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Date: 20010123

Dossier: 1999-1229-IT-I

ENTRE :

ALBERT LAVALLÉE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(prononcés oralement à l'audience le 25 janvier 2000, à Québec (Québec), et modifiés par la suite pour plus de clarté)

Le juge Archambault, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel de monsieur Albert Lavallée qui conteste une cotisation établie par le ministre du Revenu national (ministre) à l'égard de l'année d'imposition 1990. Le ministre a refusé, dans le calcul du revenu de monsieur Lavallée, la déduction d'un montant de 10 860 $ à titre de pertes locatives relatives à une propriété située au 5865, rue Saint-Laurent, appartement 404, Lévis (Québec) (propriété de Lévis). Ces pertes sont attribuables à des dépenses d'intérêts et d'impôts fonciers.

Faits

[2]            Au début de l'audience, monsieur Lavallée a admis les alinéas 4a), b) et c) de la Réponse à l'avis d'appel et je les reproduis ici :

a)              la propriété n'a jamais été louée par l'appelant;

b)             selon un relevé bancaire de la Banque royale de Lévis en date du 14 novembre 1989, l'adresse de l'appelant est l'adresse de la propriété;

c)              selon les représentants des Institutions financières avec lesquelles l'appelant fait affaires, l'adresse de l'appelant est l'adresse de la propriété.

[3]            La preuve a révélé que monsieur Lavallée était, à l'époque, un ingénieur au ministère des Transports du Québec. Il était marié et père de huit enfants mais, au cours des années 1988 et 1989, il était en instance de divorce. Compte tenu de l'importance des frais juridiques engagés dans le cadre de la procédure de divorce, un règlement (règlement) à l'amiable prévoyant le partage du patrimoine familial a été négocié grâce aux efforts d'un notaire. Ce règlement a été signé vers le 25 octobre 1989 et était rétroactif au 1er octobre 1989.

[4]            À la même époque, monsieur Lavallée possédait trois propriétés locatives : un immeuble de seize appartements acquis en 1973 et vendu au cours du mois de janvier 1988, un immeuble de cinq appartements acquis en 1966 et un terrain de stationnement. De plus, la famille Lavallée possédait un dépanneur qui était principalement exploité par madame Lavallée assistée de ses enfants. Monsieur Lavallée était aussi impliqué comme bailleur de fonds.

[5]            La propriété de Lévis a été acquise par monsieur Lavallée au mois de juillet ou d'août 1988 avec l'aide de sa fille, Louise, qui était courtière en immeubles ou sur le point de le devenir. Monsieur Lavallée était plutôt enclin à acheter un appartement plus petit mais, sur la recommandation de sa fille, qui croyait que cela serait plus avantageux, il a acquis un appartement plus spacieux. Quoique un peu vague dans ses propos, monsieur Lavallée a dit vouloir que cette propriété fasse partie un jour du patrimoine de sa fille.

[6]            Dès le début, la propriété de Lévis aurait été mise sur le marché pour vente ou pour location. Toutefois, la preuve a révélé qu'à partir du mois de juillet ou d'août 1988 jusqu'à aujourd'hui la propriété n'a jamais été louée. Après son acquisition, la propriété est demeurée inoccupée jusqu'au mois d'octobre 1989. À compter de cette date, monsieur Lavallée l'a occupée de façon intermittente. Les planchers n'avaient pas encore été recouverts à ce moment-là. C'est à cette époque qu'il négociait le règlement mentionné ci-dessus. Pour l'année 1989, la preuve révèle que monsieur Lavallée a engagé des frais de 876,84 $. Selon la pièce A-1, monsieur Lavallée aurait occupé la propriété de Lévis en 1990 au cours des mois de janvier, février, avril, mai, juillet, août et septembre. Monsieur Lavallée affirme avoir aussi résidé chez une amie de Lévis et dans un appartement situé au-dessus du dépanneur qui appartenait à sa famille.

[7]            À compter de 1991, la propriété de Lévis est devenue la résidence principale de monsieur Lavallée et il l'occupe toujours au moment de l'audience. La preuve a révélé que des dépenses de publicité de 112,23 $ ont été engagées en 1991 relativement à cette propriété.

Analyse

[8]            Pour pouvoir déduire ses dépenses locatives relatives à la propriété de Lévis — qui se chiffrent à 12 724,41 $ mais dont 10 860 $ ont été refusés par le ministre[1] — il est important que ces dépenses aient été engagées dans le but de tirer un revenu d'une entreprise, que cette entreprise soit une affaire de caractère commercial ou un projet comportant un risque de nature commerciale, ou dans le but de tirer un profit de la location de la propriété.

[9]            En déterminant si tel est le cas, il ne faut pas, suivant le paragraphe 9(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Loi), tenir compte du gain en capital que pourrait réaliser monsieur Lavallée lors de la disposition de cette propriété. Il est possible de déduire les dépenses engagées relativement à la propriété de Lévis si elle a été acquise dans le cadre d'un projet comportant un risque de nature commerciale.

Toutefois, comme je l'ai dit dans l'affaire Stein v. The Queen, 96 DTC 1526, les dépenses engagées dans de telles circonstances ne sont déductibles que dans l'année de la vente de la propriété.

[10]          Il est important de rappeler que c'est monsieur Lavallée qui avait la charge de démontrer qu'il n'a pas utilisé la propriété de Lévis à des fins personnelles et qu'il a droit à la déduction de dépenses qu'il réclame.

[11]          Ici, à mon avis, monsieur Lavallée n'a pas réussi à faire cette preuve. Certains éléments de la preuve indiquent que cette propriété était détenue dans le cadre d'un projet comportant un risque de nature commerciale. Tout d'abord, il y a le fait que sa fille était active dans l'immobilier et qu'elle semble avoir eu un rôle assez important dans la sélection de l'immeuble. Il y a aussi le fait que la propriété a été mise en vente rapidement après son acquisition. Tel que je l'ai mentionné plus haut, si cette propriété avait été acquise dans le cadre d'un projet comportant un risque de nature commerciale, des dépenses seraient déductibles, mais uniquement dans l'année de la vente.

[12]          Il est aussi possible que la propriété de Lévis ait été acquise dans un but d'utilisation personnelle. Quoique la fille de monsieur Lavallée possédât sa propre résidence, la preuve a révélé qu'elle pouvait être à la recherche d'une autre résidence en raison de certains problèmes reliés à celle qu'elle avait déjà. De plus, il y a, bien évidemment, l'utilisation personnelle de la propriété en cause par monsieur Lavallée. Selon son relevé bancaire de la Banque Royale de Lévis en date du 14 novembre 1989 et selon les représentants des institutions financières avec lesquelles il faisait affaire, la propriété de Lévis était sa résidence.

[13]          Toutefois, peu importe que l'on conclue que l'achat de la propriété a été effectué dans le cadre d'une entreprise spéculative ou bien pour des fins personnelles, la preuve n'a pas établi qu'elle avait été acquise dans le but de la louer pour en tirer un profit.

[14]          Les éléments qui appuient cette conclusion sont les suivants. La propriété de Lévis n'a jamais été louée. Elle est demeurée inoccupée au tout début pour une période de 14 ou 15 mois. Le fait qu'il est parti en France alors qu'il ne savait pas encore si les planchers avaient été recouverts constitue un sérieux indice d'un manque d'intérêt pour la location de cette propriété. Par la suite, elle a été occupée par monsieur Lavallée lui-même de façon intermittente jusqu'à ce que cette occupation devienne permanente en 1991.

[15]          Rien dans les démarches de monsieur Lavallée ne révèle la conduite d'un locateur sérieux. Les seules dépenses qui pourraient se rapporter à la location de la propriété de Lévis sont les dépenses de publicité qui, à mon avis, se rapportent davantage à la vente qu'à la location. Il n'y a eu aucune démarche sérieuse pour trouver des locataires. D'ailleurs, monsieur Lavallée a indiqué qu'il était peu intéressé à trouver de tels locataires, compte tenu de son intention de vendre la propriété.

[16]          Donc, pour tous ces motifs, l'appel de monsieur Lavallée est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de janvier 2001.

J.C.C.I.



[1] Il est à noter que l'analyse des dépenses déduites par monsieur Lavallée en 1990 ne permet pas de déterminer à quelles propriétés locatives elles se rapportent, ce qui pourrait expliquer pourquoi le ministre n'a pas refusé toutes les dépenses relatives à la propriété de Lévis. Évidemment, cette Cour n'a pas compétence pour augmenter le montant de la cotisation; tout ce qu'elle peut faire, c'est d'annuler la cotisation ou en diminuer le montant.

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