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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2002-660(IT)I

ENTRE :

T. EVANS ELECTRIC LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus avec l'appel de T. Evans Electric Ltd. (2002-659(GST))I)

le 1er octobre 2002, à Winnipeg (Manitoba), par

l'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions

Représentante de l'appelante :               Laurie Baird

Avocate de l'intimée :                           Me Laurel Irvine

JUGEMENT

          Les appels interjetés contre les nouvelles cotisations fiscales établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997, 1998 et 1999 sont accueillis et les nouvelles cotisations déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que les dépenses que l'appelante avait le droit de déduire relativement aux expéditions de pêche par avion ne devraient pas être limitées à 50 % en vertu de l'article 67.1 de la Loi.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d'octobre 2002.

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de septembre 2003.

Erich Klein, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2002-659(GST)I

ENTRE :

T. EVANS ELECTRIC LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu avec les appels de T. Evans Electric Ltd. (2002-660(IT)I)

le 1er octobre 2002, à Winnipeg (Manitoba), par

l'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions

Représentante de l'appelante :               Laurie Baird

Avocate de l'intimée :                           Me Laurel Irvine

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 15 juin 2000 et porte le numéro 09CR0006650, pour la période de déclaration du 1er février 1997 au 30 avril 1999, est accueilli et la cotisation est annulée.


Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d'octobre 2002.

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de septembre 2003.

Erich Klein, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20021010

Dossier: 2002-659(GST)I

2002-660(IT)I

ENTRE :

T. EVANS ELECTRIC LTD.

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Miller, C.C.I.

[1]      T. Evans Electric Ltd. interjette appel, sous le régime de la procédure informelle, contre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « LIR » ) pour les années d'imposition 1997, 1998 et 1999 et d'une décision du ministre du Revenu national prise en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (la « LTA » ) relativement à la période du 1er février 1997 au 30 avril 1999. Dans le cas des appels en matière d'impôt sur le revenu, il s'agit de déterminer si l'appelante a le droit de déduire la totalité des dépenses liées aux expéditions de pêche d'un jour avec transport par avion offertes à ses clients, ou si la déduction est limitée à 50 % de telles dépenses conformément à l'article 67.1 de la LIR. Il s'agit également de déterminer si la déduction pour amortissement relative à l'avion de la société utilisé pour le transport des clients dans le cadre de ces expéditions de pêche est également visée par l'article 67.1 de la LIR. La réponse à ces questions déterminera si le paragraphe 236(1) de la Loi sur la taxe d'accise s'applique.

[2]      Les faits de l'espèce ne sont pas contestés. L'appelante est un entrepreneur en électricité et est inscrite aux fins de la taxe sur les produits et services (TPS). L'appelante a acquis un avion de type Cessna 180B en juin 1990, au moment où elle soumissionnait relativement à des contrats dans des régions nordiques accessibles uniquement par avion. L'appelante n'a pas obtenu ces contrats, mais elle a néanmoins conservé l'avion. Un des actionnaires de l'appelante est pilote et aime piloter. Il lui arrive de piloter pour le plaisir avec sa famille. L'actionnaire utilise également l'avion pour transporter des clients en expédition de pêche d'un jour à des lacs nordiques éloignés. On parlait toujours affaires à ces occasions, loin du tohu-bohu et des pressions électroniques de la ville. L'appelante a inscrit la totalité des coûts d'utilisation de l'avion comme des dépenses mais, à la fin de l'exercice, un montant raisonnable a été imputé au compte de prêt à l'actionnaire pour l'utilisation de l'avion par l'actionnaire à ses fins personnelles, ou un avantage imposable pour cet actionnaire a été inscrit.

[3]      Les coûts d'utilisation de l'avion en 1997, 1998 et 1999, autres que ceux liés à l'utilisation personnelle de l'actionnaire, étaient les dépenses engagées pour les expéditions de pêche offertes aux clients de l'appelante. Ces dépenses se sont établies à 3 523 $ en 1997, à 15 775 $ en 1998 et à 4 126 $ en 1999. L'appelante a réclamé à l'égard de l'avion une déduction pour amortissement de 2 018 $ pour 1997, de 1 513 $ pour 1998 et de 1 135 $ pour 1999.

[4]      L'appelante a payé un montant de 15 444 $ relativement aux expéditions de pêche ayant eu lieu entre le 1er février 1997 et le 31 janvier 1998, et elle a réclamé un crédit de taxe sur les intrants de 1 081 $. Elle a payé un montant de 4 126 $ relativement aux expéditions de pêche faites entre le 1er février 1998 et le 31 janvier 1999 et elle a réclamé un crédit de taxe sur les intrants de 270 $. L'appelante n'a pas inclus la moitié du montant des crédits de taxe sur les intrants dans le calcul de sa taxe nette aux fins de la LTA.

[5]      Les textes de loi pertinents se lisent comme suit :

          Loi de l'impôt sur le revenu

67.1(1)Pour l'application de la présente loi, sauf des articles 62, 63 et 118.2, un montant payé ou payable pour des aliments, des boissons ou des divertissements pris par des personnes est réputé correspondre à 50% du moins élevé du montant réellement payé ou payable et du montant qui serait raisonnable dans les circonstances.

67.1(4)Pour l'application du présent article :

a)          aucun montant payé ou payable pour un voyage à bord d'un avion, d'un train ou d'un autobus ne peut être considéré comme payé ou payable pour des aliments, des boissons ou des divertissements pris pendant le voyage;

b)          sont assimilés à des divertissements les loisirs et les amusements.

Loi sur la taxe d'accise

236(1) Lorsqu'un inscrit est l'acquéreur d'une fourniture de divertissements, d'aliments ou de boissons, ou verse une indemnité relative à une telle fourniture, et que le paragraphe 67.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu s'applique à la fourniture ou à l'indemnité, ou s'y appliquerait si l'inscrit était un contribuable aux termes de cette loi, un montant correspondant à 50 % du total des montants représentant chacun un crédit de taxe sur les intrants demandé, relativement à la fourniture ou à l'indemnité, dans une déclaration visant une période de déclaration de l'exercice de l'inscrit est ajouté dans le calcul de la taxe nette pour la période suivante :

a)          dans le cas où l'inscrit cesse au cours ou à la fin de cet exercice d'être inscrit aux termes de la sous-section d, sa dernière période de déclaration de cet exercice;

b)          dans le cas où la période de déclaration de l'inscrit de cet exercice correspond à cet exercice, cette période;

c)          dans les autres cas, la période de déclaration de l'inscrit qui commence immédiatement après la fin de cet exercice.

[6]      Il s'agit de déterminer si les dépenses d'utilisation de l'avion pour ces expéditions de pêche, ainsi que la déduction pour amortissement, se rapportent à des loisirs.

[7]      L'appelante soutient que les coûts de transport ne font pas partie des loisirs et que le voyage en avion n'est guère divertissant. C'est l'activité récréative elle-même, soit la pêche, qui devrait être visée et non le moyen de transport utilisé pour s'y rendre. L'appelante prétend que si l'on tirait une autre conclusion, il serait alors nécessaire d'appliquer la limite de 50 % aux frais d'utilisation d'une automobile pour conduire un client à un dîner.

[8]      De plus, l'appelante soulève relativement à la déduction pour amortissement l'argument suivant : si l'article 67.1 s'applique de manière à limiter la déduction pour amortissement à 50 %, cela n'a pas pour effet de réduire la déduction pour amortissement aux fins de l'établissement du montant de la récupération lors de la disposition de l'avion et, par conséquent, donnera lieu à un genre de double imposition.

[9]      L'intimée fait valoir pour sa part que la récréation débute non pas lorsque les passagers descendent de l'avion à leur arrivée au lac, mais bien lorsqu'ils embarquent dans l'avion et que, par conséquent, toutes les dépenses liées à l'avion font partie de la récréation et sont ainsi assujetties à la restriction de l'article 67.1. L'intimée a invoqué à l'appui de sa position l'arrêt Sie-Mac Pipeline Contractors Ltd. c. La Reine[1], qui traite de l'applicabilité de l'alinéa 18(1)l) de la LIR. Elle s'est appuyée également sur le Bulletin d'interprétation IT-518R, et plus particulièrement sur l'alinéa 18f), qui se lit comme suit :

18.        L'alinéa 67.1(4)b) précise que les loisirs et les amusements sont compris dans les « divertissements » . L'article 67.1 parle de « divertissements pris par des personnes » . Il s'agit uniquement de personnes qui participent à un événement ou qui bénéficient d'un service. Voici une liste, non exhaustive, des coûts et des frais considérés comme des frais de divertissement assujettis à la limite de 50 %.

a)         le coût des billets pour une pièce de théâtre, un concert, un événement sportif ou tout autre spectacle;

            b)          le coût des loges dans des installations sportives;

c)          les frais de location de chambres dans un but de divertissement, comme une suite consacrée à la rencontre des délégués pendant un congrès;

            d)          le coût d'une croisière;

            e)          les frais d'entrée à un défilé de mode;

f)           les frais de divertissements pour des invités dans des boîtes de nuit et dans des clubs athlétiques, sociaux et sportifs, ainsi que les frais pour des vacances et d'autres excursions semblables.

Les dépenses reliées aux éléments énumérés ci-dessus, comme les taxes, les pourboires et les frais d'entrée, sont aussi assujetties à la limite de 50 %.

[10]     En ce qui a trait à l'applicabilité de l'article 67.1 à la déduction pour amortissement, l'intimée soutient que l'expression anglaise « in respect of » ( « pour » dans la version française), en tant qu'elle se rapporte aux divertissements pris par des personnes, doit recevoir l'interprétation la plus large possible, comme l'indique la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Nowegijick c. La Reine et al.[2]; elle comprendrait donc la déduction pour amortissement relative au véhicule qui est un élément essentiel de la fourniture du divertissement ou des loisirs. L'intimée prétend que l'argument avancé par l'appelante relativement à la récupération de l'amortissement est erroné, car seul le montant moins élevé de déduction pour amortissement (soit 50 %) serait utilisé aux fins du calcul de la récupération lors de la disposition.

Analyse

[11]     Ce qui est en litige c'est les coûts d'utilisation d'un avion employé pour le transport de clients dans le Nord pour une journée de pêche et de discussions d'affaires informelles. Il ne fait aucun doute que la pêche elle-même est visée par l'expression « divertissements pris par des personnes » et, par conséquent, les sommes versées relativement à la pêche sont assujetties à la limite de 50 %. Mais les coûts de fonctionnement de l'avion, comme les frais de carburant, ont-ils un lien suffisamment étroit avec l'activité récréative qu'est la pêche pour justifier l'application de la limite de 50 %? Voilà qui se ramène à la question de savoir à quel moment la récréation débute. Commence-t-elle au moment où les clients prennent place dans l'avion ou lorsqu'ils en sortent à leur arrivée au lac? Je me reporte au Bulletin d'interprétation auquel l'intimée m'a renvoyé, et plus particulièrement à la phrase précisant le sens de l'expression « divertissements pris par des personnes » : « Il s'agit uniquement de personnes qui participent à un événement ou qui bénéficient d'un service. » On semble exclure précisément le transport pour s'y rendre et s'en retourner. Le Bulletin indique plus loin, dans une énumération de frais de divertissement, le coût d'une croisière, mais ne mentionne pas le prix du billet d'avion, de train ou d'autobus pour se rendre à la croisière. Je ne retiens pas l'argument selon lequel le transport aller-retour est implicitement inclus; en fait, c'est tout le contraire. La publicité sur les croisières, pour poursuivre avec le même exemple, parle le plus souvent soit de la croisière tout simplement, soit de la croisière et du billet d'avion. L'activité récréative dont il est question en l'espèce est la pêche. Voyager à bord d'un bruyant petit Cessna pour se rendre au lieu de la pêche peut être amusant pour certains, mais probablement pas pour la majorité des gens. Même si j'adopte une interprétation large du terme « pour » en tant qu'il se rapporte au divertissement qu'est la pêche, je ne crois pas que ce terme englobe les coûts d'utilisation d'un avion pour se rendre au lieu de la pêche. La pêche débute lorsqu'on arrive au lac.

[12]     Les éléments énumérés à l'alinéa 18f) du Bulletin d'interprétation IT-518R ne sont pas suffisamment explicites pour inclure les coûts d'utilisation d'un avion. L'énumération comprend les frais de divertissements pour des invités pour des vacances ou d'autres excursions semblables. Il s'agit des frais de divertissements pour des clients au cours des vacances et non des frais de transport des clients jusqu'au lieu des vacances, c'est-à-dire du divertissement. Il existe une distinction entre les frais de divertissement réels et les frais de transport. Je suis d'avis que les coûts de l'appelante pour l'utilisation de l'avion entrent dans la deuxième catégorie. C'est la pêche qui constitue le divertissement ou l'activité récréative et non le vol.

[13]     Je suis de cet avis en dépit de l'arrêt Sie-Mac invoqué par l'intimée, puisque cet arrêt portait sur une exception précise prévue par la loi (l'alinéa 18(1)l)de la LIR). Le juge Linden a conclu que les dépenses engagées pour l'utilisation d'un chalet incluaient également les frais du vol pour se rendre au chalet. Le libellé de l'alinéa 18(1)l) diffère sensiblement de celui de l'article 67.1, ce dernier visant non pas l'utilisation d'un chalet mais plutôt les divertissements pris par des personnes. Bien qu'elle soit subtile, il y a néanmoins une distinction entre prendre un avion pour se rendre à un chalet, ce qui est considéré comme inclus dans l'utilisation du chalet, et prendre un avion pour se rendre à un lac, ce qui n'est pas considéré comme inclus dans le divertissement qu'est la participation à une partie de pêche. La distinction tient au fait que, dans le deuxième cas, il doit y avoir un divertissement, et plus particulièrement un divertissement consistant dans la participation à une activité récréative. En l'espèce, le transport ne constitue pas la partie divertissante du voyage, mais représente plutôt un obstacle devant nécessairement être franchi pour se rendre au lieu de la pêche. La récréation c'est la pêche et elle débute lorsque le client descend de l'avion à son arrivée au lac. Par conséquent, les coûts de l'utilisation de l'avion pour s'y rendre ne sont pas visés par le libellé explicite de l'article 67.1 de la LIR. Les appels sont accueillis et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que l'article 67.1 ne s'applique pas aux coûts d'utilisation, y compris la déduction pour amortissement, relatifs à l'avion de l'appelante et que, par conséquent, l'article 236 de la LTA ne s'applique pas.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d'octobre 2002.

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de septembre 2003.

Erich Klein, réviseur



[1]           [1991] A.C.F. n ° 1083 (QL)(C.A.F.) (92 DTC 6461) et [1993] 1 R.C.S. 895 (93 DTC 5158).

[2]           [1983] 1 R.C.S. 29 (83 DTC 5041).

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