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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-3531(IT)I

ENTRE :

JOHN SUCHON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 27 mars 2001 à Toronto (Ontario) par

l'honorable juge T. Margeson

Comparutions

Pour l'appelant :                                            L'appelant lui-même

Avocats de l'intimée :                                    Me Livia Singer

                                                                   Me Kelly Smith-Wayland

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996 sont rejetés et les cotisations du ministre sont confirmées.


Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d'octobre 2001.

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour d'avril 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20011010

Dossier: 2000-3531(IT)I

ENTRE :

JOHN SUCHON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Margeson, C.C.I.

[1]      Pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a inclus dans le revenu de l'appelant des prestations d'invalidité de 68 878 $, de 51 821 $ et de 47 760 $ respectivement. Le ministre a conclu qu'il s'agissait de sommes reçues dans ces années au titre, dans l'occupation ou en vertu d'une charge ou d'un emploi à IBM.

[2]      L'appelant faisait valoir dans son avis d'appel que, malgré le fait que les prestations d'invalidité venaient de son ancien employeur, elles devraient être incluses comme revenus en vertu de l'alinéa 56(1)v) et déduites du revenu imposable en vertu du sous-alinéa 110(1)f)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[3]      L'appelant a appelé comme témoin Brett Putland, qui était un vérificateur de l'impôt à l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Il a renvoyé M. Putland à la pièce A-1, à savoir une lettre de M. Putland à John Suchon en date du 13 mars 2000 concernant les années d'imposition 1994 à 1996. Cette lettre relative à l'avis d'opposition déposé pour ces années expliquait essentiellement le fondement des cotisations établies par le ministre à l'égard de l'appelant. On y disait à l'appelant que les prestations devaient être incluses dans son revenu d'emploi en vertu de l'alinéa 6(1)a) de la Loi et que le sous-alinéa 56(1)a)(i) de la Loi ne s'appliquait pas à ces prestations. On y indiquait en outre que le ministre considérait que les prestations d'invalidité ne provenaient pas d'un « régime d'assurance » et qu'elles n'étaient donc pas assujetties à l'alinéa 6(1)f) de la Loi.

[4]      L'appelant a également consigné en preuve, par consentement, une lettre en date du 29 novembre 1999 que ce témoin lui avait écrite. Le témoin s'est fait demander s'il avait suivi la règle de la « spécificité » et il a répondu que non. Il s'est également fait demander s'il avait suivi une règle quelconque et il a dit que, à ce stade-là, il avait pris en compte les formulaires T4 et T4A qui avaient été présentés comme preuve prima facie que le revenu avait été correctement déclaré et que les sommes avaient été correctement incluses dans le revenu. La question de savoir quel type de revenu représentaient les sommes était une question de fait. De plus, les alinéas 6(1)f) et 56(1)a) de la Loi avaient été pris en compte.

[5]      La pièce A-3 a été admise par consentement, à savoir une lettre en date du 2 décembre 1999. C'était une lettre de ce témoin à John Suchon. Le témoin s'est fait demander ce qu'était cette lettre et il a dit que c'était une réponse à la lettre de l'appelant en date du 30 novembre 1999 et qu'elle portait également sur les conversations téléphoniques qu'il avait eues avec l'appelant. Il y faisait remarquer que l'appelant soutenait qu'il s'agissait d'un revenu d'invalidité et non d'un revenu d'emploi et il y faisait savoir à l'appelant que l'on avait une lettre d'IBM en date du 27 juillet 1994 qui portait sur des paiements pour maladie ou pour accident. Il y indiquait en outre que, si l'appelant avait reçu d'IBM des paiements pour maladie ou pour accident entre 1994 et 1996 et que ces paiements aient été inclus dans le revenu d'emploi et déclarés dans les feuillets T4 délivrés à l'appelant, ces paiements devraient être inclus dans le revenu de l'appelant en vertu de l'alinéa 6(1)f) de la Loi comme paiements provenant d'un « régime d'assurance-salaire » . Il a dit que, dans les formulaires T4 et T4A, les sommes étaient déclarées comme autres revenus. Le témoin a dit qu'il indiquait dans la lettre pourquoi les paiements reçus en 1994, en 1995 et en 1996 devaient être déclarés dans le revenu. Il s'est fait demander ce que signifiaient pour lui les formulaires T4 et T4A délivrés par IBM et il a dit que ces formulaires indiquaient que les sommes étaient déclarées comme revenus. Le témoin faisait simplement savoir à l'appelant les dispositions de la Loi en vertu desquelles les sommes pourraient être imposables.

[6]      On a de nouveau renvoyé le témoin à la pièce A-1, et il a dit que les sommes ne provenaient pas d'un régime d'assurance.

[7]      Le témoin a signalé que l'appelant n'avait pas été imposé conformément à l'affaire Hepburn v. M.N.R., 77 D.T.C. 29, et que les sommes devaient être incluses dans le revenu de l'appelant en vertu de la Loi.

[8]      Il s'est de nouveau fait demander ce qu'il considérait comme étant le fondement des cotisations et il a dit que les cotisations étaient basées sur les formulaires T4 et T4A, sur le contact qu'il avait établi avec IBM et sur les discussions qu'il avait eues avec des employés d'IBM pour obtenir plus de renseignements quant à la nature des prestations. Se fondant sur l'information qu'il avait reçue, il avait conclu que les sommes n'étaient pas le produit d'un régime de pension ou d'un régime de prestations et qu'elles devaient être incluses dans le revenu en vertu de l'alinéa 6(1)a) de la Loi, en tant qu'autres revenus.

[9]      L'appelant a témoigné qu'il avait commencé à travailler à IBM en 1966. Il a occupé un certain nombre de postes dans le service de gestion de marché et a eu beaucoup de succès. En 1982, il a eu un accident en plongeant au cours d'un événement organisé par IBM et il est devenu paralysé à partir des épaules. Il n'a pas travaillé pendant deux ans, puis est retourné au travail. Il a travaillé pendant un certain nombre d'années à IBM. Le service dans lequel il travaillait a été transféré dans un autre immeuble, et le milieu de travail de l'appelant a changé considérablement. Son aire de travail ne correspondait pas à ses besoins, il trouvait qu'il était difficile de contrôler son fauteuil sur la moquette, et ses mains devenaient engourdies. Il ne pouvait bouger dans le fauteuil roulant et n'arrivait pas à se servir du clavier ou du téléphone comme avant. Il n'était plus capable de travailler.

[10]     En 1987, il est devenu admissible au programme d'invalidité d'IBM. La question de savoir si IBM était couverte par le régime des accidents du travail n'était pas claire; cela n'était pas important du point de vue de l'appelant. Les prestations n'étaient pas des prestations de pension et ne provenaient pas d'un régime d'assurance. Toutes les sommes ont été payées en vertu du régime d'invalidité de longue durée. La société IBM a délivré des formulaires T4 et T4A et l'impôt a été retenu à la source.

[11]     En 1993, l'appelant a essayé de se lancer en affaires avec un ami, en mettant au point des logiciels et en tirant parti du matériel qu'il avait accumulé au fil des ans. Il s'est servi de son matériel comme apport à l'entreprise et a essayé de déduire ces dépenses de son revenu personnel. Trois ans plus tard, en février 1997, il a fait l'objet d'une cotisation. L'année était près d'être frappée de prescription, mais il a payé 9 000 $ d'impôt.

[12]     Pour les années 1994, 1995 et 1996, il a fait l'objet de nouvelles cotisations, et toutes ses déductions, s'élevant à 25 000 $, ont été refusées, avec intérêts. Il a dit qu'il doit maintenant 25 000 $ en raison de l'amortissement qui n'a pas été accordé et environ 10 000 $ d'intérêts. Il s'était adressé à l'Agence des douanes et du revenu du Canada, mais sans succès, pour faire valoir que l'amortissement du matériel devrait être admis.

[13]     En 1999, il a vu un article dans le journal au sujet de l'affaire Hepburn, précitée, dans laquelle un pompier contestait l'assujettissement à l'impôt de ses prestations d'invalidité, qui ont été jugées non imposables. Les pompiers ne participent pas au régime des accidents du travail. Les prestations du régime des accidents du travail ne sont pas imposables; les paiements qui avaient été faits ont été considérés comme tenant lieu de paiements du régime des accidents du travail et donc comme n'étant pas imposables. L'appelant considérait les paiements qu'il avait reçus comme étant des paiements du même type.

[14]     L'appelant a écrit à M. Putland et lui a dit que sa situation était identique à ce qu'il en était dans l'affaire Hepburn. M. Putland ne reconnaissait pas que les paiements n'étaient pas imposables et disait qu'ils étaient imposables en vertu de l'alinéa 6(1)a) de la Loi.

[15]     Dans sa correspondance avec M. Putland, l'appelant a cherché à découvrir en quoi son cas différait de celui de M. Hepburn. Il a alors conclu que la position du ministre était la suivante : M. Hepburn recevait ses prestations d'un régime de retraite qui était assujetti au sous-alinéa 56(1)a)(i) de la Loi, tandis que l'appelant recevait ses paiements de son employeur, lesquels paiements étaient assujettis à l'alinéa 6(1)a) de la Loi. Il a conclu que c'était la principale différence et en fait la seule différence.

[16]     Au cours du contre-interrogatoire, il a renvoyé au paragraphe 13 de la réponse à l'avis d'appel et a admis les faits énoncés aux alinéas suivants :

[TRADUCTION]

b)          l'appelant était un employé d'IBM lorsque, en août 1982 ou vers ce moment, il a eu un accident ailleurs qu'à son lieu de travail;

c)          l'appelant est retourné travailler à IBM à la fin de 1983 ou vers ce moment;

[Il a toutefois ajouté qu'il avait travaillé à temps plein jusqu'en 1987.]

d)          au cours de la période allant de 1983 à 1987, l'appelant s'est mis à avoir des problèmes physiques qui faisaient qu'il lui était plus difficile de remplir ses fonctions à IBM;

e)          de décembre 1987 jusqu'à juin 1993 inclusivement, l'appelant a reçu des prestations du régime d'IBM pour maladie et accidents qui correspondaient à des congés de maladie entièrement payés qu'accordait la société IBM aux employés qui avaient le statut d'employés ayant une « invalidité de courte durée » ;

[L'appelant a cependant ajouté qu'il a reçu 100 p. 100 de son salaire de décembre 1987 à juin 1993 inclusivement et qu'il avait également reçu 100 p. 100 de son salaire à partir de la date de l'accident jusqu'en décembre 1987.]

f)           de juin 1993 à aujourd'hui, l'appelant a reçu des prestations de longue durée du régime d'IBM de revenu d'invalidité médicale ( « RIM » );

[Concernant l'alinéa f), l'appelant a reçu les prestations du régime d'IBM de revenu d'invalidité médicale et non du régime d'IBM d'assurance invalidité médicale.]

[17]     L'appelant était d'accord sur les allégations énoncées aux alinéas 13g), h) et i) de la réponse à l'avis d'appel. Il n'était toutefois pas d'accord sur l'allégation de l'alinéa i) selon laquelle le régime de « RIM » de la société IBM était un régime pour éventualités sans capitalisation financé à l'aide des fonds d'exploitation de la société IBM.

[18]     Il n'était pas d'accord sur l'alinéa j) selon lequel les prestations d'invalidité qu'il avait reçues d'IBM n'étaient pas des indemnités reçues aux termes d'une loi sur les accidents du travail. Il ignorait si IBM avait reçu des paiements du régime des accidents du travail à l'égard de la blessure qu'il avait subie. Il était d'accord sur l'alinéa l). Quant à l'alinéa n), il reconnaissait qu'il avait reçu les prestations d'invalidité de 68 878 $, de 51 821 $ et de 47 760 $ durant les années d'imposition 1994, 1995 et 1996 respectivement, mais il ne reconnaissait pas qu'il les avait reçues au titre, dans l'occupation ou en vertu d'une charge ou d'un emploi à IBM.

[19]     Il a mentionné que, après s'être mis à éprouver un problème de douleur aiguë dans le nouveau lieu de travail, il n'était pas retourné à cet endroit et que, toutefois, il avait bel et bien essayé occasionnellement d'aller à d'autres endroits pour accomplir certains travaux. On lui a demandé s'il avait fait valoir à IBM qu'il n'était pas devenu invalide avant 1993 ou 1994. Il a dit qu'il essayait de faire en sorte qu'IBM ne réduise pas son revenu. On lui a montré une lettre qu'il avait écrite à M. Casey d'IBM, mais il a dit qu'il ne se souvenait pas de l'information figurant à la page 3. Il a ensuite dit qu'il était l'auteur de la lettre. Celle-ci faisait état de trois choix, mais il a dit qu'il n'avait en fait aucun choix. On lui demandait d'accepter une diminution de salaire. On lui a dit qu'il était ramené au niveau 52 et qu'il lui fallait travailler à temps plein. Il avait été au niveau 58. On lui a fait valoir qu'il avait utilisé les termes [TRADUCTION] « continuer à travailler à IBM » , mais il a dit qu'il ne travaillait pas à IBM à cette époque. Il a fini par dire qu'il n'était pas sûr d'être l'auteur de ce document.

[20]     Il a admis qu'il n'avait pas présenté une demande au régime des accidents du travail, que la société IBM ne l'avait pas fait non plus et qu'aucune commission n'avait rendu de décision au sujet d'une demande de sa part.

[21]     Il a reconnu ses déclarations de revenus pour 1994, 1995 et 1996. En outre, il a reconnu que les documents figurant à l'onglet 1 du recueil de documents de l'intimée étaient ses formulaires T1 pour 1994, c'est-à-dire son formulaire T1 et son formulaire T1A. Il a reconnu que la déclaration de revenus pour 1994 indiquait un revenu d'emploi de 68 878 $. Tel était le montant indiqué sur son feuillet T4.

[22]     Il a admis que le différend relatif aux prestations d'invalidité provenant d'IBM ne s'était posé qu'après qu'il eut déposé un avis d'opposition pour les années en cause contestant le refus des pertes d'entreprise totales qu'il demandait à déduire. Il a également reconnu la déclaration de revenus pour 1995 figurant à l'onglet 2, ainsi que sa déclaration de revenus pour 1996 figurant à l'onglet 3. Il a en outre confirmé qu'il avait écrit la lettre qui figure à l'onglet 4. Tout le recueil de documents a été admis en preuve sous la cote R-1.

[23]     Entre 1987 et 1993, l'appelant avait reçu des prestations pour maladie et accidents représentant 100 p. 100 de son salaire. Des prestations au même montant lui ont ensuite été versées en vertu du régime d'invalidité de longue durée. Il n'avait qu'à prouver qu'il était invalide. Il a reçu en 1994 plus que ce qu'il a reçu en 1995, car le pourcentage de son salaire qu'il a reçu a été ramené de 100 p. 100 à 80 p. 100, ensuite à 70 p. 100, puis à 60 p. 100. On lui a ensuite demandé de faire une demande de prestations dans le cadre du Régime de pensions du Canada. Il a travaillé à IBM de façon discontinue de 1982 à 1993. Il a reconnu qu'il avait reçu les prestations parce qu'il était un employé d'IBM.

[24]     L'affaire a alors été ajournée pour la présentation d'observations écrites.

Observations de l'appelant

[25]     Dans ses observations, l'appelant a défini le point en litige comme étant de savoir si les sommes en cause sont des sommes qui doivent être incluses dans le revenu en vertu de l'alinéa 56(1)v) de la Loi et qui sont donc déductibles dans le calcul du revenu imposable en vertu de l'alinéa 110(1)f) de la Loi. Il a fait valoir que l'alinéa 56(1)v) exige que soit incluse dans le revenu une indemnité reçue en vertu d'une loi sur les accidents du travail du Canada ou d'une province à l'égard d'une blessure, d'une invalidité ou d'un décès. De plus, sa position était que l'alinéa 110(1)f) permet de déduire dans le calcul du revenu imposable pour l'année une somme qui est :

(ii) une indemnité reçue aux termes d'une loi fédérale ou provinciale sur les accidents du travail pour blessure, invalidité ou décès, à l'exception d'une indemnité qu'une personne reçoit à titre d'employeur ou d'ancien employeur de la personne pour laquelle une indemnité pour blessure, invalidité ou décès a été payée;

[26]     L'appelant a caractérisé la position de l'intimée comme étant la suivante : les paiements n'entrent pas dans le cadre des alinéas 56(1)v) ou 110(1)f) de la Loi, mais sont imposables en vertu de l'alinéa 6(1)a) de la Loi en tant que revenus d'emploi.

[27]     L'appelant a énoncé divers faits en l'espèce qui ne sont pas vraiment en litige et qui ont fondamentalement été résumés dans les conclusions de fait de la Cour.

[28]     Essentiellement, l'appelant a fait remarquer qu'il avait reçu des prestations d'invalidité de courte durée représentant 100 p. 100 de son salaire normal pour la période allant de 1987 jusqu'à juin 1993. En 1993, il a commencé à recevoir des prestations en vertu du régime d'IBM d'invalidité de longue durée. Comme je l'ai mentionné, les prestations d'invalidité ont représenté un pourcentage décroissant du salaire normal, puis sont devenues, après trois ans, des prestations d'un montant fixe.

[29]     L'appelant a fait remarquer que, à l'époque où il s'est blessé, ni lui ni IBM n'ont rapporté cela à la Commission des accidents du travail ( « CAT » ), car, en vertu du régime d'IBM, l'admissibilité à des prestations d'invalidité ne dépend pas du fait que l'on se soit blessé au travail. L'appelant ignorait si IBM faisait partie du régime des accidents du travail en 1987 ou si un travailleur comme lui était couvert par le régime de la CAT tel qu'il existait en 1987. Quoi qu'il en soit, il n'avait aucune raison de demander des prestations dans le cadre de ce régime, puisque le régime d'IBM prévoyait des prestations plus élevées.

[30]     Au cours de la période pendant laquelle ses déclarations de revenus pour 1994, 1995 et 1996 faisaient l'objet d'une vérification par l'Agence des douanes et du revenu du Canada, l'appelant a pris connaissance de l'affaire Hepburn grâce à un article qu'il avait lu. Cet article disait que M. Hepburn avait réussi à faire déclarer ses prestations comme n'étant pas imposables. D'autres recherches avaient amené l'appelant à conclure ce qui suit :

1)        les indemnités d'accident du travail n'étaient pas imposables;

2)                  quoique M. Hepburn recevait les prestations d'invalidité de son employeur, à savoir la ville de Toronto, ces prestations d'invalidité ont été considérées comme tenant lieu d'indemnités d'accident du travail et donc comme n'étant pas imposables.

[31]     L'appelant a présenté cet argument à l'agent des appels; ce dernier ne partageait pas les vues de l'appelant et l'a avisé qu'il n'avait pas droit à une déduction en vertu du sous-alinéa 110(1)f)(ii) de la Loi pour les années en cause. L'agent des appels a également avisé l'appelant que les prestations devaient être incluses dans son revenu provenant d'une charge ou d'un emploi en vertu de l'alinéa 6(1)a).

[32]         Dans son analyse, l'appelant a conclu que le ministre avait décidé que les prestations n'entraient pas dans le cadre des dispositions sur l'inclusion et l'exclusion aux alinéas 56(1)v) et 110(1)f) pour les raisons suivantes :

1)        Les prestations d'invalidité de l'appelant étaient des prestations au titre d'un emploi et sont imposables en vertu de l'alinéa 6(1)a) en tant que revenus d'emploi.

2)        Les indemnités de l'appelant n'ont pas été reçues aux termes d'une loi fédérale ou provinciale sur les accidents du travail.

3)        Il faut qu'il s'agisse d'un montant adjugé par la CAT.

4)        Il faut que les paiements soient faits par la CAT.

[33]     L'appelant a posé la question suivante : les prestations d'invalidité de M. Suchon sont-elles imposables en vertu de l'alinéa 6(1)a)?

[34]     Comme M. Suchon recevait des prestations d'invalidité versées périodiquement pour la perte d'un revenu d'emploi, ses prestations d'invalidité pourraient être considérées comme correspondant à un « régime d'assurance-salaire » assujetti à l'alinéa 6(1)f) de la Loi. Telle est la position initiale que le ministre a adoptée dans sa lettre à l'appelant en date du 2 décembre 1999. Dans une cotisation finale, la conclusion du ministre était que le régime d'invalidité de longue durée ne répondait pas à la définition de « régime d'assurance-salaire » énoncée dans le bulletin d'interprétation IT-428, car il ne s'agissait pas d'un régime financé conformément aux principes d'assurance. Les prestations devaient donc être incluses dans le revenu de l'employé en vertu de l'alinéa 6(1)a) plutôt que de l'alinéa 6(1)f) de la Loi.

[35]     Même si le régime d'invalidité d'IBM ne répond pas aux exigences relatives à un « régime d'assurance-salaire » , il reste que l'alinéa 6(1)f) est une disposition particulière de la Loi qui traite de sommes payables périodiquement pour la perte d'un revenu d'emploi.

[36]     Comme l'a dit le juge Bowman dans l'affaire Landry c. La Reine, C.C.I., no 97-1768(IT)I, 30 janvier 1998, 98 D.T.C. 1416, l'alinéa 6(1)f) traite d'une manière précise et détaillée de prestations d'invalidité payables périodiquement. De plus, comme l'a dit le juge Lamarre dans l'affaire Whitehouse c. La Reine, C.C.I., no 98-266(IT)I, 10 novembre 1999, 2000 D.T.C. 1616, l'alinéa 6(1)a) est une disposition générale et n'est pas destiné à combler les vides laissés par l'alinéa 6(1)f) : expressio unius est exclusio alterius (la mention de l'un implique l'exclusion de l'autre).

[37]     Il est bien établi qu'une règle particulière l'emporte sur une règle plus générale concernant la même question. Ainsi, dans l'affaire La Reine c. Albino, C.C.I., no 90-2005(IT), 16 août 1991, [1994] 1 C.T.C. 205, une somme imposable à titre d' « allocation de retraite » en vertu du sous-alinéa 56(1)a)(ii) n'a pas été considérée comme entrant dans le cadre de l'inclusion générale d'un revenu d'emploi prévue au paragraphe 6(3). Ce principe a été appliqué par la Cour suprême du Canada dans d'autres causes fiscales comme l'affaire Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695, à la page 750, [1994] 1 C.T.C. 40, à la page 65, dans laquelle des règles particulières en matière de frais de garde d'enfants l'ont emporté sur les règles générales touchant les revenus d'entreprise, et l'affaire Schwartz c. La Reine, [1996] 1 R.C.S. 254, à la page 294, [1996] 1 C.T.C. 303, à la page 330, dans laquelle les règles particulières en matière d'allocations de retraite l'ont emporté sur les règles générales qui prévoient l'inclusion d'un revenu provenant d'une source.

[38]     Comme l'a fait remarquer le juge Lamarre dans l'affaire Whitehouse, précitée, et comme l'indique l'affaire Schwartz, précitée, la Cour suprême du Canada a rejeté la notion selon laquelle une disposition générale de la Loi l'emporte sur une disposition particulière de la Loi que le Parlement a choisie pour traiter de la question de l'assujettissement à l'impôt de tels paiements. Comme le Parlement a édicté l'alinéa 6(1)f) pour traiter de paiements d'invalidité périodiques, il est argué que l'énoncé de la Cour suprême est pertinent et qu'une disposition plus générale - l'alinéa 6(1)a) - ne doit pas primer. Les prestations d'invalidité de l'appelant ne sont donc pas imposables en vertu de l'alinéa 6(1)a).

[39]     En ce qui a trait à la question de savoir s'il s'agit d'une indemnité reçue aux termes d'une loi fédérale ou provinciale sur les accidents du travail, l'appelant a renvoyé à l'affaire Whitney c. Canada, C.C.I., no 1999-756(IT)G, 19 avril 2001, 2001 D.T.C. 423, dans laquelle le juge en chef adjoint D. G. H. Bowman a dit à la page 16 (D.T.C. : à la page 428), à l'alinéa 20b) :

De façon générale, le but des alinéas 56(1)v) et 110(1)f) de la Loi de l'impôt sur le revenu est de faire en sorte que les indemnités versées aux travailleurs victimes d'un accident du travail qui ne peuvent pas travailler soient exonérées d'impôt.

[40]     Le juge Bowman se préoccupait de ce que l'esprit et l'objet des alinéas 56(1)v) et 110(1)f) soient respectés, malgré le fait que la contribuable recevait des prestations d'invalidité de son employeur et non de la CAT et qu'il ne s'agissait pas d'un montant adjugé par la CAT.

[41]     Dans l'affaire Hepburn, précitée, à laquelle il a de nouveau été fait référence, le président Flanigan a dit en expliquant sa décision d'accueillir l'appel de M. Hepburn :

[TRADUCTION]

La présente décision ne doit pas être considérée comme dérogeant au principe selon lequel les lois fiscales doivent être interprétées d'une manière stricte, mais elles doivent être interprétées d'une telle manière à la lumière des changements sociaux.

Le président Flanigan a admis que les prestations d'invalidité de M. Hepburn étaient reçues comme indemnités aux termes d'une loi fédérale ou provinciale sur les accidents du travail, malgré le fait qu'elles provenaient d'un fonds de réserve financé conjointement avec l'employeur et qu'il ne s'agissait pas d'un montant adjugé par une CAT.

[42]     M. Suchon s'est blessé au travail, ce qui, en droit, est une condition essentielle pour l'admissibilité à des indemnités d'accident du travail. Malgré le fait qu'il recevait des prestations d'invalidité de son employeur et qu'il ne s'agissait pas d'un montant adjugé par la CAT, il ressort des affaires Whitney et Hepburn, précitées, que M. Suchon peut quand même être considéré comme ayant reçu des indemnités aux termes d'une loi fédérale ou provinciale sur les accidents du travail. Ses prestations d'invalidité peuvent donc être considérées comme entrant dans le cadre des dispositions sur l'inclusion et l'exclusion aux alinéas 56(1)v) et 110(1)f).

[43]     En ce qui a trait à l'argument selon lequel l'indemnité doit être un montant adjugé par la CAT, l'appelant a fait valoir que dans l'affaire Hepburn, précitée, et dans l'affaire Tushingham v. M.N.R., 80 D.T.C. 1238 (Commission de révision de l'impôt), les prestations d'invalidité provenaient du fonds de prestations et de pensions du service d'incendie de Toronto, qui est décrit comme étant le « fonds de prestations » et qui est financé conjointement avec l'employeur, à savoir la ville de Toronto. Dans l'affaire Whitney, précitée, la travailleuse recevait son salaire normal de son employeur, conformément à l'article 27.01 de la convention collective, et non pas de la CAT.

[44]     Les sommes que M. Suchon recevait comme prestations d'invalidité représentaient un pourcentage réduit de son salaire normal. Tout comme dans le cas des pompiers et de Mme Whitney, son admissibilité à des prestations d'invalidité avait été déterminée par une commission. La commission des ressources humaines d'IBM, qui se composait du directeur médical d'IBM, du vice-président des ressources humaines et du directeur des ressources humaines, avait déterminé que M. Suchon était admissible, d'après le témoignage de ce dernier.

[45]     Dans les affaires Whitney, Hepburn et Tushingham, les indemnités ne représentaient pas un montant adjugé par la CAT. Les indemnités de M. Suchon étaient spécifiées comme représentant un pourcentage du salaire et étaient une condition d'emploi. Cette façon de déterminer le montant de l'indemnité est conforme aux arrangements en cause dans les trois affaires susmentionnées.

[46]     Pour ce qui est de l'argument selon lequel il doit s'agir de paiements provenant de la CAT, l'appelant a fait remarquer que dans l'affaire Whitney, précitée, l'appelante recevait son salaire normal de son employeur et non de la CAT. Dans les affaires Hepburn et Tushingham, précitées, les prestations d'invalidité ne provenaient pas non plus de la CAT. Elles provenaient d'un fonds financé conjointement avec l'employeur. L'appelant a fait référence à une procédure relative à l'indemnisation (non consignée en preuve) et a argué que les prestations reçues de son ancien employeur provenaient d'un fonds pour responsabilité éventuelle expressément constitué pour le versement de prestations d'invalidité de longue durée. Ce mode d'indemnisation était conforme à ce qu'il en était dans les trois affaires susmentionnées, d'après l'appelant.

[47]     De plus, l'Agence des douanes et du revenu du Canada a reconnu que des paiements provenant d'un employeur peuvent être inclus en vertu de l'alinéa 56(1)v).

[48]     En résumé, l'appelant arguait que ses prestations d'invalidité devraient être considérées comme entrant dans le cadre des dispositions sur l'inclusion et l'exclusion aux alinéas 56(1)v) et 110(1)f), pour les raisons suivantes :

1)      L'alinéa 6(1)f) traite expressément et en détail de prestations d'invalidité payables périodiquement, et l'alinéa 6(1)a), qui est une disposition générale, ne peut être utilisé comme disposition omnibus pour combler les vides laissés par l'alinéa 6(1)f).

2)      Les prestations d'invalidité considérées en l'espèce présentent les mêmes caractéristiques que dans le cas des affaires Whitney et Hepburn, précitées, dans lesquelles il a été statué qu'il s'agissait d'indemnités reçues aux termes d'une loi fédérale ou provinciale sur les accidents du travail.

3)      Les prestations d'invalidité considérées en l'espèce sont conformes à ce qu'il en était dans les deux causes susmentionnées, dans lesquelles il a été décidé qu'une indemnité n'a pas à être un montant adjugé par la CAT.

4)      Les paiements n'ont pas à provenir de la CAT pour être considérés comme des indemnités reçues aux termes d'une loi fédérale ou provinciale sur les accidents du travail. L'Agence des douanes et du revenu du Canada reconnaît que les paiements peuvent provenir d'un employeur ou ancien employeur et qu'il existe une méthode pour imposer uniquement les sommes excédant les plafonds d'indemnités d'accident du travail.

[49]     Dans l'affaire Whitney, précitée, l'honorable juge D. G. H. Bowman a statué que les indemnités pour accident du travail reçues de l'employeur et égalant les sommes qui auraient été reçues directement de la CAT devaient être incluses dans le revenu de l'appelante en vertu de l'alinéa 56(1)v) de la Loi et déduites du revenu de l'appelante en vertu de l'alinéa 110(1)f) de la Loi.

[50]     Dans l'affaire Hepburn, précitée, la Commission de révision de l'impôt a statué que, malgré le fait que M. Hepburn ne recevait pas ses prestations d'invalidité de la CAT, il s'agissait d'indemnités pour invalidité survenue au travail, donc d'indemnités visées à l'alinéa 56(1)v) de la Loi et exonérées d'impôt.

[51]     Les faits en l'espèce sont fort semblables à ce qu'il en était dans les affaires Whitney et Hepburn, précitées. Tout comme dans ces affaires, les prestations d'invalidité en cause en l'espèce devraient être considérées comme des indemnités reçues aux termes d'une loi fédérale ou provinciale sur les accidents du travail et assujetties aux dispositions des alinéas 56(1)v) et 110(1)f).

[52]     Comme l'honorable juge Bowman l'a dit dans l'affaire Whitney, précitée, à la page 17 (D.T.C. : à la page 428), à l'alinéa 20c) :

En outre, l'interprétation de la Couronne, si elle était retenue, conduirait à une absurdité [...] Dans les cas où les deux interprétations sont possibles et que l'une d'elles aboutit à une absurdité, c'est l'autre qui doit être retenue : Victoria City v. Bishop of Vancouver Island, [1921] 2 A.C. 384, à la page 388 (C.P.).

Cette observation s'applique en l'espèce.

[53]     L'appelant n'a pas eu à passer par la Commission des accidents du travail, car, en vertu du régime de la société IBM, cette dernière était obligée de lui verser les prestations d'invalidité. L'appelant argue que, s'il s'était adressé à la Commission des accidents du travail, il aurait été considéré comme admissible à des prestations. Il est absurde que ses prestations soient imposables du simple fait que son employeur était obligé de lui verser des prestations indépendamment de la cause de la blessure. Il reste qu'il a reçu des prestations par suite d'une blessure subie au travail, de sorte que ces prestations devraient être considérées comme des indemnités d'accident du travail.

[54]     De plus, comme l'honorable juge Bowman l'a dit dans l'affaire Whitney, précitée, à la page 17 (D.T.C. : à la page 428), à l'alinéa 20d) :

Lorsque l'application ou l'interprétation de la législation suscite une ambiguïté ou un doute, il faut donner le bénéfice du doute au contribuable. (Fries c. La Reine, [1990] 2 R.C.S. 1322 (90 D.T.C. 6662)).

[55]     Les appels devraient être admis avec dépens.

Observations de l'intimée

[56]     L'avocat faisait globalement valoir que les prestations d'invalidité en litige étaient imposables conformément à l'alinéa 6(1)a) de la Loi en tant qu'avantages reçus par l'appelant « au titre, dans l'occupation ou en vertu » de son emploi à IBM. Il a concédé que l'alinéa 6(1)f) de la Loi ne s'applique pas aux prestations en cause en l'espèce.

[57]     L'avocat a fait remarquer que, au paragraphe 16 des observations de l'appelant, ce dernier renvoyait à quatre hypothèses dont il disait qu'elles représentaient les raisons pour lesquelles les prestations avaient été imposées par le ministre conformément à l'alinéa 6(1)a) de la Loi. Toutefois, comme l'a signalé l'avocat, l'appelant a été imposé sur la base des hypothèses de fait énoncées par le ministre au paragraphe 13 de la réponse à l'avis d'appel.

[58]     L'avocat a dit que l'appelant avait témoigné que, pour être admissible aux prestations, il fallait qu'il soit un employé d'IBM et qu'il soit invalide; il n'était pas nécessaire que l'employé démontre la cause de l'invalidité. La question de savoir si la blessure avait été subie au travail n'était pas pertinente dans l'examen de l'admissibilité de l'appelant à des prestations.

[59]     Il n'y avait aucune preuve que l'admissibilité de M. Suchon au régime de RIM était liée de quelque manière au régime des accidents du travail. De plus, l'appelant n'a jamais présenté une demande de prestations pour accident du travail; aucune demande en son nom n'a été faite par quelqu'un d'autre, par exemple son médecin ou son employeur; la CAT ou une commission semblable n'a pas statué sur une demande par laquelle l'appelant se serait vu adjuger des prestations; aucun employé d'IBM n'était couvert par une CAT; l'appelant ne savait pas si IBM avait reçu des prestations pour accident du travail au titre de la blessure qu'il avait subie; l'appelant ignorait si IBM était inscrite auprès de la CAT durant la période pertinente; l'appelant n'a même pas envisagé de demander des prestations pour accident du travail au titre de son invalidité, car il croyait que les prestations qu'il recevrait dans le cadre de ce régime seraient inférieures aux prestations qu'il recevait d'IBM. En vertu du régime d'invalidité de courte durée, il a reçu 100 p. 100 de son salaire de 1987 à 1993. En vertu du régime de RIM, il a reçu un pourcentage décroissant de son salaire, allant de 80 p. 100 à 60 p. 100.

[60]     L'avocat contestait toute affirmation faite par l'appelant selon laquelle son invalidité était liée au travail. Il se peut très bien que l'appelant ait cru que son invalidité était liée au travail, mais la preuve n'étayait pas une telle conclusion et les prestations ont été versées indépendamment de la question de savoir si son invalidité était liée au travail. Aucune preuve n'indiquait qu'IBM avait conclu que l'invalidité était liée au travail; la détermination de cette question n'était pas requise. L'avocat contestait que l'appelant fasse référence dans son argumentation à la « commission des ressources humaines d'IBM » . L'existence d'une telle commission n'était pas étayée par la preuve. Rien ne prouvait l'assertion de l'appelant selon laquelle la [TRADUCTION] « commission des ressources humaines d'IBM [...] avait déterminé que M. Suchon était admissible » à des prestations.

[61]     De plus, l'avocat contestait qu'il y ait des preuves à l'appui des assertions figurant au paragraphe 11 des observations de l'appelant. Il n'y avait aucun élément de preuve quant à la raison pour laquelle IBM n'avait pas signalé l'accident à la CAT. Il y avait seulement l'explication de M. Suchon quant à savoir pourquoi il ne l'avait pas signalé.

[62]     L'appelant disait que la question de savoir si IBM faisait partie du régime des accidents du travail en 1987 n'était pas claire. Il aurait toutefois pu appeler un représentant d'IBM ou de la CAT pour que ce dernier présente un témoignage à cet égard. Comme il ne l'a pas fait, il ne peut invoquer son omission de produire des éléments de preuve suffisants pour faire valoir sa cause.

[63]     En ce qui a trait à l'assertion de l'appelant selon laquelle le régime d'IBM offrait des prestations plus élevées que le régime des accidents du travail pour la période allant de 1987 à 1993, durant laquelle M. Suchon recevait 100 p. 100 de son salaire, ce n'était là que ce que croyait personnellement M. Suchon quant à la différence entre les deux régimes et aucune preuve provenant d'IBM ou de la CAT ne corroborait sa position à cet égard. De plus, rien n'indiquait que M. Suchon avait tenu compte de ce que les prestations provenant d'IBM étaient imposables et de ce que les indemnités provenant de la CAT ne l'étaient pas.

[64]     L'avocat contestait en outre les multiples renvois dans les observations de l'appelant à des documents et des renseignements qui n'ont pas été consignés en preuve, notamment les annexes 1 à 6 inclusivement. Sa position était que l'appelant essayait dans ses observations écrites de faire admettre en preuve des documents auxquels l'intimée ne pouvait répondre. L'avocat a demandé que la Cour, en parvenant à sa décision, ne tienne pas compte de tous les renvois à ces documents et aux informations y afférentes.

[65]     L'avocat contestait également le renvoi dans les observations de l'appelant à un document appelé [TRADUCTION] « PIÈCE No A-1, NOTES » et il faisait remarquer que les six pages supplémentaires annexées à la copie de la lettre du 13 mars n'avaient pas été reconnues et que l'appelant n'avait pas été interrogé sur le contenu de ces pages. Il ne consentait pas à ce que les six pages supplémentaires soient admises en preuve et il soutenait que la Cour ne devrait accorder aucun poids à ces six pages supplémentaires, parce qu'elles n'ont jamais été reconnues. De toute façon, il s'agissait de ouï-dire.

[66]     Il a fait remarquer que le libellé de l'alinéa 6(1)a) est d'une très vaste portée et inclut dans le calcul du revenu tiré d'une charge ou d'un emploi la valeur d'éléments qui sont des :

[...] avantages de quelque nature que ce soit qu'il a reçus ou dont il a joui dans l'année au titre [in respect of], dans l'occupation ou en vertu d'une charge ou d'un emploi, [...]

[67]     Dans l'affaire Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, à la page 39, 83 D.T.C. 5041, à la page 5045, au sujet des termes anglais « in respect of » (rendus par « au titre » à l'alinéa précité et par « quant à » à l'article 87 de la loi considérée dans l'affaire Nowegijick), le juge Dickson de la Cour suprême du Canada a statué : « Parmi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c'est probablement l'expression « quant à » qui est la plus large. »

[68]     Dans l'affaire La Reine c. Savage, [1983] 2 R.C.S. 428, 83 D.T.C. 5409, le juge Dickson, s'exprimant pour la majorité de la Cour suprême du Canada, s'est dit d'accord avec la Couronne qu'une somme reçue comme récompense pour avoir réussi à un examen représentait un avantage reçu par le contribuable au titre d'un emploi en vertu de l'alinéa 6(1)a) et était donc imposable, sauf s'il s'agissait d'une « récompense » exclue en vertu de l'alinéa 56(1)n). Le juge Dickson a fait remarquer que les mots « avantages de quelque nature que ce soit » ont « nettement un sens très large » . Un paiement peut entrer dans le cadre de l'article 6 sans nécessairement représenter la rémunération d'un service, car les mots anglais « in respect of » (quant à) ont « la portée la plus large possible » . Toute acquisition importante qui confère au contribuable un avantage économique et qui ne fait pas l'objet d'une exemption est visée par « la définition compréhensive » de l'alinéa 6(1)a) de la Loi.

[69]     L'avocat a fait valoir que les prestations reçues par l'appelant en l'espèce ne correspondaient pas à des paiements faits conformément à un « régime d'assurance » et n'étaient donc pas incluses dans le revenu en vertu de l'alinéa 6(1)f) de la Loi. La situation de l'appelant se distingue de ce qu'il en était dans des causes comme les affaires Landry et Whitehouse, précitées, qui indiquent que des paiements forfaitaires reçus d'une compagnie d'assurance, même s'ils n'entraient pas dans la catégorie des sommes payables « périodiquement » comme l'exige l'alinéa 6(1)f), seraient de toute façon considérés comme des paiements reçus par le contribuable en tant qu'assuré et non en tant qu'employé. (Voir Landry; Whitehouse au paragraphe 9; Dumas c. La Reine, C.C.I., no 1999-1633(IT)G, 26 octobre 2000, [2000] D.T.C. 2603; Cook c. La Reine, C.C.I., no 94-466(IT)I, 17 octobre 1994, 95 D.T.C. 853).

[70]     Une signification doit être attribuée à l'alinéa 6(1)a). Si la Cour acceptait l'interprétation proposée par l'appelant, elle pourrait devoir traiter l'alinéa 6(1)a) comme étant sans effet. Cela serait contraire à la règle d'interprétation des lois exigeant que chaque partie d'un texte se voit attribuer une signification. (Voir l'affaire Trans World Oil & Gas Ltd. c. La Reine, C.C.I., no 93-172(IT)G, 14 octobre 1994, 95 D.T.C. 260, appel rejeté, no A-571-94, 1er décembre 1997, 98 D.T.C. 6060 (C.A.F.) et l'ouvrage intitulé Driedger on the Construction of Statutes, 3e éd., Ruth Sullivan, aux pages 159 et 160.)

[71]     L'avocat était disposé à admettre qu'il semblait y avoir une certaine divergence de vues entre les juges de la Cour canadienne de l'impôt concernant l'application des alinéas 6(1)a) et 6(1)f) de la Loi dans les cas où un assureur fait un paiement forfaitaire. Outre les affaires Landry et Whitehouse, précitées, auxquelles l'appelant a renvoyé, il y a d'autres décisions récentes dans lesquelles on a plutôt suivi le raisonnement tenu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Savage pour statuer que les termes de l'alinéa 6(1)a) doivent se voir attribuer la portée la plus large possible. Dans l'affaire Dumas, précitée, l'honorable juge Mogan a refusé de s'inspirer de l'affaire Landry, en disant que les faits de celle-ci étaient distincts et qu'il ne s'agissait que d'un appel sous le régime de la procédure informelle. (Voir l'affaire Dumas, précitée, aux paragraphes 26 et 15, l'affaire Cook, précitée, au paragraphe 11, et l'affaire Cave c. Canada, C.C.I., no 98-1168(IT)I, 2 novembre 1999, [1999] A.C.I. no 735.)

[72]     De plus, les tribunaux ont statué qu'il faut veiller à ne pas utiliser sans discernement des maximes comme expressio unius est exclusio alterius (la mention de l'un implique l'exclusion de l'autre), notamment lorsque l'on cherche à les appliquer à deux dispositions différentes d'un même article. (Voir l'affaire Trans World Oil & Gas Ltd., précitée.)

[73]     L'avocat de l'intimée soutenait que dans l'affaire Savage, précitée, la Cour suprême du Canada a affirmé que l'alinéa 6(1)a) de la Loi a un sens vaste et a une large portée. Des prestations comme celles du régime de RIM qui ne proviennent pas d'un régime d'assurance et qui sont reçues au titre ou en vertu d'un emploi entrent dans le vaste cadre de l'alinéa 6(1)a) et non dans le cadre de l'alinéa 6(1)f). Il est clair que l'appelant en l'espèce a reçu les prestations en tant qu'employé et non en tant qu'assuré.

[74]     Les prestations reçues par l'appelant ne doivent pas être incluses dans le revenu comme indemnités d'accident du travail au sens de l'alinéa 56(1)v) de la Loi et ne sont donc pas déductibles en vertu du sous-alinéa 110(1)f)(ii) de la Loi.

[75]     Les prestations en cause ne correspondent pas au sens ordinaire de l'alinéa 56(1)v), qui concerne :

une indemnité reçue en vertu d'une loi sur les accidents du travail du Canada ou d'une province à l'égard d'une blessure, d'une invalidité ou d'un décès;

[76]     L'avocat a fait valoir que la Cour suprême du Canada a adopté une approche fondée sur le sens ordinaire des termes dans des causes récentes comme l'affaire Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622, au paragraphe 40, l'affaire 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, et l'affaire Will-Kare Paving & Contracting Ltd. c. Canada, [2000] 1 R.C.S. 915.

[77]     Les termes « loi sur les accidents du travail » ont un sens juridique bien établi et bien compris. Si la province choisit d'importer de la Loi une expression bien comprise et bien définie en droit, il ne serait pas approprié d'appliquer une interprétation différente. (Voir l'affaire Will-Kare Paving & Contracting Ltd., précitée, le bulletin d'interprétation IT-202R2, au paragraphe 1, la loi intitulée Workers' Compensation Act (Loi sur les accidents du travail), R.S.O. 1980, ch. 539, dans sa forme modifiée applicable en décembre 1987, la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État, L.R., ch. G-8, et l'affaire Whitney, précitée (appel de la Couronne en instance devant la Cour d'appel fédérale.)

[78]     Le fait que l'appelant considère les prestations reçues d'IBM comme étant de telles indemnités est contestable. Voir l'affaire Vincent c. M.R.N., C.C.I., no 87-40(IT), 14 juin 1988 (1988 CarswellNat 416), dans laquelle le juge Sarchuk a statué que l'alinéa 56(1)v) de la Loi utilise l'expression « une loi sur les accidents du travail du Canada ou d'une province » et se réfère donc « à des dispositions très précises qui ont pour objet d'accorder une indemnité, une aide médicale, des services ou des pensions aux employés ayant subi une blessure dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions, ces prestations étant en grande partie financées par les contributions auxquelles sont tenus les employeurs. » M. Suchon n'a pas reçu de tels paiements.

[79]     L'affaire Whitney, précitée, n'appuie pas l'appelant, car il est possible d'établir une distinction en raison du fait que les prestations ont été versées par suite d'un accident lié au travail, que le fondement de la demande a été reconnu par la commission provinciale de la santé et de la sécurité au travail et que les procédures suivies pour demander des prestations étaient conformes à la Loi sur les accidents du travail du Nouveau-Brunswick.

[80]     L'affaire Hepburn, précitée, peut être distinguée de la présente affaire, car M. Hepburn était en droit de recevoir des indemnités d'accident du travail. Pendant quatre ans, il a reçu de telles indemnités, et c'est seulement après cela qu'il a commencé à recevoir des prestations provenant du fonds de prestations et de pensions du service d'incendie. Dans de telles circonstances, la Commission de révision de l'impôt a considéré que ces prestations étaient un « remplacement » des indemnités d'accident du travail. En l'espèce, toutefois, M. Suchon n'a jamais reçu de telles indemnités d'accident du travail. Pour la même raison, l'avocat établissait une distinction entre la présente affaire et l'affaire Tushingham, précitée.

[81]     L'avocat a également fait référence à la décision subséquente, inédite, rendue oralement le 17 septembre 1997 par la Cour canadienne de l'impôt dans l'affaire Hepburn, précitée, et il faisait valoir que le juge Bonner disait dans cette décision que le ministre avait eu tort de conclure que l'indemnité reçue par l'appelant pour une blessure subie lors de son accident était un revenu en vertu de l'alinéa 56(1)v). Le juge Bonner a fait remarquer que l'indemnité avait été versée en vertu d'un règlement municipal et non en vertu d'une loi du Canada ou d'une province au sens de l'alinéa 56(1)v) de la Loi.

[82]     L'avocat arguait que la position de l'intimée en l'espèce était conforme à la pratique administrative que suit le ministre quand il applique ces dispositions. La position de l'intimée quant à l'inapplicabilité de l'alinéa 56(1)v) est conforme au bulletin d'interprétation IT-202R2.

[83]     Toutefois, dans l'un ou l'autre des scénarios reconnus dans ce bulletin, une demande est faite à la CAT et celle-ci détermine l'admissibilité à des indemnités d'accident du travail. En l'espèce, l'appelant n'a pas reçu de telles indemnités et ce n'est pas en remplacement de telles indemnités qu'il a eu des paiements de l'employeur. Aucune demande n'a été présentée à la CAT et aucune détermination d'admissibilité à des indemnités d'accident du travail n'a été faite.

[84]     L'avocat a fait remarquer que les bulletins d'interprétation et les politiques administratives ne lient pas la Cour, le contribuable ou le ministre. Ces aides extrinsèques peuvent être un facteur dans certains cas où il existe un doute quant au sens de la loi. Toutefois, pour ce qui est de la disposition légale considérée en l'espèce, le libellé est clair, et il n'existe aucun doute quant à l'interprétation qu'il convient d'en donner.

[85]     De plus, l'interprétation du ministre est conforme à la position adoptée par l'intimée dans le présent appel. D'autre part, l'appelant lit d'une manière sélective des passages isolés des bulletins d'interprétation et d'autres documents qu'il sort de leur contexte. Il est clair que, lue dans son ensemble, la politique du ministre qui est énoncée dans le bulletin d'interprétation IT-202R2 et ailleurs et qui consiste à inclure dans le revenu en vertu de l'alinéa 56(1)v) de la Loi certaines sommes reçues d'employeurs s'applique seulement à des indemnités d'accident du travail et non à toutes les sommes reçues d'un employeur par un employé.

[86]     Il y a une faille fatale dans la position énoncée au paragraphe 38 de l'argumentation de l'appelant. Dans ce paragraphe, l'appelant disait que [TRADUCTION] « s'il s'était adressé à la Commission des accidents du travail, il aurait été considéré comme admissible à des prestations » . L'appelant n'a pas prouvé qu'il recevait les prestations du régime de RIM par suite d'une blessure liée au travail, malgré le fait qu'il croyait personnellement et peut-être même sincèrement que tel était le cas.

[87]     De plus, l'assertion de l'appelant selon laquelle il aurait été admissible à des indemnités d'accident du travail s'il en avait demandées souligne l'importance pratique de l'exigence des dispositions indiquant qu'il faut qu'il s'agisse d'une indemnité reçue aux termes d'une loi fédérale ou provinciale sur les accidents du travail. Il existe une certitude quant à l'application des alinéas 56(1)v) et 110(1)f) de la Loi lorsque le ministre peut s'appuyer sur une décision rendue par une commission des accidents du travail fédérale ou provinciale. Il y aurait de l'incertitude dans l'application de ces dispositions si la Cour accueillait le présent appel en se fondant sur ce que la CAT pourrait avoir décidé si l'appelant avait demandé des indemnités.

[88]     Dans ses conclusions finales, l'avocat arguait que les prestations reçues d'IBM par l'appelant ne représentaient pas une indemnité reçue aux termes d'une loi fédérale ou provinciale sur les accidents du travail. La CAT ou une commission semblable n'a pas déterminé que l'invalidité de M. Suchon était liée au travail. Les prestations étaient payables à M. Suchon indépendamment de la cause de l'invalidité de ce dernier. Il n'y a aucune preuve que l'admissibilité aux prestations était liée de quelque manière au droit sur les accidents du travail.

[89]     L'appel devrait être rejeté.

Réplique aux observations de l'intimée

[90]     Dans sa réplique aux observations de l'intimée, l'appelant conteste la position de l'intimée que la blessure de M. Suchon n'était pas liée au travail, que les affaires Whitney, Hepburn et Tushingham peuvent être distinguées de la présente affaire du point de vue des faits, que les prestations d'invalidité de M. Suchon ne correspondent pas au sens ordinaire de l'alinéa 56(1)v) et que l'alinéa 6(1)a) s'applique en raison de sa vaste portée.

[91]     De plus, l'appelant faisait valoir que des éléments de preuve indiquaient que sa blessure était survenue au travail et il soutenait qu'il n'était pas nécessaire, en vertu de l'alinéa 56(1)v), que la CAT ait déterminé que sa blessure était liée au travail. Il contestait en outre les raisons que l'intimée avait données pour distinguer la présente affaire des affaires Whitney, Hepburn et Tushingham; il a argué que le sens de l'alinéa 56(1)v) n'étaye pas la position du ministre; enfin, il a émis l'opinion que l'alinéa 6(1)a) ne s'applique pas, car c'est la disposition plus précise, à savoir l'alinéa 56(1)v), qui s'applique.

[92]     L'appelant se fonde beaucoup sur la décision rendue par le juge Bowman dans l'affaire Whitney, précitée. Il dit que cette affaire ne peut être distinguée de la présente affaire du point de vue des faits, car la décision du juge Bowman se fondait sur l'objet des alinéas 56(1)v) et 110(1)f) de la Loi, et il dit que cette décision devrait s'appliquer aux paiements qui ont été faits à M. Suchon.

[93]     Faisant de nouveau référence à l'affaire Hepburn, précitée, l'appelant a argué que cette affaire ne peut être distinguée de la présente affaire sur le plan des faits et que le président Flanigan ne peut s'être fondé sur des indemnités d'accident du travail qui auraient pu être adjugées 19 ans plus tôt pour dire que le régime du service d'incendie de Toronto était un [TRADUCTION] « remplacement » du régime d'indemnités d'accident du travail. L'appelant a émis l'opinion qu'une interprétation plus réaliste et probable serait que cela signifiait que le régime du service d'incendie de Toronto remplaçait le régime des accidents du travail et non pas qu'il y était identique. De même, le régime d'IBM remplace le régime des accidents du travail.

[94]     Enfin, l'appelant a invoqué un argument non juridique dont il disait que c'était un argument fondé sur le bon sens et correspondant à un traitement équitable, à savoir que M. Suchon est pénalisé pour ne pas avoir voulu recourir à un système d'aide sociale déjà surchargé. Ne s'étant pas adressé à la CAT, il permet au gouvernement d'économiser chaque année une somme d'argent considérable, c'est-à-dire l'équivalent du plafond des indemnités d'accident du travail pour 1994.

[95]     Il a également émis l'opinion que, si la Cour acceptait la position de M. Suchon, il y aurait une perte d'impôt provincial et d'impôt fédéral, mais il y aurait aussi une économie globale pour l'État, car il ne reçoit pas d'indemnités d'accident du travail. (Il est à noter qu'aucune preuve n'a été présentée à l'appui de cet argument, même si celui-ci pouvait être pris en compte par la Cour.)

[96]     L'appelant soutenait que, en l'espèce, il pouvait subsister un doute raisonnable quant à l'interprétation exacte de la loi. Ce doute devrait être réglé par le recours à la présomption résiduelle en faveur du contribuable, et aucun impôt ne devrait être appliqué.

[97]     L'appelant contestait les assertions que l'avocat de l'intimée a faites dans ses observations écrites quant à savoir si la Cour devrait accorder du poids à de l'information assimilée à du ouï-dire par l'avocat, comme l'information mentionnée dans la [TRADUCTION] « pièce A-1, notes pour le dossier » . L'appelant arguait que ces notes ne pouvaient être considérées comme du ouï-dire, car les énoncés se rapportaient seulement à des éléments factuels et ont été faits par des employés d'IBM experts dans leurs domaines. De plus, M. Putman a été questionné à fond sur les « notes pour le dossier » ; il s'agit de commentaires qu'il a fait dans le cadre d'une enquête officielle et qui doivent être considérés comme des éléments de preuve valables.

Analyse et décision

[98]     En l'espèce, l'appelant n'était pas représenté par un avocat. Ce point a été abordé à l'ouverture de l'audience, et la Cour est convaincue que l'appelant s'est vu accorder toute possibilité raisonnable de se prévaloir des services d'un avocat. Il a choisi de ne pas le faire. Si son omission de retenir les services d'un avocat donne lieu à une lacune dans l'énonciation de faits nécessaires ou convaincants qu'il entend invoquer, cette lacune ne peut être comblée par la Cour, qui ne peut se baser sur des faits que l'on cherche à faire admettre en preuve à l'étape de l'argumentation.

[99]     Pendant le procès, des questions se sont posées quant à la recevabilité de certains éléments de preuve, et la Cour a rendu ses décisions à ce moment. Les parties comprenaient bien quel était le résultat de ces décisions de la Cour à ce moment et comprenaient bien que la Cour ne pourrait se baser sur des faits non consignés en preuve pendant le procès. Le présent jugement doit être rendu sur la base des éléments de preuve qui ont été admis par la Cour pendant le procès.

[100] Cela dit, on pourrait supposer que, si l'appelant avait été représenté par un avocat, vu les arguments invoqués dans les observations écrites, il aurait probablement souhaité présenter des éléments de preuve détaillés quant à savoir quelle était la nature de sa demande, comment elle avait été faite, si elle avait fait l'objet d'une décision rendue par une commission, si IBM faisait partie du régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail de l'Ontario, quelles étaient les exigences de ce régime pour être considéré comme admissible à des indemnités d'accident du travail ou en quoi la situation factuelle de l'appelant faisait que ce dernier entrait dans le cadre des diverses dispositions de la Loi qu'il invoque pour obtenir la mesure de redressement qu'il demande.

[101] Une telle ligne de conduite de la part de l'appelant pourrait ou non avoir été cruciale pour sa cause; quoi qu'il en soit, la présentation de tels éléments de preuve pourrait avoir placé sa cause dans une perspective différente.

[102] Sous réserve de cette limitation, la Cour est toutefois convaincue qu'elle a devant elle suffisamment d'éléments de preuve quant à la situation factuelle donnant lieu à la présente affaire. En fait, cette situation n'est ni compliquée ni déroutante.

[103] La preuve indique clairement qu'en 1982, alors qu'il était employé par IBM, l'appelant a eu un accident en plongeant au cours d'un événement organisé par son employeur et est devenu paralysé à partir des épaules. C'est assurément sa blessure - et non le transfert d'un service à un autre immeuble et le changement de milieu de travail de l'appelant - qui a fini par donner lieu à sa demande relative aux prestations d'invalidité considérées en l'espèce. Le transfert et le changement en question ont été considérés comme incompatibles avec les besoins de l'appelant et avec sa capacité de remplir les fonctions qu'on exigeait de lui. Et c'est ainsi que l'appelant a fini par obtenir les prestations d'invalidité en cause. Ces conditions n'étaient que des manifestations subséquentes de la blessure que l'appelant avait subie lors de l'événement organisé par IBM.

[104] En ce qui a trait à l'événement organisé par IBM, on n'a présenté aucun élément de preuve permettant à la Cour de conclure s'il s'agissait ou non d'un événement lié au travail. Assurément, si le facteur actif ayant donné lieu aux prestations d'invalidité tenait aux difficultés que l'appelant s'est mis à avoir un certain temps après l'accident, il ne ferait aucun doute qu'un tel événement était lié au travail.

[105] L'avocat de l'intimée soutenait que l'accident ayant donné lieu à la demande relative aux prestations n'était pas lié au travail, mais cela n'était qu'un des facteurs qu'il mentionnait dans ses observations comme indiquant que ces prestations devaient être déclarées comme étant d'autres revenus dans le calcul du revenu en vertu de l'alinéa 6(1)a).

[106] D'autre part, l'appelant soutenait qu'il n'y avait aucun problème quant à la question de savoir si l'accident ayant donné lieu à sa demande de prestations était lié au travail et il avait présumé que l'intimée avait accepté le fait que l'accident était lié au travail. C'est assurément une question qui aurait été explorée d'une manière plus complète si l'appelant avait été représenté par un avocat. Cela n'est toutefois pas un facteur déterminant dans la décision de la Cour en l'espèce.

[107] En bref, l'appelant soutient fondamentalement que la situation factuelle en l'espèce est identique à ce qu'il en était dans les affaires Hepburn, Tushingham et Whitney, précitées. Il soutient notamment que la Cour devrait rendre une conclusion en sa faveur sur le point le plus important, à savoir que les paiements qu'il a reçus sont des indemnités reçues aux termes d'une loi fédérale ou provinciale sur les accidents du travail (ou des prestations tenant lieu de telles indemnités) conformément à l'alinéa 56(1)v). Dans ses observations, l'appelant a renvoyé à l'affaire Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3, 95 D.T.C. 5017, dans laquelle la Cour suprême du Canada a fait une déclaration quant aux principes devant s'appliquer dans l'interprétation de la législation fiscale. C'est ce que l'on appelle l'approche « téléologique » .

[108] L'appelant soutient que, sur la foi de ces principes, notre cour devrait conclure qu'une règle particulière l'emporte sur une règle générale et que l'alinéa 56(1)v) l'emporte donc sur l'alinéa 6(1)a), à savoir une disposition générale, lorsque les deux peuvent s'appliquer.

[109] L'appelant argue que l'objet des dispositions sur l'inclusion et l'exclusion des alinéas 56(1)v) et 110(1)f) est d'exonérer d'impôt une indemnité pour blessure liée au travail et que l'objet de ces dispositions a un caractère libéral. Ces dispositions relatives à l'impôt doivent recevoir une interprétation libérale plutôt que stricte.

[110] L'appelant argue également que la Cour d'appel fédérale a statué que la Cour doit appliquer une approche humaine et compatissante relativement aux dispositions analogues à l'article 118.3, qui traite de crédits d'impôt pour personnes handicapées, et qu'il y a un parallèle évident entre cet article et les articles relatifs aux paiements d'invalidité qui ont été présentés en l'espèce.

[111] D'autre part, dans ses observations écrites, l'avocat de l'intimée soutient que les dispositions sur lesquelles l'appelant cherche à se fonder pour éviter les conséquences fiscales ne s'appliquent pas aux faits en l'espèce. L'appelant n'a pas été blessé dans un accident lié au travail, aucune décision n'a été rendue par une commission ou autorité pouvant être semblable à une autorité constituée aux termes d'une loi fédérale ou provinciale sur les accidents du travail, les prestations d'invalidité reçues par l'appelant sont imposables et ces prestations doivent être incluses comme étant d'autres revenus dans le calcul du revenu d'emploi en vertu de l'alinéa 6(1)a) de la Loi.

[112] L'avocat de l'intimée soutenait également que la loi n'est pas équivoque et qu'il n'y a aucune ambiguïté dans les dispositions d'exception de l'alinéa 56(1)v) ou du sous-alinéa 110(1)f)(ii). Pour pouvoir être déduite en vertu de ce sous-alinéa, l'indemnité doit être reçue aux termes d'une loi fédérale ou provinciale sur les accidents du travail pour une blessure, une invalidité ou un décès. Cela ne correspond pas aux faits en l'espèce. La coexistence d'un article particulier et d'un article général dans la même loi ne présentait nullement de problème à l'avocat. Toutefois, en l'espèce, les prestations de l'appelant n'étaient pas déductibles en vertu de cet article particulier et entraient dans le revenu imposable en vertu des dispositions dites générales de l'alinéa 6(1)a) de la Loi.

[113] Les deux avocats ont fait référence à un certain nombre d'affaires à l'appui de leur position, dans laquelle ils étaient confortés par les affirmations faites dans ces affaires, malgré le fait que le résultat final de celles-ci puisse ne pas étayer leur position finale. Les affaires citées dépendaient, comme dans tous les cas, des faits qui leur étaient propres, et aucune d'elles ne peut être considérée comme correspondant complètement aux faits en l'espèce. Par conséquent, pour parvenir à sa décision, la Cour doit prendre en compte les faits particuliers en l'espèce par rapport à la loi telle qu'elle l'interprète.

[114] La Cour estime que le Parlement a un rôle suprême pour ce qui est de l'établissement des lois. Notre cour ne considère pas que son rôle est de substituer son opinion à celle du Parlement lorsque l'intention de ce dernier est claire. Elle ne considère pas non plus qu'elle est là pour chercher à interpréter une disposition légale de manière à donner lieu à un résultat qui serait clairement différent de ce que voulait le Parlement.

[115] C'est seulement lorsqu'il y a une certaine ambiguïté dans la loi et que l'intention du Parlement n'est pas claire au vu de la loi qu'un tribunal peut avoir à déterminer s'il convient d'interpréter une loi d'une manière stricte ou libérale, si une règle particulière l'emporte sur une règle générale, ou s'il convient d'aller plus loin comme le suggère l'appelant et d'utiliser une approche humaine et compatissante.

[116] Les principes d'interprétation des lois fiscales énoncés dans l'affaire Bon-Secours, précitée, sont applicables en l'espèce et doivent être suivis. Cette affaire indique clairement que l'interprétation des lois fiscales doit être conforme aux règles ordinaires d'interprétation. Notre cour interprète cela comme signifiant qu'elle ne doit aller au-delà des règles ordinaires d'interprétation que lorsque l'intention du Parlement n'est pas claire. L'approche téléologique peut favoriser le contribuable ou le fisc selon la disposition légale en cause et non selon l'existence d'hypothèses prédéterminées. La Cour doit privilégier le fond sur la forme dans la mesure où cela est conforme au libellé et à l'objet de la loi.

[117] En l'espèce, la Cour conclut que l'objet de la loi ressort clairement des diverses dispositions en cause.

[118] L'alinéa 6(1)a) indique clairement qu'un contribuable doit inclure dans son revenu « la valeur de la pension, du logement et autres avantages quelconques qu'il a reçus ou dont il a joui dans l'année au titre, dans l'occupation ou en vertu d'une charge ou d'un emploi » . Cet alinéa peut être couramment qualifié de disposition générale, mais, assurément, il est aussi important qu'une disposition dite particulière, sauf lorsqu'il y a une ambiguïté dans la loi. L'alinéa 56(1)v) et le sous-alinéa 110(1)f)(ii) ont été qualifiés de dispositions particulières, et l'argument est que, lorsqu'une disposition particulière et une disposition générale peuvent toutes les deux s'appliquer, la Cour doit appliquer la disposition particulière. Il est toutefois certain qu'il n'en est ainsi que lorsque la disposition particulière s'applique de manière à exonérer d'impôt un paiement ou un montant comme le paiement reçu en l'espèce. Si la disposition particulière ne s'applique pas au paiement en cause, la Cour doit appliquer la disposition générale, malgré le fait que celle-ci puisse être très vaste quant à son application et d'une large portée. Voir l'affaire Savage, précitée.

[119] Vu la teneur claire des dispositions citées, la Cour n'a aucun doute que ce que l'appelant en l'espèce a reçu ne correspondait pas à ce qui est énoncé à l'alinéa 56(1)v) et au sous-alinéa 110(1)f)(ii), c'est-à-dire que ce n'était pas une indemnité reçue aux termes d'une loi fédérale ou provinciale sur les accidents du travail pour blessure, invalidité ou décès. La Cour doit donc déterminer si cela entre dans le cadre des dispositions de l'alinéa 6(1)a) de la Loi. Elle est convaincue que tel peut être le cas.

[120] La seule autre façon dont l'appelant pourrait obtenir la mesure de redressement qu'il demande en l'espèce serait que la Cour conclue que les paiements qu'il a reçus étaient un remplacement d'une indemnité reçue aux termes d'une loi fédérale ou provinciale sur les accidents du travail et que le Parlement entendait que les sommes correspondant à un tel remplacement fassent l'objet des dispositions d'exonération du sous-alinéa 110(1)f)(ii).

[121] L'appelant demande essentiellement à la Cour de conclure que tout régime ayant certains des attributs d'un régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail, indépendamment du nombre d'attributs manquants, devrait être considéré comme étant l'équivalent ou un remplacement d'un tel régime et comme faisant l'objet de cette disposition d'exonération. En d'autres termes, il suffit de l'habit pour faire le moine. Notre cour ne trouve aucun fondement à une telle conclusion dans la loi, qu'elle considère comme étant bien claire.

[122] En définitive, la Cour est convaincue que le régime en vertu duquel l'appelant a reçu les prestations d'invalidité en cause en l'espèce ne correspondait pas à une indemnité reçue aux termes d'une loi fédérale ou provinciale sur les accidents du travail pour blessure, invalidité ou décès et que ces prestations n'ont pas été reçues en vertu d'un régime ou arrangement qui était un remplacement d'un régime fédéral ou provincial d'indemnisation des victimes d'accidents du travail.

[123] La Cour est convaincue que de telles prestations ne sont pas destinées à être incluses dans cette disposition d'exonération et que, si le Parlement avait voulu qu'elles le soient, il pourrait très facilement l'avoir précisé dans la loi. Il ne l'a toutefois pas fait. Il a expressément exonéré un certain type de paiement qui ne correspond pas au paiement en cause en l'espèce, lequel entre dans le cadre des dispositions de l'alinéa 6(1)a) de la Loi.

[124] Notre cour a pris en compte les observations très habiles basées sur les affaires Hepburn, Tushingham et Whitney et autres faites par l'appelant. Toutefois, conclure que les prestations reçues en l'espèce étaient des indemnités reçues aux termes d'une loi sur les accidents du travail comme l'exige l'alinéa 56(1)v) constituerait une interprétation en vertu de laquelle cette disposition serait méconnaissable.

[125] Il se peut très bien que, « [d]e façon générale, le but des alinéas 56(1)v) et 110(1)f) de la Loi de l'impôt sur le revenu est de faire en sorte que les indemnités versées aux travailleurs victimes d'un accident du travail qui ne peuvent pas travailler soient exonérées d'impôt » , mais, pour être non imposables, les indemnités doivent répondre aux exigences expresses de ces dispositions, ce qui n'est pas le cas des paiements en cause en l'espèce. Ces paiements ont été effectués en vertu d'un régime d'invalidité établi par la société elle-même et, malgré le fait qu'ils peuvent avoir certains attributs d'une indemnité payable aux termes d'une loi fédérale ou provinciale sur les accidents du travail, ils ne représentent pas la même chose et ne répondent pas aux exigences de la définition énoncée dans les dispositions mentionnées.

[126] De plus, la Cour conclut que les prestations reçues par l'appelant n'étaient pas des paiements faits conformément à un « régime d'assurance » et qu'elles n'ont pas à être incluses comme revenus en vertu de l'alinéa 6(1)f) de la Loi.

[127] L'avocat de l'intimée a émis l'opinion qu'il semble y avoir une certaine divergence de vues entre les juges de notre cour concernant l'application des alinéas 6(1)a) et 6(1)f) de la Loi dans les cas où un assureur fait un paiement forfaitaire, mais, dans ce cas-ci comme dans tout autre, notre cour est liée par les faits propres à l'affaire. Les faits de l'affaire Whitney, précitée, sont fort semblables à ceux en l'espèce, mais ils ne sont pas identiques. Les conclusions rendues dans d'autres affaires mentionnées par les deux avocats ne sont pas incompatibles avec les conclusions rendues par notre cour en l'espèce.

[128] En conséquence, les appels sont rejetés et la cotisation du ministre est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d'octobre 2001.

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour d'avril 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur

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