          57 DTC 1232(C.S.C.).

[30]          Voir les dispositions modifiant les règles d'évaluation des biens figurant à l'inventaire reproduites à l'article 169.

[31]          Précité, note 26, à la page 286 (DTC : à la page 5508).

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