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1999-3933(IT)I

ENTRE :

PAUL LEBLANC,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 19 juillet 2000, à Québec (Québec), par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                            Me Stéphane Arcelin

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995 et 1996 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de novembre 2000.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


Date: 20001101

Dossiers :1999-3933(IT)I

ENTRE :

PAUL LEBLANC,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'un appel concernant les années d'imposition 1995 et 1996.

[2]      Les questions en litige sont les suivantes :

a)          déterminer si les dépenses réclamées au cours des années d'imposition 1995 et 1996, à l'égard de la propriété sise à Chalk River, ont été engagées par l'appelant en vue de tirer un revenu d'un bien ou d'une entreprise ou de faire produire un revenu à un bien ou une entreprise;

b)          déterminer si le ministre a correctement établi les intérêts sur remboursement en trop lors de l'émission des nouvelles cotisations datées du 14 décembre 1998, à l'encontre de l'appelant et à l'égard des années d'imposition 1995 et 1996.

[3]      Pour établir les cotisations dont le présent appel fait objet, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) a tenu pour acquis les faits suivants :

a)          la propriété, sise au 49, rue Cook, dans la ville de Chalk River et dans la province de l'Ontario, fut acquise en 1988 par l'appelant;

b)          la propriété a été utilisée à titre de résidence familiale pendant la période de 1988 à 1992;

c)          l'appelant, un membre de l'Armée canadienne, fut muté au cours de l'année 1992 à la base militaire de Valcartier dans la province de Québec, pour une durée temporaire de deux ans;

d)          l'appelant loua sa résidence à un militaire pour une période de deux ans, se terminant au mois de mai 1994;

e)          en septembre 1993, l'appelant a été avisé qu'il ne retournerait pas travailler à la base de Petawawa;

f)           l'appelant, avec l'aide d'un courtier immobilier, a mis sa maison en vente à partir du mois de février 1994;

g)          la propriété de l'appelant en fut pas louée pour la période s'échelonnant de juin 1994 jusqu'à sa vente en mars 1996;

h)          l'appelant a reçu une somme de 600 $ mensuellement de l'Armée canadienne, pour une période s'échelonnant du mois de juin 1994 au mois de mai 1995, parce que sa propriété sise à Chalk River était inhabitée;

i)           l'appelant n'avait aucun espoir raisonnable de tirer un profit, à l'égard de la propriété sise à Chalk River, au cours des années d'imposition 1995 et 1996;

j)           les dépenses de location réclamées pour les années d'imposition 1995 et 1996, à l'égard de la propriété de Chalk River, constituaient des frais personnels ou des frais de subsistance de l'appelant, et n'ont pas été engagées par le dit appelant dans le dessein de tirer un revenu d'un bien ou d'une entreprise;

k)          la déclaration de revenus à l'égard de l'année d'imposition 1995 devait être produite au plus tard le 30 avril 1996;

l)           le 18 mars 1996, pour l'année d'imposition 1995, l'appelant a été remboursé d'une somme excédentaire de 3 575,82 $ à laquelle il avait droit

m)         à l'égard de l'année d'imposition 1995, les intérêts prescrits sur le remboursement en trop de 2 875, 34 $ s'élevaient à une somme de 717,36 $ pour la période s'échelonnant du 30 avril 1996 au 14 décembre 1998;

n)          la déclaration de revenus à l'égard de l'année d'imposition 1996 devait être produite au plus tard le 30 avril 1997;

o)          le 14 avril 1997, pour l'année d'imposition 1996, l'appelant a été remboursé d'une somme excédentaire de 1 788,09 $ à laquelle il avait droit;

p)          à l'égard de l'année d'imposition 1996, les intérêts prescrits sur le remboursement en trop de 970,12 $ s'élevaient à une somme de 140,62 $ pour la période s'échelonnant du 30 avril 1997 au 14 décembre 1998.

[4]      Assermenté, l'appelant a admis le contenu des faits pris pour acquis par le Ministre, à l'exception des sous-paragraphes i) et j) de la Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse » ).

[5]      L'appelant, un militaire de formation ayant à son actif une longue et brillante carrière dans les forces armées canadiennes (les « F.A.C. » ), a témoigné d'une manière franche, honnête et très sympathique.

[6]      Il a expliqué qu'il avait subi d'importantes pertes financières, conséquentes à ses transferts acceptés, mais non sollicités.

[7]      Dans un premier temps, il a indiqué avoir fait l'acquisition en 1988 d'une résidence située sur la rue Cook à Chalk River en Ontario. En 1992, on lui a attribué une mission au terme de laquelle il devait être absent pour une période de deux ans. Durant cette période, il a loué sa résidence à un collègue.

[8]      Au retour de mission, les autorités militaires lui assignaient un autre poste qui l'obligeait à vendre la résidence familiale.

[9]      Entre temps, la situation financière dans la région de Chalk River s'était considérablement détériorée principalement à cause de la fermeture d'une base militaire et de quelques entreprises, rendant ainsi le marché immobilier très précaire.

[10]     Outre ce problème, il a dû renoncer à l'idée de louer sa résidence; en effet les F.A.C. prévoyaient le paiement d'une indemnité lors d'un transfert définitif, à la condition que l'immeuble ne soit pas habité et cela de manière à ne pas nuire à la vente.

[11]     L'appelant a donc subi une perte financière de deux ordres. En premier lieu, les revenus de location, et par la suite l'indemnité payée par l'armée, étaient inférieurs aux coûts réels. Dans un deuxième temps, le marché immobilier s'étant déprécié, l'appelant a dû subir de lourdes pertes financières lors de la vente de sa résidence.

[12]     S'en étant remis à son comptable, ce dernier a réclamé les pertes subies comme s'il s'était agi de dépenses effectuées dans le but de tirer un revenu d'un bien ou d'une entreprise.

[13]     L'appelant a lui-même reconnu qu'il ne s'agissait pas d'une entreprise en ce sens qu'il n'avait pas fait de plan ni rien orchestré pour que l'opération devienne éventuellement viable ou rentable; l'appelant voulait essentiellement réduire ses pertes au maximum des suites de l'obligation de vendre la résidence familiale; en d'autres termes, l'appelant a essentiellement tout fait en son possible pour minimiser ses pertes.

[14]     La preuve a aussi établi qu'à l'époque en question, les F.A.C. n'avaient pas de programme de soutien véritable dans les cas où un militaire devait vendre sa résidence à la suite d'un transfert permanent. Tout ce qui existait était une compensation mensuelle pour une durée limitée qui ne tenait aucunement compte des pertes réelles et qui, au surplus, exigeait pour être payable, que la résidence soit inoccupée ou non louée.

[15]     Dans les mois qui ont suivi la vente de sa résidence, les F.A.C. ont mis en place un système amélioré et bonifié et surtout plus réaliste. L'appelant n'a pu profiter du régime révisé étant donné que le programme n'était pas rétroactif.

[16]     S'appuyant sur les alinéas 18(1)a) et 18(1)h) de la Loi de l'impôt sur le Revenu, (la « Loi » ) :

          ...

a)          Restriction générale - les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou du bien;

...

h)          Frais personnels ou de subsistance - le montant des frais personnels ou de subsistance du contribuable -- à l'exception des frais de déplacement engagés par celui-ci dans le cadre de l'exploitation de son entreprise pendant qu'il était absent de chez lui;

...

et sur la jurisprudence pertinente dont notamment les arrêts :

·         Audet c. La Reine, [1999] CarswellNat 296;

·         Mastri c. La Reine, 94 DTC 6499 (C.A.F.);

·         Mohammad c. La Reine, [1998] 1 C.F. 165 (C.A.F.);

·         Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480;

·         Tonn c. La Reine, [1996] 2 C.F. 73 (C.A.F.);

l'intimée a soutenu qu'il s'agissait de frais personnels et que de ce fait, l'appel était mal fondé.

[17]     De son côté, l'appelant a reconnu que la jurisprudence ne lui était pas favorable, mais qu'il existait certainement d'autres décisions appuyant le bien-fondé de ses prétentions. Malheureusement, les faits révélés par la preuve ne permettent pas de conclure autrement qu'il s'agissait bel et bien de frais personnels. Le Tribunal comprend qu'il s'agissait de pertes réelles que l'appelant a subies des suites d'une décision étrangère à sa volonté. (ses deux transferts)

[18]     Par contre, ce Tribunal a l'obligation de s'en remettre à la Loi et à la jurisprudence, qui en l'espèce commandent de confirmer le bien-fondé de la position de l'intimée quant aux cotisations. Il ne m'appartient pas de commenter ou critiquer les mesures administratives des F.A.C. applicables lors des déménagements des militaires; mais il me semble qu'elles ne devraient pas permettre que leurs membres, qui consacrent leur vie au mieux-être de la population canadienne à coup de travail, de sacrifices et de contraintes de toute nature sur le plan familial, soient en outre fortement pénalisés sur le plan financier lorsque le devoir les oblige à quitter la région où ils ont établi leur résidence familiale.

[19]     Le Ministre ne peut être substitué au ministère de la Défense pour l'assumer les obligations qui lui incombent. Malheureusement, l'appelant a été victime de mesures administratives désuètes et mesquines.

[20]     Ceci étant, ce Tribunal doit essentiellement s'en remettre aux dispositions de la Loi qui, en l'espèce exige la confirmation du bien-fondé des cotisations. Quant aux intérêts, il s'agit là d'une question sur laquelle je n'ai aucune compétence; seul le Ministre a la discrétion pour intervenir en cette matière.

[21]     Conséquemment, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada ce 1er jour de novembre 2000.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :       1999-3933(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Paul LeBlanc et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 19 juillet 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                    le 1 novembre 2000

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                        L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                  Me Stéphane Arcelin

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                   Nom :          

                   Étude :                  

Pour l'intimée :                          Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

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