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Date: 20001115

Dossier: 1999-4801(IT)I

ENTRE :

MICHEL FOSTER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

(prononcés oralement à l'audience

le 8 septembre 2000 à Montréal (Québec)

et modifiés pour plus de clarté)

Le juge Archambault, C.C.I.

[1]      Monsieur Michel Foster conteste un avis de cotisation établi par le ministre du Revenu national (ministre) à l'égard de l'année d'imposition 1997. Dans le calcul du revenu de monsieur Foster, le ministre a refusé la déduction d'une somme de 22 500 $ versée à madame Andrée Boivin le 5 novembre 1997. Le ministre prétend que cette somme ne représente pas une pension alimentaire déductible en vertu de l'article 60 de la Loi de l'impôt sur le revenu (Loi).

[2]      Au début de l'audience, la procureure de monsieur Foster a admis les alinéas suivants de la réponse à l'avis d'appel : 3 a), b), c), d), e) et f). La seule autre preuve produite au cours de l'audience consiste dans deux documents : le premier, la « déclaration amendée en divorce » de madame Andrée Boivin et, le deuxième, la décision rendue le 7 août 1997 par la Cour supérieure du Québec accueillant la demande de divorce et fixant certaines modalités pour le versement d'une pension alimentaire et d'une somme globale.

[3]      Dans la déclaration amendée en divorce, on retrouve les passages pertinents suivants :

17. La partie demanderesse demande une pension alimentaire de 500 $ par semaine pour son entretien, payable d'avance à son domicile, le jeudi de chaque semaine, et que ladite pension alimentaire soit indexée de la façon prévue à l'article 590 du Code civil du Québec;

18. La demanderesse demande en outre que le défendeur lui verse au début de chaque session, un montant de 765,55 $ sur présentation de sa preuve d'inscription aux études à temps plein, et ce, pour acquitter ses frais de base universitaire;

19. La partie demanderesse demande également une somme globale de 7 000 $ pour l'achat d'un véhicule automobile usagé;

20. La partie demanderesse demande une somme globale de 60 000 $ en règlement complet et final de toutes les obligations alimentaires du défendeur et représentant :

6 698 $ : pour les frais de dentiste;

7 000 $ : pour l'achat d'un véhicule automobile d'occasion;

5 000 $ : représentant deux années et demie de frais de scolarité;

9 400 $ : pour couvrir le paiement partiel des dettes de la partie demanderesse;

32 000 $ : à titre alimentaire;

et ce, pour faciliter le rétablissement de la demanderesse et lui éviter toute dépendance de quelque nature que ce soit avec le défendeur dans l'avenir;

21. La partie demanderesse demande à la Cour de procéder au partage de la valeur du patrimoine familial des parties.

[4]      Dans les conclusions de cette déclaration, on retrouve ce qui suit :

CONDAMNER la partie défenderesse et lui ORDONNER de payer à la partie demanderesse, pour son entretien une pension alimentaire hebdomadaire de 500 $, payable d'avance à son domicile;

ORDONNER l'indexation de ladite pension [...];

CONDAMNER la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse une somme globale de 7 000 $ pour l'achat d'un véhicule automobile usagé;

Subsidiairement, CONDAMNER, la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse une somme forfaitaire globale de 60 000 $ en règlement complet et final de toute obligation alimentaire;

                                                                        [Je souligne.]

[5]      À la page 2 desa décision, le juge de la Cour supérieure fait référence à la « décision sur mesures provisoires » de son collègue le juge Tremblay :

Un jugement sur mesures provisoires est prononcé le 21 décembre 1994 par monsieur le juge Roland Tremblay, accordant à la demanderesse une pension alimentaire de 100 $ par semaine indexée plus un montant pour frais de scolarité et un autre pour remboursement de frais dentaires.

                                                          [Je souligne.]

[6]      À la page 9 de la décision, on retrouve le passage suivant :

La demanderesse réclame une pension alimentaire et une somme globale. Les procureurs ont convenu que si une pension alimentaire était accordée, celle-ci serait rétroactive à la date de la présentation de la requête pour modification des mesures provisoires, c'est-à-dire, le 18 décembre 1995. Ainsi on établirait une somme d'argentqui deviendra en quelque sorte une somme globale. Celle-ci est accordée à titre alimentaire tout comme pension.

La situation des parties est inégale. En effet, la demanderesse n'a pas de revenus autre qu'une pension alimentaire, une prestation de l'IVAQ, et des frais scolaires payés par le défendeur. Selon son état de revenus et dépenses, elle perçoit ainsi 171,76 $ par semaine. Comme mentionné plus haut, elle est étudiante à l'Université du Québec et je ne vois pas que celle-ci ne puisse pas terminer son baccalauréat qui lui permettra probablement de se trouver du travail. Elle déclare des dettes pour un montant de 40 000 $ étant des prêts dus totalisant 10 000 $, des comptes Visa, des soins dentaires, etc.

Le défendeur perçoit un traitement d'au moins 90 000 $ par année. Il jouit aussi de remboursement de dépenses pour frais de représentations [sic] et de frais d'automobile.

[Je souligne.]

[7]      Un peu plus loin, à la page 10, le juge de la Cour supérieure ajoute :

Bien que l'état du capital du défendeur ne démontre pas une grande valeur en actif, son revenu lui permet certes de payer une pension alimentaire et une somme globale équivalant à une pension alimentaire rétroactive. Jugement a été prononcé sur mesures provisoires et le montant de la pension est payé depuis cette date. Il faut en tenir compte dans l'évaluation de la somme globale qui tient compte aussi de pension alimentaire rétroactive.

La demanderesse réclame une somme globale de 60 000 $, laquelle m'apparaît exagérée en tenant compte de la durée du mariage, de l'âge des parties, de l'opportunité pour la demanderesse de se diriger vers un nouveau travail en lui permettant de terminer ses études. Je crois qu'une somme de 22 500 $ acquittera son emprunt pour l'achat d'une automobile qui est pour elle une nécessité, le paiement de ses traitements d'orthodontie débutés durant le mariage et partiellement acquittés par le défendeur, les frais de scolarité en retard, et le prêt-bourse qu'elle doit rembourser.

Au surplus, je maintiens partiellement sa demande de pension alimentaire à 225 $ par semaine payable d'avance à chaque semaine à la demanderesse pour valoir tant comme pension alimentaire que
pour paiement des frais de scolarité
. Cette pension alimentaire se terminera le 30 juin 1998 à l'obtention de son diplôme qui lui permettra de se trouver du travail.

[Je souligne.]

[8]      Dans le dispositif de sa décision, le juge de la Cour supérieure écrit :

CONDAMNE le défendeur à payer à la demanderesse une somme globale de 22 500 $ payable en deux versements, le premier, 30 jours après la date de ce jugement et le second le 60e jour de la date du présent jugement;

CONDAMNE le défendeur à payer à la demanderesse une pension alimentaire de 225 $ par semaine payable d'avance à chaque semaine au domicile de la demanderesse jusqu'au 30 juin 1998;

ORDONNE que le partage du patrimoine familial par un paiement de 5 035 $ par le défendeur à la demanderesse [...]

Analyse

[9]      Les parties conviennent que la seule question en litige ici est essentiellement de savoir si la somme de 22 500 $ a été versée à titre de pension alimentaire ou à titre de paiement de capital. L'article 60 de la Loi ne permet la déduction que de la pension alimentaire. Voici ce qu'édicte cet alinéa :

b) Pensions alimentaires - le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

A - (B + C)

où :

A         représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 et avant la fin de l'année à une personne donnée dont il vivait séparé au moment du paiement,

B          le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable par le contribuable à la personne donnée aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C         le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée à la personne donnée après 1996 et qui est déductible dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition antérieure.

[10]     L'expression « pension alimentaire » est définie au paragraphe 56.1(4) de la Loi qui dispose[1] :

(4) Définitions - Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et à l'article 56.

[...]

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a) le bénéficiaire est le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b) le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

[11]     Il est aussi reconnu par les parties que, si le juge avait précisé dans le libellé de son jugement que la somme de 22 500 $ représentait une pension alimentaire rétroactive, il n'y aurait pas eu de débat devant cette Cour.

[12]     La procureure de monsieur Foster prétend qu'il est clair que la somme de 22 500 $ représente une pension alimentaire versée rétroactivement au 18 décembre 1995. Le procureur de l'intimée soutient le contraire. La Cour doit donc trancher.

[13]     Même si le libellé du dispositif de la décision n'est pas aussi explicite qu'on pourrait le désirer, je crois qu'il est raisonnable de conclure qu'une partie de la somme globale de 22 500 $ représente une pension alimentaire versée rétroactivement et qu'une autre partie vise à rembourser des dépenses précises engagées avant le 7 août 1997. J'ai souligné plus haut les passages pertinents de la décision qui appuient cette conclusion. Parmi les plus importants relatifs à la pension alimentaire rétroactive, il y a celui-ci : « son revenu lui permet certes de payer une pension alimentaire et une somme globale équivalant à une pension alimentaire rétroactive » . Il y a aussi ce passage où le juge écrit que la fixation de la somme globale doit tenir compte de la pension versée en vertu de la décision sur les mesures provisoires : « Il faut en tenir compte dans l'évaluation de la somme globale qui tient compte aussi depension alimentaire rétroactive » . Quant à la question du remboursement des dépenses, il y a ce passage où le juge affirme que « la somme globale à 22 500 $ permettra à madame Boivin d'acquitter certaines dépenses spécifiques, telles traitements d'orthodontie et les frais de scolarité » .

[14]     Je note aussi que cette approche est semblable à celle suivie par le juge Tremblay dans sa décision sur les mesures provisoires. En effet, ce dernier a accordé à madame Boivin deux droits : le premier, le droit à une pension alimentaire de 100 $, et le deuxième, le droit au remboursement de certains frais, à savoir des frais dentaires et des frais de scolarité. Cette pension alimentaire de 100 $ constitue une « pension alimentaire » au sens du paragraphe 56.1(4) de la Loi et est donc déductible du revenu de monsieur Foster alors que le remboursement de dépenses précises ne constitue pas généralement une « pension alimentaire » [2] au sens de la Loi et n'est donc pas déductible.

[15]     Comme le juge n'a pas ventilé de façon expresse la somme globale, il faut déterminer si, à la lecture des motifs du juge, on peut le faire. L'analyse des motifs du juge de la Cour supérieure m'amène à croire que le montant accordé comme pension alimentaire rétroactive s'élève à 225 $ par semaine. Il n'y a rien qui me permet de croire que la pension de 225 $ versée à compter du 7 août 1997 (soit la date de la décision du juge) est différente de celle pour la période antérieure à la décision. Il n'y a aucune preuve établissant que les besoins alimentaires de madame Boivin durant la période du 18 décembre 1995 au 7 août 1997 étaient supérieurs ou inférieurs à ceux pour la période postérieure au jugement. Comme madame Boivin a déjà reçu un montant de 100 $ accordé par le juge Tremblay dans sa décision sur les mesures provisoires, le montant net de la pension alimentaire rétroactive se chiffre à 125 $ par semaine. J'ai déterminé qu'il s'est écoulé 85 semaines à compter de la date du dépôt de la déclaration amendée (18 décembre 1995) jusqu'à la date de la décision finale de la Cour supérieure (7 août 1997). J'en arrive donc à la conclusion qu'une somme de 10 625 $ [125 x 85] représente une pension alimentaire. Le solde, soit 11 875 $ représente le remboursement de dépenses précises.

[16]     Pour ces motifs, l'appel de monsieur Foster est admis, et la cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que monsieur Foster a droit à la déduction d'une somme supplémentaire de 10 625 $ à titre de pension alimentaire. Comme ce montant est inférieur à la moitié du montant en jeu, aucuns frais ne sont accordés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de novembre 2000.

« Pierre Archambault »

J.C.C.I.


NO DU DOSSIER DE LA COUR :      1999-4801(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               MICHEL FOSTER

                                                et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  8 septembre 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Pierre Archambault

DATE DU JUGEMENT :                    13 septembre 2000

COMPARUTIONS :

          Pour l'appelant :                        Me Guylaine Desbiens

          Pour l'intimée :                          Me Mounes Ayadi

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

          Pour l'appelant(e) :

                             Noms :                  

                             Étude :                  

          Pour l'intimée :                          Morris Rosenberg

                                                          Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]     Le paragraphe 56.1(4) de la Loi s'applique à l'article 60 en raison du paragraphe 60.1(4) de la Loi.

[2]     Parce qu'il ne s'agit pas d'une allocation périodique que le bénéficiaire peut utiliser à sa discrétion.

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